lundi 3 mars 2025

Renoir. Gilles Bourdos. Jean Serroy.

Dans le cadre du cycle de conférences devant les amis du musée de Grenoble, où Auguste Renoir n'est pas un inconnu, le conférencier apporte des éléments qui donnent plus de saveur à cette production cinématographique de 2012. 
Le cinéaste Gilles Burdos vient de réaliser « Le choix » avec Vincent Lindon.
Il se considère comme un artisan et pour le film tourné dans le domaine du Rayol-Canadel,
il fait valoir ses racines méditerranéennes, tout en rapprochant l’atelier du peintre, du studio de Griffith pionnier du cinéma, l’auteur d’ « Intolérance ».
En réalité, l'épisode de la vie du peintre situé entre 1915 et 1916 
se déroule à Cagnes-sur- Mer, 
Le maître avait déjà travaillé dans des ateliers au cœur de la nature.
Au moment où la toute jeune
Andrée Heuschling arrive dans le domaine, l’accueil n’est pas chaleureux : la  première femme de Renoir, ancien modèle, vient de mourir,
et  Gabrielle Renard, « Gabrielle et Jean enfant », une des muses avait quitté les lieux. 
Auguste Renoir est en fauteuil roulant depuis 1912, il souffre de rhumatismes qui lui déforment les mains depuis une chute de vélo. « La douleur passe, la beauté reste ».
Deux de ses enfants ont été blessé à la guerre, Pierre, l’acteur, au bras, et Jean qui deviendra un immense cinéaste, vient d’échapper à une amputation de la jambe.
Jean tombe amoureux d’Andrée,
« Blonde à la rose » , la belle rousse devenue modèle qui a redonné vigueur au "peintre du bonheur de vivre". 
«Les baigneuses»
« Pour moi un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui jolie ! Il y a assez de choses embêtantes dans la vie pour que nous n'en fabriquions pas encore d'autres. » 
Avec elle, les couleurs de la peinture ont poussé les grilles du domaine où le vieil homme vit entouré d’un véritable gynécée de domestiques semblant faire partie de la famille.
Elle deviendra l’interprète du film muet de son mari inspiré de l’œuvre de Zola : « Nana » sous le nom de Catherine Hessling. « Une magnifique bête d’ombre » dira Aragon.
Sa séparation avec l’auteur de « La chienne » dont Michel Simon est en tête d'affiche , premier film parlant de son époux, où elle n’a pas obtenu le premier rôle féminin coïncide avec la fin de la période du cinéma muet : 1930. 
« Chez les Renoir, on ne broie pas du noir ». 
Il s’agit bien des Renoir, le fils et le père. Les corps nacrés, sensuels se posent à côté des corps meurtris, cassés.
Un court métrage de Sacha Guitry présenté en bonus, confirme la ressemblance saisissante de l’acteur Michel Bouquet
avec l’auteur du «  Bal du moulin de la Galette ».
Tous les tableaux présents dans le film sont l’œuvre du faussaire Guy Ribes, condamné en 2004 à deux ans de prison, tellement talentueux que par exemple des tableaux accrochés dans des musées, attribués à Picasso pourraient bien être de lui.
Le dernier enfant Claude dit Coco, qui apparaît dans cet épisode de près de deux heures deviendra céramiste comme le fut son père à ses débuts, il dressera le catalogue des œuvres de celui qui peignit jusqu’à son dernier souffle (4000 toiles).
D’après Wikipédia : « Il aurait, sur son lit de mort, demandé une toile et des pinceaux pour peindre le bouquet de fleurs qui se trouvait sur le rebord de la fenêtre. En rendant pour la dernière fois ses pinceaux à l'infirmière, il aurait déclaré : « Je crois que je commence à y comprendre quelque chose »

samedi 1 mars 2025

Je reste roi de mes chagrins. Philippe Forest.

Le portrait de Churchill par Graham Sutherland n’apparaît pas en couverture du livre, alors que l’élaboration du portrait de l’invincible et fragile premier ministre occupe les 300 pages. 
« La peinture met le monde à nu. Elle exhibe la réalité dans son plus simple appareil. L’étonnant est qu’il faille déployer tant de travail et d’ingéniosité, d’intelligence et d’art pour en faire apparaître l’insignifiante et brutale obscénité, révélant ce pur spectacle se suffisant à lui-même, dont nul ne sait ce qu’il veut dire, qui sidère le regard, abasourdit l’esprit et dont l’on ne parvient à se protéger qu’à la condition d’en rire aussitôt et de tenir toute l’affaire pour une pure plaisanterie. » 
L’homme cigare au bec, avec à la main un verre de whisky, avait de l’humour.
Une lecture au début étirée dans le temps, autorisée par un découpage en scènes comme au théâtre, m’avait laissé à distance, alors qu’ elle m'a enchanté dès que j'ai enchainé les pages.
« Vous pouvez me retirer ma gloire et ma puissance, dit la voix, mais non mes chagrins dont je resterai toujours le roi. » 
S’élabore le bilan d’une vie au cours d’un dialogue articulé au-delà du temps d’une représentation où se peuplent poétiquement les silences. 
Le peintre et son modèle qui use aussi des pinceaux, à la recherche de leur vérité et de celle qui se tente sur une toile, avouent avoir perdu  tous deux un enfant. 
«- Quelque chose vous manque, disiez-vous. Peut-être est- ce : quelqu’un.
- Quelqu’un ?
- Vous êtes le seul à savoir qui. Un autre qui est davantage vous que vous ne l’êtes vous-même. Quelqu’un qui vous attendrait auprès de l’étang où vous vous rendez. Avec qui vous avez un rendez-vous que vous ne voudriez manquer à aucun prix. Même si la personne ne se présente jamais. » 
Voilà le tableau :

vendredi 28 février 2025

Pas loin.

Pour avoir eu honte de textes écrits dans ma jeunesse, je sais que le verdict du temps est impitoyable et peut mettre le rouge au front d’une semaine à l’autre. Les lignes ci dessous amorcées avant Munich 2025 risquent une péremption rapide, mais d’autres bien informés n’ont rien vu venir, alors je peux me permettre ces quelques mots. Les bouleversements à prévoir n’aboliront pas les réalités de la semaine dernière, ni quelques états d’âmes.  
Les voyages, en ce qui me concerne, se raréfient  plus sûrement pour cause d’arthrite que de sobriété carbonique. Les virgules sur clavier pompent l’oxygène autant que les zincs.
Pourtant avant d’être mis au clou comme on le disait pour « Ma tante » (Mont de piété), je vais essayer de prendre quelque distance en envisageant les frontières de notre Europe habillée de tous les maux et pourtant notre seul recours, plus que jamais.
Après des engagements ambitieux en matière d’écologie, les dirigeants européens ont remis en cause leurs prétentions, dont les mérites apparaissent quand les dispositifs disparaissent. Pris dans la même mécanique chagrine, les contempteurs du Pass culture s'émeuvent lorsque des restrictions arrivent. L’air du temps est à la déploration, suivant une pente victimaire, se délectant de pessimisme, les généralités contredisant des situations souvent confortables. Il n’y a pas que les préados à préférer les films d’horreur.
Pour contrer le MAGA trumpien «  Make América Great Again » : « MEGA » comme slogan Européen aurait de la gueule, agrémenté du mot d’Horace en pansement: 
«  La Grèce vaincue conquit son farouche vainqueur » afin de faire valoir finalement une victoire culturelle des grecs défaits militairement par les légions romaines en 168 avant J.C.
La formule peut aller contre l’auto dénigrement actuel, bien que ce sigle soit tellement fourre-tout, les nationalistes l’ont préempté, pourtant : 
«  Forte de son histoire, de son humanisme de choc, de son idéal démocratique et de son attachement aux biens communs (et donc aux ressources de la planète), l’Europe ne peut-elle pas incarner une autre voie dans un monde en proie à la frénésie technologique et à la force brute ? » 
Christophe Ono-dit-Biot
Mais face à ce qui apparaît comme une agitation fiévreuse depuis notre pays sous la couette, la Chine ne fait pas qu’attendre tranquillement que l’Amérique se fâche avec la planète pour tirer les marrons du feu, elle travaille. Dans le domaine de l’I.A. où les frontières n’existent pas, l’esbroufe nationaliste embarque du monde tout en nuisant à ceux qu’elle prétend protéger. 
« La coopération plutôt que l’affrontement », la naïve  formule risque de rester un vœu pieux. Les plus performants de chez nous partent à l’étranger tandis que les étrangers ont tellement envie de venir dans notre pays de joueurs de mots où par exemple  « Remplacement » glace la place dès qu’il est prononcé.
Le mot « Sélection » mettrait le feu à la fac, alors qu’on s’accommode de la frustration de l’étudiant qui après trois ans d’études supérieures ne peut accéder à des métiers « supérieurs » ; il fera comme le renard méprisant les raisins.
Les maîtres de conférence à la tribune n’apportent guère de réponses à nos inquiétudes concernant une Liberté individuelle sans borne portant atteinte à la Fraternité, tandis que notre passion pour l’Egalité reste théorique, tant que pour partager la richesse encore faut-il qu’il y en ait, de la richesse.
Plutôt que d’aller chercher loin « X « ou « Y » pour les facéties, notre Piolle, comique en circuit court, pour lequel il n’est pas besoin d’herbe à faire rire pour apprécier les interventions hallucinatoires, monopolise les micros.
Il serait incongru de demander à lui et à ses violents compères leur réponse à la débandade démographique, à la dépression culturelle, sans parler ni de l’eau ni de l’air, ni de la crise politique qu’ils assombrissent en déconsidérant un peu plus les élus. Et la guerre ?

jeudi 27 février 2025

New-York. Fabrice Conan.

La première capitale des Etats-Unis (1785) dont la ligne d’horizon actuelle convoque le souvenir de la destruction des tours jumelles le 11 septembre, est décrite dans son architecture par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble.
D’autres entrées sur ce blog évoquent « Big Apple » qui a quelques liens avec la France. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/11/new-york-sans-new-york-philippe-delerm.html
Depuis Saint Dié dans les Vosges, un collège de moines savants avait donné le nom « America » au Nouveau Monde en hommage au cartographe Amerigo Vespucci. « Cosmographiae Introductio».
Giovanni da Verrazzano
, de la famille florentine Gadagne, installée à Lyon, nomme une parcelle de terre indienne qu’il découvre en 1524 : « La Nouvelle Angoulême » en hommage à François premier, duc d’Angoulême.
Cent ans après, La Compagnie néerlandaise des Indes orientales  à  la suite de son explorateur anglais Hudson installe la colonie de « La Nouvelle-Amsterdam » en 1625.
Le blé est acheminé par
« la route du pain », Breedweg , la future Broadway. L’île de Manhatta , l’île aux nombreuses collines, est achetée aux indiens. Pieter Stuyvesant devient gouverneur de ce village de 1500 habitants. Le mur d’enceinte où aboutit la rue du Mur (Wall Street) ne sera pas suffisant pour contenir les anglais en 1664 qui offriront les terres au duc d’ York, frère du roi Charles II. New York.
« Le drapeau de la ville »
résume cette histoire aux couleurs néerlandaises sous le pygargue à tête blanche symbole des E.U., avec un colon et un indien encadrant castors et tonneaux de farine.
« Trinity Church »
construite très tôt en 1625, détruite par le grand incendie de la ville en 1776 puis reconstruite, accueillera les rescapés des deux tours voisines écroulées en 2001.
Le naufrage du Titanic figure sur un des vitraux de la « Cathédrale Saint John The Divine »,
L’architecture palladienne du « Federal Hall » se retrouve à la Maison Blanche.
George Washington le premier président américain y prononça son serment d’investiture en 1789.
La société des « Fils de la liberté » qui avaient œuvré à l’indépendance se réunissait dans la taverne «  Fraunces » située à l’angle de « Pearl street » ainsi nommée pour les nombreuses coquilles d’huitres consommées par là.  
Parmi seize avenues de 100 pieds de large et 155 rues délimitant des blocs de 2 ha, les infrastructures de transports sont gigantesques,
ainsi « Grand central »  où aboutissaient les réseaux ferrés privés.
Actuellement les conteneurs du trafic maritime vont à Newark dans le New Jersey mais le « Port de South Street » garde le souvenir d’avoir été le
premier port du monde où transitaient 1/3 des exportations et 2/3 des importations.
« Le château du Belvédère »
, construction d’opérette,
est élevé dans « Central Park » qui répond au projet:
« sain divertissement du peuple, l'éloigne de l'alcool, du jeu et des vices, pour l'éduquer aux bonnes mœurs et à l'ordre. »
Le « Dakota Building » John Lennon a habité avant son assassinat est situé à proximité.
A côté d’ « Ellis Island » où passèrent 12 millions d’immigrés,
on peut imaginer dans sa couleur cuivre d’origine la
« Statue de la Liberté » d’ Auguste Bartholdi (ossature de Gustave Eiffel) offerte par la France pour le centenaire de la déclaration d’indépendance de 1776.
Quelques institutions culturelles prestigieuses donnent une image différente de l’Amérique :  
- le « Metropolitan Museum of Art » un des plus grand musée du monde
comporte « The Cloisters » qui abrite des cloîtres médiévaux venus de France.
- Chagall a décoré le « Metropolitan Opera »,
- La « Bibliothèque publique de New York » où les 53 millions de documents sont facilement accessibles comporte 87 succursales dans la ville.
Parmi les gratte-ciels :
- La « tour Chrysler » grâce à sa flèche monumentale avait dépassé la tour Eiffel
mais  l’« Empire State Building » devint encore plus haut avant que
le « One World Trade Center » atteigne les 541,33 mètres 
(1776 pieds comme la date du début de la révolte contre les Anglais).
- Le « Flatiron » (fer-à-repasser) est remarquable.
- Le « Cast Iron Building » est construit en fonte.
- L’aiguille des minutes du « Life Insurance Building » pèse 500 kg
Parmi les gestes de quelques architectes celui du « Musée Guggenheim » 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/11/franck-lloyd-wright-benoit-dusart.html
« One 57 »
de Christian de Portzamparc fait l’effet d’une cascade. 
« Des centaines de fois j’ai pensé que New York est une catastrophe, 
et une cinquantaine de fois : c’est une magnifique catastrophe ». 
Le Corbusier.