mardi 31 août 2021

Les petits pas ne suffisent pas. Muriel Douru.

Je vais passer rapidement sur la maladresse des dessins et la place excessive donnée à la personne de Nicolas Hulot, entrant en contradiction avec des démarches qui devraient échapper au vedettariat pour mieux impliquer les citoyens dans la préservation de notre planète.
Mais ce n’est pas le moment d’ergoter : si cet album édité par Rustica peut convaincre les lecteurs de mettre l’urgence climatique au premier plan, il se peut que les décideurs en tiennent compte.
L’intention est très pédagogique et l’état des lieux accablant, rien qu’à prendre deux pages sur les 190 où est opéré un tour de la planète, avec 
- sa lithosphère épuisée par toutes les extractions, 
- l’hydrosphère où il y aura davantage de plastique que de poissons en 2050, 
- la pédosphère en état de dégradation avancée du fait de la déforestation, 
- la biosphère où les populations d’animaux ont chuté des deux tiers, 
- l’atmosphère qui se réchauffe réagissant aux émissions humaines datant de dix ou vingt ans, 
- la cryosphère dont 90% des glaciers pourraient disparaître d’ici la fin du siècle.
Même si quelques témoignages paraissent d’une exemplarité ingénue, nous avons envie de croire à des initiatives: 
« Après avoir quitté l’école à 16 ans, je perdais mon temps et je dealais pour gagner ma vie. Grâce à l’école, je suis devenu ouvrier dans l’écoconstruction et j’ai trouvé une raison de me lever le matin »  
Et même les maladresses de l’ancien animateur de TF1 rendent plus accessibles ses alertes plutôt que lorsqu'elles sont énoncées par des êtres si parfaits que leur intransigeance nous refroidit. 
« Dans les années 90, j’étais extrêmement optimiste et je pensais qu’on n'allait pas avoir le folie  de laisser courir les choses. Les progrès en matière d’environnement  sont très localisés, mais concernant les grandes tendances (augmentation des émissions de gaz à effet de serre, effondrement du vivant, pollution des mers…) vous avez une dégradation en continu de tous les paramètres. Pourtant on pourrait préserver les conditions essentielles de notre confort, on pourrait même vivre beaucoup mieux, si on ramenait l’économie à la satisfaction réelle de notre bien être. » N. Hulot
En célébrant la beauté du monde, ses leçons passent mieux que celles des tristes intégristes méprisants leurs semblables, cultivant la« solastalgie » autre version  écologique du « burn out » alors qu’une fois encore des paroles venant du fond des temps sont les plus fortes : 
« L‘impulsion du seul appétit est esclavage et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. » JJ Rousseau
 

lundi 30 août 2021

Bac Nord. Cédric Jimenez.

Comme j’aime la contradiction, je suis allé voir ce film parce que « Libé » dont je suis un ancien abonné avait exprimé un avis politique défavorable, alors que le journal dont j’apprécie encore souvent les critiques avait encensé « Les Misérables » qui traitait aussi des quartiers « difficiles » avec des scènes très semblables.
Des policiers contredisent la loi du « pas de vague » et ont des arrangements avec la Loi pour obtenir des renseignements.
Le propos n’est certes pas anti-flics, mais la gauche se doit-elle de leur être hostile à tous coups ? Que faire pour surmonter l’impuissance de la République et ne pas abandonner des quartiers aux dealers ?
Gilles Lellouche a les mâchoires adaptées au rôle et Kenza Fortas est toujours aussi agréablement mystérieuse, son partenaire dans un film précédent ayant été incarcéré au Baumettes  
L’intrigue fortement inspirée de faits réels a beau être bien menée, rythmée, et susciter l’adhésion populaire, j’en sors avec un sentiment d’accablement devant tant d’hypocrisies, de misères morales, de laideur sur fond de lumière, quand des mômes qui cherchent la baston trouvent des bastos : ce n’est plus du cinéma.
Ces jours à Marseille, un adolescent de 14 ans a été tué par balles et deux mineurs, 8 et 14 ans, ont été blessés.

dimanche 29 août 2021

« Au Bonheur des Mômes » 2021.

Nos incertitudes nous conduisent à rabâcher des évidences, tant le réel aurait tendance à nous accabler: oui ce festival où ont été présentés 35 spectacles différents à destination des enfants ne ressemble pas aux précédents.
Mais justement fions nous aux petits pour porter un regard dépourvu de la nostalgie où se vautrent les vieux comme moi.
Pour un sondage auprès d’habitués des lieux, mon petit fils accédant en CE2 m’a dit qu’il avait tout aimé, alors que de plus grandes en instance l’une d’entrer en CM1 et l’autre en CM2 ont adoré « Kle », tout comme moi.
J’étais hésitant avant de choisir l’évocation par une compagnie catalane de l’œuvre de Paul Klee, peintre pas forcément facile, mais quand l’exigence est mise au service de l’inventivité, nous sommes émerveillés.
Le jardinier de « Ito au pays des sons », nous invite à écouter le monde et ses musiques. Le jury du chapiteau «  Coup de pouce » l’a  justement distingué.
Également en solo, un jongleur maladroit, dans un « Déséquilibre passager », réussit ses tours avec boules de pétanques voire de bowling et emballe un public qui sait rire : « les enfants m'énervent. » Ceux-ci ne sont pas pris pour des billes.
Le groupe musical « Méli Mômes »  saisit parfaitement les émotions enfantines quand s’annonce un petit frère ou lorsque un usager du toboggan joue les braves : « Même pas (mal) ». Cependant se réveillent mes instincts corporatistes avec « la maîtresse en maillot de bain » alors que l’autorité de l’école est à poil depuis belle lurette.
Les couples d’acteurs sont nombreux mais jongleries ou équilibres, voire quelques astucieuses  inventions perdent de leur attrait lorsque des répétitions ne masquent pas toujours les insuffisances de la trame narrative.
Deux voisins se rapprochent «  Au fil du rêve »
comme les passagers attendant sur un quai de gare «  Pour aller où ? »   
Ces séquences poétiques m’ont parues un peu alanguies.
Plus dynamique, le rockeur hâbleur et maladroit dans « Le fabuleux retournement d’Eugène Ouiski » trouvera sa vocation de clown grâce à son assistante, fine mouche, devenue, elle, la vedette. 
« Welcome » : un barman et son client jonglent avec bouteilles et balais. 
Les « Lombric Spaghetti » ont le mérite d’essayer des équilibres inédits avec pelles et barrières Vauban mais leur « Gum over » quelque peu collant, m’a semblé un peu laborieux.
«  Con tenda » un couple également dans la tension, joue du chapeau comme tant d’autres et leur « roue cyr » n’arrive pas à nous saisir.
«  Les semeurs de rêves », délivrent un tract conformiste: le bonheur adviendra grâce aux enfants. Dans un monde devenu végan, les filles pourront enfin exercer la profession de pirate et les artistes ne seront plus contrariés dans leur vocation.
Cette tentation de la démagogie se retrouve dans les interventions du directeur Alain Benzoni dit « Benzo » qui a eu le mérite de fonder ce festival mais ne se renouvelle guère. Le slogan choisi pour la prochaine édition, la trentième: « No culture, cons futurs » me semble un peu poussif et même un peu « con » pour rester dans le registre de « celui qui dit qui est ». 
Ses neuf copains, les happy papis de « Zic zazou » présentent un panorama enjoué de leur carrière pleine d'inventivité avec un professionnalisme rendant discrets quelques clins d’œil destinés surtout aux contemporains des Rolling Stones, « Ze end ».
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La photo d'entête a été prise par Mia (10 ans) 

jeudi 12 août 2021

Lib’ ég’ frat’ : niet.

La distance entre métaphore chiraquienne et réalité kabyle est cramée quand la planète brûle pour de vrai. Il est trop tard docteurs divers.
Bien que prenant à rebrousse-plumes une époque qui pique, l’écriture ne garantit plus contre les impulsions exagérées au moment de vider son sac, de plage.
Alors que mes incertitudes, mes incompétences, pourraient garantir une certaine neutralité et mes vagabondages politiques quelque tolérance, les outrances entendues récemment me conduisent à choisir mon camp.
Je me retrouve encore affronté au Front national et au Front de gauche se confondant sous de nouveaux noms dans des luttes anti vax et anti pass, après avoir déjà flirté sous camisole jaune à pois rouge et brun.
J’entre dans le schéma théorisé et appliqué par les radicaux qui voient des ennemis partout, et un seul coupable de tout : Macron, que je m’obstine, en vieux monsieur, à appeler « monsieur » en tant que chef de l’état, même si Tik Tok convoque la familiarité. 
La rhétorique permanente du combat me rend plus que jamais légitimiste. La confiance envers chaque acteur de la société constitue à mes yeux le seul liant possible de ce « vivre ensemble »  mot dont abusent pourtant ceux qui travaillent à le fragiliser encore plus. Confiance, envers les élus dans leur diversité, aux profs dans leurs insuffisances, aux scientifiques dans leur suffisance, à mon garagiste…
Je persiste à chérir la nuance
mais je me refuse à renvoyer dos à dos partisans et adversaires de la vaccination, cheval de Troie des « anti tout » magnanimes tout de même envers ceux qui tiennent compte de l’avis de leur médecin. 
De la même façon qu’on ne peut mettre en doute le civisme de tous nos concitoyens pour quelques masques abandonnés, il devrait être facile de ne pas se laisser impressionner par quelques centaines de milliers de manifestants contredits par 45 millions de vaccinés.
J’en veux à tous ceux qui ont empoisonné les discussions au point que le silence s’impose quand la jugeote devient un terme obsolète et que sont incendiés des centres de soins. J’acuche (mettre le foin en tas dans le Dauphiné) dans la poubelle du « C’était mieux avant » les mots « Dictature » et « Liberté » devenus répugnants à force d’être recouverts de sauces trompe-couillons. L’usage immodéré de vocables tonitruants affadit leur sens de même que de présenter la vaccination comme un acte héroïque confine au ridicule.
La décadence de l’empire romain a beau être évoquée depuis les calendes grecques, n’empêche que de crise économique en crise écologique, nous sommes dans la mouise morale sur fond de paysage culturel dépeuplé.
Les puérils médias à l’affut du moindre toussotement de vacciné, les réseaux sociaux  «galeux, d'où vient tout le mal», les « mauvais » se pensant « bons » désignant les « mauvais », les « tout pour ma gueule », sont les promoteurs de cette ambiance délétère.
De quoi décourager la recherche de solutions consensuelles pour continuer à ce que le « beau temps » ne se confonde pas avec le mauvais, avec alertes orange quant à nos capacités d’écoute.
Parmi les rabâchages qui rabâchent que « le rabâchage est à la base de l’enseignement », comme l’enseignement ne se porte pas très bien, on peut se lasser à rabâcher : «  ma liberté s’arrête où commence celle des autres ».
Les mots ne portent plus et l’humour ne parle plus guère s’il n’est épicé de méchanceté : retour à la première ligne. 
« Celui qui peut régner sur la rue règnera un jour sur l’Etat, car toute forme de pouvoir politique et de dictature a ses racines dans la rue. » Joseph Goebbels

mardi 10 août 2021

La loi de Téhéran. Saeed Roustayi.

Maintenant que le mot dictature a été tellement galvaudé, comment qualifier le régime iranien quand la férule religieuse n’empêche même pas la consommation massive de stupéfiants (6 millions et demi de toxicomanes) et que la possession de trente grammes de drogue entraine la peine de mort ?
Le titre choisi n’est pas moins inquiétant que « Just 6.5 » proposé à l’international.
La déliquescence de la société iranienne parait encore plus avancée que par chez nous à travers cette histoire de mâles ténébreux. 
Un seul visage de femme s’inscrira dans notre mémoire, ses semblables n’apparaissant que comme des silhouettes noires devant des portes en fer. La tension est constante qui estropiera d’abord les enfants que chacun dit protéger.
Dans un tel contexte, le genre film policier est efficacement renouvelé avec une confrontation entre un commissaire et un caïd du crack à l’insolente richesse construite sur la misère de ses clients.
Les acteurs sont excellents, traduisant efficacement la violence des rapports humains sans que l’écran dégouline de sang. Les conditions de détention sont moyenâgeuses. Entre une première scène suffocante et une conclusion terrible, quelques épisodes sont remarquables comme cette rafle parmi des miséreux se shootant à l’abri de canalisations d’égout en attente d’être posées.
Les critiques unanimes au « Masque et la plume » feront-ils sortir de la confidentialité cette production qui a connu le succès dans son pays ? Alimentant jusque là surtout les festivals, https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/11/teheran-tabou-ali-soozandeh.html l’intéressant cinéma iranien peut ici contredire la légèreté des sorties estivales en osant solliciter des émotions au service d’une vision du monde dépourvue de manichéisme.

dimanche 18 juillet 2021

Titane. Julia Ducourneau.

Un capitaine des pompiers qui a perdu son fils adopte une tueuse en série. 
Soit on vomit soit on rit : encore une question de génération. 
Je ne chercherai pas de formule originale pour rester dans le ton conventionnel de ce film mauvais, chic et choc, et réitérerai un jugement banal pour regretter une esthétisation de la violence loin d'en être à son premier coup. 
Le buzz médiatique commencé avec les pectoraux de Lindon  a bien fonctionné : les genrés du genre ont retrouvé une spécialiste des denrées made in USA : thriller trash and gore. 
C’est selon l'expression d’un journaliste: « un tour d’autos tamponneuses » avec musique tapageuse, couleurs électriques, fausses frayeurs qui secouent quand même. 
Que peuvent dire les féministes de cette fille à la poitrine enserrée d’un ruban adhésif  collant encore très bien après plusieurs utilisations, et n’affirmant son identité que dans de provocantes contorsions aux yeux d’ultra mâles ne valant eux aussi que par leur poitrine ? 
L’accouchement interminable d’un monstre, au bout d’une heure 48, peut se voir comme la métaphore de la venue au monde d'un film malade, dégoulinant de cambouis. Vive le vélo !

samedi 17 juillet 2021

Festival de Cannes 2021.

Les troupes cinéphiles munies de leur masque et de leur téléphone étaient en général clairsemées pendant ce mois de juillet 21.
De nouvelles dispositions électroniques ont permis un accès fluide aux séances afin de déguster une nouvelle fois ce concentré enivrant de cinéma. 
Parmi 32 films, beaucoup de grands-mères fortes et quelques vaches.
Nous avons vu toutes les propositions, souvent les plus audacieuses, de la sélection de l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) rendant parfois d’autres offres plus fades. 
« Down with the king », un rappeur à la campagne, reste le plus surprenant, alors que « Little Palestine », journal d’un siège en Syrie, nous a secoués.
« Municipales » avec un comédien en candidat aux élections dans une bourgade des Ardennes constitue un bon révélateur politique.
« I comete », exprime les violences de la Corse. 
« Gost song » met en musique quelques jeunes éperdus à Houston, comme « Soy libre » dans le sillage d’un jeune écorché à qui sa sœur a confié une caméra.  
« Aya », une jeune fille attachée à son île de Côte d’Ivoire rongée par la mer, devra s’en arracher et des femmes de différentes générations dans «  Vénus by the see », bien que traitées avec un formalisme paralysant, ne crachent pas sur la société chinoise où elles vivent.
Une vache de l’Hérens, « Vedette », fournit une raison de vivre à ses propriétaires.
Le thème de la liberté, qui tant nous agite, traverse beaucoup d’œuvres : « Libertad » est le nom d’une jeune colombienne vivant avec sa mère domestique en Espagne. Le traitement des hiérarchies est plus approfondi  dans « El empleado y el patrón ». 
« Olga », jeune gymnaste ukrainienne, vit en Suisse loin de sa mère journaliste restée au pays. Son histoire met en lumière la place des individus parmi les événements les plus explosifs de la planète, comme «  Freda » dans sa famille où les hommes sont absents, une fois encore. Celle-ci se bat pour survivre et vivre intensément en Haïti. « Amparo », une mère colombienne empêche le départ de son fils enrôlé de force dans l’armée.
Les deux films où le Liban  apparaît en toile de fond sont décevants, dans des tonalités désabusées : «  The sea ahead » ou dans les pastels factices de « Sous le soleil d’Alice ».
Les confinements dans des voitures deviennnent fréquents dans le cinéma iranien : « Hit the road » va vers la frontière, mais le 4X4 embourbé en direction d’ « Intregalde » est roumain.
Bien des films français, confondent énergie et énervement, comme «  Entre les vagues », ou le vomitoire «  Titane »,  et même Anaïs Dumoustier arrive à agacer dans « Les amours d’Anaïs ». Alors, le romantisme d’une « Histoire d’amour et de désir » repose.
Le mal nommé « Rien à foutre » traite avec justesse de notre société.
Sean Penn peut également être tourmenté, excité, son « Flag day », d’après une histoire réelle, se laisse voir. 
Faut-il chercher aux antipodes ? L’australien « Œil pour œil » est trop stéréotypé et «  High ground » parait quelque peu scolaire pour un rappel de la colonisation des aborigènes tandis que « Palm Beach » aux airs de «  Déclin de l’empire américain » est chaleureux et le sobre « Bellbird », sur les difficultés de la transmission, vaut le coup d’œil. 
« La jeune fille qui va bien » de Sandrine Kiberlain dont la légèreté rend avec encore plus d’acuité la gravité des évènements de 1942, figure pour moi au dessus de tous.
Je ne suis pas sûr de garder longtemps en mémoire « Les promesses d’Hasan » trop fabriqué ou « La femme du fossoyeur » trop jolie, bien que l’on puisse oublier des coups de cœur et se souvenir d'un lointain film des Larrieu « Le voyage aux Pyrénées».
A partir de « The big Kity » faisant plaisir essentiellement à ses réalisateurs, je me garderai de laisser entendre que cette pochade représente une profession restant dans l’entre soi comme aurait pu le symboliser également des membres d’une équipe de film en bordure de scène plus nombreux que les spectateurs restés dans la salle.
Nous avons eu la chance d’entendre des réalisateurs modestes, la plupart ne s’abandonnant pas dans l’illusion surplombante des donneurs de leçons. La diversité de leurs caractères laisse espérer d’autres belles rencontres et des surprises au cours de l’année cinématographique à venir. Si le sentiment d’être au bord du gouffre accroit une intensité proportionnelle aux inquiétudes qu’ils expriment, nos mots insuffisants ne savent qu’inscrire dans le cartouche : « crise de civilisation ».