mercredi 3 mars 2021

Sur la route de Reims.

Les bovins ont meuglé toute la nuit.
Nous commençons la journée par un solide petit déjeuner en compagnie de J. toujours aussi communicative et nous quittons Givry en empruntant des petites routes, au milieu de grands champs moissonnés. En passant dans une zone industrielle, nous payons à la voiture un bon lavage pour la débarrasser de sa couche gluante de sève, cadeau des tilleuls de Vézelay.
Nous atteignons Dicy sous le soleil un peu avant 11h. C’est là que se trouve le fabuleux musée d’art singulier: La Fabuloserie, .  
Deux heures de route en gros nous séparent de REIMS. Nous passons progressivement dans la Marne où les paysages de vignes remplacent  les grandes terres agricoles moissonnées. (Les photographies de paysages viennent de la toile).
L’habitat se modifie aussi, nous croisons des bâtiments du patrimoine que nous ignorons par manque de temps.
Notre hôte que nous contactons, nous rejoint boulevard Pommery. Il nous remet clés et consignes, plans, renseignements. La passation bien que conviviale est rapide et efficace. Nous nous installons dans notre studio anciennement chambre d’étudiant dont l’espace a été bien optimisé au rez-de-chaussée d’un immeuble cossu à deux pas des bâtiments de la veuve Pommery rachetés par la maison
Vranken. 
Les caves, en haut de l’avenue, ressemblent à un château de Walt Disney, Il faut prendre la voiture cependant pour accéder au centre-ville.
Nous avons la chance de trouver à nous garer dans une petite rue près de la Mairie. 
Nous nous promenons  en direction de la cathédrale, impressionnante vue de l’extérieur sous la  lumière flatteuse  du couchant. 

L’ange est là, il sourit. 
Nous reviendrons demain pour mieux nous attarder sur d’autres statues comme ces deux monstres jumeaux, les gargouilles, les personnages et les scènes bibliques de pierre qui donnent envie d’être décryptées.
Pour l’heure, nous partons en quête d’un restaurant, surpris d’en trouver autant  de fermés le lundi. 
Nous interrogeons plusieurs personnes, finalement une femme noire nous prend par la main gentiment et nous oriente vers le bon quartier en se détournant de sa propre direction. Nous choisissons l’établissement  « Côté cuisine » dans un jardin à l’abri du vent ébouriffant sous les 32°. Après avoir été attirés par une formule alléchante valable seulement à midi, nous sommes invités à consulter le menu par téléphone et QR code à cause du Covid. Heureusement le patron compatissant nous épaule pour télécharger l’application.
Guy commande  des raviolis fourrés aux asperges, je me rabats sur le suprême de volaille aux légumes provençaux (une ratatouille), et nous buvons un pichet de blanc avant de craquer pour un café gourmand intéressant. 
Après être retourné au restaurant juste avant sa fermeture pour cause de smartphone oublié,  nous apprécions par cette chaleur le ventilateur apporté sur les conseils de sa femme par M., notre beau gosse à la décapotable.

mardi 2 mars 2021

Le secret de l’espadon. Tome 1. Edgar-P Jacobs.

Je ne peux pas me piquer d’être un amateur de bandes dessinées et persister à ne pas être allé plus loin que « By jove ! » du professeur Mortimer, toujours avec sa pipe après trois jours sans vivres dans le désert. Tous les personnages sont imperturbables comme son ami officier Blake et indestructibles, de même que leur ennemi le méchant Olrik.
Les morts s’amoncellent : 
« - Pris au piège comme des rats, mon cher, et cela si près du but !...
- Ah ! C'est trop bête... Mais avant, j'en descendrai bien quelques-uns.  
J’ai lu au second degré ce premier album qui a mon âge (70), sinon tant de stéréotypes seraient insupportables, les situations périlleuses toujours résolues par un nuage bienvenu ou des interventions miraculeuses seraient lassantes et jusqu’aux dessins sur fond de coucher de soleil rayonnants décidément datés.
Le dictateur qui dirige l’« l'Empire jaune » depuis le Thibet vient d’engager « la plus effroyable et la plus criminelle des guerres » contre le reste du monde : 
« Allô ! Allô ! Aux dernières nouvelles, nous apprenons que Rome, la ville éternelle, vient d'être rayée de la carte du Monde !!! Vingt-cinq siècles de civilisation anéantis en un instant ! La sauvagerie bestiale de cet acte odieux ne manquera pas de dresser contre ces hordes barbares tous les défenseurs de la culture occidentale !!! ... » 
Des relations avec la situation mondiale actuelle pourraient s’établir si le scénario n’était pas aussi manichéen. J’aime plus que de raison les tournures écrites anciennes, mais les adjectifs sont surabondants et des cartouches très explicatifs font double emploi avec des dessins très rigides. Lorsque je regretterai parfois le côté trop allusif des albums d’aujourd’hui je m’éviterai de penser : « c’était mieux avant! ».

lundi 1 mars 2021

Dictionnaire amoureux du festival de Cannes. Gilles Jacob.

J’ai connu un jeune homme qui venait chaque jour au centre culturel  français de Douala au Cameroun pour lire page à page « Le Dictionnaire » comme si c’était un roman.
Je suis venu à bout des 800 pages de ce dictionnaire amoureux 
consacré au festival de Cannes avec la même intention de saisir le monde ou du moins son reflet à travers le cinéma, son histoire, ses évolutions : 
« Il fait toujours rêver, même si les séries s’ingénient à le rendre obsolète, au besoin en offrant à de grands réalisateurs, pour les tourner, des sommes faramineuses que refusent par avance ceux à qui on ne les propose pas. »  
J’ai vérifié que peu d’entrées m’étaient totalement étrangères, car si le nom d’Axel Gabriel ne me dit plus rien, ma mémoire n’est pas détériorée au point d’avoir oublié son film « Le festin de Babeth ». 
Par contre je ne sais rien de Degemark Pia dont le portrait à la plume pas plus que d’autres dessins rabougris dispersés ça et là n’ajoutent  grand chose à une collection pourtant séduisante.
Même si quelques listes érudites peuvent être intimidantes, à travers le croisement des acteurs, des réalisateurs, il y de quoi nourrir le regret de ne pas avoir vu par exemple «  Two lovers » que l’ancien délégué général du Festival résume avec efficacité, se rappelant son ancien métier de critique.
L’essayiste  sait parler de « La Nouvelle vague » à propos de Truffaut : 
« Il ne voulait pas ressembler à Godard qui l’aida dans son combat contre les ainés réalisateurs. Et ils vont le gagner, eux et d’autres, avec leurs munitions qui tuent. Ces munitions sont les pellicules sensibles, les caméras légères, le son direct, le refus de tourner en studio, l’improvisation pour Godard, le frémissement pour Truffaut, les digressions pour les deux. C’est le temps de l’autobiographie et des intuitions » 
Le réalisateur donne envie de voir le film à sketches « Chacun son cinéma » dont la séquence de Kaurismäki en particulier nous appâte : 
« où l’on voit une dizaine d’ouvriers métallurgistes profiter de la pause de midi pour venir mâcher un sandwich devant la projection de « La sortie de l’usine Lumière à Lyon » » 
L’on aimerait savoir ce qu’on pu répondre les confrères de Wenders à la question : 
« Est-ce que le cinéma est un langage sur le point de disparaître ou un art sur le point de mourir ? »
Mais la réponse de Christine Pascal à Piccoli dans « Les enfants gâtés » nous entraine loin : 
«- Quelle est la plus belle scène d’amour du cinéma mondial ?
 - Quand Hardy demande à Laurel : 
«  Qu’est ce que tu préfères ? Moi ou la tarte aux pommes?
Laurel regarde Hardy, regarde le public et se met à pleurer. » 
La diversité des films présentés sur la croisette et alentours m’a toujours ravi avec l’intention ambitieuse :  
« Saluer les maîtres, conforter des cinéastes déjà reconnus, découvrir les futurs grands» 
réalisée chaque année, même s’il sait reconnaître les hauts et les bas de la programmation.
Si l’influence du directeur a été déterminante pour faire du festival un évènement considérable, le ton de l’écrivain, tempéré par des habitudes diplomatiques a ses attraits, même s’il a tendance à se donner le beau rôle comme son successeur Thierry Frémaux qui avait écrit sur le même sujet.

dimanche 28 février 2021

Le début de la suite. Bénabar.


«
Elle est pas malheureuse
 
« La petite vendeuse » 
Et de loin on dirait
Presque le bonheur
Quand l’antidépresseur
Fait enfin de l’effet »
La marque salée sucrée du gentil chanteur est dans cette attention aux petites choses de la vie avec l’intention de prendre le meilleur même quand les illusions sont parties.
Musiques vives et mots doux.
Il peut sans risquer la grandiloquence, évoquer le temps qui passe 
« Le début de la suite » : 
« Les aiguilles de la montre
Ne tournent que dans un sens
Quand on la remonte
C’est encore pour qu’elle avance »
voire « Le destin » : 
« Le stylo nous appartient
Les fautes, les ratures
Aussi les passages bien
C’est notre écriture » 
et même une «  Brève et approximative histoire de France » : 
« Elle est pas finie l’histoire
On n’a pas fini d’y croire » 
« Le jeune vigile » est fragile et celle de tout à l’heure : 
« La petite vendeuse il l’a retrouve ce soir
Y aura des hauts et des bas » 
Auprès de « Chevaliers sans armure » en blouse blanche : 
« C’est plutôt bon signe quand les patients patientent » 
Le « marathonien » habite une ville nouvelle 
«  Plus propre que belle ».
Et si « Le complexe du sédentaire » l’amène à avoir 
« Tête en mer et pied à terre » 
Lors d’un « Feu de joie » : 
« Allumons un feu
Avec ce qui ne va pas
Ce qui nous rend malheureux
Brûlons tout ça »
 Et bien que « ça sert à rien une chanson » : 
« C’est vrai c’est superflu comme une déclaration
A quelqu’un qui ne t’aime plus » 
c’était bien bon quand « On jouait fort » : 
«  On jouait faux
Bon d’accord !
Mais au moins
On jouait fort »

samedi 27 février 2021

La vie en relief. Philippe Delerm.

Je ne sais si l’auteur de « L’extase du selfie » est le dernier de nos écrivains, en tous cas, en magnifiant chaque instant, mon contemporain ajoute à la qualité de nos vies.
J’aime éprouver l'empilement qu'il décrit: 
« Je suis à la fois enfant, adolescent, homme d’âge mûr, et vieux », 
sans savoir dire aussi bien la douceur de ses lumières, ni les formules heureuses du célébrant des familles: «  Ce que j’ai eu, je l’ai encore ». 
Alors que souvent, je chronique des livres lorsque je viens de les refermer, je n’ai su le faire pour celui là, et au hasard d’une émission dominicale toute fraîche, j’ai rapproché sa sagesse communicative, des paroles de saint Paul : 
« J’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. »
« Oui, je rêve souvent à ce que j'ai déjà. C'est une chance d'être ainsi. Mais ça serait folie d'être autrement. » 
Avec ce rapprochement, je risque d’avoir à me limiter dans le choix des citations qui vont au-delà de la célébration de l’éclat des parfums de glace à la framboise et au citron, la barbarie d’un gymnase ou la magie du coup de sifflet au début d’un match de football … 
« Le malheur, c'est de perdre quelqu'un. Le bonheur, c'est d'avoir quelqu'un à perdre. » 
Ce journal intime de 230 pages, fluide et invariablement positif, par exemple lorsqu’il retourne vers des lieux disparus, son souvenir n’en a que plus de prix. 
« C'est cela, la vie en relief, voir ses souvenirs et ses sensations non pas additionnés les uns aux autres, mais comme démultipliés à l'infini, vivre comme si c'était la première fois. » 
Mission accomplie.

vendredi 26 février 2021

Vivre en bonne intelligence.

Quand je donnais un avis à mes élèves, au stylo rouge, j’espérais que chacun aille au maximum de ses possibilités. Dans le prolongement d'un enseignement destiné à les accompagner dans leur grandissement, j’ai aimé l’expression qui s’appliquait dans le champ politique : « entrepreneur de soi même », quand la responsabilité construit la liberté.
Tant de belles expressions sont devenues hors sol en ces temps bourbeux.
Quand vais-je les abandonner, elles qui habitaient les écoles estampillées « liberté, égalité, fraternité », peluches « Bisounours » effilochées, salies ? 
Chaque jour apparaissent aux lucarnes : le malheureux étudiant, le restaurateur accablé, le misérable intermittent, le pauvre prof, l’infortunée infirmière, le triste teufeur… 
Il y a un intrus dans la liste, comme est dévalué le terme « dictature » apposé à la moindre contrariété, et que dire de la situation au Liban quand nous sommes privés de cinéma ?  Parmi les éclaboussures de l'actualité: « Tous au régime sans viande » ne me semble pas de la première urgence.
Pour m’extraire de la cohorte des affligés, il suffit de tourner la tête et rire de la malice de mes petits enfants, apprécier la générosité de mes amis, m’émerveiller de la beauté du pays et des délices de la saison.
Mais ce jardin privé n’est pas à l’abri. 
Nous sommes-nous faits à l’idée qu’il faudrait vivre avec les épidémies ? 
Il est facile pour le retraité d’approuver l’expression «  il suffit de traverser la rue » pour répondre à la question : comment nomme-t-on la « qualité de l'esprit qui comprend et s'adapte facilement » ? L’intelligence. 
Par contre il suffit d’aller faire un tour sur les réseaux, que je crains et qui m’attirent, pour que la croyance aux capacités de discernement de nos contemporains s’effondre. La justesse d'un jugement n'est surtout pas corrélée au niveau d’études : j’ai connu des militants ouvriers bien plus pertinents que certains universitaires dans les colonnes du « Monde ». Les islamo-gauchistes ne veulent pas reconnaître les islamo-fascistes, ignorant le sens des mots, eux qui voient le Maréchal (Pétain) au coin de tous les boulevards. Ces chercheurs se sentent atteints dans leur liberté mais acceptent bien peu des opinions différentes des leurs.
Y a-t-il à hésiter entre la bonté de l’homme et sa malveillance ?
Nous sommes d’ici et maintenant, que la société nous accable ou qu’elle nous régale.
Le virus a creusé les traits du monde d’avant, contenu dans celui d’aujourd’hui, préfigurant celui d’après. Sera-t-il vert, vert de gris ou de toutes les couleurs ? 
Les règles religieuses les plus rétrogrades ont cru alors que la foi en un monde meilleur, la foi en l'homme s'est étiolée, même chez ceux qui poursuivaient seulement la rouge étoile. Est ce que tous ceux là nous montreront que la maitrise de la crise dépend de chacun de nous, après avoir mis au pré les boucs émissaires et à la déchetterie les bonbonnes amères?
Pour respecter le verdict des urnes, je sais aussi que les masses passent parfois à côté de l’essentiel. J’allais écrire : à l’heure où la planète brûle, la thématique du droit à l’avortement qui anime les foules dans de nombreux pays me semble ne pas aller à l’essentiel. A moins que ce soit comme la COVID un moyen de régler le problème de la surpopulation mondiale. 
Le blanc boomer râle encore, mais ne mettra pas de majuscules aux opprimés, fussent-ils de couleur et point de « e » surnuméraires auprès de mes femmes. 
« L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui » 
Pierre Desproges.

jeudi 25 février 2021

Cher football français. Daniel Riolo.

Luis Fernandez a beau nommer le chroniqueur de RMC « l’intellectuel du foot », ces 240 pages tiennent davantage du pamphlet que de la thèse universitaire. L’écrit proche de l’oral, ponctué de quelques formules mordantes, rend la lecture agréable face à un constat plutôt sombre sur l’état du sport roi. 
« Blanc sans Gasset, c’est une tarte aux fraises sans fraises » 
Le manque de culture des décideurs qui vivent de ce sport n’atteint pas toujours les abysses où Rama Yade nous emmena : 
« A la coupe du monde il faudra se méfier de l’Uruguay, une sélection qui a brillé à l’Euro »
L’ancien abonné de la tribune Auteuil puis Boulogne est convaincant quand il s’insurge contre le mépris des journalistes politiques envers ceux du sport,  mais des sauts dans la cohérence apparaissent parfois. Il signale son changement d’appréciation quant au projet de ligue européenne qui verrait les plus grands clubs s’affronter alors que subsisteraient des championnats nationaux pour les autres. Il ne peut reprocher aux dirigeants de trop souvent choisir la fuite en avant, pour en faire de même. 
« On est le pays qui redistribue le plus et il n’y a jamais assez d’argent » 
S’il écarte les opinions les plus courantes à propos de l’argent-qui-pourrit-tout et remet en cause quelques évidences telles qu’aime les proférer l'efficace Didier Deschamp, sa persistance à donner la primeur au jeu est sympathique.
Les bons résultats de l’équipe de France où sont sélectionnés essentiellement des joueurs exerçant à l’étranger masque la régression des clubs où même la formation n’est plus ce qu’elle était. Le « trading » (spéculation) devient la norme et les jeunes expatriés de vanter dès leurs premières déclarations le professionnalisme de leurs nouveaux employeurs avant d’embrasser le blason du suivant.
« Pour gagner de l’argent, il faut une compétence. Pour le dépenser, il faut une culture. »  Alberto Moravia
On finit par s’intéresser davantage aux tactiques lors d’un marché quasi permanent qu’au prochain match. 
« Le miracle reprend forme en août. Le mercato vend de l'espoir. On perd les meilleurs et on fantasme sur les nouveaux. Les entraîneurs affichent des ambitions nouvelles, les dirigeants confirment. En août, tout est toujours plus beau. Quand le bronzage disparaît, les premières journées d'automne, les premiers matches de Coupe d'Europe renversent tout. Pas de doute, on est toujours aussi nul. » 
A l’instar d’Eric Neuhoff  auteur du « (Très) cher cinéma français », il dézingue et peu d’entraineurs ont ses faveurs en dehors de Galtier ou Bielsa. Par ailleurs il exprime clairement que Benzéma est meilleur que Giroud mais celui-ci est plus utile à l’équipe, loin du politiquement correct et des connivences qui sclérosent les structures du foot où le fait d’avoir joué en pro donne des avantages pour entrainer une équipe pro alors que comme le dit Sacchi : 
«  Il ne faut pas avoir été cheval pour être un bon jockey. »