lundi 22 novembre 2010

Lost person area

Les titres de film sont désormais en anglais, celui-ci convient tout à fait à la description d'un no man’s land. Allure de western sur un chantier où s’achemine l’électricité vers nos villes pour ce film belge de Caroline Strubbe. Seuls des pylônes ponctuent un paysage absent, la lumière des baraques signale un brin de vie, de bruit, de chaleur furtive. La violence du travail électrise les rapports familiaux où les adultes en déplacement ne trouvent pas leur place. Une enfant dispose ses petites pierres poétiques mais elle est abandonnée des grands. Un sentiment de malaise m’a poursuivi une fois le drame accompli. « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir » chante la petite.

dimanche 21 novembre 2010

Les"pains-coings"

Elisabeth avait contribué à ce blog avec la recette d ‘une terrine de lapin qui est une des pages des plus visitées; elle suggère cette recette pour utiliser ces fruits qui sont le parfum de l’automne :
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »

samedi 20 novembre 2010

Vous dites grandir. Albert Thierry.

Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."

vendredi 19 novembre 2010

Culture, qu’attendre du numérique ?

Le meneur de jeu au forum Libération en interpelant Bruno Racine le président de la BNF(Bibliothèque Nationale de France) sur la numérisation des œuvres écrites risquait de restreindre le débat, mais la finesse du débatteur partagée avec JL Martinelli directeur du théâtre des Amandiers, permettait d’aller au-delà de cette question.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.

jeudi 18 novembre 2010

Jean Dieuzaide

Jean « Dieu z » comme dit Michel Tournier dans la préface du livre consacré au photographe gascon : « Un regard, une vie ». L’octogénaire disparu en 2003 a contribué à sortir la photographie des arts mineurs : « école du regard, qui redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Si sa gitane au regard fier qui donne le sein était accrochée à ma mémoire, c’est la diversité de ses productions qui est remarquable. Ses reportages, ses paysages du Lauragais avant les « vus du ciel » d’Arthus Bertrand, ses portraits, ses images industrielles et ses architectures jouent avec la géométrie par des cadrages inédits et rigoureux. Ses natures mortes élégantes et mélancoliques recèlent quelques pépites colorées d’autant plus éclatantes que le noir et blanc fut sa couleur tout au long de sa traversée du siècle.

mercredi 17 novembre 2010

Par avion. Sempé

A New York Jean Paul Martineau pose son regard, loin des nappes à carreaux du bistrot où monsieur Lambert le parisien avait ses habitudes : dans Manhattan, on mange sur ses genoux ou alors on se fait livrer des repas chinois à domicile. Et pourtant sur la couverture c’est un french cuistot avec sa toque et son petit vélo, le panier de légumes sur le porte-bagages qui est le seul vivant au milieu des gratte-ciels plongés encore dans la nuit. Les chapitres mettent en scène des précieux ridicules du côté de central Park « il existe encore des femmes comme ça ! », la convivialité artificielle à coup de « keep in touch » (Garder le contact), ou l’esprit positif surjoué des américains fussent-ils bobos
« C’est dans la poche ! »
Sempé garde son vélo pour saisir cette humanité qu’il regarde toujours avec tendresse.
Aussi pertinent au pied des buildings qu’au bord des murettes des pavillons de banlieue.

mardi 16 novembre 2010

La vie d’Augustine.#2

Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..

lundi 15 novembre 2010

Les rêves dansants sur les pas de Pina Bausch.

Quel beau cadeau, à bénéfice réciproque, ont pu offrir ces adolescents à Pina Bausch pour son ultime spectacle ! La bienveillance des répétitrices permet à la fraîcheur de la jeunesse de réinvestir des émotions passées de la créatrice. Les répétitions pour dégauchir les gestes amènent au dépassement de chacun, avec son histoire singulière : work in progress. Des moments de grâce. Au-delà d’une technique, d’une posture, une monitrice qui a créé un personnage doit transmettre son savoir à une jeunette déjà blessée par la vie. L’ambiguïté de la relation est dépassée par la générosité des unes et des autres. Le film aborde bien des complexités et rend la dynamique de l’art de la dame de Wuppertal dont le visage émacié s’éclaire quand elle parle de Paris. L’impassibilité qui est demandée souvent aux acteurs donne alors du prix à son sourire. Les jeunes n’ont pas besoin d’être très maquillés, leurs pommettes rosissent aux premiers pas. Cette pièce dansée s’appelle Kontakthof, la chorégraphe dit : « Kontakthof est un lieu où l’on se rencontre pour lier des contacts. Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs. Déceptions. Désespoirs. Premières expériences. Premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître. » Exactement. La vie dansée.

dimanche 14 novembre 2010

Home

L’espace gris bleu de la scène du petit théâtre de la MC2 s’ouvre au-delà d’un asile qui serait situé dans une île : nous sommes avec trois hommes et deux femmes dans cette aire à parler du temps pour nous rassurer, à nous appliquer à trouver un cousin qui a vécu la même chose, à vitupérer, à regarder le monde, à débarrasser des chaises. La causette pour se recoudre. J’essaye d’éloigner un romantisme indécent fasciné par la folie parce qu’elle irait au-delà des convenances, des apparences. Je me suis senti concerné par cette mise en scène de Chantal Morel d’une pièce de David Storey adaptée par Duras. Beckett ou Ionesco peuvent être convoqués, mais les personnages ne m’ont pas parus comme des véhicules d’une conversation philosophique, leur fragilité m’était proche. « Comment avoir le temps d’avoir un passé ? » peuvent-ils se dire, eux qui cherchent à l’enfouir ce passé et se le jettent au visage, en remplissent des mouchoirs.

samedi 13 novembre 2010

Y a-t-il un bon niveau d’inégalité sociale ?

Avec un tel titre, la dernière livraison de « Books » avait de quoi appâter l’amateur de journaux. Ce mensuel parle de livres du monde entier, en choisit des extraits comme Courrier International avec les journaux. Sa couverture reprend un Marx à lunettes de soleil, imité de l’atelier Grapus qui annonçait ainsi une fête de l’Huma il y a quelques décennies.
D’autres titres m’ont aussi accroché : « Badiou et Finkielkraut, archaïques » « que vaut le vote de l’ignorant ? », mais je suis méfiant ne voulant pas retomber dans ma déception avec l’hebdo Marianne et ses titres racoleurs pour des articles décevants.
La page 2 est apéritive avec un sommaire original, composé de phrases extraites des articles: « le mathématicien extraverti est celui qui regarde vos pieds quand il vous parle ».
« Nous ne voyons pas ce que nous ne cherchons pas ».

Les rubriques habituelles sont toujours aussi intéressantes : cette fois la liste des best sellers en Chine, où en marge des guerres napoléoniennes, un livre anglais sur des bandes de brigands qui semaient la terreur de l’Espagne à la Calabre.
Concernant le dossier sur les inégalités, je suis resté sur ma faim. Ce ne sont pas les histogrammes qui manquent, mais les articles contradictoires mettent en doute les interprétations des données statistiques, à qui l’on fait dire ce que l’on veut, ou l’on tait des évidences ou des paradoxes qui voient que dans certains pays les plus égalitaires, le taux de délinquance est le plus élevé. Cependant le livre « The spirit level » « Le bon niveau », pourquoi les sociétés plus égalitaires font presque toujours mieux, est stimulant et Hervé Le Bras, qui est interviewé, voit la nature de l’état providence déterminante pour le bonheur des citoyens en rappellant que :
« La France est par excellence le pays intermédiaire de l'Europe où les traditions du Nord (héritage égalitaire, droit coutumier, égalité des sexes, exogamie, pouvoir des jeunes) rencontrent les traditions du Sud (héritage inégalitaire, droit romain écrit, séparation des sexes, endogamie, pouvoir des vieux). »
Ils parlent aussi de Wikileaks qui prétend combattre pour la transparence mais cultive le secret.
Le monde est ben compliqué, ces 100 pages ne le rendent pas plus simple, mais apportent d’autres éclairages, loin des larbins du 20h.
.....................................
L'association "Grain de sable-Graine de sagesse" réalise un mandala de sable pour SAKINEH condamnée à mort par lapidation en Iran au Gaia-store 6 rue Alsace Lorraine Grenoble
du lundi 15 novembre au samedi 20 à 18h où il sera dispersé.

vendredi 12 novembre 2010

Faut-il empêcher les riches de s’enrichir ?

J’ai retrouvé une copine perdue de vue depuis trois décennies à ce débat de Libé à Lyon, parce qu’elle en avait estimé l’intitulé rigolo. C’est plus accrocheur que l’objectif du millénaire de l’ONU qui prône « l’élimination de la pauvreté ». Et Rony Brauman a bien raison de souligner : " le creusement jusqu’au vertige du fossé entre les riches et pauvres qui est la marque de ces trente dernières années dans le monde appelle d’autres réponses que celles du conservatisme compassionnel sous-tendant les objectifs du millénaire. L’amélioration de sort de l’humanité passe moins par la réduction de la pauvreté que par la lutte contre les inégalités. Pour que les pauvres soient moins pauvres, il faut que les riches soient moins riches ".
Son interlocuteur, Claude Alphandéry, trouve lui aussi que « les politiques libérales de dérégulation au profit des plus riches ont eu des effets dévastateurs sur l’emploi, l’environnement, les niveaux de vie… »
Et l’on pourrait aligner les formules :
« L’inégalité nuit gravement à la santé »Wilkinson,
ceux qui ont échoué, reçoivent des rémunérations mirobolantes et« se tournent vers les E.U. pour les salaires des dirigeants et vers la Chine pour les salariés ».
Chercher un mot plus précis pour remplacer « durable » qui s’épuise à s’accoler avec développement ; « soutenable » ferait l’affaire.
Ecarquiller les oreilles quand on nous rappelle que l’écart des revenus qui était de 1/20 dans les années 60 est passé à 1/500.
Envisager un revenu maximum qui serait à « encapsuler ».
Mais quand on constate que seulement 56% des français sont opposés au bouclier fiscal, on peut mesurer que la propagande est redoutable: quand les riches prétendent payer 50 % d’impôts: «Ils payent au maximum 20 %, car le revenu fiscal est minoré. »
Nous sommes hébétés.
L’état s’est appauvri entre 2000 et 2009 de 119 milliards.
Pour ajouter quelques zéros dans cette barque,
sous le titre « ceux qui font la dette, défont les retraites »,
Attac rappelle d’après les chiffres du Conseil d’Orientation des Retraites
que l’ensemble des niches fiscales en France représente 75 milliards d’Euros de perte pour le budget de l’état alors que le déficit du régime des retraites pour 2010 est de 10,7 milliards d’Euros…
Nous avons perdu cette bataille, encore.Dessin du Canard Enchaîné de cette semaine.

jeudi 11 novembre 2010

Le calendrier des postes.

Aux murs de fermes obscures, je me souviens d’images uniques : celles du calendrier des postes.
Et je ne peux m’empêcher que se superposent à ce clou, les silhouettes voutées de l’Angélus de Millet.
Moi, fils de plouc, ne me défilant pas derrière les bannières à faucille, je trouvais pourtant bien niaises ces icônes. Aujourd’hui, que je me suis un peu frotté d’art contemporain - on est toujours le kitch de quelqu’un - ces paysans pionniers des produits dérivés, remuent ma boîte à étiquettes.
L’Angélus enraciné vaut, me semble-t-il, autant pour son ciel que pour sa terre.
Les chatons ou les paysages d’automne que distribuait le facteur sont enserrés désormais dans des cadres clignotants sur nos buffets sans poussière.
En ces temps impitoyables, les chatons se portaient à la rivière, mais présentement la tendresse et les lumières qui dégoulinent dans nos undisclosed adresses disparaissent sous la profusion.
Derrière la page cartonnée où se résumait une année, le vieux garçon marquait le jour où il avait emmené vache au taureau. Les bateaux de pêche carmin attendaient au port en des eaux émeraude, où le Guste n’irait jamais.
Le facteur sonne-t- il encore par chez vous, au moins une fois ?

mercredi 10 novembre 2010

J 10 à New York. Le Queens

Nous destinons notre dernière visite au Queens, avec comme but le Moma, extension de celui de Manhattan appelé aussi PS 1(Public school). Nous y parvenons grâce au métro G, et nous débouchons dans un quartier en travaux d’où nous apercevons la forme reconnaissable du Chrysler building, notre préféré, sur l'autre rive. Nous sommes sur Jackson avenue, la rue du Moma bis que nous trouvons facilement. Nous faisons le tour du sévère bâtiment rouge, ancienne fabrique d’agrafes selon les guides, ancienne école aussi comme l’annoncent les frontispices. Grille close, le musée n’ouvre pas avant midi. Il est 11 heures, le temps est beau, nous patientons en marchant vers le quartier grec.Tout d’abord de l’autre côté de la rue nous jetons un œil sur le grand entrepôt graffé, tagué de bas en haut et sur toutes ses faces sous l’égide de 5 pointz ou 5PTZ.com, seul bâtiment touché par cette débauche de couleurs et sans doute amené à disparaître au profit d’immeubles arties ou résidentiels. Nous longeons Jackson avenue en direction de Queensboro bridge jusqu’à un nœud routier bruyant où s’entremêlent les poutrelles des passerelles. Nous rebroussons chemin car la 21street que le guide Evasion signale comme quartier grec et méditerranéen n’est pas à côté. Nous prenons conscience de l’échelle du plan. Nous n’atteindrons pas le quartier Steinway où subsistent peut être des fabriques de piano. Avant de gagner le PS, nous nous restaurons dans un Deli coréen, self service de plats cuisinés et goûtons une diet root bier inoubliable qui donne l’impression de boire de l’Hextril.
Nous nous rinçons la bouche à la cafétéria neuve du Moma PS avec un expresso, deux gâteaux au chocolat délicieux et un cheese cake insipide. L’entrée du musée est gratuite car seul un étage est visible, les autres sont fermés au public pour cause d’installation.
Le lieu lui-même est intéressant : les couleurs des murs de briquettes s’écaillant ont été conservées et des milliers de pas ont donné une patine aux marches d’escalier cimentées. D’autres escaliers méritent l’appellation cages d’escalier, à cause de grillages protecteurs. Des artistes ont peint les murs de scènes en noir ou collé des paysages d’arbres à un étage, de tremblements de terre au 2nd. Mais l’exposition essentielle réside dans la présentation de vidéos, classées chronologiquement. Nous commençons avec le ballet mécanique de Fernand Léger, Ray et Anteil, entracte de René Char, Picabia et Satie pour nous orienter progressivement vers des visions plus masochistes : hula hop en barbelé qui meurtrit le corps d’une femme, œuvre d’une Israélienne ; femme qui se mange un sein à la cuillère simulé par un melon, humoristique : acteur qui imite un bébé et s’aventure en couche culotte au milieu de la rue, témoignages, performances : superposition de corps nus au sommet d’une montagne pour la hausser d’un mètre… Nous circulons ensuite sur des planchers recouverts entièrement de 33 tours en vinyle noir aux étiquettes multicolores.Nous renonçons à prendre le métro aérien vers Manhattan car l’heure tourne et nous avons rendez-vous à 16h chez Emma. Derniers préparatifs et un taxi, belle voiture noire sans sigle apparent arrive. Nous faisons nos adieux à nos amis.Notre chauffeur indien d’Inde s’inquiète du numéro du terminal où nous devons nous rendre. Nous ne sommes pas en mesure de répondre, alors il correspond par téléphone tout au long du trajet, se faufilant dans la circulation dense vers JFK Airport. Nous trouvons la réponse à sa question sur la route grâce aux panneaux explicatifs qui répertorient les compagnies d’aviation selon les terminaux. 45$ plus tard, nous enregistrons nos bagages, passons le contrôle de sécurité pour lequel nous avons acquis de l’expérience, sans chaussure ni ceinture. Il nous reste 3h 30 d’attente, occupées par la lecture, l’écriture. Nous mangeons un tacos monstrueux dont nous avons du mal à venir à bout à deux. L’avion est à l’heure. Bien installés, nous dormons en toute quiétude. Le transit à Madrid nous impose un nouveau contrôle de sécurité, chaussures, ceinture et tout le bintz. Je retrouve avec plaisir l’Equipe et Libé et découvre avec bonheur le livre « Seul le silence » de Ellory que ma femme vient de finir. Elle crève de chaud et s’achète un T-shirt couleur locale : « Bad Toro ». Embarquement et arrivée à l’heure à Genève, la navette pour Grenoble part toutes les dix minutes (43€ la place). Les personnes auxquelles nous avons à faire paraissent moins courtoises.
………………
Je termine ici l’exploitation du carnet de voyage de mon épouse. Les semaines à venir, je prolongerai les plaisirs de ce séjour par des évocations de films récents ou de livres où il est question de New York, avant un retour sur notre voyage en Chine de 2007.

mardi 9 novembre 2010

La vie d’Augustine.#1

Augustine Marie Joseph née en 1912 est décédée en 1999.
A l’attention de ses enfants, petits enfants et arrière petits enfants, elle a laissé trois cahiers dont un de poésies.
Née dans le Pas de Calais à Auchel dans le Pays minier, elle a pris son stylo à bille en 1978 afin de relater l’histoire de sa vie. Elle a quitté l’école avant d’obtenir son certificat d’études primaires, ce qui était le cas de la plupart des enfants de mineurs. Mais son caractère joyeux, son énergie, son sens de l’observation, son humour ont guidé la rédaction de souvenirs sans misérabilisme.
Les travailleurs du charbon étaient fiers de leur condition de mineurs.
Certes, pauvreté allant jusqu’au dénuement quand le nombre d’enfants était important mais ciment familial, solidarité gages de survie.
La fratrie d’Augustine ( 11 enfants ) n’a connu aucun décès.
Je suis sa fille aînée à qui elle a confié ses écrits. Je les ai saisis me contentant de corriger l’orthographe et la ponctuation.
Ses textes sont écrits sans ratures : de simples ajouts très rares.
Document illustrant un passé ouvrier, la lutte opiniâtre pour améliorer sa condition, « s’élever » socialement, devenir son propre patron.
Les grandes guerres aussi comme des vols de vautours sur l’innocence des agneaux.
Si des jeunes lisent les fragments publiés par Guy que je remercie de tout mon cœur au nom de ma mère disparue, ils découvriront combien forte était la soif d’apprendre chez les enfants de mineurs. Aujourd’hui l’Ecole est parfois vécue comme une punition par les ados dans nos pays privilégiés.
« Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 … pour combler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans
selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale… »

« Le Monde » 4 octobre 2010.
Marie Treize
Nous poursuivrons la publication de ses écrits en plusieurs épisodes,les mardis qui viennent.La vie d’Augustine.#1
Du temps de mon père, quand les mineurs toussaient, on disait qu’ils crachaient leurs poumons.
La vie devenait très dure. Les ouvriers commençaient à se révolter. Ils s’attaquaient aux hommes politiques surtout (Poincaré). On sentait la guerre venir. Il y a eu des assassinats. Heureusement, Clémenceau était pour la classe ouvrière : il nous aidait mieux.
Mes aînés travaillaient, aidant la famille à vivre car la retraite de mon père ne suffisait pas. Mais le docteur était gratuit pour les mineurs (Les Mines, propriétés privées avaient un dispensaire pour les familles de mineurs).*
Ma mère et mes sœurs, Sophie et Jeanne, faisaient des lessives : pas de machines à laver !
Cela se faisait dans de grands tonneaux sciés en deux. Chaque moitié était équipée d’un battoir accroché à la paroi. On le manipulait de droite et de gauche. Et toute cette eau qu’il fallait transporter depuis la pompe avec les jougs…
Maria, la mère de Lucienne prenait des cours d’infirmière tout en travaillant.
Nous n’avions pas de W.C. dans la maison. Le « cabinet » était au fond du jardin.
C’était souvent la galopade : il fallait faire la queue. Parfois on allait dans le cabinet du voisin qui était collé de dos au nôtre.
Le réservoir à excréments était une cuve en bois qu’il fallait vider de temps en temps
Nous-mêmes car il n’y avait pas de vidangeurs dans les corons. On vidait les caisses dans un trou du jardin comme toutes les familles des corons. Cela se faisait surtout l’hiver. Il fallait avoir une sacrée santé !
Mes frères reconnaissaient l’odeur des voisins. Ils disaient : tiens, chez les Vylérie, ils vident leur merde. On reconnaît leur parfum !
Et pour nous c’était pareil, puisque l’on ne pouvait pas faire autrement.
Mais il fallait voir comme nos légumes étaient beaux !
On recouvrait les trous avec de la paille et des épluchures et ça nous donnait un excellent fumier que l’on répartissait dans tous les jardins par roulement.

* Note du transcripteur

lundi 8 novembre 2010

« Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. »

Mais non ce n’est pas dans ce film où Carla Bruni a tourné; le bel inconnu c’est un autre, tous les autres, que l’on s’invente, alors allons voir le Woody Allen de l’année.
L’éternelle confrontation des illusions à la réalité crée le comique. La citation de Shakespeare concernant la vie « pleine de bruit et de fureur » sonne bien solennellement et touche au grotesque quand il s’agit du simple déchaînement de pathétiques démons de midi, de treize où onze heures.
Un vaudeville, comme on ne dit plus, un film choral, léger, avec des silences, des hésitations qui sont la patte du maître. Anthony Hopkins se paye une blonde de salle de gym, son ex se console avec les prédictions d’une voyante et du whisky, sa fille aimerait bien Banderas mais elle arrive trop tard, le mari de celle-ci réalise son fantasme avec la fille sublime d’en face qui joue de la guitare dans sa robe rouge, mais la suite sera sûrement foirée, donc drôle, si Allen poursuivait encore cette histoire de paumés, pleine de désillusions. La citation complète sur « la vie racontée par un idiot », se termine par : « qui ne signifie rien ».

dimanche 7 novembre 2010

Aldebert.

Quand les feuilles mortes, qui n’ont pas résisté à l’appel de l’automne, se font pousser par les souffleurs, il se peut, que attirés par quelque nouveauté en CD sur les présentoirs impératifs de la Fnac, vous cédiez à de la chanson française qui mêlerait rock et poésie.
Aldebert m’a ainsi fait de l’œil depuis son trapèze avec son titre « j’ai dix ans » qui sentait le Souchon. Je m’efforce d’aller vers des musiques inédites mais je trouve que le fils du dessinateur de Paris Match dont les chiens allaient au « restaurant réservé aux nonosses et banquets » ne vaut pas Bénabar dont il assurait une première partie, et s’il n’est pas aussi politique que Jamait, il n’a pas non plus la gouaille de Sansévérino dont il peut se réclamer aussi. Elevé au Brassens, ce bisontin ne manque pas d’énergie mais comme il est d’usage maintenant que lorsque vous avez un bon jeu de mots il convient de le répéter, cela peut lasser :
« L’étoffe des héros, paraît-il, n’est qu’un vieux tissu de mensonges. »
« Dis moi qui te suis, ma chérie, je te dirai qui je hais »
« L’homme descend du songe »

Par contre « j’ai tourné sept fois ma langue dans sa bouche » c’était déjà entendu.
Oui, nous sommes au temps où les dames sont aux Camel light et si « milite » rime avec « instit », ce n’est pas indispensable de tomber dans le cliché avec la maitresse qui récupère tous les pots de yaourts. Chanteur d’une génération qui n’est plus la mienne avec des notations enfantines qui me paraissent plus régressives que tendres et des paniques de vieillir qui manquent d’originalité. Il est de la fratrie à Jeanne Cherhal, Renan Luce, dont l’humour, l’humilité sauvent bien des redites. Il lui sera beaucoup pardonné et on pourra même goûter avec jubilation une parodie de rap avec la Madeleine Proust sur « le deux cinq »où la saucisse est de Taumor, où on roule tout Doubs et avec « tout ce qu’on entend et qu’on nous dit pas » il n’y plus qu’a se joindre aux ritournelles entrainantes: « tout le monde debout sur le zinc ! ».

samedi 6 novembre 2010

XXI. automne 2010.

Les villes choisies pour le dossier de cet automne « Des villes et des hommes » ont plutôt des couleurs crépusculaires. Certes de sympathiques potagers sont cultivés dans la ville de Détroit,mais ils poussent parmi les ruines de la cité de l’automobile. Toyota city est encore florissante, mais l’on pressent la fin, derrière une organisation trop bien pensée. L’autre agglomération au Québec qui vivait des mines d’amiante, s’effondre littéralement. La démarche est plus positive d’habitude chez mon chouchou trimestriel.
Par contre Guillebaud qui retrouve un ancien fixeur éthiopien trente quatre ans plus tard nous offre une occasion de nous remémorer et de voir que tout récit ne se clôt pas forcément de façon tragique.
Un anglais dans un récit graphique rend un banal voyage en camion en Iran tout à fait intéressant.
Le retour sur une émission qui avait attiré l’attention : « la mise à mort du travail » est utile.
XXI soulève aussi souvent le voile sur des injustices ignorées : cette fois des esclaves en Bolivie qui ont essayé de se révolter. Un photographe a suivi une troupe d’acteurs d’Opéra en Chine et Phil Casoar, un ancien d’Actuel revient sur la mort d’un jeune phalangiste, alors qu’Ariane Chemin nous conte une histoire en Corse qui tourne mal, mais c’est bien tourné. Nous faisons connaissance d’un ancien compagnon de Castro, un sacré personnage.
210 pages. Avec toujours une bibliographie et filmographie attractives en fin de reportage, nous avons tout pour prendre du plaisir surtout que pas une page de publicité ne s’interpose. Nous sommes vraiment ailleurs mais pas à l’abri de l’effarement face au monde tel qu’il va, voire encore un peu plus saisis.

vendredi 5 novembre 2010

Quand le local cale.

Claude Dilain, le maire PS de Clichy-sous-Bois : « On doit faire face à une perte de confiance extrêmement préoccupante vis-à-vis du politique. C’est beaucoup plus grave que le nombre de voitures brûlées ». Si lui aussi en est à ce constat, en ne se mettant pas à part, dans ce désaveu, alors qu’il n’a pas renoncé à sortir sa ville du marasme où l’a plongé le pouvoir central depuis des décennies : c’est que le mal est profond.
La gauche est reconnue pour ses compétences sur le plan local.Cette réalité en arrive à être d’autant plus cruelle dans notre périmètre local à nous, puisque les électeurs ne savent plus mettre le « bon » bulletin dans l’urne. Nos élus minoritaires au conseil municipal, contraints à la figuration inintelligente, pensent que pour regagner des voix, il suffit de courir après toute protestation et surtout ne produire aucune idée qui puisse tracer une autre voie.
On a tellement dit que la gauche était idéaliste qu’il ne suffit pas d’endosser la tenue de l’opportunisme pour récolter les faveurs des citoyens qui ne sont pas si bêtes. La pertinence d’une démarche politique ne se valide pas à la dose de cynisme qu’il aura fallu mettre en œuvre, mais elle gagnerait en crédibilité en acceptant des paroles qui ne soient pas que des flatteries ni des renoncements.
Lors de la dernière réunion publique concernant le tram les élus d’en face et d’à côté ne se sont pas montrés bien persuasifs, ne cherchant même pas à convaincre. L’arrivée d’un moyen de transport moderne et structurant enfin sur l’axe nord de l’agglo est une chance. Les verts approuvent quand même la construction de logements indispensables, mais point trop n’en faut quand même, et la maire dit « s’asseoir à côté » de ses administrés, sur la défensive pour la plupart à cette réunion organisée par le SMTC, où elle a par ailleurs des responsabilités.Double casquette de plomb.
Quand il y a des bénéfices électoraux à tirer de l’intercommunalité, les élus ne vont pas s’asseoir derrière l’appareil photo, pour ce qui est d’avancer des convictions fortes, chacun laisse les techniciens aller au charbon. L’ancien maire, de gauche, a , lui, ergoté sur l’emplacement d’une station qui mettrait la poste à 200 m de l’arrêt le plus proche ; nous sommes à l’arrêt.

jeudi 4 novembre 2010

Ce que nous devons à l’Afrique.

Je crois, que si j’avais eu encore des élèves, je serais allé avec eux à cette exposition qui dure jusqu’en janvier 2012, même si la profusion de textes mérite une préparation pour simplifier l’approche. C'est d'une triste banalité de constater l’ignorance qui est attachée à ce continent, ce choix du Musée dauphinois est utile. L’originalité des présentations à Sainte Marie d’en haut s’est peut être un peu émoussée à mes yeux, mais le parti pris de montrer de nombreux panneaux sur des tissus qui évoquent les tentes des déserts est dans la lignée d’une muséographie qui séduit sans être tapageuse.
J’ai été plus attiré par les très belles photographies des hommes de la vallée de l’Omo en Ethiopie par Hans Sylvester que par les panneaux de déclarations d’Edgar Pisani. Des visages superbes s’encadrent de végétation, mais ce sont des images ultimes d’un monde qui meurt.
Alors que les communautés Italiennes, arméniennes ou maghrébines de la ville ont eu droit à leur exposition sur leur vie ici, celle-ci est consacrée à l’Afrique en général.
De Lucy qui témoigne que la femme africaine « est entrée dans l’histoire » depuis un bon moment, jusqu’aux sénégalais montés dans le Vercors résistant. Notre héros local, Barnave, l’homme des droits de l’homme, n’était pas partisan de la fin de l’esclavage contrairement à l’abbé Grégoire. Où j’ai appris aussi que le maréchal Randon qui a donné son nom à une avenue de la ville olympique fut gouverneur en Algérie.
Le recours à des œuvres d’art contemporain, dont celle de Moridja Kitenge Banza qui compose une chorale à lui tout seul, filmé nu trente fois en train de chanter un hymne composé de plusieurs hymnes, est intéressant. En inversant la question initiale développée tout au long du parcours avec la carte des gisements de matières premières et l’évocation de royaumes prestigieux, le rappel de la dette dont le compteur a beau périodiquement retomber à zéro, est stimulant.
Cette réalité est plus forte que toutes les bonnes intentions, et les beaux bijoux dans les vitrines que valent-ils, quand pour se désaltérer, il n’y plus que le sang d’une vache efflanquée à boire ?

mercredi 3 novembre 2010

J 9. New York. De devantures en devantures.

Ce matin est lumineux, embaumé par les lilas de la maison voisine.
Le Woolworth building, notre première destination du jour n’est pas loin d’une station de métro. Son style néogothique est inattendu pour un bâtiment de 60 étages dont l’accès nous est refusé par un vigile élégant, courtois, mais ferme. A côté, des manifestants sont parqués sur le trottoir derrière des barrières surveillées par des policiers. Ils brandissent des pancartes et scandent des slogans avec conviction dans le style calls and répons africains : "raise your head » (relevez la tête). Nous comprenons vaguement le sens de leurs revendications; il est question d’éducation, de corruption et de réformes estimées insuffisantes.
Il est facile de se repérer dans la ville en quadrillage. Nous reprenons notre route vers Ground zéro. Devant une grande croix érigée en souvenir de twin towers et ses victimes, nous attrapons le bus M1 qui traverse une bonne partie de Manhattan jusqu’à Madison Square Garden.
Nous commençons par la grande poste accessible par un escalier monumental en gradins sur lesquels les gens prennent le soleil, d’autres s’entrainent à l’art du dessin appuyés sur de grands cartons. Nous pénétrons dans un hall tout en largeur par une porte à tambour, son style rappelle celui de grand Center Terminal. Un vigile nous interdit de photographier. En échange il nous fournit un texte où l’on apprend l’action décisive de Richelieu dans l’invention du courrier postal.
Nous traversons ensuite la route et entrons dans le mythique Madison Square Garden, « le jardin des rêves », vide à cette heure. Des photos commémorent les passages des VIP des sports, du spectacle : de Buffalo Bill au pape. Au sol, des plaques commémoratives honorent quelques grands noms.Nous ne sommes pas très loin à pied du grand magasin Macy’s. Nous y pénétrons et profitons des élévators jusqu’au 8° étage, non stop, en espérant profiter d’une vue élevée sur le quartier, ce qui n’est pas le cas. Le magasin ne présente pas d’intérêt architectural particulier, les enseignes et les marques se rapprochent de celles des galeries Lafayette. Seul détail marquant : la survivance de vieux escalators en bois.
Il est temps de se restaurer et sur la 8° avenue nous rentrons dans un Deli Alp Farm. Nous nous servons directement dans des emballages en plastique. Nous payons au poids et nous mangeons à l’étage avec vue sur la rue. Nous payons pour cinq le prix d’un seul repas au Métropolitan Muséum.
Nous retournons à Times Square grouillant de monde avec un nombre important de policiers qui encadrent « the earth Day » et ses manifestations. Nous nous dirigeons ensuite vers le Rockefeller Center. En l’espace de quelques minutes, le ciel s’obscurcit libérant quelques gouttes, juste au moment où nous atteignons le gratte ciel. Nous ne nous éternisons pas sur la place carrée entourée de drapeaux, nous passons à nouveau une porte à tambour, pour nous abriter dans le hall monumental et sombre. Le marbre en impose et la décoration en réfection se compose de fresques dont le style se situerait entre Goya et Michel Ange, ponctuées de citations. Nous prenons le Métro pour Chelsea, ce qui nous permet de visiter le degré inférieur de l’immeuble rempli de restaurants, de petites boutiques et d’un local dédié au cirage de chaussures. Assis sur des chaises en hauteur, les businessmen parcourent leur journal et consultent leur I pod tandis que des employés en tablier rouge soignent les chaussures qui leur sont confiées.
Encore une fois un homme se détourne de son chemin pour nous mettre sur la voie du bon métro : nous descendons à la station 14 Street, pile en face du magasin Dave’s adresse recommandée pour les jeans Lewis, par un familier de Big Apple. Il s’agit des stocks d’années précédentes cédés à des prix imbattables, 30$ l’un. Nous faisons nos emplettes dans ce grand magasin presque vide. Nous causons avec un vendeur sénégalais, américain depuis quatre ans, positif, vantant aussi la beauté de son pays d’origine.
Dehors le temps fait des caprices, nous nous abritons dans un magasin de sport et pratiquons des sauts de puces de devantures en devantures pour revenir à Times Square sous un ciel presque bleu. Nous poursuivons le programme établi ce matin, direction Pier 83 entre la 43° et la 42°. Nous trouvons facilement le « Circle line » au bord de l’Hudson. Nous finissons par comprendre qu’un ticket payé donne droit à un ticket gratuit et que le tour dure 2h. Nous achetons finalement 3 passages valables pour 5 et embarquons après une fouille vite faite. Nous sommes ravis par la vue sur les buildings des deux côtés de l’Hudson, encore différente de celles appréciées du haut de l’Empire State Building, depuis la plateforme d’un autobus ou à pied le nez en l’air dans les rues de NY. Le bateau chemine autour de la pointe sud de Manhattan, poursuit sous le pont de Brooklyn et remonte encore. Les lumières du jour déclinant peignent le ciel de teintes fabuleuses, sur lesquelles se détache la skyline newyorkaise. Les gratte ciels s’allument peu à peu à tous les étages au mépris des économies d’énergie mais pour notre plus grand plaisir. Au retour le bateau s’approche de Miss Liberty, protectrice. Il fait froid sur le pont mais cela n’entache pas notre appréciation d’un moment grandiose. Nous débarquons à 21h, enchantés et refroidis, mangeons vers la 8° avenue un burger King, des frites, des oignons en beignets et rentrons à Jefferson street.

mardi 2 novembre 2010

Mon voisin de table de dessin est digigraphiste

Des couleurs d’une enfance au bord de la Méditerranée, en passant par les vapeurs acryliques, Etienne Bonillo, propose aujourd’hui des éditions en tirages limités en digigraphie.
Ce sont des photographies agrandies de ses œuvres et reproduites par impression de jets d'encre sur toile.
Ces lithographies numériques valorisent ainsi les productions à crayons et pinceaux.
Le jovial artiste participe activement aux ateliers de l’ACDA du côté de Grenoble et expose essentiellement sur la côte d’azur, en PACA. Un voyageur.
Ajoutant ainsi des pixels à sa palette, ses toiles accèdent à une seconde nature.
Jean Marc Lozano, chargé de cours à l’université, dit à son propos :
« l’artiste construit son épanouissement dans des créations impressionnistes ou l’œil du contemplatif se doit de construire cette image déracinée de son double »

lundi 1 novembre 2010

Nostalgie de la lumière. Patricio Guzman

Que cherchent les astronomes depuis le désert chilien de l’Atacama avec leurs télescopes braqués vers les univers les plus lointains ? Ils explorent le passé puisque les lumières observées datent de millions d’années, comme les veuves qui remuent le sable à la recherche des os de leurs maris disparus dans les camps de concentration de Pinochet. Déterrés leurs restes ont été parfois jetés en mer pour que ce passé ne laisse pas de trace. Un beau film où les années lumières constituent l’unité adéquate alors que des mesures de temps plus humaines vont vers l’oubli. A l’heure de la dématérialisation des corps morts, la quête des femmes de quelques poussières, illustre la nécessité absolue de pouvoir « faire un deuil » qui leur a même été refusé.
Péchée sur un autre site, cette citation de Kant convient parfaitement à ce film : "Le ciel étoilé au dessus de ma tête, la loi morale au fond de mon cœur…" 3000 morts et disparus, plus de 30.000 personnes torturées, des milliers d’exilés ; la dictature du général Pinochet dura 17ans.

dimanche 31 octobre 2010

Manset

Au moment où la radio de son maître se taisait en 68, les ondes planantes de Gérard Manset ont pu passer, depuis il y est rarissime. Cela conforte ses fidèles d’autant plus inconditionnels qu’ils ne sont pas noyés dans une foule d’allumeurs de briquet. La compagnie de pairs qui ont reconnu ce successeur de Gainsbourg et des Beatles réunis comme un grand leur suffit : Bashung, Hardy, Cabrel, Sheller, Clerc…
Le chanteur qui peint et pratique la photographie a été chiche de sa propre image et son refus de rééditer quelques succès a fait monter sa cote.
Il voyage en solitaire et nous nous reconnaissons dans son parcours, quand « être au monde » va avec la volonté de mener sa barque comme on l’entend :
« Mais il est seul
Un jour
L'amour
L'a quitté, s'en est allé
Faire un tour
D'l'autr' côté
D'une ville où y avait pas de places pour se garer. »

Il est parti aux autres bouts du monde, sans poser au héros comme Lavilliers, son regard fixé sur les tapisseries décollées des chambres tropicales et revenant avec de beaux papiers.
Il nous dit bien que
« Les capitales sont toutes les mêmes devenues
Aux facettes d'un même miroir
Vêtues d'acier, vêtues de noir »

Mais il ne s’en est pas retourné, aveuglé par les longues pluies, il a su très tôt nous dire :
« Il faudra bien qu'on pense un jour
Aux enfants qui poussent dans les tours,
Sur les trottoirs, sous les néons
Ceux qu'on ramasse dans les cartons.
Où sont les vastes terrains vagues,
Tout est silence.
Les murs de briques, les tas de sable
De mon enfance.
Les enfants nus, visage de charbon
Suivant les sentiers dans la grisaille
De nos maisons de France. »

Il mêle les éléments les plus fondamentaux le vent, l’eau, le soleil aux Légo sans mémoire, aux mocassins sous des tapis de violons. La ménagère au matin fait chauffer de l’eau et rêve.
Je peux l’écouter des heures, l’oublier, revenir vers ses incantations et me laisser enlacer par ses mots essentiels.

samedi 30 octobre 2010

« Tous les enfants sauf un. »

C’est ce que Philippe Forest a fait écrire sur la tombe de sa petite fille morte d’un cancer il y a dix ans, elle n’avait pas cinq ans. C’est la première phrase de « Peter Pan », mais la littérature ne sauvera pas le papa qui a noirci tant de pages après ce drame. Dans ce livre, il reprend le récit de cette mort et élargit sa réflexion sur l’hôpital, le statut de l’enfant, le cancer, la religion, le deuil et ses travaux forcés, sans détours.
Il cherche : « On doit pouvoir faire plus simple encore. J’aimerais pouvoir y parvenir. Rien ne remplacera celui qu’on a perdu. Et c’est seulement à la condition d’accepter cette évidence que, consentant au sacrifice de soi-même, on conserve vive la vérité d’avoir aimé. »

vendredi 29 octobre 2010

« Démocratiser la décision »

Il en fut question au forum Libé de juin à Grenoble, depuis que la « démocratie participative » est revenue sur le devant de la scène et que le moindre geste politique s’accompagne des mots
« concertation », voire « partage » omniprésents dans chaque boite à outils de com’ , de l’assoc’ la plus ringarde jusqu’au FMI .
Les « gens » ne se contentent plus d’être seulement informés, pourtant les processus innovants pour être décidément participatifs ne sont pas évidents.
Les personnes qui investissent les espaces ouverts à la décision sont majoritairement accessibles à l’arthrose. Et finalement « on vote où l’on dort », alors que la ville peut très bien être produite par les touristes ou ceux qui y travaillent par exemple.
Dans le schéma idéal de nos représentations, le triangle est la figure convenue où la collectivité publique en gestionnaire se placerait à un sommet, le marché sur une autre pointe et la société civile en garante des valeurs. Sauf que la multiplication des DSP (délégation de service public) en particulier dans le domaine culturel amène du déséquilibre : le renard a franchi le grillage.
Oui, nous sommes dans des systèmes en évolution, les enjeux, les choix doivent être hiérarchisés ; dans la complexité qu’est ce que la souveraineté populaire ?
Une évidence qui venait juste après l’abstention aux régionales : cet échelon est mal perçu car la décision politique n‘ inaugure pas beaucoup.
Et une nuance concernant le morcellement communal tant décrié, qui a su maintenir en France, dans tant d’espace, un réseau remarquable des services.
Pour que le citoyen ne soit pas qu’une créature abstraite, le processus démocratique comme on dit, a comme obligation le suivi, le compte-rendu, l’évaluation extérieure.
Ainsi l’intérêt collectif peut émerger lorsque chacun se l’approprie, mais l’urgence fait mauvais ménage avec l’élaboration lente, concertée, ascendante.
………………………………………………
Dans « Le Canard » de cette semaine :

jeudi 28 octobre 2010

Cabanel Alexandre

Même sous les platanes des promenades montpelliéraines il faisait bien chaud, alors
les corps laiteux et lisses de Cabanel, paraissent délectables.
Il eut ses heures de gloire au XIX° finissant, et le musée Fabre rend hommage à l’enfant du pays. Il incarnait l’académisme quand les impressionnistes étaient bannis des expositions ; aujourd’hui c’est lui qui est tiré de l’oubli, et c’est intéressant comme toute exposition qui présente un artiste dans ses évolutions.
Un montage approprié témoigne du passage de l’esquisse à la touche définitive : les nouvelles technologies au service d’une présentation agréable.
Une Cléopâtre bien blanche essaie des poisons sur des esclaves, des anges déchus ont le regard bien contrarié, les scènes sont bibliques ou littéraires et les portraits charmants privilégient une atmosphère florentine.
Une bonne adresse puisque Courbet qui avait précédé Cabanel dans cette exposition temporaire conserve quelques tableaux dans ce musée récemment restauré.

mercredi 27 octobre 2010

New York. J8. Le MET.

Dehors il fait bon sous le soleil. Nous prenons le métro jusqu’à Lexington avenue et nous poursuivons à pied dans un quartier cossu mais pas tapageur où Dany remarque le nombre important de fleuristes. Nous débouchons bientôt face au Métropolitan Muséum et empruntons l’entrée des scolaires et des groupes, surpris du peu de personnes en attente. Nous échangeons nos Pass City contre une pastille métallique rose à agrafer à nos vêtements. Armés d’un plan détaillé, nous choisissons de commencer par l’aile américaine. Pour y parvenir nous traversons l’art médiéval et nous tombons sur une procession de pénitents en pierre, en lamentation rangés deux par deux, parfaitement éclairés. L’ensemble provient d’un tombeau de Jean sans peur près de Dijon et la mise en situation valorise chacun des personnages libérés ici de leur gangue gothique. Impressionnant, mais interdit de photographier.
Autour d’un patio protégé par une verrière nous découvrons l’art nouveau à travers Tiffany, artiste de mosaïques et de vitraux. Nous admirons l’escalier, des portes en verre aux décorations multiples, des vases, mais pas l’ombre d’une peinture. Un gardien interrogé par Nicole nous envoie de l’autre côté du musée nommé modern art.
Nous y voyons des toiles de peintres américains qui nous sont inconnus mais aussi
des œuvres peintes et sculptées de Giacometti, un portrait tragique de sa mère, un chat sculpté,des Balthus, trois petits autoportraits de Bacon superbes, des Dali dont une madone en trompe- l’œil, des Modigliani, des Beckmann, des Bonnard, des Matisse, des Vuillard, des Braque, des Juan gris…et pas de Picasso.
Pour changer, nous circulons par moment dans deux expositions art nouveau, où nous retenons un immense tableau de verre, métal et bois laqué extrait du paquebot Normandy. Quelques meubles stylisés, de la vaisselle, des bibelots, un ours de Pompon, des services à thé, des bijoux (collier de perruches en verre ou cristal) attestant de l’art abouti des artisans de cette période.
Nous sommes tous d’accord pour une halte au restaurant le plus proche à l’intérieur du musée où les prix dépassent très largement celui des restaus que nous fréquentons habituellement ( plus de 200 $ pour cinq personnes). Nous reposons un moment nos gambettes.L’après-midi nous poursuivons avec l’art moderne du XX°. Dans cette partie du musée nous nous arrêtons devant une sorte de parabole constituée de multiples petits miroirs qui reflètent la même image démultipliée. Nous retenons aussi :
la reproduction du drapeau américain tout blanc comme décoloré, fané,
une toile circulaire d’un chinois réalisée avec de la cendre, des Pollock, des Kooning, un tableau représentant la mort de John Ford.
Mais nous ne pouvons pas tout retenir, nous oublions.
Nous décidons de passer un moment aux arts américains océaniens et africains : une mine ! Créativité, imagination, originalité et aussi des constantes entre les peuples. Nous ne finissons pas cette partie avant l’art africain. Je me consacre aux impressionnistes, dans l’ivresse juste avant la fermeture, je gave mon appareil photo, seul au milieu de chef d’œuvres inestimables.
Il reste tant à découvrir encore, nous n’avons pas vu la moitié des collections réparties dans des salles bien organisées, collections d’une grande diversité d’époque, d’art et de régions. J’avais lu qu’il y avait deux millions d’œuvres mais le plus souvent on parle de trois millions, pas toutes exposées quand même. Pas d’ordre chronologique pour les peintres et les œuvres, comme au Moma. Chaque salle correspond à une donation et porte le nom du donateur. Nous ne sortons pas saturés, avec l’impression d’avoir été privilégiés dans ce musée prestigieux et si nous avons croisé une classe d’ados aussi fatigués que les nôtres, de plus petits discrets, des enfants attentifs à l’adulte devant les Matisse, le public est à peine perceptible.
Dehors la pluie s’annonce par quelques gouttes clairsemées, puis plus serrées, elle clôt nos atermoiements d’emploi du temps : nous prenons le bus pour nous approcher du métro. A l’intérieur nous vérifions une fois de plus la sollicitude des newyorkais. Une dame nous prend sous son aile, nous entraine pour une correspondance de bus afin d’éviter au maximum de nous mouiller. Nous nous étonnons encore du nombre de personnes qui nous répondent dans notre langue. Ils ne sont pas touristes, mais Sénégalais, Algériens, résidents récents dans le nouveau monde. Nous poursuivons seuls le long trajet qui nous ramène à Brooklyn. Nous allons à la bibliothèque du quartier à deux pas de la maison, pour renouer avec Internet abandonné depuis une semaine, 3$ la ½ heure, parmi d’autres internautes, des joueurs d’échec et des lecteurs et choisissons des plats cuisinés chinois (26$ pour tout).

mardi 26 octobre 2010

Lucky Luke contre Pinkerton.

Cette fois le successeur de Morris, Achdé, peut compter sur Benacquista et Pennac pour scénariser les aventures du cow boy qui compte ses 64 ans. L’heure de la retraite a sonné pour Jolly Jumper et son maître. J’en étais tout désappointé et je trouvais bien ingrats ceux qui ont bien vite oublié le solitaire, détrôné par Pinkerton prônant des méthodes policières modernes, où à l’identité judiciaire on demande de ne plus sourire au moment de la photo, où la tolérance est à zéro et le fichage en règle. Ce personnage ambigu a existé et les deux auteurs de polar multiplient les allusions au climat actuel : manipulation de l’opinion par la rumeur, surpopulation carcérale... Les fondamentaux sont respectés : les Daltons sont toujours aussi bêtes, Lucky Luke encore plus flegmatique. Billy the Kid est libéré pour bonne conduite : quelle honte !

lundi 25 octobre 2010

Illégal. Olivier Masset Depasse.

Les valeurs de justice, qui figuraient dans l’imaginaire des étrangers qui veulent rester chez nous, sont mises à mal, quand les dispositifs visent à empêcher l’immigration. Une femme russe qui fit valoir notre langue dans son pays où elle professait, est sans papier, elle s’en brûlera les doigts pour échapper aux vérifications. Ce centre de rétention présenté n’est pas forcément un endroit indigne et quelques garanties démocratiques subsistent; nous ne sommes pas en bordure de Méditerranée. Le réalisateur belge nous révèle les réalités hors champ des caméras administratives appelées là par la loi pour éviter en principe les bavures qui subsistent lors des expulsions. En évitant les rôles trop d’une pièce, il retrace une histoire émouvante qui complète « Welcome » quand Lindon était en maître nageur. Les drames ne sont pas seulement les hématomes sous la peau, mais des vies familiales compromises. La vision du cinéaste n’est pas totalement pessimiste, puisqu’il nous laisse espérer que le beau personnage central pourra réussir grâce à l’amour filial pourtant contrarié tout au long d’un film qui nous rappelle à la réalité des barbelés qui nous enserrent.

dimanche 24 octobre 2010

Ferrat.

L’unanimisme à l’occasion de la mort du chanteur, l’enterra un peu plus, comme sont ensevelis Aragon, Potemkine, Le temps des cerises, Ma France :
« Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche
A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain »

Autre temps où monsieur D’Ormesson était fustigé, l’ancien éditorialiste du Figaro est désormais prince des lucarnes, à l’unanimité.
Il s’en est fallu d’un numéro spécial d’ « Envol »journal d’action laïque de l’Ardèche, pour que j’essaye de poser quelques mots en hommage au citoyen d’Entraigues. Si la couverture du numéro de mai est dessinée par Ernest Pignon Ernest, autre artiste reconnu, engagé, les photos qui illustrent la brochure montrent que ce n’est pas un people de Saint Germain qui s’assoit sur les sièges en plastique des salles communales pour aider ceux qui trouvent que c’est un joli mot « camarade ».
Du temps où j’étais instit, je n’ai pas envisagé de séquence de géographie concernant l’évolution du monde paysan sans une écoute de « La montagne », et « Nuit et brouillard » remue encore bien des chœurs adolescents. Mais ce serait faire tort à nos engagements, à nos sincérités que de se contenter de lui accorder une place au pied du podium de nos chanteurs à textes derrière Brel, Brassens, Ferré.
S’il était moins habité, moins ciseleur de mots, moins fou, il fut plus proche, se trompant comme nous, à la hauteur de sa môme, dans ses bras :
« Ma môme, elle joue pas les starlettes
Elle met pas des lunettes
De soleil
Elle pose pas pour les magazines
Elle travaille en usine
À Créteil»

L’émotion lors de sa disparition allait au-delà de son personnage qui a vécu derrière une « fenêtre qui donne sur l'entrepôt et les toits » mais qui abritait de l’espoir et de l’amour.

samedi 23 octobre 2010

A un ami Israélien. Régis Debray

Il faut bien que ce soit lui, Régis Debray, qui invite à la réflexion, pour que je passe du temps sur un sujet qui me parait tellement hors de portée. Même si je n’ai pas toutes les références : « la sabra héroïque aura été l’avatar israélien de l’homme nouveau promis par Saint Paul », se frotter à tant d’érudition donne l’impression, au moins un temps, de saisir la profondeur du problème, son enracinement dans les siècles. Les coups de gueule bien tournés ressortent pour parler de Gaza :
« c’est un peu comme si notre administration pénitentiaire déclarait avoir « libéré » les détenus de Fresnes en les enfermant à double tour du dehors, coupant les rations de moitié, privant l’infirmerie de médicaments et éteignant l’électricité ».
Et bien des réflexions vont au-delà des frontières d’un pays grand comme une petite Belgique :
« … le jeune Mao à casquette devant sa grotte, le barbudo cubain dans la Sierra Maestra -ces accroche-cœur ont anesthésié des milliers de neurones de par le monde, en surimpressionnant un âge d’or sur l’âge de fer qui a suivi. »
Il fait un sort à l’image du « rescapé de 45 » qui ne peut décidément plus se superposer au « Robocop de 2010 ».
Elie Barnavi « sioniste palestinien » lui répond dans le même livre et s’il est d’accord avec la plupart des idées de Debray, il marque la distance, avec celui « qui se collète au sacré et qui risque de rater le profane », entre le français et l’israélien, entre l’écrivain et le politique

vendredi 22 octobre 2010

Les jours heureux.

C’est le titre du petit opuscule édité par le CNR, Comité National de la Résistance le 15 mars 1944, dont un ami m’a communiqué un fac-similé, car j’ai été frappé que dans les débats sur le Renouveau en cette fin juin 2010 à Grenoble, on fit tant référence à ce document qui s’avère d’une actualité brûlante. En effet, après un plan d’action immédiat contre les oppresseurs, bien des paragraphes concernant un ordre social plus juste sont bons à citer à nouveau :
« L’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Fouquet’s.
« Un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat » En ce temps là il y avait une crise certaine.
« Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » Dignement
« La possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelque soit la situation de fortune de leurs parents… » Fermetures de postes.
Il est aussi question de liberté de la presse. En 2010, la France figure au 44° rang du classement RESF. Quand l’équipe de foot était 27°au classement FIFA, l’entraineur fut limogé.
Ce programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944 : « comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition », les éditions de La Découverte viennent de le rééditer avec des apports de Jean-Luc Porquet, François Rufin. Si vous l’avez lu, faites nous part de vos commentaires.
………………………
Cabu dans Le Canard enchaîné de cette semaine :

jeudi 21 octobre 2010

Le XVII° siècle ou l'émergence des femmes (peintres)

C’est le temps des salons où des femmes réunirent des assemblées plus productives que bien des académies où elles commencent pourtant à être reçues.
Rosalba Carriera, miniaturiste vénitienne et surtout virtuose du pastel eut un succès dans bien des cours d’Europe comme portraitiste. Elle connut Watteau et influença à son tour nombre d’artistes tel Quentin De La Tour. Nous pouvons percevoir son époque à travers ses lumières subtiles et vaporeuses. Elle finira sa vie aveugle après avoir été opérée à trois reprises de la cataracte.
Adelaïde Labille Guiard, aide de Quentin De La Tour, passera des portraits des filles de Louis XV dites Mesdames qui contribueront au discrédit de l’Autrichienne Marie Antoinette à celui de Robespierre.
« Ne croiés pas, Monsieur, que ces Portraits ainsi que tant d'autres, offrent une attitude roide, contrainte, qui annonce l'ennui du modèle et la fatigue de l'artiste; dans ceux de Madame Guiard, on s'imagine converser avec les personnes dont elle offre l'image fidelle, par le ton d'aisance et la facilité qu'on y remarque. On devine en quelque sorte l'esprit et le caractère de chacun de ses modelés : l’âme semble peinte sur le visage. »
Angelica Kaufmann a désormais son buste à côté du tombeau de Raphaël; native des Grisons elle connut une carrière internationale. Confite en dévotions après une vie plutôt agitée, elle osa les nus masculins. Elle est une des représentantes éminente du mouvement néo classique.
Elisabeth Vigée Lebrun reste la plus célèbre alors qu’elle fut détestée pour sa proximité avec Marie Antoinette dont elle peignit une trentaine de portraits. Elle estimait que la révolution avait détrôné les femmes. C’est vrai pour sa peinture qui était bien plus charmante avant la révolution avec ses chairs délicates, elle, dont David reconnaissait le talent. Un de ces tableaux les plus célèbres : « Marie Antoinette et ses enfants » relevait d’une démarche de communication pour montrer la reine en bonne mère, mais le berceau que le dauphin désigne est vide, la petite sœur qui devait l’occuper est morte.Les réactions face à un pouvoir discrédité, sont hostiles "Voilà le Déficit !"raillèrent les mêmes qui s'interrogent aujourd'hui : "quel rabot des niches pour le nabot des riches?"
Serge Legat le conférencier des amis du musée a choisi Rosa Bonheur comme incarnation du nouveau rôle des femmes, au XIX° siècle. Cette admiratrice de Georges Sand peut être classée parmi les féministes, bien qu’elle se devait de solliciter l’autorisation à la préfecture tous les six mois pour porter le pantalon. Ses amours furent féminines. Elle connut tous les honneurs et bénéficia de côtes vertigineuses. Son « Marché aux chevaux » qui figure au MET est d’une vigueur remarquable. Ses compositions qui peuvent s’apparenter à des frises valorisent une campagne du second empire prospère, plus idéalisée que celle de Millet. Un musée lui est consacré à By en bordure de la forêt de Fontainebleau où l’on peut admirer en particulier des études d’animaux.
La voie est ouverte pour tant d’autres. Si bien qu’au 21° à l’atelier où mes crayons se trainent il y a majoritairement des représentantes du sexe faible.
Heureusement le maître est un mâle. Une curiosité.