mercredi 25 juin 2025

Poitiers # 1

Il a bien plu cette nuit mais le ciel se montre un peu plus clément pour notre départ vers  POITIERS. https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/06/orleans-3.html
Nous utilisons l’autoroute  jusqu’aux abords pas très reluisants de la ville. Puis nous suivons la rue qui monte  jusqu’au centre, surpris de constater que la cité n’est pas plate ; de quoi travailler ses mollets à vélo !
Il faut parvenir au cœur de la ville pour percevoir un peu d’animation en ce dimanche du mois d’août.
Nous posons la voiture rue maréchal Foch sur la voie en pente à l’abri des arbres pour nous rendre à pied l’Office du tourisme. Il  s’est installé près de l’église romane Notre Dame que nous nous  réservons pour plus tard. Et il nous fournit les documents habituels, plan, visites guidées pour demain et  infos. Il reste ouvert jusqu’à 18h si nous souhaitons plus de renseignements.
Avant  toute visite, nous songeons d’abord  à nous restaurer et dans nos déambulations, nous croisons la rue des grandes écoles, rappelant la tradition de longue date de ville universitaire de Poitiers.
Nous portons notre choix sur le restaurant la « Serrurerie » dont nous apprécions d’emblée le style Déco brocante manifeste dans les grandes  vitrines surchargées d’objets chinés, et  le style « décoration industrielle » avec  les carreaux de ciment du sol et la verrière au- dessus-de nos têtes. Ce bistrot brasserie très prisé par les Pictaviens sert essentiellement de la cuisine traditionnelle  française simple ou revisitée. Nous commandons un tartare ou une andouillette et un café gourmand.
Dehors, la fraicheur  renforcée par un vent froid  nous saisit. Nous ne voulons pas spoiler voire divulgâcher les monuments prévus dans la visite guidée de demain.
Toutefois, nous ne demeurons pas inactifs, nous disposons de notre temps pour voir les monuments exclus de la liste.
En premier, nous nous approchons de l’église Saint Porchaire. Coincé dans l’enfilade des maisons, le clocher- porche de style roman, haut de 24 m permet de pénétrer dans le sanctuaire.
Une fois à l’intérieur, une double nef gothique atypique débouche sur deux autels, elle est chapeautée par des voûtes nervurées en forme de palmier pas très élevées. Nous ne connaissions pas ce saint Porchaire : il s’agit d’un abbé qui tenta en 539 de calmer la révolte des moniales de l’Abbaye de sainte croix après la mort de leur fondatrice. 
 Après cette visite rapide, nous  marchons jusqu’au Baptistère Saint Jean exempté lui aussi  des monuments commentés de demain.
A recommander sans restriction ! Cet édifice religieux, l’un des  plus vieux de France s’installa au IVème siècle dans une luxueuse maison privée avec bains.

Grâce à Prosper Mérimée, il échappa à la destruction, puis, vendu à l’état fut restauré et classé monument historique. Sans remaniement et transformations radicales jusqu’à nos jours, il répond entièrement aux canons de l’art roman.
A l’extérieur, une entrée en trois parties incurvées, la centrale  étant surmontée d’un triangle ajouré par deux petites fenêtres  et étant percée d’une porte cintrée, devance un bâtiment rectangulaire. Les tuiles qui recouvrent l’ensemble  lui confèrent un petit caractère méridional, comme les murs crépis d’un enduit ocre apposé sur les pierres. La seule décoration sur les parois nues provient de la corniche et ses modillons.
L’intérieur renferme des fresques réalisées du XIème au XIIIème, en relation avec le Baptiste :

Devant et au-dessus de l’arc de l’abside, elles représentent l’Ascension sous la forme d’un Christ en gloire peint dans sa mandorle et entouré de deux anges,
avec les apôtres placés de part et d’autre
Répartis sur  4 murs, 4 cavaliers, symbolisent probablement les 4 royaumes de l’univers placés sous l’autorité de l’église de Rome. L’inscription Constantin  placée sous l’un d’entre eux désigne ce premier empereur chrétien chargé de défendre le christianisme  et de combattre le paganisme.

Saint Maurice, martyr dont l’église de Poitiers se prévaut de garder  les reliques, figure  sur le mur sud en uniforme de légionnaire. « Il est  encadré d’un paon et d’un dragon qui tente de s’enfuir. Un homme menaçant ce dernier d’une épée est accompagné d’une inscription en langue vulgaire reconnues comme l’une des plus anciennes : il cria marci e turna. (il cria grâce et s’enfuit). » Quant au paon, plusieurs fois dessiné, il symbolise la longévité, la vie éternelle ou encore la résurrection des morts.
Dans l’abside, (derrière l’arc) sur la voûte près du Christ, les évangélistes  revêtent leur forme tétramorphe : l’aigle pour Saint Jean, l’ange pour Saint Matthieu, le taureau  pour Luc et le lion pour Marc, tandis qu’en dessous, les fresques nous racontent des épisodes de la vie de Jean-Baptiste, saint patron de l’église et du baptistère.
Nous remarquons l’absence de toute croix peinte (ou sculptée)  sur les parois, juste la présence discrète d’un chrisme ( monogramme du Christ, souvent accompagné des lettres α  et ω ) dans l’abside comme signe de reconnaissance entre fidèles.

En dehors des fresques, les fonds baptismaux confirment la fonction initiale de l’édifice. Un bassin octogonal creusé  dans la pierre favorisait les baptêmes par immersion. Il occupe la  position centrale.
Plus récent, pour combler cet espace dépouillé,  un musée lapidaire fut constitué à partir des sarcophages mérovingiens découverts dans la région et d’un autel en marbre porteur de graffiti et de croix gravées obituaires (relatives au décès) .

Tous ces renseignements nous les obtenons d’un jeune gardien/guide passionné qui décrypte pour nous avec simplicité et évidence les symboles, les représentations, les codes que pourtant nous pensions  connaître. Nous ressortons admiratifs de nos ancêtres capables d’un tel art, de tant de maitrise, de sens esthétique, pour un monument ayant globalement bien résisté à tant de siècles….

Nous revenons en nous promenant vers la voiture. Près de la rue Magenta, nous tombons par hasard sur les vestiges d’un amphithéâtre romain dont il ne subsiste pas grand-chose passés les destructions, le vol des pierres pour réemploi, les abattements pour étendre les limites de la ville et dont les rues suivent le tracé. Nous retrouvons la voiture à proximité, qui pendant notre absence, a subi les outrages d’un pigeon planqué dans un arbre. Mais le facétieux volatile ne se contente pas d’avoir souillé notre « Gédéon »,  il débourre copieusement sur ma tête sans craindre nos vociférations. (les miennes surtout !)
Il est temps de partir à la recherche de notre Airbnb, surtout que tout un périple nous attend dû à de multiples travaux sur un pont. La déviation mal indiquée nous entraine dans un cycle infernal où nous tournons en rond, ou pire nous pousse dans une étroite impasse qu’il faut rebrousser en marche arrière minutieuse : sueurs…

Mais le GPS ne s’avoue jamais vaincu et nous mène enfin à bon port. Accueillis par la proprio et ses deux chiots jappeurs, nous emménageons dans la cabane louée. Notre logeuse nous informe sur la proximité de commerces ouverts (ce qui n’est pas le cas au centre-ville), une épicerie maghrébine et un carrefour express, facilement accessibles à pied.

Nous voilà prêts à passer une soirée tranquille dans la petite cabane. La TV annonce la mort d’Alain Delon.

mardi 24 juin 2025

Zaï zaï zaï zaï. Fabcaro.

J’ai déjà apprécié aussi bien l’auteur de BD que le romancier,
mais n’avais pas lu les 72 pages cultes publiées en 2015 adaptées au théâtre et au cinéma.
Un recueil d’absurdités, au service d’une pertinente critique sociale dotée d’un humour toujours surprenant.
Le titre vient de la punition infligée à un auteur de bande dessinée qui n’avait pas sa carte de fidélité au moment de passer en caisse. Il s’enfuit après avoir menacé un surveillant avec un poireau.  
« Elle m'a dit d'aller siffler là-haut sur la colline
De l'attendre avec un petit bouquet d'églantines
J'ai cueilli les fleurs et j'ai sifflé tant que j'ai pu
J'ai attendu, attendu, elle n'est jamais venue»
Zaï zaï zaï zaï »
 Les chaînes d’info bavardent et font causer : 
« - En tant que voisins du fugitif, diriez-vous que c'est l'incompréhension totale ?
- Oh oui, c'est l'incompréhension totale.
- Diriez-vous qu'ici c'est la stupeur ?
- Oh oui, ici c'est la stupeur.
- Diriez-vous que vous sentez un climat d'insécurité croissant ?
- Oh oui, on sent un climat d'insécurité croissant. »
 Les politiques communiquent : 
« - Je crois que ces incidents sont clairement imputables à la politique sécuritaire par trop laxiste d'un gouvernement à la dérive... Et je joins mon pouce et mon index pour donner du poids à mon propos.
- Vous joignez peut-être votre pouce et votre index mais moi je colle tous les doigts de mes deux mains...
- Vous n'avez pas le monopole de tous les doigts des deux mains collés, hop, regardez... »
 Les auteurs de BD font rire et les journalistes aussi à moins qu’il faille en pleurer : 
« - Jean-Yves Duchaussoy vous êtes spécialiste des auteurs de BD. Concrètement, à quel type d'individu a-t-on affaire ?
- Il semblerait que nous soyons ici en présence d'un représentant de la branche dite "humour"...
- "Humour" ? C'est à dire... ? (Précisez bien pour nos téléspectateurs qui pour la plupart sont issus de couches populaires et ne comprennent pas la moitié de ce qu'on dit.) »
 Les dessins guère chatoyants offrent un recul pince-sans-rire et permettent ainsi de mieux apprécier des dialogues épatants (qui sont souvent des monologues).

lundi 23 juin 2025

Le festival de Cannes ou le Temps perdu. Santiago H Amigorena.

Le « Temps perdu » avec la majuscule c’est celui gaspillé par le lecteur après 345 pages qui ne disent rien et  n’évoquent surtout pas Proust pourtant sollicité à l’évocation de chaque triste fête, autour d’un festival où il n’est pas question de cinéma. 
Comme l’ancien amant de Philippine, ce « Monsieur Gayet » ou « Monsieur Binoche » ainsi que le nomme le concierge du Carlton prétend au Panthéon littéraire, il ne lui sera rien pardonné, même si son manque de délicatesse est tempéré par quelque autodérision pas plus sincère que les emballements amoureux du piètre baiseur. 
«…  plus désireux de plaire en bavardant que de m’instruire en écoutant. »
 Sa chronique people est bien fade, et la magie du festival bien éventée. 
« On a cru faire partie d’un monde, on finit par faire partie des meubles ». Un tapis.
Il ne s’agit pas d’un dévoilement des coulisses de cet événement mondial, mais par le fait qu’un tel livre puisse être édité, preuve est faite de la vacuité d’un milieu culturel où à aucun moment n’effleure la moindre raison d’admirer, de s’émouvoir, d’être surpris…    
Ses apostrophes au lecteur, ses répétitions, son style de bric et de broc ose ce genre d’astuce : « Nez en moins, si je comprends, ou feins de comprendre… »
 Quand « La grande librairie » titre : « Proust sur la Croisette », le dossier concernant les connivences critiques s’épaissit . 
« Je me demandais même si, ayant réussi à imiter Proust au point d’être méprisé par certains comme un écrivain mondain… » 
Les écrivains mondains ont au moins plus d’humour.

dimanche 22 juin 2025

Orléans # 3

Dehors, il pleut. Nous ne trainons pas à chercher un restau ; rue de Bourgogne où nous savons  en trouver facilement, nous nous engouffrons « au Rajasthan ». 
Après le religieux et le passé, nous donnons dans le profane et le contemporain, direction le FRAC Val-de-Loire aussi appelé « les Turbulences ».

Trois ailes d’un bâtiment  de détention puis de Subsistances  militaires  datant du XVIIIème  encadrent la cour qui le reçoit.

L’architecture résolument moderne de Jakob et Mac Farlane s’inspirent de centrales nucléaires, elle  inclut des lignes étranges, formant trois « excroissances » revêtues de plaquettes d’alu à facettes ponctuées d’ampoules colorées clignotantes.

Nous entrons par la partie ancienne, et bénéficions de la gratuité du musée. 
Plusieurs  expositions nous attendent :

Dans la 1ère salle, les grottes imaginées ou « grotto Prototype » de Mickaël Hansmeyer se déclinent en noir et blanc. L’artiste a créé des reliefs organiques comportant 2 alcôves latérales à partir d’impression 3D et de sable recouvert d’un revêtement blanc. Un caisson noir contient le tout.
« Et pourtant , ils volent » nous transportent ensuite dans l’univers de poétiques cerfs-volants et trisquets (de forme triangulaire)  grâce à Marthe et Jean- Marie Simonet
 
Les « Horizons en mouvement » nous séduisent moins . Il est question d’architecture radicale des années 60-70, utopique et destructurée. Ces expositions s’étalent sur deux étages dans les vieux locaux , et en suivant le cheminement,  nous  débouchons  comme par miracle dans la partie contemporaine.
Sous les « excroissances » biscornues  se déroulent des activités de vacances autour de la fabrication de cerfs-volants fréquentées par quelques adultes et peu d’enfants,. L’architecture intérieure tranche radicalement sur le reste du musée, évidemment. Beaucoup d’ouvertures, de fenêtres aux formes particulières laissent entrer la lumière  dans cet espace privilégiant le bois et aménagé pour la lecture ou l’accueil d’enfants.
Après la Frac, nous avions envisagé un arrêt au Cercil : musée mémorial des enfants du Vel’d’Hiv. Mais nous aurions dû réfléchir que le samedi, jour de Shabbat,nous le trouverions fermé.

Le temps nous décourage pour une promenade du côté de la Source pourtant chaudement recommandée par le Routard. 
Nous optons plutôt  pour le musée du théâtre forain. 

Il se situe à une vingtaine de km au nord d’Orléans à Artenay, 6 rue du Paradis (tout un programme !). Nous rencontrons pas mal de circulation dans la zone commerciale puis nous nous heurtons à de nombreux  barrages à Artenay dus à une course cycliste. Mais les organisateurs très compréhensifs les lèvent pour nous entre 2 vélos ou pelotons et nous indiquent comment atteindre notre destination.

Nous découvrons un joli petit musée discret dont l’entrée en retrait de la rue 
se cache au fond d’une cour  protégée par un portail.

Des silhouettes de personnages animent ses murs, et une roulotte ancienne authentique,  parquée dans son coin, illustre le thème des forains.
Il n’y a pas foule ni à la caisse ni dans les salles.
Sur les  tickets que nous achetons, une citation de Louis Jouvet décrit l’art théâtral :
« Rien n’est plus futile, de plus faux,de plus vain, de plus nécessaire que le théâtre ».
Ce musée retrace la vie des troupes itinérantes essentiellement familiales : il montre le travail des enfants inclus dans les activités  mais aussi  l’importance accordée par leurs parents à leur scolarité, il met en valeur les taches multiples des femmes à la fois actrice, costumière, ménagère (lessive et repas) préparant les confiseries à vendre… toujours sur la brèche.
Pour cela, il compile des photos, des costumes de scène, des marionnettes et des objets cédés par d’anciennes troupes.
Une exposition plus spécifique porte sur l’opérette. Elle consiste à regrouper des costumes, des accessoires, partitions, bijoux, coiffes.. qui apparaissent sur les affiches d’origine  d’œuvres connues mises en exergue.
Après cette dernière visite, nous retournons à la maison pour ne plus ressortir.
De toutes les façons,il pleut trop pour assister au son et lumières projeté sur la cathédrale, spectacle que généralement nous ne manquons pas lorsque l’occasion  se présente . A la place ce soir,  nous nous contenterons d’un repas basique de lecture et d’écriture.
Justement en lisant Le routard je glane  quelques informations qui m’intéressent :
- J’apprends qu’Orléans est la ville du vinaigre : le vin aigre, le vin rendu aigre par une navigation ralentie par les bancs de sable.
Jusqu’au début du XIXème siècle, les gens s’enduisaient le corps de vinaigre de toilette afin de fouetter les sangs à l’aide d’une toile imbibée, d’où l’origine du mot toilette. Procédé efficace, certes mais quelle odeur !
Guerlain, vinaigrier au départ, ajouta des essences de fleurs et créa un parfum spécial : eau impériale, pour l’impératrice Eugénie. Le succès de son invention le propulsa parfumeur . Aujourd’hui, ses usines sont toujours implantées dans la région.
- Mettre la pâtée : l’expression fait référence à une victoire des Français à Patay en 1499 lors de la guerre de 100 ans. Les nouveaux boulets de fer français anéantirent 2000 anglais contre 5 Français abattus.