Le libraire a été avisé en plaçant en bonne vue le dernier
recueil de poèmes de celui qui est bien plus qu’une icône de la république
quand elle était fière.
Depuis belle lurette je n’avais acheté de la poésie en pack,
le titre m’avait plu, et je venais de vérifier :
« Lorsque
l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux. »
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux. »
Ces vers si justes ne figurent d’ailleurs pas dans ces 260 pages, ils sont
extraits des « Feuilles d’automne ».
Par contre « Jeanne était au pain sec » figure dans ce recueil programmatique parmi
tant d’autres poèmes. Ces vers à profusion élèvent nos perceptions, nous soulèvent au dessus du tapis d’activités. Ils m'enchantent le regard au moment où l’œil de ma petite brille, et que ses premiers mots surviennent, moment de poésie pure.
Nous apprenons, non en gaga servile prosterné devant des
prouesses technologiques, mais à la source des commencements quand la moindre
abeille fait merveille.
Dans son exil à Guernesey, Victor Hugo vit avec ses
deux petits enfants Georges et Jeanne. Il vient de perdre sa femme, ses fils
Charles, et François-Victor. Adèle sa fille est internée.
Bien sûr les références à l’antique m’ont dépassé et ses
allusions à des contradicteurs d’alors m’indiffèrent, comme ces gouffres
sombres qui s’ouvrent trop souvent en
bout de ligne. Parfois j’ai eu le sentiment de me retrouver dans un jardin à la
française peuplé de statues alors que c’est lui qui nous apprend aussi à
préférer les fécondes broussailles.
Quelle force, quelle fluidité, quelle humanité ! Il se
coltine aux bigots et regarde vivre l’innocence, il extrait de chaque vibration
de l’air de sublimes images.
« Je suis
l’ancêtre aimant ces nains que l’aube azure,
Et regardant parfois la lune avec ennui,
Et la voulant pour eux, et même un peu pour lui ;
Pas raisonnable enfin. C’est terrible. Je règne
Mal, et je ne veux pas que mon peuple me craigne ;
Or, mon peuple, c’est Jeanne et Georges ; et moi, barbon,
Aïeul sans frein, ayant cette rage, être bon,
Je leur fais enjamber toutes les lois, et j’ose
Pousser aux attentats leur république rose. »
Et regardant parfois la lune avec ennui,
Et la voulant pour eux, et même un peu pour lui ;
Pas raisonnable enfin. C’est terrible. Je règne
Mal, et je ne veux pas que mon peuple me craigne ;
Or, mon peuple, c’est Jeanne et Georges ; et moi, barbon,
Aïeul sans frein, ayant cette rage, être bon,
Je leur fais enjamber toutes les lois, et j’ose
Pousser aux attentats leur république rose. »
Un très beau poste, Guy.
RépondreSupprimerTu as su rendre justice à Victor, qui sonne si bien aussi ici.
Te/le lisant, on se met à regretter l'époque où le Verbe était encore rose ? rouge ? à l'aurore lui-même et nous n'étions pas encore... des comptables..
L'époque où la descendance d'Abraham, et de toute l'humanité n'était pas encore.. comptée...chiffrée... raisonnée.
Merci.