Formidable.
350 pages intenses pour 25 € en librairie, qui nous en apprennent encore et assurent quelques piqures de rappel.
Reportage chez les marins abandonnés sur les quais de l’oubli de la mondialisation.
70% de la flotte mondiale navigue sous pavillon de complaisance comme le précise après ce chapitre une documentation bien utile.
Rites étranges chez des artisans compagnons en Allemagne de chantier en chantier,
des images d’école en Iran avec poules dans la cour et le printemps sur le chemin,
l’hiver en Sibérie autour d’une petite fille au bonnet rouge comme le commandant Cousteau.
L’œuvre d’un ophtalmologue en Inde où sont soignés des centaines de milliers de malades.
Dans ce volume aux images considérables, les icônes Elisabeth II et Mao ont les couleurs de l’évidence et de l'habitude.
Le titre du dossier « L’Afrique en face » est tout à fait justifié avec trois reportages qui en mettent plein la face :
le petit monde des affaires pétrolières au Nigéria,
une grand-mère courage en Ouganda qui se conforte une dignité grâce à la photographe italienne qui lui donne à commenter ses clichés,
les domestiques au Kenya.
Alors lors d’un entretien avec Gilles Peress, quand ce membre de l’agence Magnum dit que
« toute image est le résultat d’une bataille entre la forme et le contenu »
nous voyons bien que tout ce beau livre, ce livre fort illustre cette tension :
des pastels glacés de la Sibérie
aux nuits charbonneuses d’Ouganda
et les rendez vous annuels pendant 20 ans d’un photographe avec une famille londonienne où l’enfant grandit et les parents vieillissent...
samedi 5 mai 2012
vendredi 4 mai 2012
A qui profite la mondialisation ?
Au Forum Libération, un titulaire de la chaire d’économie au Collège de France Roger Guesnerie et un professeur à l’Ecole des Mines Pierre Noël Giraud décrivent l’implosion du système financier en utilisant des images maritimes avec passagers inquiets et officiers rassurants.
La grand voile est effondrée.
A reprendre mes notes trop lacunaires d’alors, les ravages dans ma mémoire viennent mettre en évidence l’inculture économique qui était celle de ma génération qui n’a pas connu non plus la génétique.
Je me laisse consoler facilement par une camarade qui souligne que tant d’experts se sont tellement trompés que de dater l’acquiescement au libre échange est de peu d’importance.
Alors je ramasse un morceau de Jean Viard sociologue qui a le mérite d’être clair :
« L’humanité s’est réunifiée. Dans son histoire, il y a eu trois grandes ruptures. Chaque fois, les contemporains ont été terrorisés, chaque fois, les générations futures ont trouvé ça extraordinaire.
Première rupture : la chute de l’empire romain et l’avènement de la culture monothéiste.
Deuxième rupture : Christophe Colomb dit que la Terre est ronde et l’on découvre un nouveau continent, ce qui met à bas toutes les représentations de l’espace et du monde.
Enfin, troisième rupture, la Terre constate qu’elle est unifiée.
On est dans cette phase. »
J’avais bien lu par ailleurs la révolution que constituaient les conteneurs et que les pays émergents étaient concernés et non plus seulement la zone atlantique.
La Chine et l’Inde délocaliseront en Afrique.
Le creusement des inégalités n’est pas fatal : Lula l’a stoppé.
La finance compte garder les rendements en refilant les risques aux états : la régulation se fait par les kraks et non plus par l’inflation.
Et si la poussière du convoi n’est pas encore retombée, une autre métaphore qui met en image la tectonique des plaques me parle.
A l’encontre des mots qui envahissent tout l’espace des idées en accusant la mondialisation de tous les maux, je ne sais mesurer s’il y a peu de perdants à l’échelle mondiale, si tout est si bien pour le milliard d’en bas. En tous cas si tout dépend des idées, je sens tout le poids de mon âge, dans un vieux pays de notre ancien continent.
.....
Le dessin du Canard de la semaine
La grand voile est effondrée.
A reprendre mes notes trop lacunaires d’alors, les ravages dans ma mémoire viennent mettre en évidence l’inculture économique qui était celle de ma génération qui n’a pas connu non plus la génétique.
Je me laisse consoler facilement par une camarade qui souligne que tant d’experts se sont tellement trompés que de dater l’acquiescement au libre échange est de peu d’importance.
Alors je ramasse un morceau de Jean Viard sociologue qui a le mérite d’être clair :
« L’humanité s’est réunifiée. Dans son histoire, il y a eu trois grandes ruptures. Chaque fois, les contemporains ont été terrorisés, chaque fois, les générations futures ont trouvé ça extraordinaire.
Première rupture : la chute de l’empire romain et l’avènement de la culture monothéiste.
Deuxième rupture : Christophe Colomb dit que la Terre est ronde et l’on découvre un nouveau continent, ce qui met à bas toutes les représentations de l’espace et du monde.
Enfin, troisième rupture, la Terre constate qu’elle est unifiée.
On est dans cette phase. »
J’avais bien lu par ailleurs la révolution que constituaient les conteneurs et que les pays émergents étaient concernés et non plus seulement la zone atlantique.
La Chine et l’Inde délocaliseront en Afrique.
Le creusement des inégalités n’est pas fatal : Lula l’a stoppé.
La finance compte garder les rendements en refilant les risques aux états : la régulation se fait par les kraks et non plus par l’inflation.
Et si la poussière du convoi n’est pas encore retombée, une autre métaphore qui met en image la tectonique des plaques me parle.
A l’encontre des mots qui envahissent tout l’espace des idées en accusant la mondialisation de tous les maux, je ne sais mesurer s’il y a peu de perdants à l’échelle mondiale, si tout est si bien pour le milliard d’en bas. En tous cas si tout dépend des idées, je sens tout le poids de mon âge, dans un vieux pays de notre ancien continent.
.....
Le dessin du Canard de la semaine
jeudi 3 mai 2012
L'expressionnisme allemand « Die Brücke » Le douloureux enfantement de l'art moderne en Allemagne par Catherine de Buzon.
Die Brücke (1905-1913) est un mouvement essentiel dans la naissance de l'art moderne.
Signifie « le pont », entre l'ancien et le nouveau.
« Ce qu'il fallait quitter, c'était clair pour nous ; où cela nous mènerait-il, voilà qui l'était, il est vrai, beaucoup moins ... »
A Dresde, en Saxe, en 1905, des jeunes gens se réunissent, dans l'effervescence (Kirchner, Bleylk, Heckel, Schmidt-Rottluff). Leurs projets s'opposent au monde qui les entoure.
Dans le jeune empire allemand, vers 1900, c'est le triomphe du capitalisme volontariste. Le miracle économique s'accompagne d'une forte poussée démographique. Les villes se développent et Berlin est la plus grande ville d’Europe.
Issus de familles bourgeoises, en opposition à leurs parents, ils veulent être artistes mais doivent suivre les cours de l'école d'architecture de Dresde. Plus ou moins assidus, ils rêvent d'un monde plus solidaire, en harmonie avec la nature. La nouvelle peinture se définira par la volonté de rompre avec l'académisme. Gauguin (couleurs, vie dans les îles), Ensor, Munch et surtout Van Gogh les inspirent.
Nolde conseillait, au lieu de « Brücke » d'appeler le groupe « Van Goghiana ». Il joue un rôle déterminant dans l'orientation du groupe, orchestré par Kirchner et dissous en 1913.
L'atelier du 65 Berliner Strasse est décoré d'objets et de meubles construits par eux, avec du bois de récupération, des statuettes témoignent de leur fascination pour l'art primitif, les gravures, les dessins, les peintures, « nus d'un quart d'heure » représentant leurs compagnes. Il est le cadre de grandes discussions où les références à Nietzsche abondent. Leur été se passe près du lac de Moritzburg. Dans cette nouvelle Arcadie, ils vivent nus, très proche les uns des autres, ils ne signent pas leurs tableaux. Pour vivre de leur art, ils créent une association, font de nombreuses expositions et éprouvent le besoin d'aller dans une grande ville. En 1911, ils s'installent à Berlin et en seront transformés : le groupe éclate et se sépare en 1913. La guerre va les happer. Les gravures sur bois sont les réalisations les plus formidables du groupe, successeur des maîtres du 15 et 16ième siècles (Dürer, Cranach Holbein...)
Kirchner (1880-1938). Son père est ingénieur. Il peint d'abord, comme tous, à la Van Gogh, de nombreux portraits de sa compagne Dodo. L’influence de Matisse est aussi manifeste quand on voit sa palette chaude où les accords chromatiques sont essentiels, avec ses visages bleus et des cernes autour des formes. La couleur se libère dans des dessins et aquarelles rapides de Fränzi et Marcella dans le décor de l'atelier. A Berlin, il raconte les nuits « chaudes » avec un trait aiguisé où une grande tension est perceptible jusqu’à la violence. Il nous montre les bourgeois et les « cocottes » qui deviennent des personnages étranges, aux pieds étirés, aux silhouettes anguleuses.
On retrouve la même ambiance lourde, les mêmes tonalités chez Nolde qui a rejoint le groupe en 1905. Il peint sa nouvelle compagne, Erna. Traumatisé par la guerre, ce « volontaire involontaire » ne peut plus peindre, englouti dans l'angoisse. Malade, drogué à la morphine, il vit à Davos, conçoit quelques très belles gravures, quelques toiles. Il se suicide en 1938, après que les nazis aient déclaré Die Brücke « art dégénéré ».
Heckel (1883 – 1970) : fils d'ingénieur, organisateur du groupe (appartement, expositions..). Il construit par cernes et imite lui aussi Van Gogh. Ses paysages de couleur rouge s’étalent sur de grandes surfaces. Passionné par les émaux, ses gravures sur bois comportent toujours des esquilles laissées volontairement. .A Berlin, à partir de 1911, sa peinture devient sèche, plus terreuse. En 1913 il peint la toile « Jour de verre » qui devient l’icône du groupe. Il rencontre le cubisme. Pendant 14-18 : il ne peint pas de tableaux de guerre mais un superbe autoportrait et des paysages de campagne lumineux et pleins d'espoir.
Schmidt-Rottluff (1884 -1976): fils d'un meunier, il les rejoint plus tard. Sur ses surfaces brossées, le rouge déferle. En 1910 « La percée dans la digue ». A Berlin, peintures fortes et gravures, plus graves après la guerre.
Pechstein: (1881 – 1955): fils d'un contremaître. Il suit une formation académique dont il aura du mal à se débarrasser pour ne plus être lisible. Il rejoint le groupe en 1906 et part à Berlin dès 1908, il voyage en Italie (toiles remarquables par leur composition, proches du cubisme). Au front, sur du mauvais papier, il tient une véritable chronique de l'horreur quotidienne.
Mueller : (1874 -1910) les rejoint en 1910. Raffinement, douceur, formes et rythme. Il peint exclusivement le corps de la femme (jeunes silhouettes bucoliques). Il apporte beaucoup au groupe sur la préparation de la peinture (ex : utilisation de la glu d'où des couleurs plus ternes.) Détruit par la guerre, au retour, son seul sujet sera les gitans, « innocents » car pas concernés par le conflit.
Nolde, artiste très indépendant, plus âgé, très connu, n'accompagnera que 18 mois l'aventure commune. Passionné de la couleur, peintre des jardins, des paysages si puissamment colorés qu'ils gomment les personnages.
« Ce qu'il fallait quitter, c'était clair pour nous ; où cela nous mènerait-il, voilà qui l'était, il est vrai, beaucoup moins ... »
A Dresde, en Saxe, en 1905, des jeunes gens se réunissent, dans l'effervescence (Kirchner, Bleylk, Heckel, Schmidt-Rottluff). Leurs projets s'opposent au monde qui les entoure.
Dans le jeune empire allemand, vers 1900, c'est le triomphe du capitalisme volontariste. Le miracle économique s'accompagne d'une forte poussée démographique. Les villes se développent et Berlin est la plus grande ville d’Europe.
Issus de familles bourgeoises, en opposition à leurs parents, ils veulent être artistes mais doivent suivre les cours de l'école d'architecture de Dresde. Plus ou moins assidus, ils rêvent d'un monde plus solidaire, en harmonie avec la nature. La nouvelle peinture se définira par la volonté de rompre avec l'académisme. Gauguin (couleurs, vie dans les îles), Ensor, Munch et surtout Van Gogh les inspirent.
Nolde conseillait, au lieu de « Brücke » d'appeler le groupe « Van Goghiana ». Il joue un rôle déterminant dans l'orientation du groupe, orchestré par Kirchner et dissous en 1913.
L'atelier du 65 Berliner Strasse est décoré d'objets et de meubles construits par eux, avec du bois de récupération, des statuettes témoignent de leur fascination pour l'art primitif, les gravures, les dessins, les peintures, « nus d'un quart d'heure » représentant leurs compagnes. Il est le cadre de grandes discussions où les références à Nietzsche abondent. Leur été se passe près du lac de Moritzburg. Dans cette nouvelle Arcadie, ils vivent nus, très proche les uns des autres, ils ne signent pas leurs tableaux. Pour vivre de leur art, ils créent une association, font de nombreuses expositions et éprouvent le besoin d'aller dans une grande ville. En 1911, ils s'installent à Berlin et en seront transformés : le groupe éclate et se sépare en 1913. La guerre va les happer. Les gravures sur bois sont les réalisations les plus formidables du groupe, successeur des maîtres du 15 et 16ième siècles (Dürer, Cranach Holbein...)
Kirchner (1880-1938). Son père est ingénieur. Il peint d'abord, comme tous, à la Van Gogh, de nombreux portraits de sa compagne Dodo. L’influence de Matisse est aussi manifeste quand on voit sa palette chaude où les accords chromatiques sont essentiels, avec ses visages bleus et des cernes autour des formes. La couleur se libère dans des dessins et aquarelles rapides de Fränzi et Marcella dans le décor de l'atelier. A Berlin, il raconte les nuits « chaudes » avec un trait aiguisé où une grande tension est perceptible jusqu’à la violence. Il nous montre les bourgeois et les « cocottes » qui deviennent des personnages étranges, aux pieds étirés, aux silhouettes anguleuses.
On retrouve la même ambiance lourde, les mêmes tonalités chez Nolde qui a rejoint le groupe en 1905. Il peint sa nouvelle compagne, Erna. Traumatisé par la guerre, ce « volontaire involontaire » ne peut plus peindre, englouti dans l'angoisse. Malade, drogué à la morphine, il vit à Davos, conçoit quelques très belles gravures, quelques toiles. Il se suicide en 1938, après que les nazis aient déclaré Die Brücke « art dégénéré ».
Heckel (1883 – 1970) : fils d'ingénieur, organisateur du groupe (appartement, expositions..). Il construit par cernes et imite lui aussi Van Gogh. Ses paysages de couleur rouge s’étalent sur de grandes surfaces. Passionné par les émaux, ses gravures sur bois comportent toujours des esquilles laissées volontairement. .A Berlin, à partir de 1911, sa peinture devient sèche, plus terreuse. En 1913 il peint la toile « Jour de verre » qui devient l’icône du groupe. Il rencontre le cubisme. Pendant 14-18 : il ne peint pas de tableaux de guerre mais un superbe autoportrait et des paysages de campagne lumineux et pleins d'espoir.
Schmidt-Rottluff (1884 -1976): fils d'un meunier, il les rejoint plus tard. Sur ses surfaces brossées, le rouge déferle. En 1910 « La percée dans la digue ». A Berlin, peintures fortes et gravures, plus graves après la guerre.
Pechstein: (1881 – 1955): fils d'un contremaître. Il suit une formation académique dont il aura du mal à se débarrasser pour ne plus être lisible. Il rejoint le groupe en 1906 et part à Berlin dès 1908, il voyage en Italie (toiles remarquables par leur composition, proches du cubisme). Au front, sur du mauvais papier, il tient une véritable chronique de l'horreur quotidienne.
Mueller : (1874 -1910) les rejoint en 1910. Raffinement, douceur, formes et rythme. Il peint exclusivement le corps de la femme (jeunes silhouettes bucoliques). Il apporte beaucoup au groupe sur la préparation de la peinture (ex : utilisation de la glu d'où des couleurs plus ternes.) Détruit par la guerre, au retour, son seul sujet sera les gitans, « innocents » car pas concernés par le conflit.
Nolde, artiste très indépendant, plus âgé, très connu, n'accompagnera que 18 mois l'aventure commune. Passionné de la couleur, peintre des jardins, des paysages si puissamment colorés qu'ils gomment les personnages.
mercredi 2 mai 2012
« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 9
Après un petit déjeuner sucré ou salé selon les goûts, nous nous élançons dans le métro noir de monde. Au moment de monter dans la 2ème rame qui doit nous conduire à Petrogradskaya et pressés contre les portes automatiques, Mitch vient de se faire dérober son appareil photo dans son sac à dos.
Les stations de métro sont espacées, sans doute en partie parce que nous passons sous la Neva. Nous sortons dans le flux humain à Kamennoostrovski Prospekt et cherchons le musée Kirov au n° 26-28. Il n’ouvre ses portes au public qu’à partir de 11h, nous traînons alors dans ce quartier « Modern style » en direction du musée de l’histoire politique. Nous demandons souvent le chemin de ce musée visiblement peu connu. Il doit se cacher par derrière la mosquée ; le bâtiment religieux est caractérisé par une coupole en ogive plutôt qu’en arrondi et avec ses minarets, l’ensemble manque d’élégance. On n’ose imaginer par ces températures, les ablutions et l’abandon des chaussures à l’entrée …
Nous poussons la porte d’entrée d’un superbe hôtel particulier style art nouveau d’une danseuse rendue célèbre par sa liaison avec Nicolas II. Là, nous faisons face à des vitraux à dominance rouge disposés dans une rotonde représentant Lénine, conquérant. Mais nous n’avons pas l’intention de visiter le musée, comme la classe de collégiens chaussés des babouches protectrices qui envahit le hall. Nous passons juste un petit moment à fouiner dans les cartes postales politiques sous l’œil bienveillant de la caissière.
Il est l’heure de retourner au musée appartement de Kirov, heureusement signalé par une plaque en bas de l’immeuble. Très populaire, l’ancien secrétaire du parti à Léningrad ne tardera pas à représenter une menace pour le « Petit père des peuples ». Son assassinat en 1934 marque le début des grandes purges.
Deux vieilles dames attendent et reçoivent le visiteur, mais elles ne décrochent pas un mot d’anglais ou de français. Elles appellent une 3ème femme plus jeune, qui utilise plus de russe que d’anglais dans ses phrases. Elle nous fournit des explications écrites traduites dans un français très approximatif et s’accroche à un document en anglais qu’elle essaie de lire. La visite à la badine (au vrai sens du terme) commence ; cette dame ne comprend pas que nous pouvons nous débrouiller seuls ; elle guide, montrant les objets de sa baguette, nous imposant de nous placer là, de regarder ici, de nous aligner ainsi… bien sûr que nous vient à l’esprit : « une vraie stalinienne ! »
Nous découvrons au 4ème étage le « mémorial » : une pièce qui expose les cadeaux de « rapport » offert à Kirov par les usines ou les entreprises russes ; comme les deux peaux d’ours l’un blanc, l’autre brun qui proviennent de marins en remerciement d’un sauvetage, les faisans empaillés qui dénotent son goût pour la chasse, les différents objets, des téléphones en grand nombre qui témoignent de sa vie et de sa fonction. La 2ème pièce en enfilade, est une bibliothèque en bois, la 3ème, toujours en enfilade, la salle à manger décorée d’animaux empaillés. La 4ème pièce ne se visite pas, elle correspond à la chambre à coucher actuellement en rénovation. Nous revenons sur nos pas dans le hall et découvrons la salle de « récréation », c’est-à-dire le lieu de bricolage de Kirov avec une vitrine de chasse (vêtements et gibecières, des munitions et de quoi les fabriquer), des outils de charpentier, des patins à glace….
A signaler dans les curiosités, un frigo américain « General electric » et un portait réalisé uniquement à base de plumes collées. La visite se poursuit, nous traversons les salles d’exposition, passons par un bureau où l’ours est décliné en porte buvard et autres matériels du même genre, et où nous pouvons admirer une collection de téléphones comme dans la salle du « mémorial ». Nous n’échapperons pas aux reliques sous vitrine, et la casquette et la vareuse portés le jour de son assassinat ont été soigneusement recousues et lavées. Nous remontons à l’étage, jeter un œil sur l’exposition sur les enfants. Elle ne manque pas de charme présentant des jouets désuets et modestes, des habits anciens et, surprenant, des explications en français sur les scouts et l’usage du bâton. Notre adjudant-guide se détend, elle nous mime des signes scouts, le salut des jeunesses communistes lors des défilés. Son « je ne suis pas communiste » nous étonne, lancé comme pour se défendre.
Nous nous offrons un chocolat et un gâteau en guise de repas car il est une heure et demie.
Dehors, la neige, que les employés combattent à longueur de temps sur la rue et sur les toits, revient immanquablement comme chaque jour, d’abord timidement puis plus sûrement.
Nous poussons la porte d’entrée d’un superbe hôtel particulier style art nouveau d’une danseuse rendue célèbre par sa liaison avec Nicolas II. Là, nous faisons face à des vitraux à dominance rouge disposés dans une rotonde représentant Lénine, conquérant. Mais nous n’avons pas l’intention de visiter le musée, comme la classe de collégiens chaussés des babouches protectrices qui envahit le hall. Nous passons juste un petit moment à fouiner dans les cartes postales politiques sous l’œil bienveillant de la caissière.
Il est l’heure de retourner au musée appartement de Kirov, heureusement signalé par une plaque en bas de l’immeuble. Très populaire, l’ancien secrétaire du parti à Léningrad ne tardera pas à représenter une menace pour le « Petit père des peuples ». Son assassinat en 1934 marque le début des grandes purges.
Deux vieilles dames attendent et reçoivent le visiteur, mais elles ne décrochent pas un mot d’anglais ou de français. Elles appellent une 3ème femme plus jeune, qui utilise plus de russe que d’anglais dans ses phrases. Elle nous fournit des explications écrites traduites dans un français très approximatif et s’accroche à un document en anglais qu’elle essaie de lire. La visite à la badine (au vrai sens du terme) commence ; cette dame ne comprend pas que nous pouvons nous débrouiller seuls ; elle guide, montrant les objets de sa baguette, nous imposant de nous placer là, de regarder ici, de nous aligner ainsi… bien sûr que nous vient à l’esprit : « une vraie stalinienne ! »
Nous découvrons au 4ème étage le « mémorial » : une pièce qui expose les cadeaux de « rapport » offert à Kirov par les usines ou les entreprises russes ; comme les deux peaux d’ours l’un blanc, l’autre brun qui proviennent de marins en remerciement d’un sauvetage, les faisans empaillés qui dénotent son goût pour la chasse, les différents objets, des téléphones en grand nombre qui témoignent de sa vie et de sa fonction. La 2ème pièce en enfilade, est une bibliothèque en bois, la 3ème, toujours en enfilade, la salle à manger décorée d’animaux empaillés. La 4ème pièce ne se visite pas, elle correspond à la chambre à coucher actuellement en rénovation. Nous revenons sur nos pas dans le hall et découvrons la salle de « récréation », c’est-à-dire le lieu de bricolage de Kirov avec une vitrine de chasse (vêtements et gibecières, des munitions et de quoi les fabriquer), des outils de charpentier, des patins à glace….
A signaler dans les curiosités, un frigo américain « General electric » et un portait réalisé uniquement à base de plumes collées. La visite se poursuit, nous traversons les salles d’exposition, passons par un bureau où l’ours est décliné en porte buvard et autres matériels du même genre, et où nous pouvons admirer une collection de téléphones comme dans la salle du « mémorial ». Nous n’échapperons pas aux reliques sous vitrine, et la casquette et la vareuse portés le jour de son assassinat ont été soigneusement recousues et lavées. Nous remontons à l’étage, jeter un œil sur l’exposition sur les enfants. Elle ne manque pas de charme présentant des jouets désuets et modestes, des habits anciens et, surprenant, des explications en français sur les scouts et l’usage du bâton. Notre adjudant-guide se détend, elle nous mime des signes scouts, le salut des jeunesses communistes lors des défilés. Son « je ne suis pas communiste » nous étonne, lancé comme pour se défendre.
Nous nous offrons un chocolat et un gâteau en guise de repas car il est une heure et demie.
Dehors, la neige, que les employés combattent à longueur de temps sur la rue et sur les toits, revient immanquablement comme chaque jour, d’abord timidement puis plus sûrement.
mardi 1 mai 2012
Une jeunesse soviétique. Nikolaï Maslov.
Le dessin au crayon pour raconter une vie n’est pas là pour faire style mais pour aller à l’essentiel.
Une certaine maladresse ajoute à l’authenticité de ce parcours dans les années 70 d’un jeune gars de Sibérie. Banalement ponctué de vodka pour s’assommer parce que saisir des paysages sur papier ne remplit pas une vie, la violence de l’armée, de l’hôpital psychiatrique prend toute la place. Les fermes, l’école d’art.
Emmanuel Carrère dans la préface décrit les conditions de la publication de cette BD rare depuis cet empire dont le délitement n’a pas fini de nous concerner.
« J’ai connu des mères moins chanceuses que celle de Maslov, à qui il est resté au moins un fils pour lui dire de ne pas trop pleurer après la mort de l’autre. »
SWAP (La Chanson du Dimanche S05E11) par lachansondudimanche
Une certaine maladresse ajoute à l’authenticité de ce parcours dans les années 70 d’un jeune gars de Sibérie. Banalement ponctué de vodka pour s’assommer parce que saisir des paysages sur papier ne remplit pas une vie, la violence de l’armée, de l’hôpital psychiatrique prend toute la place. Les fermes, l’école d’art.
Emmanuel Carrère dans la préface décrit les conditions de la publication de cette BD rare depuis cet empire dont le délitement n’a pas fini de nous concerner.
« J’ai connu des mères moins chanceuses que celle de Maslov, à qui il est resté au moins un fils pour lui dire de ne pas trop pleurer après la mort de l’autre. »
SWAP (La Chanson du Dimanche S05E11) par lachansondudimanche
lundi 30 avril 2012
"I Wish". Hirokazu Kore-Eda.
Dans le bruit et la minceur de l’actualité, ce film japonais offre un bon moment d’évasion vers les territoires de l’enfance et leurs rêves.
Se déroulant dans un contexte tout à fait contemporain : TGV et parents séparés, à l’heure des téléphones portables, deux frères combinent pour se retrouver.
Le réalisateur saisit la poésie des origines sans mièvrerie et si le film aurait mérité d’être plus resserré, sa gentillesse ne nous lasse pas.
Est-il situé seulement dans nos premières années ce lieu où l’on pense par l’intensité de notre souhait combattre la mort, accéder au bonheur, se réaliser ?
Les adultes sont parfois insuffisants, d’autres bienveillants, et bien que se soit une fable il n’y a pas de caricature.
Retrouver les saveurs de l’enfance nous sauve des broyeurs d’espérance, le temps d’un sourire.
Se déroulant dans un contexte tout à fait contemporain : TGV et parents séparés, à l’heure des téléphones portables, deux frères combinent pour se retrouver.
Le réalisateur saisit la poésie des origines sans mièvrerie et si le film aurait mérité d’être plus resserré, sa gentillesse ne nous lasse pas.
Est-il situé seulement dans nos premières années ce lieu où l’on pense par l’intensité de notre souhait combattre la mort, accéder au bonheur, se réaliser ?
Les adultes sont parfois insuffisants, d’autres bienveillants, et bien que se soit une fable il n’y a pas de caricature.
Retrouver les saveurs de l’enfance nous sauve des broyeurs d’espérance, le temps d’un sourire.
dimanche 29 avril 2012
« Sale guerre pour Marcel ». Abdou Elaïdi.
La compagnie « Antidote » joue également à domicile. Madey, une des actrices nous avait invités à Voiron avec une bonne trentaine de personnes dans une maison en présence du metteur en scène.
Celui-ci en décrivant la genèse de ce projet a ajouté de la valeur à la soirée.
Marcel est « un bras cassé » inoffensif envers les sangliers familiers des campagnes d’Auvergne, biberonnant du rouge à longueur de journées.
C’est qu’il a perdu sa jeunesse dans les Aurès en allant occuper un pays plus pauvre encore que celui où il est né.
En ces terres taiseuses, à la faveur d’un soir d’orage, des paroles longtemps enfouies vont resurgir.
Le sujet de la guerre en Algérie, que plus personne ne nomme « évènements », a pu toucher des spectateurs qui ont vécu dans un camp ou l’autre.
Le thème est toujours sensible, si bien qu’un titre nouveau « Ce qu'il était beau ton pays Djamila » peut convenir aux propos de l’auteur des « Champs de couscous ne donnent plus de blé » lorsqu’il essaye de dépasser les passions partisanes, les haines recuites pour comprendre et apporter sa part à la cicatrisation des plaies.
Le dosage entre réalisme et nécessité de faire évoluer les personnages est une affaire subtile; les acteurs amateurs très impliqués méritent les applaudissements.
Vous trouverez de plus amples informations sur le site de la compagnie : http://lesantidotes.free.fr
Celui-ci en décrivant la genèse de ce projet a ajouté de la valeur à la soirée.
Marcel est « un bras cassé » inoffensif envers les sangliers familiers des campagnes d’Auvergne, biberonnant du rouge à longueur de journées.
C’est qu’il a perdu sa jeunesse dans les Aurès en allant occuper un pays plus pauvre encore que celui où il est né.
En ces terres taiseuses, à la faveur d’un soir d’orage, des paroles longtemps enfouies vont resurgir.
Le sujet de la guerre en Algérie, que plus personne ne nomme « évènements », a pu toucher des spectateurs qui ont vécu dans un camp ou l’autre.
Le thème est toujours sensible, si bien qu’un titre nouveau « Ce qu'il était beau ton pays Djamila » peut convenir aux propos de l’auteur des « Champs de couscous ne donnent plus de blé » lorsqu’il essaye de dépasser les passions partisanes, les haines recuites pour comprendre et apporter sa part à la cicatrisation des plaies.
Le dosage entre réalisme et nécessité de faire évoluer les personnages est une affaire subtile; les acteurs amateurs très impliqués méritent les applaudissements.
Vous trouverez de plus amples informations sur le site de la compagnie : http://lesantidotes.free.fr
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