jeudi 9 janvier 2020

Le mystère des deux vierges de Léonard de Vinci. Marie Ozerova.

C’est à une des attachées scientifiques au Musée de l'Ermitage qu’il revenait de présenter devant les amis du Musée de Grenoble, deux tableaux de Léonard de Vinci. Ceux-ci figurent dans les collections saint-pétersbourgeoises où 34 salles sont consacrées à l’art italien sur près de mille (ou 2000 ?) nécessaires pour les 60 000 œuvres sorties des réserves où attendent 3 millions de peintures ou sculptures du plus grand musée du monde.
Des mystères vont être levés, d’autres apparaissent, ainsi ce très célèbre dessin à la sanguine de Léonard de Vinci ne serait pas son « autoportrait » alors qu’il a fixé pour des siècles, l’image de l’ingénieur, astronome, philosophe, mathématicien, sculpteur, architecte, ingénieur, diplomate, inventeur, poète, musicien, physicien, botaniste, chimiste… peintre.
Alors qu’André Chastel, historien de la Renaissance écrit : « On a démesurément exagéré l'originalité de Léonard », Daniel Arasse peut constater : « Dieu mis à part, Léonard de Vinci est sans doute l'artiste sur lequel on a le plus écrit. » 
Et bien que depuis sa naissance à Vinci « à la troisième heure de la nuit », le 15 avril 1452, comme l’avait noté son grand père notaire, Léonard a laissé, éparpillées dans le monde entier, plusieurs milliers de pages, remplies de son écriture en miroir, sur ses recherches, mélangées à des comptes de ménage, il a très peu parlé de lui.
Le nombre de tableaux qui lui sont attribués est très faible :
« - Quand finirez-vous ce portrait ?
- Je finirai quand je pourrai. »
A l’époque, le travail s’effectuait en équipe pour les fresques et aussi dans les ateliers (bottega), comme c’est le cas pour la « Madone au bas-relief » de Cesare Da sesto aux visages léonardesques.
Au XV° siècle, le culte marial avait pris son essor, Van der Wayden peignait  « Saint Luc dessinant la Vierge ». D’après une légende du 1er siècle, elle serait morte à 72 ans après son Assomption, mais aurait voulu que son image en jeune femme demeure.
Au XII° à l’époque romane, la vierge et son fils sont très droits. Avec « Notre-Dame de Baroille », Jésus bénit de ses trois doigts désignant la trinité alors que les deux doigts collés à la paume indiquent la double nature à la fois divine et mortelle de Dieu.
Au XIV° siècle, à l’époque gothique la « Vierge à l’Enfant de la Sainte-Chapelle » est une vraie femme se rejetant en arrière, son enfant est lourd, elle intercède entre la terre et le ciel.
« La vierge de l’annonciation » en position d’humilité, alors qu’elle peut être en majesté sur son trône, est signée Simone Martini. Jusqu’à la Renaissance les artistes n’étaient pas distingués, ils n’étaient qu’un outil dans la main du Créateur, des artisans.
Fra Giovani était tellement  doux et beau qu’il fut surnommé Fra Angelico, sa « Vierge de l’annonciation », tête découverte et cheveux en désordre, un peu, est de la blondeur de la pureté.
La « Madonna and child » de Verrocchio, le maître de Léonard, n’est plus sur le fond doré qui évoquait la Jérusalem céleste, mais dans un espace rempli d’air et de lumière.
Luis de Moralès, l’espagnol, a retenu la technique du sfumato, « La Vierge et l'Enfant » est tragique, l’archange ne lui a rien caché, elle sait.
Commencée par de Vinci en 1478, cette « Madone Benois » du nom de son avant dernier propriétaire, fut la dernière acquisition de la famille impériale russe. Effectuée à l’huile suivant le tout nouveau procédé venant des Flamands, cette jeune vierge-on était adulte à 14 ans- coiffée d’une multitude de nattes, a épilé son front à la mode du XV°.Tout est symbole, le bijou en cristal de roche entouré de perles souligne l’Immaculée Conception, la pureté. La vierge regarde l’enfant qui regarde la fleur à quatre pétales comme la croix. Les vingt cinq couches de glacis ont permis de traduire avec délicatesse, la lumière qui vient caresser les visages. Au dessus de la terre on ne voit que le ciel. Les auréoles ont été rajoutées au XIX° siècle.
La « Madone Litta » est d’une beauté au-delà du temps terrestre, le front a la même longueur que le nez et égale la distance du nez au menton. En bleu et rouge, et  son col doré retrouvent les couleurs du moyen-âge. On ne voit pas la prunelle de ses yeux, mais la tendresse est dans les plis. Ses bras forment comme un œuf autour de l’enfant qui nous interpelle. Le petit tient un chardonneret, celui de la Passion.
Giovanni Francesco Melzi  le compagnon des derniers temps s’est chargé de classer les écrits de Léonard de Vinci, il a réalisé d’après une ébauche de son maître, cette « Flore » entourée d’anémones à six pétales comme les branches de l’étoile de David, dont la vierge serait une descendante, d’achillées associées à la fertilité et de jasmin représentant la pureté.
Léonard de Vinci est mort il y a 500 ans.

mercredi 8 janvier 2020

Lacs italiens 2019. # 5 B. Peschiera.

C’est l’heure de manger et nous retournons dans les rues ensoleillées à la recherche d’un resto.http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/12/lacs-italiens-2019-5-le-lac-iseo-et.html
Un villageois bienveillant entend le mot trattoria dans notre conversation et spontanément  nous dirige vers ce que nous cherchons.
Nous ne sommes pas les seuls touristes ni les seuls Français à vouloir déjeuner. La serveuse nous aménage un coin agréable en terrasse  en tirant et nouant des toiles claires en guise de parasols.
Nous mangeons al 'Italia: antipasti  en hors d’œuvre à partager (charcuteries, champignons et oignons à l’huile et vinaigre), casoncelli (pâtes du pays de Bergame), légumes frits (aubergines, courgettes) ou encore salade méditerranéenne.
Nous reprenons notre promenade, agréable sur la route sans voiture et sans montée vers Menzino puis Sensole. Nous passons par des villages constitués de logements plus modestes et moins anciens, à côté d’un village de vacances avec piscine désert. marche ombragée très plaisante en bordure d’eau. De Sensole, nous poursuivons vers Peschiera.
L’accès au lac est rendu possible par des marches aménagées, les bancs pour les fatigués ou les contemplatifs sont nombreux.   
Près de Peschiera, des arbres, les pieds dans l’eau nous intriguent.
Nous arrivons à un joli petit port avec des barques amarrées à des palli bleus et blancs,  comme à Venise.
Quelques panneaux de signalisation nous amusent : "limitation à 10 à l’heure" (il y a peu de vespa dans cet endroit) : "attention aux chats" qui traversent, sans doute motivés par un asile SPA spécialisé dans ces félins abandonnés ou malades.
D. nous offre une glace ou une granizada  avant que nous ne reprenions le bateau (4€50 par personne aller/retour quel que soit l’arrêt).  
L’heure et la lumière sont belles vues du toit du bateau où ne nous sommes pas nombreux. Une sorte de brume enveloppe les montagnes, plus suggérées et à peine découpées sur le ciel ; l’eau scintille, le soleil chauffe et l’air est bon.
Nous  regagnons  la voiture à Iséo sans nous tromper et renonçons à nous engager dans le tour du lac, nous traversons Sarnico pour jeter un œil sans mettre un pied dehors et sans pouvoir approcher des maisons de style liberty. Il est déjà tard mais nous dédaignons l’autoroute au profit de déviations qui n’évitent pas les mini-bouchons. Nous apprécions le garage  qui nous soulage du souci de trouver un stationnement adéquat.
 
La soirée commence par un bitter avec  graines pimentées indiennes et biscuits à l’encre de sèche qui  nous déçoivent .  Nous mangeons de la salade, des haricots verts à l’italienne avec tomates et ail, et du fromage,  avant de passer une soirée paisible avec activités variées : douche, lessive, lecture, écriture, téléphone, tablette…
En 2016, Christo avait installé des jetées flottantes provisoires depuis le village.

lundi 6 janvier 2020

Les incognitos. Nick Bruno Troy Quane.

Les films d’animation peuvent se permettre tous les effets, alors pour des gadgets dotés de tous les pouvoirs, allons-y pour une initiation au genre « espionnage » par la face parodie.
Les enfants aiment retenir le nom des personnages : ici le célèbre super espion Lance Sterling  fait équipe avec le scientifique Walter Beckett maladroit mais tellement inventif.
L’un ne compte que sur la force dont il use avec élégance alors que l’autre est un doux pacifiste : un couple gagnant bien sûr.
Changements de paysages garantis avec transmutation du Bond très Will Smith, filiforme du bas mais très charpenté du haut, en pigeon; quand l’esprit d’enfance rencontrera le mal, il en triomphera aisément.
Spectacle familial rythmé, drôle, sympathique.

dimanche 5 janvier 2020

Linda vista. Letts. Pitoiset.

Linda vista est un quartier de San Diégo où un quinqua vient de divorcer. Des amis essayent de l’aider. Une spécialiste en développement personnel arrivera-t-elle à l’aider à passer cette étape?
Dialogues mordants, acteurs excellents, sujet éternel, objet intéressant à discuter entre ceux qui voient à travers ces portraits une dénonciation de l’Amérique de Trump et Weinstein et ceux qui méprisent les affres d’hétéros blancs.
Le président et le producteur reflets de la brutalité du temps sont des cibles tellement faciles qu’elles n’ont pas besoin d’être explicitement nommées. La barbarie que nous redoutions, comme le réchauffement climatique sont dans nos murs. Sous l’omniprésence du mot bienveillance, la férocité se déploie, impitoyable.
J’ai apprécié ce vaudeville cruel sobrement mis en scène. En abordant septante ans, je me sens pourtant concerné par les décalages avec leur temps de jeunes quinquagénaires.
Des critiques interdiraient volontiers de tels sujets pour ne voir présenter que les transes d’anciens colonisés, ne concédant à ma communauté que la seule relecture du vieil homme et l’amer, rejetant toute pièce qui pourrait se dérouler au XIX° en Russie ou à Vérone entre jouvenceaux.
Enraciner une pièce dans un milieu et une époque vivement décrite rend les enjeux crédibles : la lucidité fait de bonnes répliques mais conduit à la solitude. L’urbanité, la politesse certes émollientes, ne sont-elles devenues que des constructions chimériques dépassées ?
Pitoiset, une bonne adresse :   
http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/04/cyrano-de-bergerac-edmond-rostand.html

samedi 4 janvier 2020

L’argent. Charles Péguy.

J’aurai aimé aimer ce livre et oublier mon anti cléricalisme adolescent qui l’avait enfoui dans le même sac que Claudel avec lequel il se partageait notre programme de terminale, alors que Sartre montait sur son tonneau à Billancourt loin du lycée de Voiron.
J’ai une nouvelle fois été vite lassé des répétitions de Péguy élevant la pauvreté au rang d’une mystique, même si le format court, 110 pages, m’a permis de retrouver dans le texte original des citations que font de lui quelques auteurs que j’apprécie.
« J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales. »
Je ne peux que me délecter à ses éloges des instituteurs « hussards noirs » de la République qui après un abus de rappels éditoriaux dans les années 80 ont disparu totalement des références journalistiques. Ses regrets de voir se perdre l’amour du travail bien fait et la conscience professionnelle au début du siècle précédent, relativisent tellement mes déplorations, cent ans après.
« Tout était une élévation, intérieure et une prière, toute la journée, le sommeil et la veille, le travail et le peu de repos, le lit et la table, la soupe et le bœuf, la maison et le jardin, la porte et la rue, la cour et le pas de porte, et les assiettes sur la table.
Ils disaient en riant, et pour embêter les curés, que travailler c’est prier, et ils ne croyaient pas si bien dire. »
Il y a du vrai, mais lorsque je lis son mépris de Jaurès, je le lâche.
Il aurait pu éviter, comme lorsqu’il s’interdit d’aborder certains sujets :
«… mais ceci m’entrainerait dans des complexités.»
« Mais voilà ce qui m’entrainerait dans des tendresses. »
Tout entier consacré à la défense de l’esprit, d’économie, il n’en est guère question.
« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit. »
ça se disait au début du siècle, le XX°.

vendredi 3 janvier 2020

La démocratie tout court.

En amont des élections municipales dont les enjeux de proximité ne sont pas aussi décisifs qu’il est dit depuis que les intercommunalités ont pris la main, ce sera pourtant à qui sera le plus flatteur à l’égard de l’électeur pour qui tous les vœux seront exaucés, promettent-ils.  
Personne ne souhaite une cité dont les habitants n’auraient pas voix au chapitre mais une politique qui ne s’orienterait qu’en fonction des intérêts particuliers risque la paralysie.
- Dis papou raconte :
- L’autogestion fruit des aspirations émancipatrices représentait le modèle où de l’atelier au quartier… jusqu’aux étoiles, les citoyens responsables auraient œuvré pour une société plus juste.
Les contraintes économiques, les limites de notre condition humaine, nos contradictions, ont réduit l’utopie grandiose en « démocratie participative ». Comme pour le mot laïcité, l’adjonction d’un adjectif marque la fatigue du terme « démocratie ».
La voilà ouverte à tous les vents des égoïsmes,    tout changement, toute évolution deviennent prohibés : voulez-vous une déchetterie à côté de chez vous, un lieu d’hébergement pour réfugiés, un voisin de plus ?
Il m’a fallu du temps, pour juger insupportable Ségolène Royal dont j'avais été un supporter ardent et qui porta jadis le terme «  démocratie participative », ce n’était donc que démagogie !
Celle ci saute aux yeux récemment : avec elle pas de problème de gilets jaunes ni de retraites ! Fastoche !... Et aux pôles ?
Plutôt que de passer d’une vision fabriquée, utopique, très années 70 à une appréciation 2020 uniquement pessimiste, péjorative de nos semblables, une voie réaliste pour faire évoluer la cité d’une façon dynamique devrait être possible.
Que ceux qui aspirent aux responsabilités expriment leurs ambitions clairement et négocient avec les personnes concernées semble le B à Ba de la politique.
« Négocier » : le chemin sera long quand de chaque côté chacun estime avoir raison.  « Estimer » ne convient même pas tant les évolutions éducatives ont entrainé vers des assertions indiscutables de la part d’individus dont on a pourtant dit que l’école avait mis en péril la confiance en soi.
L’expression « une fois aux manettes » ne parait pas non plus adéquate tant les mandants sont plus portés vers le grippage que vers le mouvement.  
Il faut espérer que de promesses non tenues en ajustements non compris, celui à qui on accorde notre confiance puisse bénéficier d’un peu de la bienveillance que chaque gaulois accorde tellement volontiers à son égo roi.
En cette matière les généralités se frottent aux particuliers, aux constances anthropologiques et psychologiques, aux temporalités accélérées sur petits écrans.
Et puis retour à la case éducation dont je ne sais sortir : les enfants monarques aux cheveux teints sont désormais aux manettes : nous avons mérité ces clowns capricieux et pas seulement au Brésil et aux USA à des postes décisifs. Ils se retrouvent  aussi parmi les vindicatifs des ronds points qui ont porté leur voix au-delà de ceux qui étaient inaudibles.
Pour illustrer les difficultés de s’écouter, deux mots de plus dans la prolongation d’un maigre débat entamé sur Facebook depuis un média local concernant la semaine d’école de 4 jours ½. Les arguments des spécialistes des rythmes scolaires ne sont pas entendus par des parents ni même par certains enseignants qui convertissent leur situation personnelle en expression des enfants. Ce sujet est plombant pour l’école vue comme vecteur essentiel de fatigue.
Rappeler que ce peut  être un  lieu d’apprentissage, d’épanouissement, renvoie pépé aux années passées, perdues, perdantes, perclues, pépères, heureuses pourtant. 
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Le dessin est recopié depuis "Le Point".