jeudi 8 juin 2023

La Grèce et l’Europe au XIX° siècle.

« Le temple de Neptune à Paestum », Piranese (1778). Alors que le pays de Zeus avait été difficile d’accès pendant toute la domination ottomane, le prestige de la période antique subsistait dans toute l’Europe essentiellement par les textes. 
La mythologie passait par le prisme romain, même si dans la capitale de l’empire au temps d’Urbain VIII (XVII° siècle) : « ce que n'ont pas fait les barbares, les Barberini l'ont fait ». Parmi tant de vestiges,  les travaux sur céramique et verre sont considérés comme des arts mineurs, et les copies ont autant de valeur que les originaux, bien qu’il puisse y avoir trente copies interprétant le même original. L’enveloppe architecturale des monuments hellènes subsistait dans le Sud de l’Italie. 
En 1687, les vénitiens assiègent les turcs qui ont entreposé leur réserve de poudre dans le Parthénon, pulvérisé quand un boulet traverse la toiture. « Vue d'Athènes » de Verneda.
En 1801, Lord Elgin fait transporter le fronton du Parthénon à Londres, il avait obtenu l’autorisation des ottomans qui après la défaite de Bonaparte à Aboukir ne pouvaient guère refuser. « Vue de la salle des sculptures de 1819 au British Museum » Archibald Archer.
Une des 92 métopes : « Métope sud XXVII » Au moment de l’indépendance de La Grèce (1830), l’art va constituer un ferment identitaire puissant.
Le premier roi venant de Bavière veut placer sa dynastie dans le prolongement de l’héritage classique, « L'entrée d'Othon à Athènes »
. Peter von Hess

L’École française d’Athènes, est le premier institut étranger à  s’établir en 1846, Louis Boitte « Propylées, coupe longitudinale restaurée et état actuel »  
Mais ce sont les architectes germaniques qui vont structurer la nouvelle capitale et réserver de la place pour la recherche archéologique au sud de l’Acropole où sera démoli tout ce qui n’est pas antique.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2023/06/naissance-dathenes-au-xix-siecle-daniel.html
En 1810, Schinkel, construit à Berlin, « l’Athènes de la Spree », 
la « Nouvelle garde », retour à la source de la source du classicisme.
Son « Altes Museum » a été le premier musée de l’île aux musées qui comporte aussi la cathédrale luthérienne, le palais royal, un jardin d’agrément…
Son élève von Klenze édifie en 1820 dans le style ionique, l‘ordre roi,  
« La glyptothèque » à Munich.
A l'origine, le « parlement de Vienne » devait être polychrome, comme les temples grecs, ainsi le souhaitait von Hansen, mais il n’a pas été suivi.
Garnier
dans ses envois à l’Ecole de Beaux arts proposa des restitutions richement colorées : « Façade angulaire du temple ».
L’expédition militaire et scientifique de Morée en Péloponnèse, (1829),
établit un « Plan des premières fouilles archéologiques d'Olympie »
et ramène la « Métope d’Olympie » au Louvre.
La « Plaque des Ergastines » de la collection Choiseul-Gouffier confisquée à la révolution est transférée au Louvre en 1798.
L’école française d’Athènes a toujours une concession à Délos, « l’île sacrée d’Apollon » « Quartier du théâtre» où l’architecture domestique est bien conservée.
L’institution travaille à Delphes, centre du monde grec, où la Pythie prophétisait, célèbre pour son « Aurige » rare bronze conservé de cette époque (Ve siècle av. J.-C), exposé sur place.
Le « Sphinx de Naxos » du haut de sa colonne ionique s’y trouve aussi
avec le « 
Trésor de Siphnos » situé sur la voie sacrée. 
La Renaissance avait redécouvert l’antiquité romaine,
le XIX° siècle  a retrouvé l’antiquité grecque.
 « Donne et tu recevras » Platon.

mercredi 7 juin 2023

Oradour-sur- Glane

Partis pour  Guéret, nous avons programmé une étape à ORADOUR-SUR-GLANE situé à une  trentaine de km de Limoges.
Après un petit déjeuner au café Milord du bourg, nous nous avançons vers le mémorial du village martyr.
Il présente à l’entrée et à l’intérieur de nombreux panneaux à lire informant sur le nazisme et sur le village dont voici quelques exemples :   
* Ici se sont réfugiés des alsaciens, des lorrains des espagnols, des juifs   
* Pour un soldat tué, les autorités allemandes appliquaient le tarif de 10 otages  exécutés, un  autre tarif correspondait à un soldat blessé.   
* Les allemands auraient justifié le  massacre d’Oradour par la disparition ou l’enlèvement d’un gradé de leur rang. En représailles, 643 villageois furent encerclés et décimés.  
* le procès à Bordeaux  qui inculpe les Alsaciens incorporés dans l’armée allemande     « malgré nous », mécontente autant les familles meurtries que les Alsaciens qui en ont  fait une cause commune et sur lesquels porte l’opprobre. 
- Les habitants d’Oradour tournent alors le dos à l’administration et aux élus français ;  ils       s’érigent en association pour honorer la mémoire de leurs morts, et cela jusqu’en 1970.
Un petit film de 12 minutes retrace le déroulement de la journée du 10 juin 1944. Il n’en réchappa que peu de survivants
- Pour la visite à l’extérieur, le ciel nuageux nous protège des ardeurs du soleil, la grisaille convient à l’ambiance.
Le village brulé très bien entretenu est conservé derrière des murs protecteurs, dans  une enceinte close. Des plaques discrètes définissent les maisons en ruines, sans toiture : le café Milord, le coiffeur, le forgeron, le négociant en bestiaux, le garage, les fermes, le dentiste et le médecin, l’épicerie, la vente de laine de tissus … et rendent compte de la configuration du bourg.
Dans  les jardinets des objets invaincus par le feu révèlent des activités humaines courantes: on aperçoit des machines à coudre, du matériel agricole, des vélos et des carcasses de voitures, des plaques de cheminées.
Des restes de rames et de lignes du tram traversent la rue principale.
Sur certains murs figurent  en quatre endroits des plaques commémoratives signalant des lieux d’exécutions à la mitraillette,  et celle rajoutée :« Souviens toi, remember ».
- L’église devant laquelle un Christ montre sa douleur ne servit pas de refuge aux femmes et enfants entassés de force dans la maison de Dieu qui se transforma pour eux en maison de l’horreur lorsque porte close, les allemands y mirent le feu. 
Le plafond s’écroula, les cloches fondirent, nulle échappatoire possible.
L’ossature d’une poussette d’enfant laissée là renforce le sentiment d’inhumanité et de barbarie de l’acte.
Autre punition infligée,  les tortionnaires voulurent faire disparaitre tous les corps ou les rendre méconnaissables et priver ainsi les victimes d’identité et les familles de leur deuil, ils tentèrent même de faire effondrer l’église
- A l’extrémité du village au nord  un cimetière accueille les dépouilles des 2 Oradour, l’ancien et le moderne. Au fond, a été édifié un monument aux martyrs composé de deux cercueils en verre cerclés de bois remplis d’ossements, d’une colonne et de plaques commémoratives personnalisées par des photos ou honorant les différentes communautés présentes lors du massacre.
La place du champ de foire près de l’épicerie/ bar Milou sépare le cimetière du village. C’est là que les allemands regroupèrent toutes les âmes avant leurs exactions.
Beaucoup de visiteurs déambulent sur le site parmi lesquels beaucoup d’étrangers et nous entendons parler des belges, des anglophones des espagnols et des allemands.
Ils respectent instinctivement le silence et la propreté des lieux, contiennent les petits débordements des enfants et évitent les selfies irrespectueux, touchés par la charge dramatique qui plane sur  ce musée en plein air.
Ce n’est pas l’esprit  léger que nous  retournons dans l’Oradour moderne construit à côté. Nous déjeunons cependant avant de partir « au bon accueil » situé près de la mairie.

mardi 6 juin 2023

Suzette ou le grand amour. Fabien Toulmié.

Agréable comme une chanson romantique, ces 366 pages ont le goût des oursins, du pesto, que les deux femmes complices nous font partager avec une limpidité tant dans le scénario que dans les dessins élémentaires aux couleurs de l’été.
Bien sûr Francesco est italien, l’amour de jeunesse que Suzette à l’instigation de sa petite fille va essayer de retrouver après le décès de son mari.
Et danser à nouveau. 
«  voglio solo rimanere cosi per sempre »
« Je n’ai qu’une envie, rester pour toujours comme ça. » 
Ici, les générations ne sont pas en conflit : Mamoun si timide apprend la franchise avec Noémie qui s’installe avec son Hugo, elle la conseille astucieusement aussi. 
« … les hommes commencent leur vie en étant rebelles et deviennent plus sages avec l'âge. Alors que les femmes démarrent dans la vie en étant sages et deviennent rebelles. » 
Il faut prendre des précautions pour qualifier cette production de « gentille bluette » afin de préciser qu’il n’y a pas de mièvrerie, mais de la douceur, de la finesse dans des dialogues réussis et une heureuse description du quotidien. 
« L'amour ce n'est pas simplement une histoire d'attraction. C'est surtout une question d'engagement. Jusqu'à quel niveau est-on prêt à s'engager pour préserver son couple ? » John Gottman

lundi 5 juin 2023

Sick of Myself. Kristopher Borgli.

Dans un milieu danois de vains artistes contemporains, la recherche de la notoriété en arrive à l’effacement des personnalités.
Une jeune femme défigurée accuse nos conformismes dans ce film sarcastique et dérangeant, satire froide du monde des médias, de la mode, de « l’art », qui en arrive à être conventionnelle quand aucun personnage n’apparaît sous un jour sympathique.

dimanche 4 juin 2023

Le crocodile trompeur. Samuel Achache, Jeanne Candel, Florent Hubert.

"Le Crocodile trompeur", c'est Enée obligé par Jupiter de partir en Italie, il pleure son amoureuse Didon, la reine de Carthage. 
Il s’agit d’un opéra de Purcell : Didon et Enée, où heureusement advient la musique après mimes et clowneries en costard qui ont beaucoup trop duré à mon avis après un conteur nous entretenant des rapports entre planètes, chiffres et êtres, dont il est difficile de voir le rapport avec la tragédie.
Les musiciens interviennent brièvement avant une exploration du corps au moment de la passion amoureuse d’où une amplification des battements du cœur puisqu’il est question de l’organe où pulsent les passions.
Des trucs de ce spectacle de dix ans d’âge ont été repris par trop de compagnies : monologue devant la salle allumée, acteurs qui passent parmi les spectateurs, décor de gravats et lustre, pouf à roulettes et tapis emmêlé, farine qui tombe des cintres, tête de biche en trophée. 
Le chef d’orchestre embarrassé par ses chaussures de ski était au diapason d’un public grenoblois pas forcément aussi dégourdi que l’acrobate contre-ténor, le bras en écharpe.
Et puis après tant d’absurdités, le dilemme entre la passion et le devoir est quand même habilement traité avec un maître de cérémonie mettant dans la bouche de la belle Didon et du beau Enée ce qu’ils devraient dire. Et là s’expriment enfin les chanteurs, réconciliant les rieurs qui ont peut être reconnu les Monty Python et ceux que la musique baroque matinée de jazz a ému. 

samedi 3 juin 2023

Requiem pour la classe moyenne. Aurélien Delsaux.

Les premières phrases mettent en appétit.
« Les vacances étaient terminées, jusque-là tout s’était bien passé. Je me souviens des chiffres d’alors, je voudrais les saluer : il allait bientôt être dix-huit heures, Blanche, ma femme chérie, somnolait à mon côté, nos deux enfants dormaient à l’arrière, je roulais sur la flambant neuve A89, j’avais quarante-cinq ans, j’avais enregistré sur le régulateur la vitesse maximale autorisée, le tableau de bord annonçait quarante et un degrés à l’extérieur.
Ce que les chiffres mesuraient, le temps et la vitesse, la température ou le prix, j’étais depuis longtemps persuadé de ne pas savoir l’évaluer, de n’être plus capable de le ressentir vraiment. Les chiffres fixaient tout et tenaient tout en respect, ils épinglaient calmement en moi des papillons morts. Ils rendaient la vie saisissable, ils étaient les sigles de mon bonheur. »
 
Le style original rend ces 220 pages puissantes, car comme l’annonce le titre, il s’agit de la fin d’un monde, depuis que celui qui conduit la voiture a appris la mort de Jean-Jacques Goldman.
Bien des formules frappent juste : 
«  …les rêves ne sont que des perroquets malades, des miroirs dépolis. Preuve qu’il faut s’être saoulé d’illusions pour les prendre pour des devins et des sages. »
L’existence tellement normale de cette famille dans la moyenne dérape vers des dysfonctionnements surprenants d’où les délires du narrateur dont l’humour permet de garder les distances. 
Le décor lyonnais qui m’est familier a ajouté au plaisir d’une écriture ouvrant à des réflexions loin de la frivolité ambiante ou des lourdes leçons. 
«  Mais qu’allait-il nous arriver maintenant si comme le vieux Souchon nous nous mettions à oublier nos paroles. Si nos chants s’étiolaient. Si la musique disparaissait de nous. »

vendredi 2 juin 2023

Schnock. N°45.

La revue des vieux de 27 à 87 ans permet de varier le curseur de nos emballements ou de nos indifférences. 
Ainsi ce numéro consacré essentiellement à « Funny De Funès » me permet de mieux comprendre le grand père de Julia De Funès, la philosophe en vogue : 
« Sans le savoir, il prédisait ainsi ce qu’est devenu, en grande partie, le cinéma d’aujourd’hui. Un spectacle pour enfants. » 
Son entretien avec Macha Béranger se concluait ainsi : 
« Je vous remercie d’être revenu, et à très bientôt.
 - A très bientôt, j’ai été ravi, ravi, ravi ! 
- … Jacob !
 - Voilà très bien (rires) » 
Et il y a de quoi dire au-delà de répliques cultes : 
« Comment Salomon, vous êtes juif ? » 
 Nous passons de A comme Anouilh à Zizanie (la) et des entretiens avec Danièle Thompson fille de Gérard Oury, à une filmographie où l’on croise Bourvil et Coluche, où l'on voit comment s’est élaboré « Hibernatus » avec Sophie Daumier qui était «  sensass » ou quand « Carambolages » est proposé au festival de Cannes :
« c’est envoyer Miss Piggy à Rungis, Madonna en tournée en Iran ». 
Dans un autre article, Laurent Chalumeau a de la verve : 
« Marcel Bluwal fait clairement partie de ces gens qui se kiffent tant tout seuls qu’on se sent dispensé d’ajouter notre adulation à celle qu’ils se vouent déjà, de peur de faire déborder un vase rempli à l’extrême. Un peu comme chez Claude Lelouch ou Johann Sfar. » 
« Chapeau melon et bottes de cuir » à la française est de la revue 
ainsi que Marthe Keller de « Elle court, elle court la banlieue » ou SAS de Gérard de Villiers. Par contre un rageux article de Dashiell Hedayat à propos de Bob Dylan me semble destiné aux initiés alors que Jean Pierre Ferland remue les braises. 
« Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous » 
Le dernier défunt, Jean-Luc Godard a le dernier mot à propos de Tarantino :
«C’est un faquin, un pauvre garçon, mais tant mieux, il est heureux. Autrefois c’était le genre de personne que l’on détestait. Mais aujourd’hui on laisse aller. »