Il n’y a pas grand monde ce matin au petit déjeuner. Le garçon, Pala, s’exerce à la langue française, il a acquis quelques formules de politesse.
Sothy nous offre à chacun un CD de musique khmère. Dès le départ, lui et le chauffeur accèdent à nos moindres souhaits dès que c’est possible. J’aurai mes photos de charrettes avec zébus et buffles. Aujourd'hui nous partons pour 60 km à l’assaut du dernier temple de notre programme : Beng Meala, qui signifie l’étang de Méléa. Il fut construit comme brouillon d’Angkor Vatt et s’est effondré assez vite pour des raisons de matériel et de malfaçons. Jean Jacques Annaud a investi le lieu pour filmer « Les deux frères » et il a eu la bonne idée de laisser des rampes d’accès, complétées plus tard par des escaliers et autres passerelles indispensables pour appréhender ce temple en ruines d’une façon originale. Beaucoup de charme se dégage de ce chaos impressionnant de rocs moussus et verdissants entourés de quelques pans retenus par des racines qui continuent la démolition inexorablement. Le temple semble sortir de la jungle, comme s’il venait d’être découvert malgré les passerelles et la compagnie bruyante de touristes chinois. Il subsiste même une sorte de tunnel un peu mystérieux à peine éclairé par quelques ouvertures. Nous longeons l’extérieur du temple, loin des braillards où il reste encore quelques sculptures de belles femmes debout, et croisons sur le chemin de petits écoliers, cahier et stylo dans un sac plastique, très occupés par leurs ballons de baudruche.
Nous revenons à Siem Reap pour déjeuner. Nous prenons goût au gingembre. Nous discutons brièvement avec un couple d’un âge, très soucieux, de se débrouiller seuls et hors des sentiers battus.Nous partons vers le lac de Tonle Sap dans le prolongement de la rivière pour voir ses maisons flottantes. C’est la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est, pendant la mousson sa superficie est multipliée par cinq et la rivière qui l’alimente inverse son cours. Les poissons viennent se reproduire dans les forêts inondées, mais certains pêcheurs utilisent des explosifs et menacent cette réserve précieuse. Le Toyota nous conduit jusqu’à l’embarcadère où nous attend un beau bateau en bois. Les vietnamiens sont très présents dans l’élevage des poissons et les compagnies d’exploitation des bateaux sont coréennes. Le Cambodge qui n’est pas indépendant sur le plan énergétique est exploité par ses voisins, la corruption n’arrange rien. Outre les bateaux flottants et les parcs à poissons, il y a aussi une église et une école sur l’eau. Les habitations sont misérables, les enfants se baignent ou naviguent dans des bassines en métal. Quand nous arrivons au lac, le ciel et l’eau se confondent dans un même gris laiteux qui estompe la ligne d’horizon, nous sommes comme dans un tableau où seules les coques des bateaux apportent des touches de couleur. Le moteur est coupé, le bateau tangue : le moment est étrange.
Panique à bord lorsqu’une fillette brandit un serpent à un bord, et sur l’autre côté un gamin conduit par son père soulève un boa en criant « one dollar ». Il s’éloigne sans montrer de signe d’animosité, ni faire mine de nous balancer ses bestioles devant notre refus.
Nous nous arrêtons au retour sur le ponton d’une maison flottante pour voir un élevage de poissons chats et de crocodiles. Ils sont assez petits, gueule ouverte, nous les surmontons seulement de l’épaisseur d’une planche souple, très souple ! Sur la même maison, une jeune fille exhibe son boa endormi dans un panier recouvert d’un filet. Drôle d’animal de compagnie ! Un petit musée avec aquariums a recueilli quelques éléments de la faune locale et montre en maquette des techniques de pêche. Notre bateau nous ramène sur la terre ferme et à notre grande surprise, voire stupeur, une gamine nous propose des assiettes décoratives en porcelaine avec notre photo en effigie au centre. C’est un choc, surtout de voir l’aspect sévère de nos bobines !
Pour terminer la journée, Sothy propose de nous conduire aux Artisans d’Angkor. Il s’agit d’ateliers d’apprentissage des arts khmers : sculptures sur bois, sur pierre, peintures sur soie, laques. Issus du compagnonnage, des français ont aidé à retrouver les techniques et leurs savoir faire à de jeunes villageois afin que ceux-ci puissent perpétuer leur traditions. Nous pouvons, guidés par une jeune fille parlant français, circuler au milieu des apprentis qui copient des modèles anciens. Des pièces posées sur les tables ont été vérifiées par les maîtres qui ont souligné au crayon les erreurs. Elles seront corrigées demain. Un magasin expose les œuvres achevées dans un grand souci esthétique grâce à une harmonie de couleurs et des éclairages bien adaptés pour mettre les œuvres en valeur. Michèle ne peut résister à l’achat d’une « female orant » (femme en prière) tandis que Dany se contente de couverts en bois de cocotier. A peine sortis de l’auto, sur le chemin de nos chambres les premières gouttes d’orage tropical s’échappent du ciel gris qui nous a accompagnés toute la journée! Comme les autres jours, le déluge ne dure pas plus d’une heure, il nous permet de nous reposer, de lire, d’écrire…
Nous testons un nouveau restau Petit futé : Arun, pas très loin de l’hôtel sur le bord de la rivière. Les prix sont tout à fait honnêtes, les menus présentés sous forme de photos sous- titrées en français et la nourriture très satisfaisante. Comme c’est notre dernier soir nous commandons en plus un ice cream au tarot et au chocolat, et l’alcool de riz ne nous est pas pleuré. Sur le mur un escargot de la taille d’une main s’étire sur un mur. Nous sommes bien, nous rentrons à pied pour notre dernière nuit cambodgienne peuplée d’insectes plus bruyants que les autres nuits. Il me sera rappelé que ce jour là j’avais oublié mon appareil photo sous l’auvent de notre chambre. Il était bien imbibé mais se porte toujours bien : chez A2C c’était du robuste !
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