Pour préparer le jour du seigneur, nous allons dans une église du quartier où l’on nous demande si nous parlons portugais
Puis nous prenons le métro vers Harlem, nous trouvons aisément une place assise pour chacun : tranquillité d’un dimanche matin. Nous repérons sans hâte l’église « United House of Prayer for all people » à l’angle de l’avenue Frederick Douglas et West 124 street. Nous sommes un peu en avance. Alors que nos trois femmes attendent à l’intérieur, nous partons en maraude de quelques photos. Au bout d’un moment, un monsieur conduit les français informés par le Routard jusqu’à l’église accessible par un ascenseur après un petit cheminement parmi des bureaux. Ce lieu de culte moderne ne présente pas d’intérêt architectural : grande salle éclairée par une verrière à deux pans, à travers laquelle se détache une croix sur fond de ciel encore bleu. Des miroirs, placés derrière quelques fauteuils confortables, agrandissent l’espace, faisant face au public. Nous ne sommes pas autorisés à photographier, il y aurait pourtant de quoi à faire avec les arbres généalogiques des donateurs ou le portrait distingué des différents prêcheurs de l’église crée en 1919.
L’office commence avec deux orateurs. Ce n’est qu’au bout d’une 1/2 heure que la salle se remplit de fidèles et de participants prêcheurs-chanteurs avec orchestre de cuivres composé de trombones, hélicon, tuba, percussions, mené par une joueuse de cymbales métronomique. Le temps s’écoule sans qu’on s’en aperçoive, avec l’alternance des paroles en parlé /chanté, morceau de musique en fanfare, chants, quête en grande pompe et applaudissements « God is good ! ». Certaines femmes noires portent des vêtements blancs, comme leurs chaussures, et leurs bas et coiffe. D’autres ont enfilé une robe couvrante en tissu soyeux, d’autres encore de coquets tailleurs rose ou mauve. Les touristes s’éclipsent progressivement au bout d’une heure trente, deux heures.
Nous pensons aussi partir, mais un trio (2 hommes et une femme) exprime une gamme de nuances différente de tout ce que nous avons entendu jusque là. Vont alterner encore avec la fanfare, un solo de femme qui nous rappelle « Bagdad Café », un quatuor de jeunes mamans, et une quête style loterie pour réunir la somme de 200 $ à laquelle participent même les musiciens.
Nous finissons par quitter l’église, contents de cette deuxième mi-temps plus authentique et plus vécue à travers les gens du quartier. Il est déjà 14h 30 et nous souhaitons manger rapidement. En longeant la rue de l’Apollo, la mythique salle de spectacle de James Brown et de Michael Jackson, où les petits marchands se sont installés, Dany nous offre des cabas à l’effigie d’Obama, vendus par un nigérien et négociés en français avec un compère « cousin » sénégalais.Nous trouvons un peu plus loin un Burger King. Une jeune femme nous propose son assistance pour la commande, pour nous éviter d’être escroqués et nous tuyaute pour un concert de gospels ce soir. Dans le restaurant, des dames endimanchées osent des chapeaux incroyables et des habits des mille et une nuits en tissu doré. Leurs tailleurs gris perle très chics tranchent dans cet univers où tous les lieux ne sont pas dans leurs atours du dimanche.
Nous partons nous promener dans Harlem, vers le Nord. La cathédrale a ses chapiteaux sculptés de scènes contemporaines. L’intérieur très vaste révèle de beaux vitraux dans les bleus. Il y a un office mais la chorale est muette.
Sur les rives de l’Hudson, nous remontons vers le mémorial de Grant, le général nordiste. Nous entrons dans l’église de l’université privée de Columbia, le temps que des musiciens évacuent leur matériel après un concert. C’est une belle église de style gothique, avec dans le chœur comme des flèches finement sculptées. Derrière les bancs des livres de psaumes en différentes langues et des enveloppes pour des donations sont à disposition. Nous pénétrons ensuite dans un des bâtiments de l’Université, celle d’Obama, construite dans un style moyenâgeux Dans la chapelle revêtue de bois, so british, répètent une jeune chanteuse et un pianiste, dans les bibliothèques travaillent à l’ordinateur des étudiants studieux. Dans les couloirs quelques photos en noir et blanc ajoutent un air de tradition à ces lieux. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons devant une salle de gym pour enfants visible de la rue et devant un parking de voitures de police près d’une fresque vantant les mérites des agents protégeant la population.
Nous trouvons sans problème le « Greater Refuge Temple », 2081 Adam Clayton Powell Jr Beva recommandé à midi au burger King.
Nous sommes placés par un homme dans des fauteuils de cinéma face à une scène, loin des images que nous avons d’un lieu de culte. Des chanteurs se produisent déjà devant un public qui s’installe et s’affaire s’accommodant d’une sono à la limite de la saturation. Nous sommes réellement les seuls blancs à assister au spectacle, ou plutôt nous sommes au centre du spectacle qui se déroule dans la salle. Les gens dans leurs vêtements du dimanche, dansent debout bras levés vers le seigneur, claquant des mains avec frénésie ou frappant sur des tambourins amenés à cet effet. Deux grosse dames devant nous ondulent avec la grâce que peuvent souvent dégager des personnes fortes, avec parfois un minimum de gestes ou dans une transe aidée par une orgie de décibels. Ça monte, ça chauffe, ça chante sur scène et dans la salle, et les formations vocales différentes se succèdent, accompagnées par une batterie et une guitare basse poussée à fond, un orgue électrique, un sax et une trompette. Une belle vieille dame très digne dans son élégant costume bleu-mauve et son chapeau assorti se déplace pour nous serrer la main. L’accueil est chaleureux, le public exprime sa ferveur. Nos voisines de devant n’hésitent pas à consulter leurs messages sur leur téléphone portable ou à photographier la scène, les gens entrent et sortent, parlent, s’embrassent dans une ambiance bon enfant vraiment pas guindée. « C’est une tranche ».
Mais il est déjà 20h 15, il faut être raisonnables et penser au chemin du retour en métro de Harlem à Brooklyn. Nous avons la chance de trouver un « Delly shop » ouvert dans le quartier pour acheter du pain et un journal pour nous tenir au courant de l’évolution du volcan islandais. Service minimum en cuisine : légumes surgelés, jambon, salade. Les partisans de la bière sont partagés entre Corona et Budweiser. Il est déjà onze heures.
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