mercredi 20 octobre 2010

New York. J7. Quartiers arty et vue sur la ville.

La sonnette annonce Emma, notre logeuse, qui se met à notre disposition avec son ordinateur portable pour la confirmation de nos billets d’avion. Nous sommes rassurés par son intervention décisive. Le nuage de poussière semble stagner voire s’atténuer. Sur son Ipod, « sa deuxième passion après ses enfants », elle nous montre des photos des étapes de la rénovation de l’appartement que nous occupons, qui était une la ruine quatre ans auparavant.
Nous partons avec une température idéale pour une promenade à Chelsea. Nous suivons le trajet proposé par le guide « Evasion », balade agréable dans un quartier calme. Visite d’une petite galerie d’art aux murs rouillés où sont exposées de petites statues sympathiques. L’international Poster center (601W26th ST) est situé au 13° étage d’un bâtiment en rénovation à l’extérieur comme à l’intérieur semblable à un parking en sous sol avec tuyauteries apparentes, murs peints grossièrement par-dessus les briquettes avec poubelles sur le palier. Derrière des portes fermées à clef se cachent des entreprises annoncées sobrement. Nous sommes accueillis en français, l’expo permet de voir des affiches datant du début de l’autre siècle destinées à une vente aux enchères au mois de mai. Nous pouvons circuler librement au milieu d’œuvres de Mucha, d’annonces de spectacles de Mistinguett, Maurice Chevalier ou Buffalo Bill, de réclames pour des automobiles. Nous avons à notre disposition des catalogues de vente où nous pouvons prendre connaissance des prix allant de 5000 à 30 000$ de quoi n’avoir aucun regret de ne pouvoir assister aux enchères. Nous bénéficions par ailleurs d’un point de vue superbe par les fenêtres d’une des salles d’archivage.
Nous nous arrêtons au « Don Giovanni restaurant » assez cher avec des salades plutôt fades mais cette halte au milieu des photos vieillies de Caruso nous repose avant d’attaquer un autre quartier. La serveuse roule sacrément les « r », son parler ne reproduit pas l’accent nasillard américain ou plus select des british. Nous pénétrons après dans le hall de l’hôtel Chelsea où bien des notes étaient payées en œuvre d’art. Le générique d’ « ex fan des sixties » défile: il abrita Janis Joplin, Jane Fonda, Hendrix, Dylan, Nabokov, Monroe, Warhol… le poète Dylan Thomas y tomba dans le coma après 18 whiskies.
Nous partons en direction de Soho d’un coup de métro. Les commerces de luxe s’affichent comme Vuitton, Chanel, Mimi de Montparnasse, au rez-de-chaussée d’immeubles en fonte bien entretenus où les échelles de secours rythment les façades. Souvent de couleur blanche, où tranchent le rouge et le vert comme le « Little Singer Building » conçu pour le fabricant de machines à coudre. Dans la rue de ce bâtiment de 1905 s’est installé un marché de petits vendeurs de CD « made by him self », ou de petites structures en fil de fer, artisans peintres et graffeurs sur supports de récupération. Nous achetons un dessin accompagné d’une citation traduite en anglais d’Albert Camus inscrite au feutre sur une feuille de papier journal. L’artiste édenté, ne manque pas d’humour. Sur notre chemin, nous nous arrêtons dans une galerie proposant des lithographies de Dali, Picasso, Chagall. Malgré les prix affichés qui dépassent de loin nos moindres prétentions, l’accueil est chaleureux, « welcome » sans mépris ni froideur. Ce n’est pas la première fois que nous remarquons cette gentillesse, ce manque de distance sociale. Nous nous promenons encore dans ce quartier entre Soho et Tribeca, avant de prendre le métro. Nous nous renseignons pour trouver la bouche du métro, ou plutôt un homme propose de nous aider, alors que nous sommes plongés dans les plans, et nous conduit le plus loin possible pour lui dans les sous terrains pour nous mettre dans la bonne direction « Enjoy » « Thank you Isidore ».
Notre dernière destination de la journée est l’Empire State Building. A cette heure, peu après 19h, plus de queue pour accéder au contrôle de sécurité, mais le cheminement compliqué délimité par des cordons rouges laisse imaginer le monde qu’il peut y avoir à d’autres heures. Nous prenons un premier ascenseur, un express qui franchit les 80 premiers étages affichés électroniquement 20 par 20. Nos oreilles réagissent comme dans un avion. Un deuxième nous hisse 6 étages plus haut à la plate forme panoramique. La nuit s’installe inégalement dans le ciel, mais uniformément sur la ville. C’est époustouflant. Nous dominons le monde, la statue de la liberté apparaît toute petite et lance timidement la lumière depuis son flambeau. Les buildings s’éclairent et on en identifie certains comme le Chrysler. La rumeur de la ville gronde en continu, renforcée par les moteurs d’hélicoptères et les sirènes de police et d’ambulance en contrepoint. Il n’y a pas de bousculade ou d’individu s’imposant pour s’approcher des grilles protectrices. Nous prenons notre temps, nous délectant de cette vue où la configuration des îles et des rivières se lit facilement.
Nous renonçons à une balade nocturne dans les rues de Manhattan.

mardi 19 octobre 2010

Comment je suis devenu stupide. M. Page. N. Witko.

Vaste programme qui correspond au passage à l’âge adulte d’un être trop lucide. L’humour est noir dans les éditions « Six pieds sous terre ». Et bien que cet album soit issu d’un livre, on peut déceler un travers de certains auteurs de BD, complexés par rapport à la littérature plus conventionnelle, de " se la jouer un peu trop", en rajouter dans la complication ou le clin d’œil élitiste.
« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » disait René Char dont la formule figure à la préfecture de Grenoble lieu d’un discours tristement célèbre du triste sire qui nous gouverne. Pauvre poète résistant.
Accéder à la stupidité est un chemin difficile qu’emprunte le héros mais il ne supporte pas l’alcool et les tentatives de suicide sont éreintantes, parole de momie. Il lui reste à devenir trader. Le récit de ce destin nauséeux dissuadera-t-il les candidats à ce métier qui sont parait-il très nombreux ?

lundi 18 octobre 2010

Bébés

Pour une fois que le tour de la planète ne nous déprime pas, ne boudons pas notre plaisir. Ce documentaire de Thomas Balmès est élémentaire en accord avec son objet. La première année dans la vie d’un bébé en Namibie, à San Francisco, au Japon et dans la plaine mongole, filmée à la hauteur des petits est émouvante. De leur venue au monde au premier pas. Au-delà des environnements entre surabondance et dépouillement extrêmes, retrouver les mêmes codes qui fondent notre humanité nous touche: les grands frères sont jaloux pareillement sous la yourte où dans les pavillons de chez nous et le sourire de maman également indispensable dans l’ascenseur qui surplombe la ville illuminée que dans la poussière près de la case. Télérama a trouvé le film trop gentillet : raison de plus de savoir que vous êtes dans la bonne file d’attente. Le jour où tout le monde aura perdu sa capacité à s’attendrir, la planète sera devenue un désert. Et je n’ai pas trouvé ce film gnangnan : le chat est magnanime sous toutes les latitudes même quand il est trituré vigoureusement, la présence des animaux est intéressante dans ces histoires tendres qui nous redonnent le sourire.

dimanche 17 octobre 2010

Le roi s’amuse.

"Quand on n'a plus d'honneur, on n'a plus de famille."
Une citation de la pièce de Hugo qui fut interdite très vite par la monarchie de juillet, pour dire que du temps a passé : le mot honneur qu’on vient de connaître en légion a perdu de sa grandeur. Rancillac le metteur en scène a pourtant bien souligné l’actualité d’une représentation du pouvoir au temps de François premier où le bouffon a le rôle premier. J’ai apprécié les boules à facettes, le décor en miroir, de cette cour bing bling, mais Denis Lavant du haut de ses talonnettes ne m’a pas atteint dans les séquences dramatiques. Il est convainquant en fou du roi mais ses relations avec sa fille qui est bien nunuche, m’ont parues factices, et sa douleur proche du grand guignol.
« Entre la morale nostalgique d’un Saint Vallier, l’absence totale de limites de la cour de François 1° et le tout sécuritaire paranoïaque de Triboulet, il doit pourtant exister une autre éthique » note le metteur en scène. On a bien envie de suivre son regard, mais je ne suis pas sûr que les lycéennes qui garnissaient l’Hexagone ce soir là, n’aient pas subi quelque brouillage spatio temporel quand dans ce décor de boîte de nuit, il est question du « guet », elles n’en aient pas compris un autre. Les vers d’Hugo n’avaient pas forcément besoin de photo au portable pour nous évoquer le présent. Ils en paraissent même parfois un peu longuets, quand Triboulet pérore devant un sac à viande. Pourtant quelle force dans le manifeste que le jeune Victor rédigea après l’interdiction de sa pièce :
« Le poète parlera lui-même pour l'indépendance de son art. Il plaidera son droit fermement, avec gravité et simplicité … Il réussira, il n'en doute pas. Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui intacte et inviolable sa liberté de poète et de citoyen, il se remettra à l'œuvre de sa vie. Il a sa besogne à faire, il le sait et rien ne l'en distraira … Le pouvoir qui s'attaque à nous n'aura pas gagné grand chose à ce que nous, hommes d'art, quittions notre tâche consciencieuse, tranquille, sincère, profonde, notre tâche du passé et de l'avenir, pour aller nous mêler offensés, indignés, sévères, à cet auditoire irrévérent et railleur qui, depuis quinze ans, regarde passer, avec des huées et des sifflets, quelques pauvres diables de gâcheurs politiques, lesquels s'imaginent qu'ils construisent un édifice social parce qu'ils vont tous les jours à grand peine, suant et soufflant, brouetter des tas de projets de loi des Tuileries au Palais Bourbon et du Palais Bourbon au Luxembourg ! »

samedi 16 octobre 2010

Les dix femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi

Quelle santé !
Depuis « Le lièvre de Vatanen », il y a plus de vingt ans, j’ai eu quelques rendez-vous avec Arto Paasilinna, le truculent auteur finnois, dont j’ai beaucoup aimé « Petits suicides entre amis » et « La douce empoisonneuse ». Cette fois la tournée d’un entrepreneur bon vivant chez ses maîtresses, qu’il honore vivement mais sans vulgarité aucune, a forcément un côté répétitif puisqu’elles sont neufs à la queue leu leu à recevoir des fleurs dont il vient d’être couvert pour son soixantième anniversaire. Il faut ajouter sa femme mais celle-ci est allergique au pollen.
Abandonnant sa queue de pie, le généreux bonhomme rejouera un deuxième tour, cette fois en père Noël. Sautillante galerie de portraits, coups de pattes à cette société finlandaise citée constamment en exemple, situations cocasses.
Une de ses partenaires, journaliste est tellement alcoolique qu’avec ce qu’elle a éclusé « elle aurait pu acheter un grand magasin, plus douze kilomètres de route ou, au choix, trois petits lacs. »
De l’humour revigorant.
« Pour se rafraichir en sortant de l’étuve, Rauno resta un moment nu sur le balcon du premier étage, à regarder d’un air songeur la mer glacée. Son corps encore fumant était propre, sa conscience un peu moins, mais un heureux sentiment emplissait malgré tout son âme. »
Conseillé à tous ceux qui entrent en sexagénaire attitude.

vendredi 15 octobre 2010

La démocratisation est-elle compatible avec une planète durable ?

Les interdictions, les incitations, peuvent-elles faire l’objet d’un consensus politique, bien que ce soient les sociétés civiles qui aient amené les politiques à se poser la question écologique ?
Au forum 2010 de Libé à Lyon, Minc que j’ai trouvé moins horripilant que dans ses interventions télévisées pense bien que " la démocratie c’est la possibilité d’interpellation" et regrette "la régression démocratique due à l’affaiblissement des syndicats qui fragilise le modèle contractuel". Critique par rapport à la démocratie américaine qui se rapproche du tiers monde par certains aspects, il remarque que "là où il y a démocratie, les gens mangent à leur faim".
Bien qu’un polar africain porte ce titre : « La bouche qui mange ne parle pas ».
Cependant les questions écologiques en particulier, apanage des sociétés riches, possèdent leurs réponses à l’international.
Montebourg, moins pontifiant que sur d’autres estrades, se montre convaincant sur ses souhaits d’une 6°république, mais la transparence demandée aux pouvoirs publics, l’émergence de contre-pouvoirs, le mandat unique sonnent comme de pieux vœux aux oreilles de l’adhérent de son parti qui constate que ces pratiques vertueuses ne sont pas vécues ainsi dans toutes les sections.
Alors si: « être plus Mars que Vénus au niveau de l’Europe » échappe à mon champ de compétence, ce devrait être à la portée de chaque citoyen de « participer à la délibération », « chercher à bâtir des compromis », voire « éviter que les élus capitulent face à la technostructure ».
Malheureusement ce qui est du B+A= BA demandé aux autres n’est pas toujours mis en œuvre chez nous.
« C’est un très grand classique socialiste que d’être élégiaque dans le discours et réaliste face à une question empirique » A. Minc. Ben Oui, après tout, il était à l’anniversaire de Martine et à celui de Rocard.
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Canard Enchaîné de cette semaine :
"Qu’a demandé Sarko au pape ? Des Stock-onctions !"

jeudi 14 octobre 2010

Femmes peintres au 16° et 17° siècle en Europe.

On ne nous avait pas tout dit: je viens d'apprendre à une conférence des amis du musée que quelques femmes eurent dans le temps une notoriété.
Judith Leyster, va être influencée par son maître Frantz Hals avec ses buveurs joyeux, ses musiciens expressifs, ses portraits d’enfants très vivants. Ses collègues caravagesques d’Utrecht apporteront une profondeur à ses lumières mais sa peinture « reste dans la dette », bien que la reconnaissance lui soit acquise puisqu’elle aura des élèves masculins. Elle demeure dans les réserves du Louvre.
Elisabeth Sirani de la féconde école de Bologne, installera, elle, une école pour les femmes peintres. Elle était réputée pour exécuter ses œuvres rapidement, sa vie intense fut brève, elle mourut à 27 ans. Ses productions ont souvent pour sujet les femmes.
Clara Peeters est une autodidacte reconnue pour ses natures mortes.
Louise Moillon, la protestante du temps de la révocation de l’Edit de Nantes, arrête sa carrière quand elle se marie, elle dont les fruits magnifiques sont savoureux.
Les compositions florales de Rachel Ruysch jettent les derniers feux d’un genre qui connut une grande faveur.
Au tournant du siècle suivant, Anne Vallayer Coster, fille d’un orfèvre du roi sera logée au Louvre. Admirée par Diderot, elle dirigera le cabinet de dessin de Marie Antoinette ; son tableau des panaches de mer dans l’esprit des cabinets de curiosité est étrange et reste dans la mémoire.
Ces pourtant réacs de frères Goncourt écriront pour le XVIII° qui vient :
« La femme est le principe de gouvernement, la raison qui dirige et la voix qui commande ».
Ce sera pour la prochaine séance de Serge Legat aux amis du musée, avec la plus célèbre Elisabeth Louise Vigée Lebrun.

mercredi 13 octobre 2010

J6. New York : histoire.

Le ciel arbore à nouveau ses couleurs des beaux jours, mais la température prouve qu’on n’est pas encore en été. Notre logeuse met à notre disposition son téléphone pour que nous communiquions avec nos familles et french friends.
Nous sommes contraints de quitter notre Métro bondé pour un problème de portes qui ne ferment pas normalement. Une charmante dame s’inquiète de notre sort et nous oriente pour poursuivre notre chemin, nous ne nous en sortons pas mal après avoir demandé à des employés municipaux rassemblés, vêtus de vert, jaune, orange fluo (sont-ils en grève ?)
Nous nous faufilons avec bonheur dans la queue des propriétaires du sésame Pass City, plus rapide que l’autre file sans billet. Il faut passer un contrôle de sécurité avec portique et vérification des sacs par des machines vidéos, enlever veste, montre, ceinture, vider ses poches, c’est à peine s’il ne faut pas découdre les fermetures éclair tant les engins sont sensibles. Les postes sont nombreux, les policiers diligents et organisés et la foule des touristes s’entasse dans les ferries assez rapidement. Nous nous installons sur le pont supérieur dont les bancs sont inutiles, nous sommes mieux debout pour découvrir la vue du quai et des gratte-ciel que nous laissons dans notre dos, et pour photographier Miss Liberty qui nous regarde approcher.
Le ferry se vide presque entièrement. Nous louons des audio-guides en français pour 7 $ et commençons par contourner la statue de Bartholdi, véritable mastodonte sur son piédestal. Nous devons confier obligatoirement nos sacs à dos à la consigne et devons subir un deuxième contrôle de sécurité qui fait râler ma femme d’ordinaire patiente. Pour la première fois nous testons le portique scanner qui nous propulse de l’air par le bas et nous fait dresser les cheveux sur la tête. Nous enchaînons avec le portique traditionnel avant de pouvoir nous rhabiller. Enfin nous sommes autorisés à pénétrer dans le musée, très bien fait où nous découvrons que Violet Leduc puis Eiffel ont contribué à fabriquer la structure métallique intérieure de la statue, avec une armature suffisamment souple, comme pour les ponts, nécessaire pour affronter la puissance des vents. La statue fait face à la France en signe de reproche envers le manque de libertés sous le règne du « dictateur Napoléon III ».
Nous faisons le tour du monument, et au moment de récupérer les sacs à la consigne, nous sommes refoulés d’urgence vers l’entrée du site, au-delà de l’esplanade au drapeau américain dont l’espace vidé est seulement occupé par une policière et un soldat lourdement armé. On attend la levée de l’alerte pour savoir qu’il s’agissait d’un sac trouvé abandonné : les américains sont chatouilleux sur les questions de sécurité, nous avait- on dit.Le ferry nous transporte à deux brasses de là, à Ellis Island, l’île qui vit passer la multitude des immigrants pauvres (12 millions) du vieux continent entre1892 et 1954. Toujours avec l’audio guide après une coupure repas sandwichs-frites dans une salle du musée, qui servait de réfectoire, nous suivons le périple de l’immigrant débarqué : la salle des bagages, la salle d'enregistrement. Des médecins, postés en haut des marches, faisaient un premier diagnostic en observant comment les immigrants montaient les marches. 2% étaient repoussés.
C’était la porte de la terre promise, au risque d’être écarté par un signe à la craie tracé sur le vêtement. La nourriture paraissait parfois exotique aux nouveaux arrivants ; comme cette polonaise qui engloutit une banane avec la peau, ou cet autre ayant donné son plat aux oiseaux. Etaient refoulés les gens présentant des maladies contagieuses, ainsi se servant de retourne boutons, les médecins vérifiaient-ils les yeux malades.
Tout était prévu pour lâcher ensuite les immigrants à l’aventure : banque, provisions, plan des chemins de fer… Les lieux sont gardés tels quels, avec leurs carrelages muraux blancs et des pans de murs avec graffitis sont conservés. Beaucoup de panneaux présentent des portraits, des bateaux « faisant leur beurre » grâce aux troisièmes classes peu exigeantes en service, mais entassées en grand nombre sans confort. L’exil s’explique par les pogroms, les persécutions en Europe… Nous n’avons pas le temps de finir complètement la visite, la fermeture est proche ainsi que le dernier ferry qui nous mène à Manhattan au Battery Park.
Nous longeons l’Hudson sur une promenade piétonne aménagée bien agréable pour les touristes, les joggers et les chiens tenus en laisse ; nous sommes attirés par un bâtiment en verre à l’intérieur duquel nous apercevons de palmiers. C’est le World Financial Building qui une fois traversé, nous place face à la fosse gigantesque laissée par les tours jumelles. Déjà neuf ans. Plaie qui tarde à cicatriser, vaste chantier qui ne s’élève pas vite. Nous ne voyons aucune marque, aucune indication, aucun commentaire qui retrace la tragédie.
Nous rejoignons à pied Wall Street, la Bourse et la statue de Washington. Nous cherchons le taureau emblème du quartier de la finance, symbole de l’optimisme, au contraire de l’ours, pessimiste, ainsi les investisseurs haussiers ou baissiers. Cette bête puissante et virile en bronze d’Arturo Di Modica inspire les touristes en quête de photos souvenirs.
La nuit tombe, l’obscurité s’installe vite entre les buildings qui rivalisent de richesse et de hauteur.
Nous prenons le chemin du retour par le Métro C.La photo 2 est de Dany et la 3 du musée.

mardi 12 octobre 2010

Broderies. Poulet aux prunes. Marjane Satrapi.

Parce que « parler derrière le dos des autres est le ventilateur du cœur », les bavardages des femmes iraniennes à la fin d’un repas de famille sont rafraichissants. Dans « Broderies », elles ne s’adonnent pas à d’inoffensifs travaux pour dames, mais on apprend que manier l’aiguille peut servir dans certaines circonstances. Les langues sont alertes et dévoilent bien des secrets épicés des couples, avec une liberté étonnante. Nous sommes dans les années 50.
Le dessin est toujours aussi évident, les noirs aussi agréables, le récit familial autour d’un joueur de tar original et dépressif nous intéresse par la grâce de la narration.
« Poulet aux prunes » autre livre doux amer publié par l’association garde ce ton original né de l’intime et nous livrant des images d’une société mal connue.
Nous comprenons que Marjane Satrapi soit devenue une auteure de B.D. majeure.

lundi 11 octobre 2010

Poetry

Mon échantillon n’est pas très étendu, mais je suis frappé par la proportion de films coréens traitant de la culpabilité avec un regard acéré porté sur les familles, c’est le cas d’ailleurs dans le cinéma asiatique en général.
La poésie mise à l’affiche n’est pas nunuche, elle s’inscrit dans un quotidien loin d’être rose.
La belle actrice principale (65 ans) aime les couleurs pastel et les chapeaux élégants, elle illumine ce film par sa douce intensité dans sa recherche des mots justes, malgré un début d’Alzheimer. Seront-ils ceux de la vérité ? Film violent sous des airs paisibles.
Nous prenons le temps de faire notre chemin, loin de nos repères familiers tout en fouillant du côté de nos craintes, de nos lâchetés, vers la vieillesse.

dimanche 10 octobre 2010

"La prairie parfumée où s'ébattent les plaisirs”

En prolongeant l’été dans la cour du vieux Temple, malgré les promesses du titre où il est question d’érotisme en terre d’Islam, difficile d’oublier le sort de Sakineh Mohammadi Ashtiani, l’iranienne menacée de lapidation.
Alors les écrits du XV° siècle du cheikh Nefzaoui mis en scène peuvent apparaître comme des mots lointains échappés d’un livre ancien décoré d’arabesques moyen orientales légèrement surannées.
Le lieu rappelle les proximités du off avignonnais mais il manque un brin de folie, à ce recueil de textes étonnants qui soulèvent le voile avec malice et poésie.
Si les comédiens avaient été maghrébins la pièce aurait moins parue simulée. La valeur des huit acteurs amateurs des « Aériens du spectacle » n’est pas en cause, ni la mise en scène de Gilles Escalona qui offre de jolis moments de spontanéité dans les intermèdes où de jeux dans les contes. D’autres moments souffrent, d’après moi, d’être répétitifs, comme l’énumération des dénominations nombreuses de « l’huis » et de « l’instrument » dont le charme a trop tendance à être indexé sur la dimension.
Il a fait bien bon entendre ces paroles dans des pays dont la religion était venue d’un prophète aux onze épouses, quand des barbus ne conçoivent pas des amoureux « à poil » :
« Ne conjoins la femme qu’après avoir badiné avec elle, jusqu’à ce que son eau soit près de descendre. »
« Quelque soit le chemin que tu prennes pour arriver à la jouissance et au plaisir par le pilonnage, le tapotage sur l’huis, la rencontre des deux touffes et tous les moyens employés pour approvisionner la sensation, les joies les plus savoureuses se trouvent réunies dans l’opération de la conjonction, de l’enfournement. »

samedi 9 octobre 2010

Books.

Le titre principal de ce mensuel, que je découvre à son numéro 16, concerne « les 50 millions d’amis » en évoquant évidemment ceux de Facebook. Mais la toile n’est pas la vie, et l’un des plaisirs de la langue, c’est bien de jouer avec les mots, ses différentes dimensions.Ces amis d'ordi ne font pas écran à ceux de la vie.
« Books est une invitation à la lenteur réflexive, à la prise de distance » tout le contraire des réseaux dits sociaux. Le rédacteur en chef vient de Courrier International, il en adopte la démarche en éclairant l’actualité par les livres du monde. Et c’est le même plaisir qu'avec le référent international qui n’amoindrit pas notre regard sur notre pays mais au contraire l’aiguise. Il n’y a qu’à voir l’image de la France renvoyée par l’étranger. Nos Pujadas et autres larbins en sont ramenés à de plus justes proportions.
Avec la liste de best seller au Pakistan ou en Italie ou le succès d’un Pascal Bruckner aux E.U. nous avons une image de l’état du monde qui dépasse l’anecdote.
Stendhal est vu comme gros et impuissant par un biographe allemand et l’interview de Matt Ridley parait tout à fait iconoclaste : c’est un optimiste !
« La nature humaine n’a pas changé, c’est la culture humaine qui a changé »
« Nous sommes collectivement plus intelligents parce que nous combinons, accumulons et échangeons nos idées plus largement que nos technologies. »

Il est question dans les 100 pages aussi bien de la passion de celui qui fit construire le Taj Mahal, que du précurseur argentin de Truman Capote, tué par la junte, qui mêlait journalisme et récit romanesque.
Une américaine cherche en milieu carcéral à conduire les criminels à regarder leurs actes en face, pour les éloigner d’une récidive inévitable pour les 2/3. Entre 20 et 34 ans, 1 noir sur 9 est en prison.
« … Ce type de technique de justice réparatrice fait de plus en plus l'unanimité, à gauche comme à droite. Tandis que cette démarche est en phase avec les notions conservatrices de responsabilité personnelle certains programmes conservateurs d'inspiration religieuse acceptent l'idée progressiste selon laquelle il faut s'occuper du manque d'instruction et d'opportunités d'emploi.A vrai dire, la principale résistance envers ce type de programmes émane de certains « gauchistes »bien intentionnés mais doctrinaires, qui estiment absurde d'attendre un changement de comportement d'hommes qui continuent de subir le racisme, le chômage, les écoles minables et tout l'héritage des inégalités en Amérique. Certes, les conditions dans lesquelles grandissent nombre d'Africains-Américains sont traumatisantes. Mais l'idée qu'on ne pourra traiter les questions de violence, de drogue, de SIDA tant que « ces gauchistes » simplistes n'auront pas la satisfaction de nous voir vivre tous dans une société égalitaire, voilà qui est en soi une forme de racisme, fondée sur la conviction paternaliste que les êtres ne peuvent modifier leurs comportements individuels et collectifs. Quand les hommes ont le courage de faire face à leur propre violence, ils sont capables de surmonter les situations les plus atroces. Aider les hommes violents à trouver des formes plus constructives d'expression de leur virilité pourrait bien être la manière la plus rapide d'améliorer leur avenir et celui de leurs familles. De toute évidence à plus long terme, ce ne sera là qu'une partie de la solution au problème de la violence. La honte et la culture toxique quelle engendre sont cultivées dans les écoles surpeuplées et inefficaces d'Amérique ; dans une économie qui, en période de croissance, profite surtout aux riches … ».
C’est moi qui ai ajouté des guillemets à « gauchiste ».
Heureusement, un récit d’un écrivain Péruvien nous fait sourire : il donne dix sols dans la rue à un vendeur de livres piratés pour acquérir son propre livre : celui-ci vérifie évidemment si le billet n’est pas faux.
Il est question aussi de failles dans le Darwinisme ou dans la démocratie qui n’est pas toujours le meilleur garant de la paix, de la prospérité, de la liberté… Un texte intéressant sur de Gaulle à l’heure où des profs s’opposent à voir figurer « Les mémoires de guerre » au bac : « A la prochaine alternance, devons nous enseigner… l’essai sur le mariage de Léon Blum ». Une bonne occasion de réviser le beau raccourci de Pierre Assouline : « le génie gaullien a été d’offrir à la nation des mensonges qui élèvent plutôt que des vérités qui abaissent. »

vendredi 8 octobre 2010

Elus socialistes et apparentés de ST Egrève: "laisse béton!"

Notre ville se transforme, elle vient de réviser son PLU et va accueillir ce tram, que toutes les listes en présence aux élections municipales appelaient de leurs vœux.
Dès maintenant les banderoles se multiplient : « Le tram Oui, mais … pas devant chez moi , avec des variantes », illustration des NIMBY« Not In My BackYard » « Pas dans mon arrière cour »
« Si les citoyens protestent contre une nouvelle infrastructure uniquement sur la base de sa proximité territoriale sans une opposition rationnellement justifiable, on risque d'entrer dans le syndrome du « seulement dans les arrière-cours des autres ». Dans ce cas, les citoyens s'opposent à un projet tout en reconnaissant sa validité et la nécessité de sa construction, mais ils veulent que la structure soit déplacée dans l'arrière-cour d'autres personnes.» Wikipédia
Et voilà que les élus avec lesquels nous avions mené campagne s’expriment aussi par voie d’affiche pour dire « Non au bétonnage du parc de Fiancey ».
Il est question de construire un bâtiment intergénérationnel, une MJ et une piscine, le long de la voie du tram qui va requalifier un axe important du Nord de l’agglomération.
C’est sur une zone qui avait été réservée pour le lycée du temps où la gauche avait des projets. Elle en avait été empêchée par la droite. Revanche !
Où est la gauche ? A-t-elle perdu tant de ses valeurs, que pour se définir, elle ne sait que dire systématiquement le contraire de la majorité municipale : salle culturelle, imposition… ? Sommairement.
Pour réduire les déplacements et leur lots de nuisances, il faut rapprocher les travailleurs de leur lieu de travail, donc « construire la ville sur la ville », densifier : c’est ce que nous avions compris et approuvé. Les pionniers de la parole se détournent de leurs convictions ; n’ont-elles été que passagères ? La trahison des programmes, voilà ce qui mine la politique.
Une contradiction dans laquelle se retrouvent aussi les Verts pas encore repeints aux couleurs d’Europe Ecologie qui pourtant avaient insisté dans leurs interventions précédentes sur le logement. Le logement en particulier pour les plus modestes faisait partie de nos priorités. Et là en se montrant caricaturaux, nos élus se retrouvent à la remorque de ceux qui veulent que rien ne change : conservateurs.
En contradiction avec des politiques menées par d’autres municipalités de gauche dans la Métro, voir Saint Martin le Vinoux, le programme sur l’Esplanade à Grenoble : incohérents.
La gauche est ici majoritaire à tous les scrutins mais perdante encore et encore aux municipales. L’association RESE qui avait essayé de constituer un lieu d’appui et de propositions pour les élus a éclaté. Cette péripétie n’a pas conduit, un chef de file impétueux, au discernement. « Il va de soi » que ce type d’expression n’a pas été soumis au débat dans les sections, en tous cas pas pour le parti qui s’affiche à cette occasion, dont je reçois encore les publications depuis Solferino.
La démagogie donne des satisfactions fugaces, elle ronge gravement le débat public, elle pourrait décourager ceux qui croient à la démocratie, au progrès, à la fidélité à des convictions, au courage. Des grands mots. Oui.
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Proverbe africain : « Qui avale une noix de coco, fait confiance à son anus »
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Dans le Canard Enchaîné de cette semaine : « la droite remanie…la gauche remanif. »
Et ce dessin :

jeudi 7 octobre 2010

La France de Depardon.

Pour cette promenade dans la France provinciale, les photos du fils de paysans sont vraiment en couleurs : façades de boucherie et du café PMU, des panneaux, des volets…
Il n’a insisté ni sur les ronds points ni sur les zones industrielles, pas plus qu’il n’a évité les poteaux électriques pour ne pas effleurer le pittoresque qu’il fuit. A l’approche de l’exposition de ses photographies à la BNF, Télérama en propose 56 dans un hors série qui accueille aussi J. Rouault, P. Jourde, F. Bon et d’autres écrivains qui apportent leur regard, ainsi que des géographes, des historiens de la photographie, et bien sûr, le bavard Raymond.
« Dans mes photos je me débarrasse d’une certaine esthétique. Volontairement et consciemment. Ce n’est pas ça l’important. C’est plus le lieu qui y apparaît, le lieu habité et moi-même dans ce lieu. »
Ces photos des territoires se situent dans l’entre deux, ni rural profond qu’il connaît si bien, ni les grandes agglomérations. Même s’il s’est débrouillé pour saisir des paysages sans personne, avec sa chambre 20X25, son regard modifie le nôtre, sur La France vue du sol avec ses pointillés, depuis le trottoir avec ses herbes oubliées.
« Le monde est devenu rectiligne. A présent, lorsque nous passons, par la nationale, devant la bande déchirée des bois noirs, nous savons que, derrière, les replis du temps se sont résorbés, l’ombre s’est dissipée, il n’y a plus rien. » P. Jourde.

mercredi 6 octobre 2010

J 5. Harlem : religion et musique.

Pour préparer le jour du seigneur, nous allons dans une église du quartier où l’on nous demande si nous parlons portugais
Puis nous prenons le métro vers Harlem, nous trouvons aisément une place assise pour chacun : tranquillité d’un dimanche matin. Nous repérons sans hâte l’église « United House of Prayer for all people » à l’angle de l’avenue Frederick Douglas et West 124 street. Nous sommes un peu en avance. Alors que nos trois femmes attendent à l’intérieur, nous partons en maraude de quelques photos. Au bout d’un moment, un monsieur conduit les français informés par le Routard jusqu’à l’église accessible par un ascenseur après un petit cheminement parmi des bureaux. Ce lieu de culte moderne ne présente pas d’intérêt architectural : grande salle éclairée par une verrière à deux pans, à travers laquelle se détache une croix sur fond de ciel encore bleu. Des miroirs, placés derrière quelques fauteuils confortables, agrandissent l’espace, faisant face au public. Nous ne sommes pas autorisés à photographier, il y aurait pourtant de quoi à faire avec les arbres généalogiques des donateurs ou le portrait distingué des différents prêcheurs de l’église crée en 1919.
L’office commence avec deux orateurs. Ce n’est qu’au bout d’une 1/2 heure que la salle se remplit de fidèles et de participants prêcheurs-chanteurs avec orchestre de cuivres composé de trombones, hélicon, tuba, percussions, mené par une joueuse de cymbales métronomique. Le temps s’écoule sans qu’on s’en aperçoive, avec l’alternance des paroles en parlé /chanté, morceau de musique en fanfare, chants, quête en grande pompe et applaudissements « God is good ! ». Certaines femmes noires portent des vêtements blancs, comme leurs chaussures, et leurs bas et coiffe. D’autres ont enfilé une robe couvrante en tissu soyeux, d’autres encore de coquets tailleurs rose ou mauve. Les touristes s’éclipsent progressivement au bout d’une heure trente, deux heures.
Nous pensons aussi partir, mais un trio (2 hommes et une femme) exprime une gamme de nuances différente de tout ce que nous avons entendu jusque là. Vont alterner encore avec la fanfare, un solo de femme qui nous rappelle « Bagdad Café », un quatuor de jeunes mamans, et une quête style loterie pour réunir la somme de 200 $ à laquelle participent même les musiciens.
Nous finissons par quitter l’église, contents de cette deuxième mi-temps plus authentique et plus vécue à travers les gens du quartier. Il est déjà 14h 30 et nous souhaitons manger rapidement. En longeant la rue de l’Apollo, la mythique salle de spectacle de James Brown et de Michael Jackson, où les petits marchands se sont installés, Dany nous offre des cabas à l’effigie d’Obama, vendus par un nigérien et négociés en français avec un compère « cousin » sénégalais.Nous trouvons un peu plus loin un Burger King. Une jeune femme nous propose son assistance pour la commande, pour nous éviter d’être escroqués et nous tuyaute pour un concert de gospels ce soir. Dans le restaurant, des dames endimanchées osent des chapeaux incroyables et des habits des mille et une nuits en tissu doré. Leurs tailleurs gris perle très chics tranchent dans cet univers où tous les lieux ne sont pas dans leurs atours du dimanche.
Nous partons nous promener dans Harlem, vers le Nord. La cathédrale a ses chapiteaux sculptés de scènes contemporaines. L’intérieur très vaste révèle de beaux vitraux dans les bleus. Il y a un office mais la chorale est muette.
Sur les rives de l’Hudson, nous remontons vers le mémorial de Grant, le général nordiste. Nous entrons dans l’église de l’université privée de Columbia, le temps que des musiciens évacuent leur matériel après un concert. C’est une belle église de style gothique, avec dans le chœur comme des flèches finement sculptées. Derrière les bancs des livres de psaumes en différentes langues et des enveloppes pour des donations sont à disposition. Nous pénétrons ensuite dans un des bâtiments de l’Université, celle d’Obama, construite dans un style moyenâgeux Dans la chapelle revêtue de bois, so british, répètent une jeune chanteuse et un pianiste, dans les bibliothèques travaillent à l’ordinateur des étudiants studieux. Dans les couloirs quelques photos en noir et blanc ajoutent un air de tradition à ces lieux. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons devant une salle de gym pour enfants visible de la rue et devant un parking de voitures de police près d’une fresque vantant les mérites des agents protégeant la population.
Nous trouvons sans problème le « Greater Refuge Temple », 2081 Adam Clayton Powell Jr Beva recommandé à midi au burger King.
Nous sommes placés par un homme dans des fauteuils de cinéma face à une scène, loin des images que nous avons d’un lieu de culte. Des chanteurs se produisent déjà devant un public qui s’installe et s’affaire s’accommodant d’une sono à la limite de la saturation. Nous sommes réellement les seuls blancs à assister au spectacle, ou plutôt nous sommes au centre du spectacle qui se déroule dans la salle. Les gens dans leurs vêtements du dimanche, dansent debout bras levés vers le seigneur, claquant des mains avec frénésie ou frappant sur des tambourins amenés à cet effet. Deux grosse dames devant nous ondulent avec la grâce que peuvent souvent dégager des personnes fortes, avec parfois un minimum de gestes ou dans une transe aidée par une orgie de décibels. Ça monte, ça chauffe, ça chante sur scène et dans la salle, et les formations vocales différentes se succèdent, accompagnées par une batterie et une guitare basse poussée à fond, un orgue électrique, un sax et une trompette. Une belle vieille dame très digne dans son élégant costume bleu-mauve et son chapeau assorti se déplace pour nous serrer la main. L’accueil est chaleureux, le public exprime sa ferveur. Nos voisines de devant n’hésitent pas à consulter leurs messages sur leur téléphone portable ou à photographier la scène, les gens entrent et sortent, parlent, s’embrassent dans une ambiance bon enfant vraiment pas guindée. « C’est une tranche ».
Mais il est déjà 20h 15, il faut être raisonnables et penser au chemin du retour en métro de Harlem à Brooklyn. Nous avons la chance de trouver un « Delly shop » ouvert dans le quartier pour acheter du pain et un journal pour nous tenir au courant de l’évolution du volcan islandais. Service minimum en cuisine : légumes surgelés, jambon, salade. Les partisans de la bière sont partagés entre Corona et Budweiser. Il est déjà onze heures.

mardi 5 octobre 2010

Blast. Larcenet

Le gentil dessinateur de BD à barbiche qui mettait en cases ses premières expériences de papa était craquant. Quand il avait évoqué son père, sa ligne claire s’était assombrie. Avec ce premier volume, « Grasse carcasse » d’une série à venir, il nous trempe dans la noirceur totale.
Un interrogatoire policier fait remonter aux sources de son malheur, un personnage accablé par le poids de son corps, fuyant la société dans une nature sans ruisselets chantants où se réfugient quelques miséreux. La nuit et la boue sont sur le chemin de Polza Mancini qui n’atteindra pas, pour de vrai, les statues de l’île de Pâques qu’il voudrait rencontrer. Les seules couleurs dans cet univers ténébreux sont des crayonnages d’enfants pour traduire un moment exceptionnel de soulagement intense (le blast), délire halluciné, qu’à pu vivre cet écrivain clochard dont on s’en veut de le trouver sympathique alors qu’il a commis quelque chose de grave dont on ne sait rien : troublant.
Beau et fort jusque dans ses silences.

lundi 4 octobre 2010

Benda Bilili. Renaud Barret Florent de La Tullaye

Du fin fond d’une misère noire viennent des étoiles. Sur leurs fauteuils roulants le « staff » des musiciens atteints de la polio, dans les rues de Kinshasa, où vivent 40 000 enfants, nous enchante. Le tempo de leurs chants, de leur musique venue de cordes élémentaires, cet optimisme qui renverse les montagnes nous font partager un conte rude mais vrai. La « cour des miracles » n’a jamais si bien porté son nom avec deux réalisateurs qui concrétisent cet éternel mirage : le cinéma peut servir. Un CD est sorti qui prolonge le plaisir et une tournée européenne a été organisée. Sans déférence, à bénéfice réciproque : de grands bonhommes se révèlent. La fraternité autour de la musique nous fait sortir de la salle avec des larmes d’émotion et un sourire qui a pu naître de situations rigolotes mais aussi d’une foi dans la vie qui économisera bien des cachets. Nous nous levons de nos fauteuils. Même si le mythe de l’Europe comme Eldorado ne risque pas d’être ébranlé. « Très très fort ».

dimanche 3 octobre 2010

Concert à Courchevel avec Lodéon

La FACIM, fondation qui valorise le patrimoine savoyard, conviait gratuitement à un concert présenté par Frédéric Lodéon dans son auditorium haut perché à Courchevel. Le pédagogue bavard nous a fait découvrir Jean Cras et Joseph Suk. Le premier, breton, est resté toute sa vie officier de marine, le second, tchèque, a gagné sa vie comme violoniste. Le programme était de qualité et il n’était nul besoin de titrer « Star académie classique ». Un quintet ouvrait sur des évocations maritimes. Si la harpe souffre à mes oreilles de ses connotations cristallines tellement aquatiques, j’ai apprécié cette fois les cordes. Au dire des mélomanes, que j’accompagnais, Suk avait des airs de Brahms, et là encore le dialogue entre piano et violon plus perceptible en vrai, a soulevé la salle pleine de jeunes et de coréens. L’accessible Lodéon auprès de qui je m’étonnais de cette forte présence asiatique m’a rappelé qu’il y a trois ans, il y avait 50 millions de pianistes chinois, et là bas les choses vont très vite. Deux pianos face à face ont joué West Side story de Bernstein clôturant cette belle soirée après trois romances de Schumann. Nous ne nous souvenions plus du nom du réalisateur de la comédie musicale, mais le compositeur avait marqué les mémoires. Ses harmonies en constante rupture nous ont embarqués avec leurs rythmes énergiques, mais la réconciliation entre les deux bandes rivales, les Jets et les Sharks, est apparue plus que jamais du domaine du rêve.

samedi 2 octobre 2010

Le chemin des âmes. Joseph Boyden

Mon amie Dany a beaucoup aimé ce livre :
« L’horreur de la guerre des tranchées vécue par deux volontaires, indiens canadiens Cree, en parallèle avec les souffrances de la dure vie traditionnelle de leur vieille tante Niska.
Double découverte : une nouvelle approche des conditions de survie des soldats - et Xavier et Elyah ont un rôle particulier de « chasseurs ». Un récit magistral et sombre
d‘une force rare, et l’exotisme des traditions indiennes lorsque Niska a la parole.
Remarquablement agencé, de France en Grand Nord, on est emporté par un souffle irrésistible servi par une écriture nerveuse et précise. »

C’est encore plus fort d’être transporté par ces 470 pages parce qu’elles traitent une nouvelle fois de la guerre de 14/18, sujet rebattu. Deux indiens du Canada dans l’enfer des tranchées. A aucun moment n’apparaît la recherche formelle d’un angle original, une posture vendeuse. Ces deux hommes avec leur formation au plus près de la nature rencontrent l’inhumanité à son sommet. L’alternance des récits en forêt et sur les rivières constituent une respiration-quoique- après les déchaînements furieux sur la ligne de front. La narratrice restée au pays recueille un des rescapés ; son récit alterne avec celui du neveu devenu guetteur et tireur d’élite. Les changements de voix se font subtilement et posent, au cœur du chaos, le problème de l’identité.
Au cours d’un incendie en forêt :
« Les deux jours suivants, rien ne change. C’est à croire que la rivière nous a conduits sous terre. La fumée ne veut pas s’en aller ; pas un souffle de vent ; on se sent suffoquer. Il n’y a plus un oiseau qui chante ; plus un arbre dont le feuillage pourrait bruire… »
Difficile de lâcher ces destins palpitants même si je n’ai pas saisi ce qui amène ces coureurs des bois en mocassin à s’engager dans l’armée. Je ne peux que me joindre au concert de louanges entourant cette œuvre que je vais m’empresser d’offrir à quelques vieux potes qui pourront vérifier que l’excellent titre est à la hauteur de ce qu’il annonce.

vendredi 1 octobre 2010

Retraites à la Woerth.

Ce samedi 2 octobre à 14h 30, nous remettrons nos pas dans nos pas pour la manif.
Mes Jiminy Crickets, bien qu’ils aient pris de l’embonpoint, m’ont tiré par la manche pour que j’aille marcher avec eux en prenant toute la largeur du cours Jean Jaurès.
Certes, il vaut mieux « anticiper en réformant avant d’y être contraint comme en Grèce », pour reprendre les termes de Xavier Bertrand au forum de Libé à Lyon samedi dernier. Il donnait ainsi raison à Bernard Thibault qui insistait sur le poids de la crise dans les mesures avancées.
La citation d’un certain président, qui sait que lorsque « la CGC se retrouve avec la CGT », c’est bien qu’il y a un problème politique, par le secrétaire de la CGT en conclusion d’un débat, a contrarié le modérateur bien partial, Gérard Leclerc qui ne savait même plus le prénom du syndicaliste. Mais débat il y a eu, pourtant quelle pauvreté dévoile notre démocratie en constatant l’originalité d’une telle rencontre !
Dans les assemblées, c’est verrouillé, et la dépréciation des opposants, alors que la manif parisienne n’était même pas partie, relevait une fois encore de la méthode de l’enfumage médiatique, qui vous met les nerfs en vrille.
Parce qu’ils se savent impopulaires ils se disent courageux; le courage serait de mettre à contribution leur électorat : les riches et les vieux riches!
La droite entonne aujourd’hui la main sur le cœur que la réforme est engagée pour maintenir la retraite par répartitions, alors qu’ils rêvaient de capitalisation il y a vraiment peu. Réforme qui n’aurait pas eu à être engagée puisque l’éternel candidat l’a dit lui-même en mai 2008 : il « n'a pas de mandat » pour reporter l'âge de départ en retraite, puisqu'il n'en a «pas parlé» pendant sa campagne. Et à gauche la pusillanimité a été de mise jusqu’à présent !
L’argument de l’égalité de traitement entre public et privé pourrait ne pas paraître comme un dérivatif si cette équité balbutiée était la règle dans tous les actes du gouvernement.
Alors que c’est l’aggravation des écarts entre riches et pauvres qui saute aux yeux.
Quand le chômage des jeunes et celui des séniors sont au plus haut, « passer la main » me semble constituer un acte de solidarité. Une société se tient si sa jeunesse à une place sur le quai de l’avenir. Ce n’est pas l’épaisseur des boucliers sécuritaires en bas des HLM qui fera le ciment. Et les autres boucliers fiscaux destinés aux méritants à la déchéance de la nationalité, qui ne cherchent qu’à gruger la France, se fissurent.
Le vent a tourné : j’ai gardé mes gênes cédétistes et depuis la prudence de 2003, je retrouve avec eux les accents d’une lutte des classes que l’arrogance des ceux qui nous ponctionnent et leurs mensonges, ne font que redonner couleur : rouge.
L’apparition de débats sur la pénibilité qui se réduit à la constatation des handicaps, la double peine aggravée pour les femmes, posent le problème des conditions de travail en amont, en Hamon.
La gauche doit reprendre le travail.
« La retraite, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas »

jeudi 30 septembre 2010

Grandeurs et misères de la peinture de femmes#1

Il faudra bien un cycle de trois conférences pour traiter le sujet devant les amis du musée même si le conférencier Serge Legat n’ira pas jusqu’à Frida Khalo.
Certes très tôt la femme est présente nue sur les toiles sous des prétextes mythologiques et bibliques, jusqu’à « L’origine du monde » dont on ne s’est pas privé récemment, après les croupes des odalisques de Boucher.
Mais du côté du pinceau, ces femmes soumises au regard de l’homme, qui sont elles dans les temps premiers ?
De l’antiquité au monde baroque.
Pline l’ancien raconte que la peinture naquit d’une jeune fille vierge qui traça le contour de l’ombre de son bien aimé. Mais si l’antiquité mentionne quelques femmes peintres du temps où Sapho livrait des poèmes, aucune œuvre n’est restée même si l’on voit sur des vases ou des fresques à Pompéi, des femmes en train de peindre.
A la période médiévale, des enluminures sont aussi réalisées par des religieuses telle Herrade de Landsberg dont les originaux d’un jardin des délices ont disparu dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg durant la guerre de 1870.
Les frères Van Eck eurent une sœur qui eut sa part dans l’atelier. Les pionnières furent liées aux hommes, femme, fille ou sœur de.
Pendant la renaissance, La Tintoretta, acquit une certaine renommée mais son père ne la laissa point s’éloigner de lui.
Lavinia Fontana, apprendra aussi de son père mais elle gagna son autonomie jusqu’à être reçue à l'Académie romaine, une première dans le seizième des siècles, bien avant Marguerite Yourcenar à l'Académie Française (1980). Femme de peintre, celui ci deviendra son manager.
Sofonisba Anguissola, vécut 96 ans et à la fin de sa vie Van Dyck fit son portrait c’est dire quelle était sa notoriété. Elle a laissé une belle série d’autoportraits
Artemisia Gentileschi violée par un élève de son père peignit des tableaux tellement forts que l’un d’eux fut attribué au Caravage. Alors que la peinture de portraits avait fini à être acceptée de la part du sexe faible, après les natures mortes et les fleufleurs, elle est la première à peindre des scènes d’histoire et de religion. Sa série sur la décapitation d’Holopherne par Judith traduit une belle énergie ainsi qu’une Suzanne au bain convaincante.

mercredi 29 septembre 2010

J4 à New York. Le Moma

L'éruption du volcan en Islande empire.
Nous déjeunons copieusement, puis nous nous élançons pour une nouvelle journée newyorkaise, sans se presser car le Moma n’ouvre pas ses portes avant 10h30. Nous allons vers Grand central et le Chrysler building, en interrogeant chemin faisant les gens que nous croisons. Il ne fait pas chaud, mais les filles mettent leurs avantages en valeur sous des robes d’été, et les tongs voisinent avec les bottes de neige.
Nous débarquons dans la gare de Grand central, impressionnante par sa taille, ses niveaux différents et son luxe d’une autre époque, ses lustres, sa grande horloge du film « La Mort aux trousses ». Le niveau inférieur propose des restaurants, des fauteuils profonds pour patienter, des échoppes. L’accès aux quais (il y en a 44) nous intrigue car on ne débouche le plus souvent que sur un seul quai sans vue sur les autres.
Nous atteignons le Chrysler Building si caractéristique de loin à cause de sa pointe ouvragée en forme de feuilles palmées. Nous sommes en weekend et nous ne pouvons le visiter comme nos amis l’avaient fait auparavant, affirmant que c’était le plus beau. Nous ne pouvons que jeter un coup d’œil dans le hall où le luxe se devine rien qu’en regardant le sol et les murs en marbre rouge moucheté.
En peu de temps nous gagnons le Moma, le muséum of modern art. Nous l’avions aperçu déjà ce matin et la queue des visiteurs remontait déjà le long de plusieurs blocks. C’est toujours le cas, mais nous pouvons rentrer directement grâce au City Pass.L’intérieur grouille de monde. Nous commençons la visite au 5° étage avec des Seurat, la nuit étoilée de Van Gogh, des Cézanne… tant de choses à voir… et la possibilité de photographier librement, sans restriction. Impossible d’énumérer toutes les toiles et leurs illustres créateurs. Fabuleux. La collection permanente abrite 100 000 œuvres. Au bout de deux heures nous ne sommes pas venus à bout du 5° étage. Alors que deux d’entre nous vont à la cafète, nous bénéficions d’une expo Tim Burton à entrée limitée. Partout dans le musée nous croisons des touristes français, et des gens charmants et prévenants, respectueux des queues, comme nous l’avons déjà observé dans le métro, et malgré ce monde nous ne sentons jamais d’exaspération ni de nervosité.
Nous reprenons nos visites jusqu’à 17h 15, presque l’heure de la fermeture. Aux autres étages nous découvrons d’autres peintures Picasso, Warhol, entre autres innombrables, au 4° les contemporains avec Pollock, Rothko, une galerie de photographies au 3°, du design.
Les jambes se font lourdes, nous trouvons la ligne F à quelques blocks de là et le métro nous ramène jusqu’à la maison malgré les travaux sur la ligne.

mardi 28 septembre 2010

Hubert, mon voisin, est sculpteur.

Je savais que cet adepte de la bicyclette intervenait en différents lieux pour composer des mandalas, et l’autre jour quand je l’ai entendu attaquer un beau galet à la massette, tel un pivert familier, je n’ai pu m’empêcher d’être frappé par le contraste apparent qui va de la trace imprimée pour des siècles dans le granit alors qu’il suffit d’un souffle pour disperser ses sables colorés. Il faut la même patience. La méditation qui accompagne ces proximités minérales constituera la récompense du travail.
En cours de conversation, des questions telles que la religion, la raison, la mort viennent naturellement.
Cette inscription : « om.ma.ni.pe.me.houng/Hri » signifie - bien qu’un mantra ne se traduise pas :
« hommage à celui qui tient le chapelet et le lotus. »
Son engagement pour le Tibet, sa curiosité pour la culture du Bouddhisme (« science de l’esprit ») le conduit aussi de temps en temps chez les cisterciens de Tamiers, c’est dire que celui qui tient le burin a de la ressource spirituelle.
Chaque lettre dessinée sur la pierre représente un poison de l’esprit associé à son remède : orgueil et humilité, jalousie et sympathie joyeuse, paresse et énergie, colère et équanimité, stupidité et discernement, avarice et générosité. Même si la pierre nue a des séductions, dans cet univers où foisonnent les symboles, des couleurs viendront renforcer les intentions. Tel le bleu couleur de la sagesse, le vert celle de la nature, le jaune celle de Dieu, l’orange symbolise la raison, le rouge est considéré comme un symbole fondamental du principe de vie avec sa force, le blanc représente aussi la sagesse, alors que le noir c’est le néant.
« Fils de famille, je suis capable de dénombrer un par un tous les grains de sable qui se trouvent au fond du grand océan. Mais je ne peux pas mesurer la masse des mérites accumulés par une simple récitation du mantra en six syllabes. »
L’homme s’attaque à une matière impassible, mais ne reste pas imperturbable aux souffrances du monde, et il sait réserver un large sourire à tous ceux qui l’abordent.
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Actualité: pour les 20 ans du Lycée Marie Curie d'Echirolles, un mandala de sable sera réalisé du 27 septembre au 2 octobre où il sera dispersé entre 17 et 18h 30.

lundi 27 septembre 2010

Des hommes et des dieux.

De beaux hommes. J’ai apprécié la force de ces hommes de foi qui n’ont pas d’emblée l’étoffe des héros, ce qui rend ce film palpitant. Les pupilles humides de Lambert Wilson n’étaient pas indispensables mais l’humanité de Lonsdale et de tous les autres nous émeut. De belles lumières, et une occasion pour s’interroger sur l’engagement, la liberté, devenir un homme.
Quelques citations dans le film pour éviter l’évaporation :
Pascal :
"Les hommes ne font jamais le mal si complètement et joyeusement que lorsqu'ils le font par conviction religieuse"
L’autre de la bible :
"Vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous ! Pourtant, vous mourrez comme des hommes, comme les princes, tous, vous tomberez".
Je suis admiratif que ces engagements qui vont jusqu’à la reprise du sacrifice fondateur, soient si discrets : aucun prosélytisme, juste le don.
Dans ces temps où le mot amour est à manier avec des pincettes, surtout en milieu catho qui se doit de se préserver, une bien belle séquence où le docteur qui dispense ses soins au village musulman voisin parle d’amour. A la fin d’un dialogue avec une jeune fille :
« Toi, t’as déjà été amoureux ? »
« Oui… plusieurs fois, oui. Puis après est arrivé un autre amour, tu vois, plus grand encore. Et voilà : j’ai répondu à cet amour-là. Ca fait longtemps, maintenant… plus de soixante ans, oui. »

Aucun prêchi- prêcha.

jeudi 23 septembre 2010

« Nous »

La revue trimestrielle Médium propose en 2010 son numéro annuel spécial autour de la thématique du « Nous ».
Depuis la cellule amoureuse jusqu'aux grands corps de l’état, le parti communiste, le clan, la génération, la chorale, l’équipe, le réseau social…
Avec la profondeur accessible et le recul habituel au groupe d’intellectuels dont Régis Debray et Daniel Bougnoux sont ceux que je connais. Les illustrations de Gérard Fromager sont explicites et renouvellent le genre de la sérigraphie, gardant la générosité des aplats, en ajoutant de la vigueur et de l’originalité. Quelques personnalités apportent leur touche personnelle à ces réflexions générales : Vauzelle, De Villepin, Ploquin, Tillinac…
Mais au-delà des retrouvailles ou découvertes, c’est toujours un plaisir d’être surpris par exemple par l’étude de ce qui lie ou délie un groupe... de poissons.
« Peut-être le socialisme m’apportera-t-il le levain dont mon esprit a besoin, pour faire mon pain de vie ; peut-être m’aidera-t-il à être celui vers qui tant de fois je me suis élancé en vain… » Romain Rolland.
L’introduction d’un article concernant la ligue du Nord est alléchante puisque « de nos jours l’animal politique est sollicité par des « nous » hétérogènes, entre fraternité réduite au semblable, résilience du « nous » national et interpellation universaliste des droits de l’homme. »
450 petites pages à déguster, à relire, pour se relier.
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Je reprends la publication de mes articles, lundi.

Art minimal.

En réaction contre l’expressionisme, l’art minimal c’est: « on voit ce que l’on voit », débouche sur l’art conceptuel où la réalisation elle - même n’est pas indispensable.
Une école surtout américaine qui abolit toute histoire et revendique sa froideur, la disparition de toute émotion : place à l’industrie.
Nous voyons surtout des volumes, les maîtres de ce courant seraient contrariés que l’on parle de sculptures, alors disons objets. Tels les 54 morceaux de bois de Carl André qui créent un rythme. Le musée de Grenoble est bien fourni en représentants de ce courant des années 1960: François Morellet et sa boule composée de tubes métalliques, Sol Le Witt et ses cubes en contreplaqué…
« Si tu te tais, tu seras sauvé » Bossuet

mercredi 22 septembre 2010

New York, J3. Central Park.

Nous consacrons notre matinée à notre déménagement après nous être aperçu que des prises électriques sont encore sur 110, pourtant avec un adaptateur nous pouvons recharger les piles pour l’appareil photo fort sollicité. Notre nouvelle adresse s’avère très proche, de l’autre côté d’Atlantic Avenue et la nouvelle propriétaire Emma est charmante ; le logement moderne clair et fonctionnel comporte des barreaux à chaque porte, à chaque fenêtre. Nous prenons la suite de clients qui se retrouvent bloqués à N.Y. suite à l’éruption d’un volcan en Islande et son inquiétant nuage de poussière.
Nous utilisons la station de métro Franklin Station Avenue pour aller la cinquième avenue à Manhattan. Nous achetons des sandwichs et des frites que nous mangeons à Central Park et prenons le café expresso dans une chapelle néo gothique des années 20, proche du musée Guggenheim. Grâce à la carte Pass procurée par nos amis pionniers, nous évitons la queue pour les billets d’entrée. Ce musée initial est plus petit que sa copie de Bilbao. Il s‘organise autour d’une rampe en ellipse avec des niches pour des photographies ou des installations, dont un crucifix ressemblant à un épouvantail en vérins et matériaux issus de machines agricoles. Quelques salles renferment des tableaux français : des Picasso, Pissarro, Vuillard, Braque, parfois parfaitement identifiables, mais réservant des surprises comme ce Picasso qu’on aurait pu prendre pour un Renoir. Je m’émerveille devant des toiles de Gris, aux couleurs recherchées, un Derain. Nous retrouvons Boltanski, Annette Messager. Mais cependant nos amis expriment leur frustration de ne pas voir certaines toiles connues non exposées actuellement.Nous ressortons vers 16h ; malgré un petit vent qui nous frigorifie, nous envisageons une balade dans Central Park. Dans cette immense étendue de verdure, des jeunes sportifs, d’âges différents, s’initient à l’art du baseball, en uniforme ou pas, des coureurs effectuent leur parcours de santé, des maîtres promènent des chiens qui leur ressemblent ou des employés aèrent et gardiennent trois ou quatre chiens en laisse. Et puis les habitants du lieu, écureuils gris à la queue abondante ou sortes de merles au poitrail d’un roux lumineux, ne s’effarouchent pas des touristes attendris. Nous avons un joli point de vue d’un belvédère, faux château médiéval, qui abrite une société de protection du parc et de sa faune. Nous poursuivons notre route vers la statue de Christophe Colomb et aboutissons au Métropolitan Opéra, grand ensemble de salles encadrant une place avec fontaine. De l’extérieur à travers des vitres nous apercevons deux immenses peintures de Chagall que nous ne pouvons malheureusement pas admirer autrement. Des personnes patientent pour acheter des places pour Armida de Rossini à 290$, si nous avons bien compris. Nous faisons quelques achats à la boutique de l’Opéra. En sortant des gouttes de pluie nous dissuadent de goûter d’une promenade de nuit dans Manhattan, nous rentrons à Brooklyn. Nous faisons des courses dans une supérette d’obédience musulmane et je prépare un poulet à la crème, pommes de terre sautées qui contente tout le monde.

mardi 21 septembre 2010

"Il faut tuer José Bové".

Jul, l’inénarrable auteur de « Silex and the city » qui cartonna l’an dernier, avait commis auparavant un album toujours aussi mal dessiné, mais qui dépotait déjà dans le titre et tout au long d’une histoire où désormais « Je suis tombé par terre c’est la faute aux burgers… le nez dans le ruisseau , c’est la faute au mac Do »« les cathos de gauche se positionnent très fort sur les question d’environnement » avec deux poubelles pour Jésus , l’inventeur du tri sélectif : un pour « ceci est mon corps » l’autre pour « ceci est mon sang ». Avec Michaël Moore et Monseigneur Gaillot en guest star, l’album du dessinateur de Charlie hebdo, vite lu est réjouissant.

lundi 20 septembre 2010

Toy story 3.

Ben oui ! Je n’avais pas souvenir d’avoir été ému autant depuis « Quand passent les cigognes ».
Effet des régressions incitées par le cinéma d’animation qui vient fouiller dans le grenier à nounours de l’enfance : oui sûrement. Mais aussi un scénario original qui n’est pas du genre hystérique comme « L’âge de glace », qui réconcilie tous les âges autour du thème du temps qui passe sans avoir à user de gros sabots. Les prouesses techniques qui nous époustouflaient nous sont désormais familières et nous n’avons qu’à nous laisser aller à partager les aventures de jouets aux grands dilemmes quand la liberté, la solidarité, sont mises en question ainsi que l’ingratitude, la violence qui couve sous les plus lisses apparences parfumées à la fraise… Du profond et du léger, du drame et de la dinguerie. Je trouve que c’est rare de trouver un vrai film tous publics aussi plein.

dimanche 19 septembre 2010

« La vie en rose !». Le défilé de la biennale de la danse 2010.

4500 participants ont défilé à Lyon devant plus de 300 000 spectateurs avec de la musique et des costumes, selon la police. Combien d’après les organisateurs ? A qui se fier ?
Des petits bouts de papier et de grandes affiches disaient « ensemble avec nos différences » et c’était bien vrai parce qu’il y en avait des jeunes et des jaunes, des ridés et des frisés, des chauves et des noirs, des rides et des rires, des roses.
« Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose
Il me dit des mots d'amour
Des mots de tous les jours »
« Oh la la la vie en rose
Le rose qu'on nous propose
D'avoir les quantités de choses
Qui donnent envie d'autre chose
Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c'est d'avoir
De l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires »

Puisque les rues étaient envahies de musique, Piaf et Souchon obstinément couraient dans nos têtes, pour nous ressasser la quête d’absolu en gardant- bien sûr- nos regards lucides.
Les orchestres battaient pour aller au-delà d’illustrations paresseuses de la thématique de cette année qui imposait « la vie en rose ! ». Les jeux de mots n’ont pas manqué : « bleu blanc rose », « rose désir », et « la rose des fables »… Mais le génie de cette parade est de fédérer une quinzaine de groupes avec des citations communes, qui créent un rythme, une cohérence tout en laissant une grande diversité s’exprimer. Pour cette huitième édition, j’ai apprécié justement les ponctuations entre les formations dont certaines plus denses emportaient plus facilement l’adhésion du public emballé par des formes qui deviennent pourtant familières telles que les personnages sur échasses ou le hip hop, mais l’investissement des participants emporte le morceau à tous coups.
Encore une grande année pour un évènement populaire où la participation n’est pas un attrape- nigauds mais un processus exigeant qui allume des sourires des deux côtés des barrières.
« Rien n’est plus beau qu’un rassemblement populaire » c’est François Marie Banier qui l’a dit à propos des manifs contre les retraites Woerth.
Ils veulent tout saloper, mais on s’en fout, c’était beau et plein de santé.

samedi 18 septembre 2010

Pourquoi le renouveau est-il nécessaire ?

Ouvrir des états généraux à Grenoble un vendredi matin de fin juin sur le « Renouveau » risquait d’attirer essentiellement les consommateurs de colloques tels que moi-même et mes semblables retraités, remarquant la rareté des jeunes dans ces réunions en dehors des captifs étudiants en science po. Pourtant les formes du débat se sont essayées au renouvellement et la brochette de politiques Voynet, Destot, Delevoye n’a pas déçu en ouverture de ces trois jours de débat avec un rappel utile au pays des ingénieurs en doudoune : 22% de la population grenobloise vit en dessous du seuil de pauvreté.
« La crise est sociale, politique, morale, institutionnelle, écologique ; le lien social se délite, la dépression, la résignation, minent l’esprit du « vivre ensemble », l’espérance européenne est mise à bas. » C’était, avant juillet, les paroles du maire de Grenoble
Pour dépasser l’image vague de citoyen gibier à sondage, des nourritures intellectuelles sont indispensables, pour « AGIR ».
Les défis lancés aux politiques et aussi à l’ensemble d’une société civile bien présente en ces jours de rencontres, sont de grande ampleur à l’heure où la famille est dépassée avec des liens intergénérationnels à réinventer, des démarches interculturelles à réactiver pour accueillir les cinq continents.
« Élargir l’horizon pour mieux vivre ici ».
J’ai été agréablement surpris par la vivacité du médiateur de la république, Jean Paul Delevoye, certes sénateur UMP, mais décapant et crédible par son expérience d’élu local.
« Nous risquons d’assister à l’évasion de la réussite et à la localisation de l’échec. Parce que si la politique ne parvient pas à rouvrir le chemin des espérances, il alimentera le humiliations et se contentera de gérer les peurs ». C’était avant « le discours de Grenoble ».
Tous ont dit la nécessité d’une régulation basée sur le long terme, les paroles concernant la répartition des efforts ne doivent pas viser à satisfaire des clientèles : ils parlent d’or.
D’autant plus que la conviction doit supplanter l’émotion, et si l’aliénation vient après l’exploitation, l’individu d’aujourd’hui ne se demande plus ce qui lui est « permis de faire » mais « ce qu’il est capable de faire ».
Quand des expérimentations qui n’avaient rien d’hasardeux, ni ne portaient des prétentions globalisantes et baratineuses : la scolarisation des deux ans qui amenuisait les différences sociales est en régression, les centres de santé qui œuvrent à la prévention sont fragiles, leur remise en cause sape les belles conclusions qui se bouclent par « le renouveau apparaitra alors non seulement nécessaire mais possible ».
Casse de l'école, de la santé. Face à la déconsidération internationale, au cynisme, à la chasse aux plus faibles, à la défense des privilégiés, d’un pouvoir burlesque qui ébranle tous les pouvoirs ( judiciaire, presse, institutions...), il ne suffira pas de se baisser pour ramasser les fruits de l’amertume. Le terme de renouveau serait même peut être trop ambitieux quand il s’agira déjà de recoudre.