jeudi 14 décembre 2017

Les frères Le Nain. Jean Serroy.

Antoine, Louis et Matthieu appréciés dans leur siècle, le XVII°, avaient connu une éclipse au XVIII°, ils ont retrouvé une notoriété  au XIX°grâce à Champfleury, écrivain défenseur du réalisme. La charrette.
Et surtout les peintres ont appelé à ce qu’ils soient à nouveau exposés. Cézanne :
« C’est comme ça que je voudrais peindre », Van Gogh, Léger, et Dali les citent expressément comme Picasso: Le retour du baptême.  Le Grand Palais leur est consacré en 1978 après le Petit Palais en 1934.
Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble reprend le titre de l’exposition qui vient de fermer ses portes à Lens : « Le mystère Le Nain » pour compléter l’intitulé de son exposé « La poésie du réel ». Sous la signature « Lenain fecit  » qui ne précise pas de prénom, c’est leur atelier où furent produites 2000 œuvres qui additionnent les talents alors que seulement 75 toiles leur sont attribuées à ce jour.
Ce  Triple Portrait, les représenterait tous les trois.
Parmi cinq frères nés à Laon autour de 1600, ils sont trois à avoir suivi une formation de peintre : l’un est plus porté sur les paysages, l’autre sur les portraits, alors que Matthieu qui a survécu à ses deux frères morts à deux jours d’intervalle, est plus sensible aux éclairages caravagesques dans ses compositions. Famille de paysans dans un intérieur
Dans le genre prestigieux de la peinture d’histoire, avec tableaux pour un dieu unique voire rappelant d’antiques divinités multiples, où Ripa avait recensé les symboles et leurs significations : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/06/mythes-symboles-et-allegories-serge.html
Bacchus découvrant Ariane à Naxos, aux frais coloris, nous semble familier, loin du chaos habituel qui accompagne les apparitions célestes.
Un petit enfant au premier rang échappe à la mythologie dans Vénus dans la forge de Vulcain
et annonce la réalité brute de La forge.
«Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois.» Le Reniement de Saint Pierre entré récemment au Louvre, appartenait à la collection très importante qu’avait constituée Mazarin. 
Dans les séries de portraits de groupe, la réunion musicale, chaque personnage garde son individualité.
Il n’y a pas d’embellissement ni caricature dans les Portraits dans un intérieur avec une importance donnée à l’enfance remarquable quand il n’y avait pas si longtemps, Montaigne pouvait ignorer combien il avait d’enfants. Le soupirail et la cheminée se retrouveront représentés dans d’autres tableaux.
Dans les corps de garde, où se tape le carton règne La tabagie,
Les petits joueurs de cartes jouent aux grandes personnes.
Lors du Repas de paysans, le va-nu-pieds n’a pas accès au vin. La diversité des conditions d’une classe dont on ne se souciait guère apparaît.
Sainte Beuve dira de ses peintures qui identifient les trois frères  plus proches de la terre que du ciel :
« Rien ne dépasse d'une ligne la stricte réalité […] elle nous est livrée encore plus que rendue dans son jour habituel, dans son uniformité même et sa rusticité ».
La famille est heureuse au Retour de baptême, toutes les générations sont là.
Dans la famille de la laitière, l’âne tient une place centrale, cet animal pourtant au cœur de tant de civilisations a été peu traité en peinture, sauf lorsqu’il portait Silène, le père nourricier de Bacchus ou avec Jésus entrant à Jérusalem.
Le vieux joueur de flageolet s’est mis à la hauteur des enfants, 
et les Paysans dans un Creutte (une grotte) portent de plus vives couleurs. Leurs regards ont traversé le temps.
« Leur secret est bien plutôt dans cette juste intuition des êtres, qui refuse les airs dolents ou rêveurs et les sourires de convention, qui propose les visages tendus dans un instant d’attente ou de surprise, et choisit le moment où le regard vient se poser sur autrui : insistant, mais du même coup se livrant à découvert. On n’a pas suffisamment souligné que s’établit ainsi une nouvelle relation entre le tableau et le spectateur ». Jacques Thuillier

1 commentaire:

  1. Je suis méfiante, tout de même.
    Je relève ton expression "la réalité brute" qui fait problème pour moi.
    Il y a une fâcheuse tendance à opposer l'homme de la ville et l'homme des champs, et à vouloir que l'un soit plus... réel ? que l'autre tout en tendant à mépriser... la réalité BRUTE (que dit d'autre le mot "brute" ? Je n'ai pas compris que c'était un compliment, dans aucun contexte sauf, peut-être, pour le champagne...).
    Ce qui me semble.. vrai, c'est qu'autrefois les gens souriaient moins, même pour les portraits. Est-ce que ça voulait dire qu'ils étaient misérables, ou à plaindre ? Difficile à dire.
    Quand est-ce que le sourire est devenu.. obligatoire pour faire partie de la caste de la gentillesse ? A voir.
    J'avoue que cette peinture ne m'enchante pas trop.
    Comme Van Gogh, dans sa période des "Mangeurs de Patates", j'ai envie de la fuir. Je me méfie de tant de réalisme.

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