mercredi 12 septembre 2018

Le monde est à toi. Romain Gravas.

- Qui vous a inspiré ?
- Ma mère, répond le fils de l’auteur de « Z », présent dans une salle modeste du quartier de La Bocca pendant « the » festival de Cannes, après être passé sur des tapis rouges plus vivement éclairés : merci monsieur.
Dans ce film de gangsters les Tontons Flingueurs parlent le langage des banlieues du siècle « Ixe, Ixe, Barre ».
Adjani se fait appeler maman par  Karim Leklou, son grand dadais de fils qui rêve faire commerce de Mr Freeze au Maghreb.
Ça canarde dans les dialogues, et les grenades sont cachées dans des sacs Hello Kitty quand la mafia russe rencontre nos zaïrois.
Philippe Catherine est avocat, Vincent Cassel un chauffeur grillé aux Illuminati.
Un moment jubilatoire de divertissement.

mardi 11 septembre 2018

Le guide du mauvais père. 4. Guy Delisle.

Il en est à son numéro quatre ! J’ai donc manqué un épisode de la vie familiale du reporter qui nous emmena de Corée du Nord à Jérusalem,
ce qui me contraint d’éviter de répéter que les chroniques du canadien qui tiennent pourtant 191 pages, sont trop courtes.
Façon de dire ma jubilation de retrouver ce bon papa, « pauvre papa », tel qu’en lui-même, étourdi, facétieux, loin d’être parfait, mais dont je vais m’empresser d’offrir un exemplaire à mon fils, père exemplaire, comme je le fus.
Ainsi il raconte une histoire qu’il va publier, à ses enfants:
« Je suis dans le salon et je lis le journal.
Alice entre et elle me demande si elle peut jouer à la console.
Je lui réponds : «  Est-ce que tu as rangé ta chambre avant de jouer à la console ?
Elle dit : « Bon j’y vais » et elle va ranger sa chambre.
Elle revient et demande encore pour jouer.
Je lui dit : «Est ce que tu as fini tes devoirs ? »
Alors elle revient encore quelques fois comme ça, et à la fin je lui dis :
« Tu vas pas te mettre à jouer maintenant, c’est l’heure de dîner. »
Les enfants ne trouvent pas ça drôle, mais demandent qu’il en raconte une autre.
Moi j’ai bien ri. 
Et d’autant plus qu’est rappelé la fragilité de ces moments de tendresse, d’insouciance, menacés par la fin prochaine de l’enfance. L’adolescence qui s’annonce recèle sûrement des occasions de goûter à l’avenir quelques bouffées d’humour délicat. 

lundi 10 septembre 2018

Shéhérazade. Jean Bernard Marlin.

Ils sont si jeunes et ils ne savent pas.
Zacharie, 17 ans, que sa mère n’attend même pas à sa sortie de prison, va  finir par récolter l’argent de sa copine mise sur le trottoir ; il ignorait que c’était du proxénétisme, réprimé par la loi.
Leur naïveté, leur stupidité sont consternantes alors que leur énergie, leur audace nous ragaillardissent.
Les acteurs amateurs apportent une crue véracité des cités qui saute à nos gueules ridées. 
L’amour, omniprésent dans les fictions, ne se dit plus comme au temps de Marivaux.
Il nous rassure. Cette relation chez les cas soc’ a tant de mal à se distinguer de la haine lorsqu' elle entre en conflit avec un tabou fondamental du système mafieux : être une « balance » !
Les fleurs bleues peuvent pousser au bord de la Grande Bleue, et même dans les jardins de la protection de la jeunesse un certain romantisme peut se cultiver.
Dans un Marseille terre de drogues et de prostitution, les structures éducatives et leurs agents bienveillants font ce qu’ils peuvent face à tant de détresse, que même les caïds  reconnaissent comme des conduites à l’envers.


dimanche 9 septembre 2018

Au Bonheur des mômes 2018.

Au Grand Bornand, la 27° édition du festival de théâtre pour enfants se tenait fin août.
Là bas quand une salle de spectacle s’appelle « Tout là haut sur la montagne », il faut prendre pour de vrai un téléphérique au dessus des vaches dont les cloches sonnent en prélude à l’ouverture de la porte des rêves. 
Alors la pièce « Un jour » invite les petits spectateurs à voyager depuis le fond des mers jusqu’au ciel, pendant quarante minutes, format habituel. Le manipulateur d’objets poétiques de la compagnie All’improviso est d’origine italienne comme le conteur de l’Accademia Perduta qui fait habilement redécouvrir « Le petit Poucet »,  celui qui est obligé de grandir pour surmonter ses peurs.
Les acteurs de la compagnie Telaio, venant également de l’autre côté des Alpes -ce sont les invités de cette année- sont tout à fait audibles puisqu’ils ne s’expriment que par des sifflements. Les enfants ressortent du spectacle «  Le nid »  avec un origami en forme de petit bec après avoir assisté aux bouleversements qui accompagnent l’attente d’une naissance.
La mise en scène du désordre demande beaucoup de rigueur et le duo énergique de Bazarnaum Productions jouant « Katastroph Orkestrar » est tout à fait crédible quant à une origine supposée balkanique puisque leur musique enjouée parvient au public, grâce à quelques incidents contrariants et rigolos. Ils viennent de Saint Etienne.
L’énergumène de la Ni (Cie) qui fait « Des Pieds et des mains », en s’emmêlant lui aussi  les pinceaux, se fait très bien comprendre dans une langue inventée, ou en fredonnant dans son cazoo.
Il captive par ses acrobaties et son énergie, mais peut impressionner un public en phase d’initiation. Je partage tout à fait le malaise de celui qui serait sommé de monter sur scène, comme ce fut trop souvent le cas, en d'autres lieux.
René Cousins, promet une augmentation de l’intelligence grâce à ses potions .  
« Tout doit disparaître », dit-il, sauf les interrogations qui demeurent après ses tonitruants tours de magie: comment il a fait ? C’est tout le charme de la comédie. « L’avantage d’être intelligent c’est qu’on peut faire l’imbécile, alors que l’inverse est totalement impossible. »
Recommandé jusqu’à six ans, « O », du Caracol Théâtre, participe à l'évolution d’une programmation  s’adressant, ainsi que le faisait remarquer une mamie amie, de plus en plus à des tout petits. Il m’a semblé un peu régressif pour mon gars de cinq ans avec des jeux autour de l’eau en baquet, comme on n’en voit plus guère pour se baigner.
La poésie omniprésente en cette semaine est peut être plus accessible à partir d’objets anciens, ainsi pupitres et bonnet d’âne sont habilement utilisés par deux acteurs et leurs marionnettes exploitant magnifiquement un décor inventif pour jouer avec les mots.
«  Du vent dans la tête » du Théâtre à la coque préparait idéalement à la rentrée avec son optimisme et sa finesse. «  Les ours ne doivent pas perdre leur culotte glacière. »
Leur façon d’aider les enfants à grandir, comme le respect envers des textes des minots hospitalisés à La Timone à Marseille présentés par la compagnie « Après la pluie » méritent tous les éloges. Posés sur des musiques variées, les mots  d’«  Au cœur de nos rêves », bien portés par trois chanteuses étaient pour moi plus forts, plus justes, que le « gros son » revendiqué par la vedette Aldebert qui a emballé les foules.
Je ne me doutais pas d’un tel engouement envers celui qui s’est consacré désormais aux « Enfantillages », déjà aperçu il y a quelques paires d’années  http://blog-de-guy.blogspot.com/2010/11/aldebert.html .
S’il a toujours des bonheurs d’écriture : «  la nostalgie d’un pays qui n’existe toujours pas » lorsqu’il évoque un lionceau, ses appels aux réflexes grégaires pour redouter la rentrée et se moquer de « Jean petit qui danse » me contrarient. Certes c’est furieusement contemporain de se faire valoir en dénigrant les autres, mais en me montrant critique envers une "vache sacrée" qui remplit les Zénith (700 dates), je suivrai ainsi le directeur du festival lorsqu’il invite à ne pas être sage et à ne pas écouter les adultes.
Ce bémol posé, l’ambiance patiemment construite dans le village est prodigieuse grâce à une nuée de bénévoles permettant qu’à chaque pas les enfants soient sollicités par des jeux originaux, des parades extravagantes, des ateliers palpitants: les princes de ce village sont des enfants. Des adolescents sont acteurs avec la présentation très professionnelle des travaux de l'association Oval dont l'histoire du "Petit Prince" sert de fil conducteur à de virtuoses numéros de cirque: "Prince"
Il ne me parait  pas souhaitable que les enfants deviennent  des despotes, surtout quand des adultes semblent avoir tant de mal parfois à sortir de l’adolescence… avant que je ne retourne moi même en enfance.

samedi 8 septembre 2018

Histoire de Franz. Martin Winckler.

Ah que ça fait du bien, un garçon qui aime son papa, un papa si bon, une nouvelle maman attentive et sa fille si indépendante dans une petite ville de province.Une histoire de "douce France".
Mais la nostalgie des années soixante qui aurait pu me toucher derrière ces vitres teintées ne m’a même pas effleuré.
Et sur plus de 500 pages le diabète guette après tant de sucreries : les personnages sans faille sont tellement bienveillants, gentils. Le docteur est tellement humain. Sa femme tellement compréhensive va ouvrir un centre du planning familial. La première petite copine du charmant petit viendra du Viet Nam ; les profs sont merveilleux et le québécois de service a des racines indiennes et le joint jovial.
Dans ce bain de compassion, de tolérance, le lecteur en viendrait à s’apitoyer sur le sort  du seul méchant chargé de tous les maux.
Ce que j’ai trouvé de meilleur ce sont les consultations qui avaient fait le succès du médecin devenu écrivain dans « La maladie de Sachs », son livre de référence.
«  Pour aller consulter, il fallait une raison sérieuse, quelque chose qui vous rongeait depuis longtemps, qui vous empêchait de travailler ou vous faisait suffisamment peur pour vous faire toquer à sa porte. Quelque chose qui justifiait - dans l’esprit des patients, du moins - de déranger le docteur. »
Et pourquoi Franz né en Algérie, faisant un tour aux USA puis à Londres à la bonne époque ne va-t-il pas prendre la succession de cet exemplaire père ?
Il préférerait la littérature : décidément ceux qui l’ont encouragé dans cette voie ne sont pas charitables pour ses lecteurs au vu d’un journal intime quelque peu bourratif. 
« La perspective, si je n’ai pas la bac, de « repiquer »  une terminale dans la foulée me remplit de terreur, contrarie beaucoup. »
L’écrivain pourrait mieux servir le public en rédigeant par exemple une notice sur les effets secondaires du politiquement correct, en veillant à être succinct.

vendredi 7 septembre 2018

Rentrée.

Le lecteur fidèle ne coupera pas au rabâchage à propos de la rentrée scolaire qui marque le début d’une nouvelle année plus sûrement que le jour consacré à saint Concorde de Spolète (1° Janvier). Pour une fois l’école dicte son tempo alors que le temps de présence en classe a été raboté par les loisirs, les cours devenant « un moment à passer entre deux week-end ».
En ce premier jour d’ « enseignement », alors que même les plus rétifs au travail pourraient être plus réceptifs, le barnum médiatique appelle à amuser les « stressés » promis au « burn out ».
Tout à l’envers ! Il est vrai que lorsque la « pédagogie inversée » devient un « must » c’est que le sens des apprentissages ne va plus de soi.
« Dans une bonne école, on t'enseignera le baobab du métier » Frédéric Dard
La loi des marchands d’information impose de promouvoir la nouveauté, ce qui grince, déraille, fait le buzz, mais les journalistes se répètent, abordant sempiternellement ce jour béni des commencements, comme un jour maudit.
Ainsi, j’ai envoyé au courrier des lecteurs du quotidien régional qui après avoir titré «  Le casse-tête des nouveaux programmes », consacrait par ailleurs deux pages à ceux qui « font l’école autrement » : écoles privées en tous genres ou seulement avec maman.
« Dans le DL, le jour de la rentrée sous le même label, « autrement », sont valorisés des intentions éducatives contradictoires, cultivant pourtant toutes « l’entre soi ». L’école à domicile ne peut prétendre aborder la diversité qu’apportent d’autres adultes et d’autres camarades, pas plus qu’au sein de « L’atelier des possibles » ou dans l’école catholique par définition en marge de l’éducation nationale. L’école publique n’a pas besoin de pancarte proclamant sa qualité « démocratique », elle s’attache à mettre en oeuvre tous les jours avec ses contradictions, ses échecs, ses bonheurs, tout simplement les valeurs laïques de la république en permettant à tous les enfants de grandir avec les autres : la fraternité. »
Ce mot « fraternité » est sûrement chaleureusement expliqué dans tous ces lieux par de gentils intervenants qui prônent « respect, justice, confiance » mais ne peut être vécu dans sa construction avec hauts et débats comme dans toute société humaine où la confrontation est un signe de santé.
Pourtant fatigué des sempiternelles rouspétances, je me prends à maronner à propos de ces marronniers de septembre.
Je fulmine lorsqu’une chroniqueuse de France 2, au matin, parle du retour de la flûte à bec alors que cela ne figure dans aucun texte et que le pipeau qui caricature les cours de musique a disparu des pratiques depuis longtemps ! Quand on voit l’incompétence de certains «  chroniqueurs » dans des domaines connus, le doute est permis quant à d’autres sujets.
Ceux qui voient des affaires d’état après chaque dépêche, ont assisté aux déchirements du « Média ». Ils prennent le relais, mélenchant en toute dérision, informations, commentaires, à longueur de temps, voyant des lobbies partout. Ils se comportent  eux mêmes comme des groupes de pression, coupant la parole de tous ceux qui ne disent pas ce qu’ils ont envie d’entendre.
Les faiblesses de notre éducation nationale ne se situent pas seulement en mathématiques ou en français, nous avons manqué aussi la transmission du sens de la mesure, de la conscience professionnelle, de l’honnêteté, ce qu’Orwell appelait, la « Common Décency ».
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Dessin du « Canard enchaîné » de la semaine :

jeudi 6 septembre 2018

Le Poirier sauvage. Nuri Bilge Ceylan.

Je pourrais reprendre mot à mot les termes d’un article précédent concernant ce cinéaste
La beauté des paysages est toujours aussi évidente, de préférence sous la neige, plutôt que ponctués de sac en plastique. Et 3 heures sont toujours nécessaires pour suivre l’histoire de ce fils peu conciliant de retour à la maison où désormais le père instit dilapide l’argent en jouant aux courses.
Tous se débrouillent criblés de dettes, les jeunes sans espoir sont lucides.
Le talent particulier du littéraire réalisateur est de filmer admirablement les dialogues jusqu’à rendre passionnant un débat entre deux imans qui à priori n’avait rien d’attrayant.
Cependant il « tire un peu sur la corde » avec quelques cauchemars signifiants et je comprends ceux qui trouvent l’ensemble un tantinet bavard. Mais ses sujets sont passionnants concernant la famille, la liberté, jamais détachés des contingences matérielles comme dans  tant de films français. Et même un humour léger permet d’apporter un éclairage intéressant sur la dignité de chacun quelque soit son âge, son niveau d’instruction, de richesse, voire son sexe.