Nous consacrons notre matinée à notre déménagement après nous être aperçu que des prises électriques sont encore sur 110, pourtant avec un adaptateur nous pouvons recharger les piles pour l’appareil photo fort sollicité. Notre nouvelle adresse s’avère très proche, de l’autre côté d’Atlantic Avenue et la nouvelle propriétaire Emma est charmante ; le logement moderne clair et fonctionnel comporte des barreaux à chaque porte, à chaque fenêtre. Nous prenons la suite de clients qui se retrouvent bloqués à N.Y. suite à l’éruption d’un volcan en Islande et son inquiétant nuage de poussière.
Nous utilisons la station de métro Franklin Station Avenue pour aller la cinquième avenue à Manhattan. Nous achetons des sandwichs et des frites que nous mangeons à Central Park et prenons le café expresso dans une chapelle néo gothique des années 20, proche du musée Guggenheim. Grâce à la carte Pass procurée par nos amis pionniers, nous évitons la queue pour les billets d’entrée. Ce musée initial est plus petit que sa copie de Bilbao. Il s‘organise autour d’une rampe en ellipse avec des niches pour des photographies ou des installations, dont un crucifix ressemblant à un épouvantail en vérins et matériaux issus de machines agricoles. Quelques salles renferment des tableaux français : des Picasso, Pissarro, Vuillard, Braque, parfois parfaitement identifiables, mais réservant des surprises comme ce Picasso qu’on aurait pu prendre pour un Renoir. Je m’émerveille devant des toiles de Gris, aux couleurs recherchées, un Derain. Nous retrouvons Boltanski, Annette Messager. Mais cependant nos amis expriment leur frustration de ne pas voir certaines toiles connues non exposées actuellement.Nous ressortons vers 16h ; malgré un petit vent qui nous frigorifie, nous envisageons une balade dans Central Park. Dans cette immense étendue de verdure, des jeunes sportifs, d’âges différents, s’initient à l’art du baseball, en uniforme ou pas, des coureurs effectuent leur parcours de santé, des maîtres promènent des chiens qui leur ressemblent ou des employés aèrent et gardiennent trois ou quatre chiens en laisse. Et puis les habitants du lieu, écureuils gris à la queue abondante ou sortes de merles au poitrail d’un roux lumineux, ne s’effarouchent pas des touristes attendris. Nous avons un joli point de vue d’un belvédère, faux château médiéval, qui abrite une société de protection du parc et de sa faune. Nous poursuivons notre route vers la statue de Christophe Colomb et aboutissons au Métropolitan Opéra, grand ensemble de salles encadrant une place avec fontaine. De l’extérieur à travers des vitres nous apercevons deux immenses peintures de Chagall que nous ne pouvons malheureusement pas admirer autrement. Des personnes patientent pour acheter des places pour Armida de Rossini à 290$, si nous avons bien compris. Nous faisons quelques achats à la boutique de l’Opéra. En sortant des gouttes de pluie nous dissuadent de goûter d’une promenade de nuit dans Manhattan, nous rentrons à Brooklyn. Nous faisons des courses dans une supérette d’obédience musulmane et je prépare un poulet à la crème, pommes de terre sautées qui contente tout le monde.
mercredi 22 septembre 2010
mardi 21 septembre 2010
"Il faut tuer José Bové".
Jul, l’inénarrable auteur de « Silex and the city » qui cartonna l’an dernier, avait commis auparavant un album toujours aussi mal dessiné, mais qui dépotait déjà dans le titre et tout au long d’une histoire où désormais « Je suis tombé par terre c’est la faute aux burgers… le nez dans le ruisseau , c’est la faute au mac Do » où « les cathos de gauche se positionnent très fort sur les question d’environnement » avec deux poubelles pour Jésus , l’inventeur du tri sélectif : un pour « ceci est mon corps » l’autre pour « ceci est mon sang ». Avec Michaël Moore et Monseigneur Gaillot en guest star, l’album du dessinateur de Charlie hebdo, vite lu est réjouissant.
lundi 20 septembre 2010
Toy story 3.
Ben oui ! Je n’avais pas souvenir d’avoir été ému autant depuis « Quand passent les cigognes ».
Effet des régressions incitées par le cinéma d’animation qui vient fouiller dans le grenier à nounours de l’enfance : oui sûrement. Mais aussi un scénario original qui n’est pas du genre hystérique comme « L’âge de glace », qui réconcilie tous les âges autour du thème du temps qui passe sans avoir à user de gros sabots. Les prouesses techniques qui nous époustouflaient nous sont désormais familières et nous n’avons qu’à nous laisser aller à partager les aventures de jouets aux grands dilemmes quand la liberté, la solidarité, sont mises en question ainsi que l’ingratitude, la violence qui couve sous les plus lisses apparences parfumées à la fraise… Du profond et du léger, du drame et de la dinguerie. Je trouve que c’est rare de trouver un vrai film tous publics aussi plein.
Effet des régressions incitées par le cinéma d’animation qui vient fouiller dans le grenier à nounours de l’enfance : oui sûrement. Mais aussi un scénario original qui n’est pas du genre hystérique comme « L’âge de glace », qui réconcilie tous les âges autour du thème du temps qui passe sans avoir à user de gros sabots. Les prouesses techniques qui nous époustouflaient nous sont désormais familières et nous n’avons qu’à nous laisser aller à partager les aventures de jouets aux grands dilemmes quand la liberté, la solidarité, sont mises en question ainsi que l’ingratitude, la violence qui couve sous les plus lisses apparences parfumées à la fraise… Du profond et du léger, du drame et de la dinguerie. Je trouve que c’est rare de trouver un vrai film tous publics aussi plein.
dimanche 19 septembre 2010
« La vie en rose !». Le défilé de la biennale de la danse 2010.
4500 participants ont défilé à Lyon devant plus de 300 000 spectateurs avec de la musique et des costumes, selon la police. Combien d’après les organisateurs ? A qui se fier ?
Des petits bouts de papier et de grandes affiches disaient « ensemble avec nos différences » et c’était bien vrai parce qu’il y en avait des jeunes et des jaunes, des ridés et des frisés, des chauves et des noirs, des rides et des rires, des roses.
« Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose
Il me dit des mots d'amour
Des mots de tous les jours »
« Oh la la la vie en rose
Le rose qu'on nous propose
D'avoir les quantités de choses
Qui donnent envie d'autre chose
Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c'est d'avoir
De l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires »
Puisque les rues étaient envahies de musique, Piaf et Souchon obstinément couraient dans nos têtes, pour nous ressasser la quête d’absolu en gardant- bien sûr- nos regards lucides.
Les orchestres battaient pour aller au-delà d’illustrations paresseuses de la thématique de cette année qui imposait « la vie en rose ! ». Les jeux de mots n’ont pas manqué : « bleu blanc rose », « rose désir », et « la rose des fables »… Mais le génie de cette parade est de fédérer une quinzaine de groupes avec des citations communes, qui créent un rythme, une cohérence tout en laissant une grande diversité s’exprimer. Pour cette huitième édition, j’ai apprécié justement les ponctuations entre les formations dont certaines plus denses emportaient plus facilement l’adhésion du public emballé par des formes qui deviennent pourtant familières telles que les personnages sur échasses ou le hip hop, mais l’investissement des participants emporte le morceau à tous coups.
Encore une grande année pour un évènement populaire où la participation n’est pas un attrape- nigauds mais un processus exigeant qui allume des sourires des deux côtés des barrières.
« Rien n’est plus beau qu’un rassemblement populaire » c’est François Marie Banier qui l’a dit à propos des manifs contre les retraites Woerth.
Ils veulent tout saloper, mais on s’en fout, c’était beau et plein de santé.
Des petits bouts de papier et de grandes affiches disaient « ensemble avec nos différences » et c’était bien vrai parce qu’il y en avait des jeunes et des jaunes, des ridés et des frisés, des chauves et des noirs, des rides et des rires, des roses.
« Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose
Il me dit des mots d'amour
Des mots de tous les jours »
« Oh la la la vie en rose
Le rose qu'on nous propose
D'avoir les quantités de choses
Qui donnent envie d'autre chose
Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c'est d'avoir
De l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires »
Puisque les rues étaient envahies de musique, Piaf et Souchon obstinément couraient dans nos têtes, pour nous ressasser la quête d’absolu en gardant- bien sûr- nos regards lucides.
Les orchestres battaient pour aller au-delà d’illustrations paresseuses de la thématique de cette année qui imposait « la vie en rose ! ». Les jeux de mots n’ont pas manqué : « bleu blanc rose », « rose désir », et « la rose des fables »… Mais le génie de cette parade est de fédérer une quinzaine de groupes avec des citations communes, qui créent un rythme, une cohérence tout en laissant une grande diversité s’exprimer. Pour cette huitième édition, j’ai apprécié justement les ponctuations entre les formations dont certaines plus denses emportaient plus facilement l’adhésion du public emballé par des formes qui deviennent pourtant familières telles que les personnages sur échasses ou le hip hop, mais l’investissement des participants emporte le morceau à tous coups.
Encore une grande année pour un évènement populaire où la participation n’est pas un attrape- nigauds mais un processus exigeant qui allume des sourires des deux côtés des barrières.
« Rien n’est plus beau qu’un rassemblement populaire » c’est François Marie Banier qui l’a dit à propos des manifs contre les retraites Woerth.
Ils veulent tout saloper, mais on s’en fout, c’était beau et plein de santé.
samedi 18 septembre 2010
Pourquoi le renouveau est-il nécessaire ?
Ouvrir des états généraux à Grenoble un vendredi matin de fin juin sur le « Renouveau » risquait d’attirer essentiellement les consommateurs de colloques tels que moi-même et mes semblables retraités, remarquant la rareté des jeunes dans ces réunions en dehors des captifs étudiants en science po. Pourtant les formes du débat se sont essayées au renouvellement et la brochette de politiques Voynet, Destot, Delevoye n’a pas déçu en ouverture de ces trois jours de débat avec un rappel utile au pays des ingénieurs en doudoune : 22% de la population grenobloise vit en dessous du seuil de pauvreté.
« La crise est sociale, politique, morale, institutionnelle, écologique ; le lien social se délite, la dépression, la résignation, minent l’esprit du « vivre ensemble », l’espérance européenne est mise à bas. » C’était, avant juillet, les paroles du maire de Grenoble
Pour dépasser l’image vague de citoyen gibier à sondage, des nourritures intellectuelles sont indispensables, pour « AGIR ».
Les défis lancés aux politiques et aussi à l’ensemble d’une société civile bien présente en ces jours de rencontres, sont de grande ampleur à l’heure où la famille est dépassée avec des liens intergénérationnels à réinventer, des démarches interculturelles à réactiver pour accueillir les cinq continents.
« Élargir l’horizon pour mieux vivre ici ».
J’ai été agréablement surpris par la vivacité du médiateur de la république, Jean Paul Delevoye, certes sénateur UMP, mais décapant et crédible par son expérience d’élu local.
« Nous risquons d’assister à l’évasion de la réussite et à la localisation de l’échec. Parce que si la politique ne parvient pas à rouvrir le chemin des espérances, il alimentera le humiliations et se contentera de gérer les peurs ». C’était avant « le discours de Grenoble ».
Tous ont dit la nécessité d’une régulation basée sur le long terme, les paroles concernant la répartition des efforts ne doivent pas viser à satisfaire des clientèles : ils parlent d’or.
D’autant plus que la conviction doit supplanter l’émotion, et si l’aliénation vient après l’exploitation, l’individu d’aujourd’hui ne se demande plus ce qui lui est « permis de faire » mais « ce qu’il est capable de faire ».
Quand des expérimentations qui n’avaient rien d’hasardeux, ni ne portaient des prétentions globalisantes et baratineuses : la scolarisation des deux ans qui amenuisait les différences sociales est en régression, les centres de santé qui œuvrent à la prévention sont fragiles, leur remise en cause sape les belles conclusions qui se bouclent par « le renouveau apparaitra alors non seulement nécessaire mais possible ».
Casse de l'école, de la santé. Face à la déconsidération internationale, au cynisme, à la chasse aux plus faibles, à la défense des privilégiés, d’un pouvoir burlesque qui ébranle tous les pouvoirs ( judiciaire, presse, institutions...), il ne suffira pas de se baisser pour ramasser les fruits de l’amertume. Le terme de renouveau serait même peut être trop ambitieux quand il s’agira déjà de recoudre.
« La crise est sociale, politique, morale, institutionnelle, écologique ; le lien social se délite, la dépression, la résignation, minent l’esprit du « vivre ensemble », l’espérance européenne est mise à bas. » C’était, avant juillet, les paroles du maire de Grenoble
Pour dépasser l’image vague de citoyen gibier à sondage, des nourritures intellectuelles sont indispensables, pour « AGIR ».
Les défis lancés aux politiques et aussi à l’ensemble d’une société civile bien présente en ces jours de rencontres, sont de grande ampleur à l’heure où la famille est dépassée avec des liens intergénérationnels à réinventer, des démarches interculturelles à réactiver pour accueillir les cinq continents.
« Élargir l’horizon pour mieux vivre ici ».
J’ai été agréablement surpris par la vivacité du médiateur de la république, Jean Paul Delevoye, certes sénateur UMP, mais décapant et crédible par son expérience d’élu local.
« Nous risquons d’assister à l’évasion de la réussite et à la localisation de l’échec. Parce que si la politique ne parvient pas à rouvrir le chemin des espérances, il alimentera le humiliations et se contentera de gérer les peurs ». C’était avant « le discours de Grenoble ».
Tous ont dit la nécessité d’une régulation basée sur le long terme, les paroles concernant la répartition des efforts ne doivent pas viser à satisfaire des clientèles : ils parlent d’or.
D’autant plus que la conviction doit supplanter l’émotion, et si l’aliénation vient après l’exploitation, l’individu d’aujourd’hui ne se demande plus ce qui lui est « permis de faire » mais « ce qu’il est capable de faire ».
Quand des expérimentations qui n’avaient rien d’hasardeux, ni ne portaient des prétentions globalisantes et baratineuses : la scolarisation des deux ans qui amenuisait les différences sociales est en régression, les centres de santé qui œuvrent à la prévention sont fragiles, leur remise en cause sape les belles conclusions qui se bouclent par « le renouveau apparaitra alors non seulement nécessaire mais possible ».
Casse de l'école, de la santé. Face à la déconsidération internationale, au cynisme, à la chasse aux plus faibles, à la défense des privilégiés, d’un pouvoir burlesque qui ébranle tous les pouvoirs ( judiciaire, presse, institutions...), il ne suffira pas de se baisser pour ramasser les fruits de l’amertume. Le terme de renouveau serait même peut être trop ambitieux quand il s’agira déjà de recoudre.
vendredi 17 septembre 2010
La centrale. Elisabeth Fihol
Il s’agit de nucléaire avec deux chapitres : Chinon, Le Blayais .
« Dans le nucléaire, une ville classée moyenne- moins de dix mille habitants- à l’écart des grandes agglomérations ».
Déjà que l’ouvrier tout court disparaît de nos écrans, l’ouvrier intérimaire qui nettoie les centrales apparait si petit dans ces hauts lieux. L’écriture s’approche des forces telluriques, en décrivant le quotidien des soutiers de notre confort, sans emphase. Là, où le danger est lisse, la peur se monnaye, elle ne s’oublie pas sous ses combinaisons et ses portiques.
Ce livre froid comme un carrelage expose la vie de ces travailleurs dont la gestion de la dose de radiations (vingt millisieverts) par homme est l’obsession. Au cœur des réacteurs et de la puissance, sous son microscope, la narratrice nous fait partager la vie de ces hommes où le stress au travail structure l’emploi du temps. L’écriture est en conformité avec son sujet dépassionné mais implacable : « la procédure a été respectée ».
Un nuage passe : Tchernobyl, c’était en 86 et les défaillances furent humaines, qui a désobéi ?
« Dans le nucléaire, une ville classée moyenne- moins de dix mille habitants- à l’écart des grandes agglomérations ».
Déjà que l’ouvrier tout court disparaît de nos écrans, l’ouvrier intérimaire qui nettoie les centrales apparait si petit dans ces hauts lieux. L’écriture s’approche des forces telluriques, en décrivant le quotidien des soutiers de notre confort, sans emphase. Là, où le danger est lisse, la peur se monnaye, elle ne s’oublie pas sous ses combinaisons et ses portiques.
Ce livre froid comme un carrelage expose la vie de ces travailleurs dont la gestion de la dose de radiations (vingt millisieverts) par homme est l’obsession. Au cœur des réacteurs et de la puissance, sous son microscope, la narratrice nous fait partager la vie de ces hommes où le stress au travail structure l’emploi du temps. L’écriture est en conformité avec son sujet dépassionné mais implacable : « la procédure a été respectée ».
Un nuage passe : Tchernobyl, c’était en 86 et les défaillances furent humaines, qui a désobéi ?
jeudi 16 septembre 2010
Barcelo à Avignon.
Depuis le temps que le cherchais, il était en Avignon dans trois lieux, le vibrant résident des Baléares en pays Dogon: peintures dans le bel hôtel particulier de la fondation Lambert, sculptures dans le palais des papes, et rapprochements avec les œuvres moyenâgeuses de Majorque au musée du petit palais.
Je me sens concerné par cet artiste qui rassemble Afrique et Europe, peinture et sculpture, patrimoine et recherche, « terramare ». La terre du Mali convient bien à l’intensité de ses œuvres : des aquarelles aux poteries, quand quelques traces sur des briques élémentaires leur font prendre des allures de masques, quand la peinture sculpte la lumière. Mais aux pieds des gisants illustres lorsque des chiens les réchauffent pour l’éternité, ce n’est pas l’impertinence de l’artiste majeur d’aujourd’hui qui étonne le plus. Un éléphant dressé sur sa trompe swingue devant le palais des papes ; humour conventionnel qui séduit mais ne rend pas compte de l’intensité, de l’ampleur d’une œuvre où quelques poivrons ont la force que voyait Cezanne dans le rouge des babouches des femmes d’Alger de Delacroix : "Quand je vous parle de joie des couleurs, tenez, c'est cela que je veux dire… Ces roses pâles, ces coussins bourrus, cette babouche, toute cette limpidité, je ne sais pas moi, vous entrent dans l'œil comme un verre de vin dans le gosier, on en est tout de suite ivre." D’une brindille dans la poussière, le rêveur trace la silhouette d’une chèvre. Par les craquelures de la latérite, la vie pousse, la fantaisie frétille, la gravité enroule ses volutes. De tout son corps.
Je me sens concerné par cet artiste qui rassemble Afrique et Europe, peinture et sculpture, patrimoine et recherche, « terramare ». La terre du Mali convient bien à l’intensité de ses œuvres : des aquarelles aux poteries, quand quelques traces sur des briques élémentaires leur font prendre des allures de masques, quand la peinture sculpte la lumière. Mais aux pieds des gisants illustres lorsque des chiens les réchauffent pour l’éternité, ce n’est pas l’impertinence de l’artiste majeur d’aujourd’hui qui étonne le plus. Un éléphant dressé sur sa trompe swingue devant le palais des papes ; humour conventionnel qui séduit mais ne rend pas compte de l’intensité, de l’ampleur d’une œuvre où quelques poivrons ont la force que voyait Cezanne dans le rouge des babouches des femmes d’Alger de Delacroix : "Quand je vous parle de joie des couleurs, tenez, c'est cela que je veux dire… Ces roses pâles, ces coussins bourrus, cette babouche, toute cette limpidité, je ne sais pas moi, vous entrent dans l'œil comme un verre de vin dans le gosier, on en est tout de suite ivre." D’une brindille dans la poussière, le rêveur trace la silhouette d’une chèvre. Par les craquelures de la latérite, la vie pousse, la fantaisie frétille, la gravité enroule ses volutes. De tout son corps.
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