samedi 19 novembre 2011

Les derniers indiens. Marie Hélène Lafon.

Une écriture comme une litanie fait le tour une dernière fois de la société paysanne qui n’a plus d’enfant.
Là bas, dans le Massif central, Jourde avait déjà porté sa plume dans « Pays perdu » et Depardon sa caméra attentive et patiente.
Une écriture précise :
« Les voisins aimaient les bêtes bruyantes, ils avaient eu des paons dont les cris funèbres et lancinants avaient vrillé l’air lourd du dernier été de Pierre, ils eurent des coqs impérieux et des kyrielles hoquetantes de dindons, dindes et pintades, ils achetèrent pour l’agrément des enfants des ânes doux et bruns qui se répandaient à toute heure en braiements éperdus. »
Les maisons, les gîtes, la vaisselle, le linge, les chiens, les solitudes, « les voisins qui ont le goût de devenir », l’église, le monument aux morts, les silences, le temps qui passe.
« Elle avait acheté sa Cocotte –Minute neuve en juillet 1983 chez Veschambre à Allanche, elle avait conservé les mêmes pieds de géranium rose pendant treize années, les volets des deux pièces de derrière avaient été changés à l’automne, l’année de la grande sécheresse, en 1976, par le père de l’actuel menuisier de Condat qui était mort subitement en décembre, trois mois plus tard, on était allé à l’enterrement… »
Ces 166 pages parleront à mes pays, mais il n’est pas besoin de connaître l’importance d’un changement de toile cirée pour apprécier l’auteure.
Je remercie la personne qui me l’a fait découvrir au cours des échanges que nous avons dans le groupe de lecteures qui se réunit une fois par mois sous l’intitulé « Page à page », à la bibliothèque Barnave de Saint Egrève.

vendredi 18 novembre 2011

République des idées. Refaire société.

Pendant que nous assistions aux exposés où se pesaient au trébuchet les mots, ce titre du Dauphiné Libéré :
« Deux enfants abandonnés à Villefontaine ».
La misère en milieu ville nouvelle aux indigences qui s’aggravent,  est à la porte d’un cénacle, dont je fus un des 12 000 participants recensés.
Le cahier d’accompagnement gratuit du Monde, distribué lors de ces journées,cite Plutarque :
« Le déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne et la plus fatale maladie des Républiques »
Lors de tels débats, il y a toujours dans l’assistance , le démagogue de service, à l’élocution rodée, pour regretter longuement que chacun ne puisse s’exprimer plus longuement. Et les excuses rituelles, elles aussi, concernant la rareté des femmes comme intervenantes qui ne changent rien à la composition des tribunes.
Il n’en demeure pas moins que j’ai eu l’impression de profiter d’un privilège en suivant pendant des heures le développement de pensées exigeantes, ramassant dans mon petit calepin quelques formules, applaudissant aux belles mécaniques intellectuelles.
Pour titiller quelques compagnons croisés dans les travées de la MC2, je ne me sens pas dans une situation très différente de l’amateur du jeu de Lionel Messi virtuose du Barça, quand je constate la pertinence de Robert Castel, le bon sens de François Dubet, la conviction de Maylis de Kerangal, l’intégrité de Mauvignier, la profondeur de Rosanvallon qui ne délivre pas de vérité toute faite mais nous aide à déployer les contradictions, les paradoxes, la complexité d’une société où règne la défiance.
Des ateliers traitaient des blocages, de la crise des valeurs d’égalité, de l’individualisme, des peurs, du mépris, de la défiance à l’égard de l’impôt, de la crise de la représentation, et cherchaient des éclairages du côté de l’art, du roman …
« Refaire société suppose que l’on comprenne les ressorts de nos frilosités et de nos replis. Si des peurs ainsi se manifestent, des désirs se font également entendre : désir de justice, de reconnaissance, de représentation, de protection, mais aussi d’engagement et de culture » 
.....
Dessin du canard de ce mercredi:

jeudi 17 novembre 2011

Assassins démasqués. C. Loubet.

Non, l’insécurité n’a pas atteint la paisible assemblée des amis du musée quand le conférencier nous a entretenus de « la peinture du crime » depuis Caïn jusqu’à Détective.
Victimes et criminels, que l’ordre social légitime parfois, nous fascinent :
il est des guerres justes…
Des figures emblématiques émergent. Judith(Holopherne) David(Goliath).  
Le Caravage est dans les parages ainsi que David, le peintre, sobre avec Brutus qui a condamné son fils, ainsi que Füssli et son chevalier désolé après avoir exécuté son épouse en revenant de croisade.
Charlotte Corday, autre figure féminine meurtrière de l’ami du peuple, la veille du 14 juillet, est présentée par Baudry en héroïne farouche alors que Munch retient la femme « fatale ».
La guillotine, « vieux totem sanglant », la privera de sa vie, un soir d’orage.
Les fusilleurs de Napoléon ont déposé, à leurs pieds, les lumières du siècle finissant quand ils abattent des patriotes espagnols dont la figure christique depuis Goya sera reprise par Otto Dix et Chapman.
Salomé offre la béatitude à sa victime chez Gustave Moreau et Klimt la traite d’une façon ambiguë alors que Mossa, peintre symboliste que je découvrais, marie Eros et Thanatos.  
Cézanne dans sa période « couillarde » restitue la violence du crime comme Frida Khalo dans « Quelques petites piques » qui transcrit à travers un fait divers, une vie personnelle tourmentée.
Le charnier s’agite dans l’enfer de Grosz et chez Bacon deux personnages affrontés et inextricables souffrent tous deux.
Hugo parlait de la guillotine comme crime permanent, Clovis Trouille peint celle qu’on appelait « la veuve » et Warhol nous rappelle que l’abolition n’a pas gagné de partout.  
Thomas de Quincy auteur de « L’assassinat comme un des beaux arts » aurait pu avoir toute sa place dans la soirée :
« … les gens n’acceptent pas qu’on leur coupe tranquillement la gorge ; ils s’enfuient ; ils se débattent, ils mordent ; et alors que le portraitiste a souvent à se plaindre d’un excès de torpeur chez son sujet, l’artiste qui nous concerne est généralement embarrassé par un excès d’animation »
Au XIX°, la tête fascine, et des analyses anthropométriques, céphalométriques, physiognomoniques, se multiplient. Des bustes de cire de condamnés sont offerts à Lombroso auteur de l’Atlas du crime :
un faussaire, un criminel, un violeur et un voleur.
L’étranger d’alors vient des campagnes françaises, c’est l’Apache dont la stature démesurée face à la police démunie figure dans le supplément du Petit journal et autres « canards » et « L’œil de la police » se vendra très bien.
En 1907, au référendum du « Petit Parisien » la peine de mort est approuvée à 90%.
Plus près de nous, Monory donne une vision démultipliée d’attentats et si Spoerri garde les termes de l’art pour désigner son triptyque « enquête sur un meurtre », l’atmosphère est proche des séries télé qui se consacrent à touiller notre effroi, nos pulsions, nos inquiétudes, dans un exorcisme qui n’en finit pas.
De quoi perdre la tête.

mercredi 16 novembre 2011

Lisbonne J 5 # Azulejos

Il est déjà 15h 30. Le métro Santa Apollonia puis le bus 759 nous mènent au musée des azulejos. Sans connaître notre destination un homme nous prend en main dans le bus car nous allions rater l’arrêt, info confirmée par une dame, nous évitons ainsi de nous perdre.
Le monastère et l’église Madre Deus qui abritent le musée se cachent derrière le pont bruyant du chemin de fer. On entre dans le musée par une cour colorée par de flamboyants bougainvilliers, ornée de palmiers qui se balancent au vent et de plantes vertes englobant une énorme jarre de terre. Le monastère a sans doute été rénové il y a peu de temps car les murs blancs intérieurs ne portent aucune trace de salissures. Le patio jouxte une cuisine et son jardin aussi soigné que la cour d’entrée, pimpant sous le soleil. Nous n’avons que peu de temps pour la visite et nous passons assez vite devant les carreaux précieux du XVI° siècle protégés dans des vitrines. Certains semblent tout droits sortis d’une medersa ou d’une maison de riches marocains tant par les couleurs que les motifs enlacés. D’autres sont plus figuratifs. Dans une vitrine, pas besoin de lire les explications pour comprendre la technique : à partir d’un carreau de terre enduit d’un produit blanc sur lequel est posé un calque dessiné marqué par des contours piqués serrés. Avec un pochoir on tapote le calque qui laisse passer de l’encre par les petits trous, il suffit ensuite de colorer le dessin avant de le cuire.
Nous accédons à l’église par un premier cloitre. C’est une merveille du XVII° siècle en deux parties. Les murs sont couverts d’azulejos bleus figurant des scènes religieuses ou champêtres jusqu’à mi hauteur puis des dorures rutilantes et des tableaux occupent tout le reste de l’espace au dessus de la première partie, une tribune permet de voir l’ensemble de l’église. Elle recueille des stalles avec derrière chaque banc des reliquaires exubérants et dorés avec plancher en bois précieux du Brésil. Les salles du premier exposent toute une série d’azuléjos bleus figuratifs et plus on avance, plus on traverse le temps jusqu’à nos jours. Nous nous bousculons pour admirer le panorama de Lisbonne avant le grand tremblement de terre de 1755, grande fresque d’azulejos réalisée pour un ancien palais. Nous reconnaissons quelques lieux encore existants. Nous avons aussi vu un deuxième cloitre plus petit et plus sombre mais ravissant et pris le temps de poser pour quelques photos ridicules derrière des silhouettes de l’ancien temps percées au niveau du visage.
Le bus 28 pris sur la grand route Avenida infante Dom Henrique nous ramène à la gare de Santa Apollonia que nous repérons de loin grâce au bateau de croisière gigantesque qui stationne en face. Nous voulons grimper à pied à travers l’Alfama jusqu’au quartier de Graça, c’est raide et vraiment typique. Nous avions déjà traversé le quartier avec le tram 28, mais s’y enfoncer, prendre son temps nous permet de mieux ressentir le côté vieillot, décrépi et charmant. Nous atteignons le largo de Graça que nous traverserons bien trois fois à la recherche d’un ancien palais introuvable au numéro 18 de la villa Souza en azulejos assez décevante et de la vila Berta, rua del Sol, charmante : il s’agit d’une rue village pour ouvriers avec de curieuses terrasses supportées par des filins métalliques époque Eiffel devant des maisons possédant chacune un jardinet. Nous faisons quelques courses sur le largo da Graça, vu l’heure avancée puis nous nous acheminons vers le métro Martin Moniz en descendant la pire rue en pente rencontrée qui porte bien son nom : calcade do monte. Vers la place Moniz, nous passons par des rues où vivent plutôt des Indiens.

mardi 15 novembre 2011

Association pour l’Autobiographie (APA)

J’écoute souvent « Carnets de campagne », l’émission de Philippe Bertrand sur France Inter à 13h30.
Ce journaliste présente pendant 15 minutes de nombreuses associations dans les domaines les plus divers. Comme est riche le réseau associatif de notre pays ! Chassons les découragements !
Un jour j’entends parler d’autobiographie, d’une association dont le siège se trouve à Ambérieu-en-Bugey. Comme j’ai des documents familiaux qui dorment sur des étagères, je dresse l’oreille, prends des notes et envoie les documents autobiographiques laissés par ma mère.
Réponse rapide de l’APA qui enregistre le document qui sera conservé, enregistré sous un numéro APA dans les archives de « La Grenette », département réservé à l’APA dans la médiathèque d’Ambérieu.
Ce document protégé sera mis à disposition de chercheurs de toutes disciplines s’ils le souhaitent et si vous l’autorisez !
L’APA se consacre à la reconnaissance de l’écriture autobiographique et à la conservation de son patrimoine. Elle organise en mars annuellement, une table ronde sur un thème autobiographique ; En juin et en novembre une journée et une matinée du Journal etc. Les manifestations diverses ne manquent pas tout au long de l’année.
L’APA a été fondée en 1992 à la suite d’un colloque tenu à Nanterre. L’association compte 800 membres répartis en France et dans dix pays. Elle est reconnue d’intérêt général, animée par un C.A. élu.
Pour déposer un texte à l’APA, nul besoin d’être adhérent, il suffit de l’envoyer en deux exemplaires.
L’adhésion permet de recevoir les publications de l’APA. Cinquante euros (en partie déductibles des impôts).
Les revues s’intitulent : La Faute à Rousseau et le Garde-mémoire qui éditent des comptes-rendus des documents reçus (textes, photos, dessins en relation avec l’autobiographie).
Des groupes de lecteurs se chargent de rédiger des résumés qui paraissent dans ces publications.
Le président Philippe Lejeune est assez souvent reçu sur les chaînes audio publiques. Il a publié plusieurs ouvrages dont vous trouverez les titres sur le site de l’APA. Certains sont disponibles dans les bibliothèques de St Egrève.
Informations pratiques : APA La Grenette 10, rue Amédée Bonnet 010500 Ambérieu en Bugey.
Tél : 04 74 34 65 71
Mail : apa@sitapa.org Site : http://sitapa.free.fr
Alors ne jetez pas vos documents familiaux, vos journaux personnels, vos textes autoédités, en tapuscrits, bouquins, CD audio, vidéo ou numériques. Ils seront peut être utiles à des sociologues ou historiens.
Marie Treize

lundi 14 novembre 2011

Intouchables.Toledano. Nakache.

Nous avons tant besoin de réconciliation dans notre pays fracturé que cette rencontre de l’aristo handicapé physique et du banlieusard mal parti social, nous fait du bien.
Il y a bien longtemps que je n’avais pas autant ri au cinéma.
Cette thématique aurait pu accoucher d’une comédie lourde ou édifiante avec le bourge qui se mettrait à parler en verlan; c’est bien plus subtil avec des morceaux de grosse rigolade et des notations justes, vachardes et tendres. La banlieue n’est pas peuplée de Groseilles et la fatalité sociologique ne s’efface pas d’un coup de scénario.
La belle santé d’Omar est contagieuse et j’étais content d’être dans une salle comble participant à un engouement d’une foule porteuse quand elle se regarde dans un miroir généreux.
Film à la gloire des auxiliaires de vie, à la vie brutale et belle.

dimanche 13 novembre 2011

Zakir Hussain & Masters of percussion.

J’ai été d’autant plus emballé par ce concert que je suis peu familier des sonorités du sous continent indien ; je ne l’avais pas mis à mon programme car je craignais de rester à l’extérieur.
Concert pédagogique pour qui cherche des exemples de dialogues entre instruments, pour qui ne soupçonnerait pas l’énergie d’un ensemble qui nous sort d’un à priori de tapis sonore langoureux.
La flute arrive après la voix nue, ses vibrations d’instrument élémentaire sont émouvantes. Quand viennent les percussions qui se jouent avec les doigts, la salle est embarquée, et l’originalité du ghatam en forme de pot emporte tous les suffrages.
A tour de rôle puis ensemble, depuis leurs petites estrades les six musiciens où figurait aussi un violon, nous ont embarqués pendant une heure et demie dans un univers qui a marié les couleurs de l’Inde aux manières du jazz.
La tradition et l’improvisation.
« Raga et tala sur tablas » nous informe le programme.
J’aurai aimé un peu plus de précisions concernant les occasions pour lesquelles certains morceaux sont joués.
Il parait qu’il y a une crise de la world music, mais la salle pleine et enthousiaste n’a pas boudé cette musique authentique.
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Jean Pierre m’a envoyé une de ses photos d’Inde pour illustrer ce billet.