mercredi 13 septembre 2023

Paris # 2, Musée d’Orsay.

La gare d’Orsay construite en 1900 sur le quai du même nom
fut transformée en musée, 86 ans plus tard,
il accueille les œuvres du XIX° siècle, 
dont plus de 1000 peintures impressionnistes et postimpressionnistes.
En ce début d’été 2023, la complicité et la rivalité de Manet et Degas étaient mise en lumière en une exposition temporaire qui pour être sans risque n’en était pas sans charme.
Le tableau peint par Degas : « 
Édouard Manet et sa femme » avait été découpé 
par l’auteur d’ « Olympia » mécontent de cette vision.
Dans « Le repos », Berthe Morisot,
future belle-sœur de l’auteur du « Déjeuner sur l’herbe » 
est plus rêveuse que lorsqu’elle apparaissait
« Au balcon » 
de l’auteur du « Joueur de fifre ».
Un quizz nous interrogeait en fin de parcours pour distinguer 
celui qui a peint un « Torero mort »
et celui qui  a saisi d’inoubliables danseuses 
dont les sujets souvent semblables, témoignaient de la modernité.
« Le tub » d’Edouard Manet,
« Le tub » d’Edgar Degas,
rappellent .
Bonnard
au spectateur
Au pays de Boudin, Manet regarde : « La plage à Boulogne »
et Degas choisit : « Bains de mer, petite fille peignée par sa bonne »
Manet : « Les Courses au bois de Boulogne »,
ou Degas : «  Course de gentlemen, avant le départ »
Degas : « L'absinthe »,
ou Manet, « La prune »,
Toulouse Lautrec n’est pas loin.

mardi 12 septembre 2023

Trashed. Derf Backderf.

Ramassage des poubelles dans une ville de l’Ohio racontées par un dessinateur en immersion  en 79/80 dans le milieu des éboueurs avant son départ en fac.
« Et nous on est là, devant le trou du cul du libéralisme, à nettoyer. »
Pendant les grosses chaleurs, la décharge encore à ciel ouvert est nauséabonde et acrobatiques sont les tournées sous les tempêtes de neige. 
A l’époque :« Le principal poste d'exportation des USA vers la Chine, pour plus de 10 milliards de dollars par an, sont les déchets ! » 
Les rapports entre les travailleurs sont rudes et la hiérarchie est corrompue. 
Les indifférences des usagers mettent le corps de ces travailleurs en contact direct avec merdes de chien et cadavres d’animaux, couches, et bouteilles pleines de pisse abandonnées par les routiers.
Les données statistiques portant sur l’histoire des ordures, les volumes collectés ou abandonnés donnent le vertige, mais font mesurer aussi les prises de consciences et les progrès effectuées depuis 40 ans. 
« J'ai lu que des économistes se basent sur les ordures comme indicateur économique ! Plus il y en a sur le trottoir, plus l'économie est saine ! » 
Les dessins peu aimables conviennent à la description d’un rude quotidien passé au cul des camions.

lundi 11 septembre 2023

Vers un avenir radieux. Nanni Moretti.

La dimension ironique d’un tel titre ne peut nous échapper, dans notre époque désenchantée, voire lors d'un retour vers les années 50 évoquées dans un film dans le film, quand les chars soviétiques entraient dans Budapest. 
Le cinéma est beau qui peut transformer les souvenirs, jouer avec les sentiments, se regarder jouer et ne pas être dupe. 
Il nous distrait : les débats à propos du positionnement du parti communiste italien sont lointains, l’extrême droite est au pouvoir au pays de Gramsci.
Mais je suivrai la recommandation de consommer ce cinéma citant Fellini, avec des projets de dégustation de glaces, voire de voyage à Rome pour une langue exceptionnellement bien articulée et les musiques du temps où Ramazzoti et Dassin étaient de la même patrie:
« Et si tu n'existais pas
J'essaierais d'inventer l'amour
Comme un peintre qui voit sous ses doigts
Naître les couleurs du jour »
 
C’est bien bon quand les cinéastes les plus fameux réinterrogent leur art
quand la dépression est proche d’un lyrisme enjoué dans un foisonnement fécond où le narcissisme omniprésent devient le nôtre et que les animaux tristes du cirque d’hier côtoient les commerciaux de Netflix.

dimanche 10 septembre 2023

Au Bonheur des Mômes 2023.

Pour le compte rendu 31° édition du festival de spectacle vivant pour jeune public au Grand Bornand, mon petit fils a rejoint sa grande sœur. 
Sonata per Tubi. Nando & Maila.
Le spectacle débute avec deux personnes qui sortent de la brume et jouent au violon des morceaux de Mozart, des Rolling Stones. Puis une adolescente arrive sur scène et commence à faire de la gymnastique et du jonglage. De la musique avec des tuyaux de PVC risquait de ne plus constituer une surprise, cependant le dynamisme du trio italien rend l’heure agréable.
Le petit théâtre magique ambulant. Scott & Muriel. 
Scott le magicien ringard a commencé à faire des tours ratés et… un colis Ikéa avec écrit « Muriel » dessus est arrivé de nulle part et une dame est sortie du colis…L’assistante exubérante va finalement sauver la carrière du magicien maladroit. La divulgation de tous les tours, sauf un, rend encore plus mystérieux le découpage en deux d’un spectateur.
ImPulls.Compagnie Farfeloup. 
Cinq danseurs exploitent toutes les possibilités plastiques des pulls en laine, révélateurs de caractères : le maniaque des bouloches, le compulsif, la sensible aux odeurs… et signes d’appartenance à un groupe. Le propos est comme l’a osé une comparse des chauds chapiteaux est quelque peu décousu, et certaines séquences manquent de rythme. Mais 15 chandails superposés ont fait des émules de retour à la maison avec chaussettes à enfiler les unes par-dessus les autres. 
J’ai beaucoup aimé ce spectacle plein de fantaisie et de couleurs. Les acteurs se mettent dans les pulls de manière à ce qu’on ait l’impression que ce sont des créatures ! Ils mettent les jambes dans les manches. Ensuite ça m’a fait plaisir de retrouver de la danse contemporaine car la danse est un de mes hobbies préférés.
Plus haut. Barolosolo.
Trois circassiens font du jonglage, du kayak sur les gradins et même des roulés-boulés en gilet de sauvetage, puis quelques tours de magie et un (faux) lion est arrivé sur scène.  
Les allusions à Calder ne sont pas évidentes bien que des empilements de kayaks et des plongeons avec je ne sais plus combien de gilets de sauvetage défient l’équilibre. « Le géant à l’âme d’enfant » dont des stabiles se retrouvent à Grenoble devant la gare et le musée avait conçu un cirque miniature dans les années 50. La troupe, elle, réinvente un cirque élémentaire drôle, faisant naître avec un lion de carton pâte une petite peur pour de rire. 
A l’Ouest je te plumerai. Olifan. 
Les quatre frères John font beaucoup penser aux Dalton. Ils nous racontent leurs histoires passionnantes de la conquête de l’Ouest, et la ruée vers l’or en jouant de la guitarabine. 
En évoquant les grands mythes de l’Ouest américain le quatuor composant ce « rodéo musical rockamburlesque » fait penser à d’autres bandits stupides en habits rayés.
Il est des jeux de mots transparents : « Mets ta chaussette » pour «Massachusetts » ou « cocotte »  en lieu et place de « coyote » mais une boisson quelque peu « brutale » parlera aux connaisseurs des « Tontons flingueurs » plutôt qu’à ceux qui connaissent par cœur « Pirate des Caraïbes ».
Seule avec vous. Collectif l’effervescente.
 
Spectacle d’une clowne. Elle doit s’habiller mais choisir est son point faible. Le maquillage n’importe quoi : elle s’est mis du far à paupières sur les dents. Ce spectacle était trop bien. L’artiste au langage inarticulé universel, emmène son public par un abattage de bon aloi, éloignant la vulgarité qui aurait pu naître d’un bout de culotte. L’actrice dynamique, acrobate accomplie, fait plier de rire quelques mamies mûres qui ont enduré jadis les difficultés de marcher avec des talons hauts et fait se marrer les marmots en établissant de fines connivences. J’ai vu quelques damoiselles enchantées de cette critique truculente des stéréotypes féminins tout en gardant un humour qui les autorise à succomber au « phare à paupière » comme l’avait écrit un jeune rédacteur.
A tiroirs ouverts. La compagnie Majordome. 
Homme très persévérant et très maladroit. Il arrive dans une petite pièce et commence à jongler avec des balles puis il fait un parcours avec des planches, une table, un tabouret. Le but est de rentrer la balle dans une poubelle. Il tombe tout le temps. 
L’original jongleur élabore des enjeux considérables depuis la simple traversée d’une table d’hypnotiques et poétiques balles blanches jusqu’à une série de rebonds aboutissant au néant de la poubelle. La maladresse du sympathique ébouriffé met en lumière une habileté diabolique.
De l’autre côté. Bêtes à plumes.
 
J’ai vraiment aimé ce spectacle, à la fois poétique et rigolo. Une femme cherche de l’inspiration pour un tableau puis une étrange femme sort de son tableau pendant qu’elle réfléchit. Elles vont commencer à se poursuivre à travers le décor…Mais j’ai trouvé le début un peu trop long jusqu’à ce que la dame bizarre arrive.  
Spectacle graphique en costumes soignés sur un rythme quelque peu languissant d’après un boomer en fin de mèche alors que les plus jeunes à qui l’on prête le goût de la vitesse l’ont simplement trouvé beau.
Grou. Les renards Effet mer.
 
J’ai absolument A.D.O.R.É  ce spectacle drôle et à la fois entraînant qui nous fait remonter le temps des pharaons jusqu’à la découverte de la lune. Durant la nuit de ses 12 ans, Charlie va rencontrer un homme préhistorique( Grou) puis un chevalier qui vont changer sa vie.
Oui ! Cent fois oui ! à l’invitation d’écrire matérialisée par un petit carnet distribué à la sortie après une représentation qui a enchanté le public. Par la porte du four apparaît un impressionnant homme de Cro Magnon, le jour de l’anniversaire, moment pour s’interroger sur le temps, quand l’envie de grandir est là et qu’une terreur des cours de récréation menace. Quelques accessoires poétiquement utilisés permettent à l’imagination de voyager dans un passé parfois déraisonnable, parfois merveilleux. 
Les enfants ne sont pas pris pour des imbéciles alors que ce sont les adultes qui l’ont bien voulu qu’on infantilise - hydratez-vous - quand l’humour rencontre l’exigence. 
Benzo, le pape du Grand Bornand, qui souvent m’agaça s’est montré plus sobre cette année en répétant l’excellente formule :« Les petits devant, l’écran derrière »
Alain Benzoni le créateur du festival qui emploie 350 bénévoles pour épauler une centaine de professionnels, m’a semblé apaisé par la reconnaissance de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, familière des lieux du temps où elle dirigeait « Clowns sans frontière ».
Le dernier concert «  Wok’n rol » Hilaretto Compagnie m’a fait mesurer mes lacunes musicales béantes, sans gâcher mon plaisir puisqu’ était mijoté « une pincée d'AC\DC, un soupçon de Stevie Wonder et un zeste de Rolling Stones, le tout mélangé dans un wok musical relevé d'une sauce Bach et Tchaïkovski ». Le pianiste et le violoniste excellents instrumentistes forment une généreuse paire de comiques complémentaires et concurrents
dans une subtile connivence mi-fugue mi-raison avec le public.  
J'ai vraiment beaucoup apprécié ce spectacle de musique qui à la première impression m'a paru un peu ennuyeux, finalement la prestation s'est révélée pleine de surprises et de clins d’œil à de grandes musiques connues dans le monde entier, les deux musiciens étaient vraiment très marrants et ont beaucoup fait rire le public. .

samedi 9 septembre 2023

Zigzag. Florence Delay.

En 160 pages, de petit format, sans compter la liste des auteurs cités, cet éloge de la forme brève aurait peut être gagné à être plus ramassé.
Etant peu amateur des formes trop construites, cette promenade poétique parmi les aphorismes, maximes, proverbes, adages me va bien : 
«  grelot d’argent, haïkus en prose, métaphore optimiste, fleur de l’air, ou qui s’épanouit dans l’eau façon fleur japonaise, nuance (d’un pluriel, d’une virgule, d’un diminutif), médaille offerte, au passage, par un arbre, un clou sur un mur qu’on regarde fixement, goutte des siècles qui traverse son crâne… » 
Ce serait abuser de la mise en abyme que de prélever parmi les citations qui abondent 
... ou alors une seule : 
« Sans le diable, Dieu n’aurait jamais atteint le grand public. » Cocteau.
Quoique « Le crocodile est une valise qui voyage pour son propre compte. » n’a pas la  notoriété du « couteau sans lame auquel ne manque que le manche », mais l’aurait méritée.
Ce n’est pas un recueil de blagues, mais un condensé d’érudition d’où s’échappent des fulgurances, où persistent des mystères.
L’académicienne joue avec les mots : c’est son boulot, c’est notre plaisir.

vendredi 8 septembre 2023

D’artifice.

Quand l’extrême droite progresse en Suède ou aux Pays-Bas, modèles jadis de justice, de tolérance, un recul s’impose quant à cette banalité irrésolue :
« tout profite au Rassemblement National ! »
Mélenchon prenant le saccage d’un magasin Lacoste pour les prémices du Grand Soir, cajole le communautarisme avec le zèle de l’ancien laïcard défroqué. S’exprimant avec violence, encourageant les violents, quelle fraternité peut-il prôner ? Pourtant il semble bien que l’individualisme constitue la forme élémentaire du libéralisme. Il abime la démocratie comme Rousseau banalise le RN en assignant tout contradicteur à la catégorie facho.
Mettre l'islamophobie à toutes les sauces chahute la logique tandis qu'est nié par des commentateurs de "mauvaise foi" le caractère religieux de l'abaya. 
Les annonceurs d’apocalypse climatique ou raciale confortent les haineux dans leur peur, révulsent les modérés et les propulsent dans le camp d’en face.
Kébab et bar à chichas font partie du paysage français comme la laïcité.
Les distanciations s'incrustent d’autant plus que les non-dits dominent, on ne se parle plus, en français.
Les ressentiments s’amarrent de part et d’autre de la Méditerranée ou du périf.
La mosquée prospère et l’église devient un musée. Dans le domaine des arts et des spectacles, plus de saint à qui se vouer, tant le destroy a remplacé le sublime, l’inarticulé, la clarté : le déconstruit ne sait reconnaître la décivilisation.
On s’amuse, le ludique est devenu le maître mot de la pédagogie, le festif celui de la communication, alors une fois dissipés les panaches des fumigènes cheminots ou des supporters en virage, saurons nous voir plus clair ?
Les feux d’artifices éclairaient la fête nationale, les mortiers les propulsant sont devenus des armes et les images des jubilations fêtardes ont tout recouvert .
L’émotion supplante la raison: marches blanches hebdomadaires et RIP pour Jane et moins pour Tachan, alors vient en réaction pour qualifier les vandales, une syllabe imbécile : 
les cons ! 
Les voitures brûlées étaient entrées dans le folklore du 14 juillet ou de la saint Sylvestre, mais depuis fin juin, les faits divers ont rejoint les colonnes des rubriques politiques et franchi les colonnades de l’assemblée. 
« … les violences urbaines se déclenchent régulièrement tels des feux follets, ces inflammations de méthane émanant des zones humides et marécageuses. Leur ampleur varie, mais ce phénomène est hélas devenu récurrent en dépit des multiples « plans banlieue » et autres rénovations urbaines. » Jérôme Fourquet.
Le mot « intégration » continue à être invoqué, quand les mots à préfixes contrariants pullulent : démolir, déraciner, démonter, déconstruire, désintégrer… 
Demandant tout à l’état et se plaignant de son emprise tout en sapant quotidiennement son autorité, les factieux en appellent à l’unité et à couper de têtes. Ils fournissent du carburant aux cyniques et scient les pattes des bonnes volontés.
«  La crise  constitue justement dans le fait que le vieux ne meurt pas et que le nouveau ne peut pas naître ; dans cet interrègne se vérifient les phénomènes morbides les plus variés ». Gramsci dont la belle phrase peut être citée par chaque bord, ne fera pas plus consensus que la transition écologique ou l’aggravation de la dette publique, éléments de cette nouveauté …

jeudi 7 septembre 2023

François Auguste Biard. Musée Hébert.

Un illustre inconnu est présenté jusqu’au 4 septembre au musée Hébert de La Tronche dont les choix sont souvent pertinents.
L’artiste né en 1799 à Lyon avait connu le succès pour ses peintures expressives multipliées en gravures puis tomba dans l’oubli après avoir été apprécié par Louis Philippe.
Sa disgrâce suivit la chute de la monarchie de  juillet.
Des panneaux présentant les critiques qui lui furent adressées témoignent d’une démarche originale et font confiance aux œuvres mises en lumière.
Souvent amusé, son regard porte sur des sujets de la vie quotidienne peu représentés à cette époque, mais aussi au-delà des frontières autour de la Méditerranée, au pôle Nord, au Brésil.
Il met « Le monde en scène » et livre un de ses tableaux figurant dans beaucoup de manuels scolaires : « Abolition de l'esclavage ».
Une précédente exposition dans la maison de Victor Hugo doit sans doute à sa femme qui l’avait accompagné au Spitzberg, surprise avec l’auteur des Misérables en situation d’adultère. Elle fut emprisonnée, le pair de France en fut pour quelques dessins railleurs.
Nous découvrons un agréable découvreur lors de ce voyage dans l’espace et le temps sans empreinte carbone.