lundi 1 mars 2021

Dictionnaire amoureux du festival de Cannes. Gilles Jacob.

J’ai connu un jeune homme qui venait chaque jour au centre culturel  français de Douala au Cameroun pour lire page à page « Le Dictionnaire » comme si c’était un roman.
Je suis venu à bout des 800 pages de ce dictionnaire amoureux 
consacré au festival de Cannes avec la même intention de saisir le monde ou du moins son reflet à travers le cinéma, son histoire, ses évolutions : 
« Il fait toujours rêver, même si les séries s’ingénient à le rendre obsolète, au besoin en offrant à de grands réalisateurs, pour les tourner, des sommes faramineuses que refusent par avance ceux à qui on ne les propose pas. »  
J’ai vérifié que peu d’entrées m’étaient totalement étrangères, car si le nom d’Axel Gabriel ne me dit plus rien, ma mémoire n’est pas détériorée au point d’avoir oublié son film « Le festin de Babeth ». 
Par contre je ne sais rien de Degemark Pia dont le portrait à la plume pas plus que d’autres dessins rabougris dispersés ça et là n’ajoutent  grand chose à une collection pourtant séduisante.
Même si quelques listes érudites peuvent être intimidantes, à travers le croisement des acteurs, des réalisateurs, il y de quoi nourrir le regret de ne pas avoir vu par exemple «  Two lovers » que l’ancien délégué général du Festival résume avec efficacité, se rappelant son ancien métier de critique.
L’essayiste  sait parler de « La Nouvelle vague » à propos de Truffaut : 
« Il ne voulait pas ressembler à Godard qui l’aida dans son combat contre les ainés réalisateurs. Et ils vont le gagner, eux et d’autres, avec leurs munitions qui tuent. Ces munitions sont les pellicules sensibles, les caméras légères, le son direct, le refus de tourner en studio, l’improvisation pour Godard, le frémissement pour Truffaut, les digressions pour les deux. C’est le temps de l’autobiographie et des intuitions » 
Le réalisateur donne envie de voir le film à sketches « Chacun son cinéma » dont la séquence de Kaurismäki en particulier nous appâte : 
« où l’on voit une dizaine d’ouvriers métallurgistes profiter de la pause de midi pour venir mâcher un sandwich devant la projection de « La sortie de l’usine Lumière à Lyon » » 
L’on aimerait savoir ce qu’on pu répondre les confrères de Wenders à la question : 
« Est-ce que le cinéma est un langage sur le point de disparaître ou un art sur le point de mourir ? »
Mais la réponse de Christine Pascal à Piccoli dans « Les enfants gâtés » nous entraine loin : 
«- Quelle est la plus belle scène d’amour du cinéma mondial ?
 - Quand Hardy demande à Laurel : 
«  Qu’est ce que tu préfères ? Moi ou la tarte aux pommes?
Laurel regarde Hardy, regarde le public et se met à pleurer. » 
La diversité des films présentés sur la croisette et alentours m’a toujours ravi avec l’intention ambitieuse :  
« Saluer les maîtres, conforter des cinéastes déjà reconnus, découvrir les futurs grands» 
réalisée chaque année, même s’il sait reconnaître les hauts et les bas de la programmation.
Si l’influence du directeur a été déterminante pour faire du festival un évènement considérable, le ton de l’écrivain, tempéré par des habitudes diplomatiques a ses attraits, même s’il a tendance à se donner le beau rôle comme son successeur Thierry Frémaux qui avait écrit sur le même sujet.

dimanche 28 février 2021

Le début de la suite. Bénabar.


«
Elle est pas malheureuse
 
« La petite vendeuse » 
Et de loin on dirait
Presque le bonheur
Quand l’antidépresseur
Fait enfin de l’effet »
La marque salée sucrée du gentil chanteur est dans cette attention aux petites choses de la vie avec l’intention de prendre le meilleur même quand les illusions sont parties.
Musiques vives et mots doux.
Il peut sans risquer la grandiloquence, évoquer le temps qui passe 
« Le début de la suite » : 
« Les aiguilles de la montre
Ne tournent que dans un sens
Quand on la remonte
C’est encore pour qu’elle avance »
voire « Le destin » : 
« Le stylo nous appartient
Les fautes, les ratures
Aussi les passages bien
C’est notre écriture » 
et même une «  Brève et approximative histoire de France » : 
« Elle est pas finie l’histoire
On n’a pas fini d’y croire » 
« Le jeune vigile » est fragile et celle de tout à l’heure : 
« La petite vendeuse il l’a retrouve ce soir
Y aura des hauts et des bas » 
Auprès de « Chevaliers sans armure » en blouse blanche : 
« C’est plutôt bon signe quand les patients patientent » 
Le « marathonien » habite une ville nouvelle 
«  Plus propre que belle ».
Et si « Le complexe du sédentaire » l’amène à avoir 
« Tête en mer et pied à terre » 
Lors d’un « Feu de joie » : 
« Allumons un feu
Avec ce qui ne va pas
Ce qui nous rend malheureux
Brûlons tout ça »
 Et bien que « ça sert à rien une chanson » : 
« C’est vrai c’est superflu comme une déclaration
A quelqu’un qui ne t’aime plus » 
c’était bien bon quand « On jouait fort » : 
«  On jouait faux
Bon d’accord !
Mais au moins
On jouait fort »

samedi 27 février 2021

La vie en relief. Philippe Delerm.

Je ne sais si l’auteur de « L’extase du selfie » est le dernier de nos écrivains, en tous cas, en magnifiant chaque instant, mon contemporain ajoute à la qualité de nos vies.
J’aime éprouver l'empilement qu'il décrit: 
« Je suis à la fois enfant, adolescent, homme d’âge mûr, et vieux », 
sans savoir dire aussi bien la douceur de ses lumières, ni les formules heureuses du célébrant des familles: «  Ce que j’ai eu, je l’ai encore ». 
Alors que souvent, je chronique des livres lorsque je viens de les refermer, je n’ai su le faire pour celui là, et au hasard d’une émission dominicale toute fraîche, j’ai rapproché sa sagesse communicative, des paroles de saint Paul : 
« J’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. »
« Oui, je rêve souvent à ce que j'ai déjà. C'est une chance d'être ainsi. Mais ça serait folie d'être autrement. » 
Avec ce rapprochement, je risque d’avoir à me limiter dans le choix des citations qui vont au-delà de la célébration de l’éclat des parfums de glace à la framboise et au citron, la barbarie d’un gymnase ou la magie du coup de sifflet au début d’un match de football … 
« Le malheur, c'est de perdre quelqu'un. Le bonheur, c'est d'avoir quelqu'un à perdre. » 
Ce journal intime de 230 pages, fluide et invariablement positif, par exemple lorsqu’il retourne vers des lieux disparus, son souvenir n’en a que plus de prix. 
« C'est cela, la vie en relief, voir ses souvenirs et ses sensations non pas additionnés les uns aux autres, mais comme démultipliés à l'infini, vivre comme si c'était la première fois. » 
Mission accomplie.

vendredi 26 février 2021

Vivre en bonne intelligence.

Quand je donnais un avis à mes élèves, au stylo rouge, j’espérais que chacun aille au maximum de ses possibilités. Dans le prolongement d'un enseignement destiné à les accompagner dans leur grandissement, j’ai aimé l’expression qui s’appliquait dans le champ politique : « entrepreneur de soi même », quand la responsabilité construit la liberté.
Tant de belles expressions sont devenues hors sol en ces temps bourbeux.
Quand vais-je les abandonner, elles qui habitaient les écoles estampillées « liberté, égalité, fraternité », peluches « Bisounours » effilochées, salies ? 
Chaque jour apparaissent aux lucarnes : le malheureux étudiant, le restaurateur accablé, le misérable intermittent, le pauvre prof, l’infortunée infirmière, le triste teufeur… 
Il y a un intrus dans la liste, comme est dévalué le terme « dictature » apposé à la moindre contrariété, et que dire de la situation au Liban quand nous sommes privés de cinéma ?  Parmi les éclaboussures de l'actualité: « Tous au régime sans viande » ne me semble pas de la première urgence.
Pour m’extraire de la cohorte des affligés, il suffit de tourner la tête et rire de la malice de mes petits enfants, apprécier la générosité de mes amis, m’émerveiller de la beauté du pays et des délices de la saison.
Mais ce jardin privé n’est pas à l’abri. 
Nous sommes-nous faits à l’idée qu’il faudrait vivre avec les épidémies ? 
Il est facile pour le retraité d’approuver l’expression «  il suffit de traverser la rue » pour répondre à la question : comment nomme-t-on la « qualité de l'esprit qui comprend et s'adapte facilement » ? L’intelligence. 
Par contre il suffit d’aller faire un tour sur les réseaux, que je crains et qui m’attirent, pour que la croyance aux capacités de discernement de nos contemporains s’effondre. La justesse d'un jugement n'est surtout pas corrélée au niveau d’études : j’ai connu des militants ouvriers bien plus pertinents que certains universitaires dans les colonnes du « Monde ». Les islamo-gauchistes ne veulent pas reconnaître les islamo-fascistes, ignorant le sens des mots, eux qui voient le Maréchal (Pétain) au coin de tous les boulevards. Ces chercheurs se sentent atteints dans leur liberté mais acceptent bien peu des opinions différentes des leurs.
Y a-t-il à hésiter entre la bonté de l’homme et sa malveillance ?
Nous sommes d’ici et maintenant, que la société nous accable ou qu’elle nous régale.
Le virus a creusé les traits du monde d’avant, contenu dans celui d’aujourd’hui, préfigurant celui d’après. Sera-t-il vert, vert de gris ou de toutes les couleurs ? 
Les règles religieuses les plus rétrogrades ont cru alors que la foi en un monde meilleur, la foi en l'homme s'est étiolée, même chez ceux qui poursuivaient seulement la rouge étoile. Est ce que tous ceux là nous montreront que la maitrise de la crise dépend de chacun de nous, après avoir mis au pré les boucs émissaires et à la déchetterie les bonbonnes amères?
Pour respecter le verdict des urnes, je sais aussi que les masses passent parfois à côté de l’essentiel. J’allais écrire : à l’heure où la planète brûle, la thématique du droit à l’avortement qui anime les foules dans de nombreux pays me semble ne pas aller à l’essentiel. A moins que ce soit comme la COVID un moyen de régler le problème de la surpopulation mondiale. 
Le blanc boomer râle encore, mais ne mettra pas de majuscules aux opprimés, fussent-ils de couleur et point de « e » surnuméraires auprès de mes femmes. 
« L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui » 
Pierre Desproges.

jeudi 25 février 2021

Cher football français. Daniel Riolo.

Luis Fernandez a beau nommer le chroniqueur de RMC « l’intellectuel du foot », ces 240 pages tiennent davantage du pamphlet que de la thèse universitaire. L’écrit proche de l’oral, ponctué de quelques formules mordantes, rend la lecture agréable face à un constat plutôt sombre sur l’état du sport roi. 
« Blanc sans Gasset, c’est une tarte aux fraises sans fraises » 
Le manque de culture des décideurs qui vivent de ce sport n’atteint pas toujours les abysses où Rama Yade nous emmena : 
« A la coupe du monde il faudra se méfier de l’Uruguay, une sélection qui a brillé à l’Euro »
L’ancien abonné de la tribune Auteuil puis Boulogne est convaincant quand il s’insurge contre le mépris des journalistes politiques envers ceux du sport,  mais des sauts dans la cohérence apparaissent parfois. Il signale son changement d’appréciation quant au projet de ligue européenne qui verrait les plus grands clubs s’affronter alors que subsisteraient des championnats nationaux pour les autres. Il ne peut reprocher aux dirigeants de trop souvent choisir la fuite en avant, pour en faire de même. 
« On est le pays qui redistribue le plus et il n’y a jamais assez d’argent » 
S’il écarte les opinions les plus courantes à propos de l’argent-qui-pourrit-tout et remet en cause quelques évidences telles qu’aime les proférer l'efficace Didier Deschamp, sa persistance à donner la primeur au jeu est sympathique.
Les bons résultats de l’équipe de France où sont sélectionnés essentiellement des joueurs exerçant à l’étranger masque la régression des clubs où même la formation n’est plus ce qu’elle était. Le « trading » (spéculation) devient la norme et les jeunes expatriés de vanter dès leurs premières déclarations le professionnalisme de leurs nouveaux employeurs avant d’embrasser le blason du suivant.
« Pour gagner de l’argent, il faut une compétence. Pour le dépenser, il faut une culture. »  Alberto Moravia
On finit par s’intéresser davantage aux tactiques lors d’un marché quasi permanent qu’au prochain match. 
« Le miracle reprend forme en août. Le mercato vend de l'espoir. On perd les meilleurs et on fantasme sur les nouveaux. Les entraîneurs affichent des ambitions nouvelles, les dirigeants confirment. En août, tout est toujours plus beau. Quand le bronzage disparaît, les premières journées d'automne, les premiers matches de Coupe d'Europe renversent tout. Pas de doute, on est toujours aussi nul. » 
A l’instar d’Eric Neuhoff  auteur du « (Très) cher cinéma français », il dézingue et peu d’entraineurs ont ses faveurs en dehors de Galtier ou Bielsa. Par ailleurs il exprime clairement que Benzéma est meilleur que Giroud mais celui-ci est plus utile à l’équipe, loin du politiquement correct et des connivences qui sclérosent les structures du foot où le fait d’avoir joué en pro donne des avantages pour entrainer une équipe pro alors que comme le dit Sacchi : 
«  Il ne faut pas avoir été cheval pour être un bon jockey. »

 

mercredi 24 février 2021

Contours et retour à Avallon.

Une pellicule gluante recouvre la voiture lorsque nous la récupérons, résultat du mélange de sève de tilleul et de pluie séchée par le soleil. 
Nous suivons les bons conseils de J. qui nous a recommandé Saint Père à quelques encablures de Vézelay.
L’église Notre Dame est surprenante avec son porche ciselé en avancée franchement gothique.
Comme à Vézelay, Viollet-Le-Duc s’y intéressa, et déplorant son état de délabrement, s’attaqua à sa restauration.
Les travaux de rénovation  continuent actuellement à l’intérieur plus sobre que le porche.
Cependant les anciens tailleurs de pierre se sont amusés en plaçant par exemple des
dragons mangeant les oreilles d'un avare pour punir le radin d’avoir été sourd aux prières des miséreux.
L’autre intérêt touristique et historique de Saint  Pierre, les fontaines salées  nous oblige à reprendre la voiture. Hors du village, et en pleine campagne les indications pour s’y rendre  n’encombrent pas le paysage. Mais une fois arrivés, tout est fait pour faciliter la visite et la rendre agréable : les entrées acquittées (6 €), un gardien passionné nous fournit un plan avec des numéros identiques à ceux  plantés sur le terrain pour mieux se repérer. 
Nous passons d’abord  par le petit musée, il  nous instruit sur le lieu et les vestiges mis à jour, à l’aide d’objets exhumés et de panneaux explicatifs. 
« Le site des Fontaines salées doit son nom à la résurgence de sources d’eau salée captée il y a déjà 4300 ans au moyen de cuvelages en chêne toujours en place. Les vestiges d’un vaste établissement thermal gallo-romain daté des 1eret 3ème siècles de notre ère, témoignent de l’occupation humaine. »
Ainsi informés, nous nous acheminons vers les ruines désertes.
Nous repérons facilement les puits datant de plus de 2000 ans av JC. Ils sont constitués de troncs d’arbres colmatés avec des algues et enterrés dans le sol. Des plaques de bois les entourent disposées en soleil.
Aujourd’hui, ils servent de terrain de jeu aux grenouilles.  Mais au néolithique, avant d’être réemployés pour les  thermes, quelle fonction avaient- ils ? Faisaient-ils partie d’un sanctuaire de l’eau ? On sait que le sel était extrait en versant de l’eau sur la braise, il en résultait un mélange de sel et de cendres et que l’eau salée voire soufrée était aussi considérée comme curative. Quant aux fondations gallo-romaines, elles  ressortent sur  l’herbe verte et marquent l’emplacement des différentes salles typiques de ce genre de construction: bain chaud, bain froid, bain vapeur, vestiaire, four pour chauffer l’eau... Heureusement, la brochure d’entrée et les panonceaux  in situ permettent de voir autre chose que des tas de pierres.
Nous reprenons la voiture et poursuivons la route jusqu’à Saint-Pierre-Perthuis 
« la Pierre percée »
Ses deux ponts chevauchent  la rivière, La Cure, dans un cadre des plus agréable. Le plus ancien, le pont de Ternos date de 1770, il adopte  une  forme en dos d’âne laissant un étroit passage pavé pour les piétons ou les animaux. Juste derrière lui, le grand pont en plein cintre le domine.
A leur pied, des familles profitent de l’aire de pique-nique, des enfants sages lisent assis sur leur pliant. Des jeunes se baignent et sautent dans les endroits les plus profonds malgré le danger potentiel d’un délestage d’eau. Des canoës rouges glissent tranquillement sans gêner les nageurs. Il règne une ambiance bon enfant bucolique et paisible.
Nous terminons notre circuit par Montréal. Ce village médiéval ne propose aucune infrastructure touristique, seule  une échoppe d’artisanat  apporte un peu de vie et compense le bar fermé en vendant un choix limité de boissons. Pourtant, il y a quelques belles maisons, avec des jardins cachés, certaines  possèdent des fenêtres renaissance.
En haut, Le cimetière repose sous la protection de l’église. Une croix déterrée, cassée sans doute accidentellement et enfouie a été déposée à l’intérieur de l’édifice religieux. Elle ne figurait pas sur l’inventaire établi à la fin du XIX°siècle. 
Sur ses bras, deux anges portent l’un la lune, l’autre le soleil.
Nous consacrons la fin de journée à déambuler dans la vieille ville d’Avallon
http://blog-de-guy.blogspot.com/2021/02/avallon.html à la recherche de terrasses et de jardins annoncés sur le plan touristique de l’Office du tourisme. Ou nous ne les avons pas trouvés, ou ce que nous avons vu nous a paru sans intérêt.
Par contre, l’exposition d’artistes locaux  logée au grenier à grain nous ravit par sa créativité   sa diversité voire son humour : bien plus que certaines œuvres muséales.
En ce dimanche soir, nous n’avons guère le choix du restau et nous dînons à « l’Horloge » où se rabattent tous les touristes : Martini ou Americano, salade César ou tartare « italien »  (avec tapenade) et un rosé de Coulanges. Nous rentrons juste après à Givry ; les veaux beuglent à n’en plus finir, séparés de leur mère depuis ce matin, ils nous tiendront compagnie toute la nuit.

mardi 23 février 2021

Bella ciao. Baru.

Baru, le dessinateur efficace et fidèle de la jeunesse ouvrière de Moselle 
est le fils de Terzilio Baruelo qui a choisi la nationalité française pour échapper à un enrôlement dans l’armée de Mussolini; mobilisé en 39, il a été fait prisonnier à Dunkerque en 40.
Cet album regroupe quatre histoires concernant les « macaronis ». L’expression désuète était une insulte vis-à-vis des Italiens dont l’intégration ne se fit pas sans heurts.
- Les dix transalpins morts aux salines d’Aigues Mortes en 1893 lors d’affrontements avec des «  ardéchois » dits « trimards » - à moins que ça soit le contraire - reviennent à notre mémoire dans un premier récit où les miséreux agressent d’autres miséreux.
- L’histoire de l’origine de la chanson « Bella ciao », hymne de la résistance, est instructive car son inspiration venue des chants des ouvrières du riz (les mondine) parlait bien d’exploitation, mais la mélodie dont l’origine première est d’Europe de l’Est, a été popularisée seulement dans les années 60.
- Le dessinateur reconnu pour son trait énergique est aussi un habile scénariste car toutes ces explications se déroulent au cours d’un chaleureux repas de famille.
Une autre séquence, brève, révèle que l’homme  figurant sur la première page avec des pantalons trop courts veut en réalité mettre en valeur ses belles chaussures.
- A partir d’une querelle de commères, est remis à l’honneur le trajet d’un gamin qui avait refusé la chemise noire des «  ballilas » fascistes, pourtant neuve, contrariant sa mère mais rendant fier son père lui remettant du coup le foulard rouge communiste. Il mourra avec les républicains espagnols. 
La cousine qui raconte cette histoire est en train de confectionner des « capelettes » dont l’auteur se mettant en scène préserve l’authenticité et nous livre la recette dont les saveurs viennent s'ajouter à ces 130 pages pleines de malheurs et de joies.