samedi 10 avril 2010

La prospérité du vice.

Le qualificatif mis entre parenthèses dans le sous titre du livre de Daniel Cohen : « introduction (inquiète) à l’économie » a rassuré le piètre consommateur d’informations économiques que je suis. Je ne saurai avoir le recul nécessaire pour apprécier si l’histoire que Fukuyama estimait arrêtée, s’est remise en marche, ou pour nier le choc de civilisations de Huntington. Mais le livre de l’économiste, tant vanté, est accessible et met en perspective nos informations touffues. Le balayage de l’histoire du monde est magistral et pédagogique mais le regard est sombre : le commerce, n’est pas « doux », et l'éducation n’apporte par forcément « la raison ». Nous passons d’un monde infini où la croissance s’alimentait d’elle-même à un monde clos par la réalité écologique. Nous sommes sortis des temps simples : « celui qui fabrique des biens , le prolétaire, qui ne dispose que de ses mains pour assurer son salaire n’est plus une source de plus value ; il est un coût qu’on cherche à externaliser » . Et si ma mémoire s’accroche mieux aux formules poétiques dont j’ai découvert que Marx en était l’auteur : « dans les eaux glacées du calcul égoïste », on pourrait souhaiter que les approches du grand barbu ne soient pas gommées de nos programmes. L’introduction, par le professeur de l'école normale supérieure, des faiblesses humaines éclaire les mécanismes. La mondialisation n’est pas venue d’une autre planète, c’est bien la réorganisation du capitalisme qui l’a précédée. Il n’y a pas qu’en Inde que les plus jeunes passent des passions politiques à des plans de carrières dans le domaine économique. Dans ces moments où l’expansion est faible, les biens à consommer se raréfient, le collectif devient trop coûteux alors ce sont les valeurs de l’individu qui sont vantées. Bien des réflexions relèvent du simple bon sens mais valent d’être rappelées : « les français sont incomparablement plus riches en 1975 qu’en 1945, mais ils ne sont pas plus heureux. » Nous sommes heureux en regard de la comparaison avec nos voisins. « Etre heureux, c'est gagner dix dollars de plus que son beau-frère ».
Dans un entretien, celui qui avait appelé à voter à gauche à la dernière présidentielle dit : « Le paradoxe du monde actuel est qu'on vit simultanément une percée dans ce nouveau monde virtuel, qui est la conséquence logique de l'enrichissement : tout devient de plus en plus simple à produire si bien qu'il ne reste plus à produire que de l'esprit pur, et dans le même temps on est rattrapé par le mal des origines. La donnée fondamentale du XXIe siècle, pour moi, c'est trois niveaux de risque majeurs. Un, celui de la répétition de nos violences par les pays émergents. Deux, le retour aux origines malthusiennes du monde, la terre devenant trop étroite ce qui entraînerait un effondrement comme on en a connu dans l'histoire. Trois, la schizophrénie. Une partie de l'humanité migre vers un cybermonde où il n'y a ni rareté, ni violence. Est-ce que les nouvelles générations qui naissent dans ce cybermonde vont être dans l'oubli du monde réel, ou au contraire vont être capables de construire un lien entre le virtuel et les ours polaires (comme symboles de la dégradation du climat) ? »

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