Un bouquet de fleurs attendait sur le bureau. J’ai eu coutume de mettre la cravate ce jour là pour souligner ostensiblement la solennité de ce jour de fête.Chaque enfant entre en solitaire, il vient de lâcher la main de maman et ce jour, tout le monde sait qu’il vient de gagner une graduation sous la toise. Il s’est séparé peut être de copains. J’affichais les photographies de classe des années précédentes, et certains y reconnaissaient des frères et sœurs qui les avaient précédés, pour souligner la continuité dans un territoire vierge pour chacun, où le trac mobilisateur est le lot de tous. Les héritiers d’une histoire de l’école vont ajouter leur partition.Une fille voisine obligatoirement avec un garçon. Les changements de places seront négociés plus tard.La sempiternelle grille de renseignements agrémentée de petits dessins recueillait quelques indications personnelles : magazines auxquels l’enfant est abonné, présence de la télévision et de l’ordinateur dans la chambre? J’y glissais :
« voudrais-tu devenir plus tard instituteur ou institutrice ? » pour juger comment chacun se représente l’école.Je m’enquerrais des matières préférées et proposais à nouveau cette fiche à la fin de l’année pour saisir les évolutions. Un fichage maison, à la main.Profitons de ces instants de grâce, de zèle, d’attention. Le moment de toutes les promesses. Organiser ce jour là un pique-nique pour éloigner de la classe touche au contre-sens, alors que dans les odeurs de cahiers neufs, avec son nouveau stylo, l’enfant s’apprête pour l’aventure qui s’ouvre : celle de grandir et d’apprendre. Un petit texte préparé à l’envers du tableau avec des « mots tordus », invitait à la vigilance et tenait à prouver d’emblée que l’erreur peut être féconde, voire marrante. Je questionnais également mes nouveaux locataires sur ce qu’ils avaient perçu des affichages extérieurs ; en général peu de choses des affiches que j’avais choisies comme icônes, Picasso, Delacroix, « La gloire de mon père », masques africains et enfants de toutes origines, Sempé, « La victoire est en nous » avec Barthès d’avant le crachat … Ouvrez les yeux. Je présentais les lieux. La matinée se poursuivait sous le signe de l’affiche avec les publicités de rentrée de
Je me servais des séductions de la pub pour amorcer une réflexion sur ce phénomène dont la concision, l’humour favorisaient l’attention, titillaient l’intelligence. Je m’attachais à décrypter aussi les intentions qui nous abaissent à ne devenir qu’un ventre, qu’une rétine.Nous étions dans le match.