samedi 17 décembre 2016

L’éléphant. Numéro 15.

Il n’y a pas tromperie avec la revue de culture générale qui met à la portée de tous des éléments d’information dans des domaines variés avec une démarche clairement pédagogique.
De quoi réviser ou apprendre à propos des fleurs, du fonctionnement de la mémoire, du rire comme menace des certitudes, et de la mythologie pour alimenter l’imagination et le langage.
Si une citation d’Hugo est toujours utile :
«  La forme c’est le fond qui remonte à la surface » 
ou d’Agatha Christie :
«  L’assassin est probablement le vieil ami de quelqu’un. »
Je ne vois pas dans l’interview de Teddy Riner des paroles notables.
Par contre, les portraits de dix explorateurs qui ne proviennent pas seulement d'Europe sont intéressants, et le rappel de la personnalité de Gaudi suivi de quelques pages concernant  architecture gothique et romane ne sont pas de refus.
J’avais déjà consacré un article à la publication trimestrielle de 160 pages valant 15 €
parfois un peu conventionnelle pour des sujets que je connais un peu, telle leur « histoire des intellectuels » ou « l’histoire de quelques sports » et sage comme sa maquette classique dans un ensemble nourrissant qui ne refuse pas les anecdotes curieuses.
« Un ingénieur espagnol a publié l’œuvre de Cervantès en 17 000 tweets. »

vendredi 16 décembre 2016

L'état de la presse française: réalités et enjeux.

Le club de la presse de Grenoble et  le CLAME (Club Alpin des Lecteurs de Mediapart) avaient invité Laurent Mauduit à présenter son livre : « Main basse sur l’information ».
Aude Lancelin qui vient d’être licenciée de « l’Obs » n’a pas pu être là comme prévu.
Le grandiose cadre historique est posé, avec en face de Robespierre :
«Pas de liberté pour les ennemis de la liberté »,
Thomas Jefferson, ambassadeur en France avant de devenir Président des EU :
« Notre liberté dépend de la liberté de la presse ».
La loi de 1881 qui consacre le principe de la liberté d’informer est rappelée ainsi que les recommandations du Conseil National de la Résistance invitant à tourner la page de la presse affairiste de la III° République : rétablir l’honneur et l’indépendance des journaux par rapport au puissant Comité des forges. D’actualité.
 Mais du coup, l’éditorial de Camus dans le journal Combat paraît bien ambitieux :   
 «… libérer les journaux de l’argent et  leur donner un ton et une vérité qui mettent le public à̀ la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui. Nous pensions alors qu’un pays vaut souvent ce que vaut la presse. Et s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage ».
Voilà encore un prof !
Le Dauphiné Libéré qui porte toujours sur son fronton, « Un journal libre pour des hommes libres », était  alors une coopérative ouvrière. Aujourd’hui, il appartient au Crédit Mutuel avec le Progrès et tant de journaux de l’Est de la France. La Banque avait aidé Bolloré, patron de Canal +, si bien que la chaîne cryptée n’a pu diffuser un reportage faisant part du système d’évasion fiscale organisé par des dirigeants du Mutuel Crédit.
Bolloré qui a constitué sa fortune sur les décombres de l’empire colonial, censure sans vergogne et met en place à  iTélé le petit-fils d’André Zeller, l’un des généraux du putsch d’Alger en 1961, défenseur de la mémoire du général Aussaresse qui eut recours à la torture.
La grève des journalistes pour leur dignité s’est éternisée, le gouvernement est resté passif, comme si les fréquences attribuées aux chaînes n’étaient pas un bien public, alors que pour l‘attribution des droits télévision du foot, Hollande était intervenu.
Le journaliste,  fondateur de Mediapart qui n’aime pas voir préciser « journaliste d’investigation » car cela lui semble un pléonasme comme s’il y avait « des journalistes de connivence, de salon… » en est presque à regretter Hersant, le papivore, qui au moins était de la maison, alors qu’aujourd’hui ce sont les opérateurs téléphoniques (Niel), les acteurs du capitalisme financier (Drahi), les patrons du luxe ( Arnaud, Pinault, Berger) qui possèdent les journaux. Sans insister sur Tapie et « La Provence », les oligarques décomplexés peuvent compter sur l’autocensure de rédacteurs, mais il n’était pas utile de revenir à Jean Marc Sylvestre pour mettre en évidence les conformismes éditoriaux qui accompagnent les normalisations économiques. Alors que les conflits d’intérêt se conjuguent, la presse discréditée ne vaut plus grand-chose : sur le plan moral, elle se situe au niveau le plus bas avec les politiques. Les sociétés de journalistes sont parait-il déliquescentes, si bien que l’appel à un sursaut citoyen pour intervenir dans un domaine qui ne concerne pas qu’une corporation, paraît comme un vœu pieux. 
Quand l’atonie démocratique a été soulignée tout au long de la présentation, la croyance dans le discernement de la jeunesse pour profiter du foisonnement des infos sur le web s’avère également artificielle.
L’avenir semble appartenir aux « pure player » mais que ceux qui les animent aient la délicatesse de ne pas nommer «  vieille presse » la presse papier : la vieille boulette se sent froissée et les procureurs accusent également un certain âge.
Entre média tristes donneurs de leçons, fouillant sans cesse dans le noir des sociétés et les ricanements perpétuels qui minent tous débats, la tentation d’aller vers les romans aux pages à corner devient plus pressante.
……….
Le dessin du haut de Tjeerd découpé dans Courrier international vient des Pays Bas.
Ci-dessous celui du « Canard enchaîné » de cette semaine :

jeudi 15 décembre 2016

Le siècle d’or flamand. Daniel Soulié.

Après les maisons et beffrois vus par des peintres qui inscrivent pour la première fois des paysages dans des tableaux religieux,
le conférencier revenu devant les amis du musée de Grenoble a choisi quelques artistes remarquables du XV° siècle pour leurs chefs d’oeuvres destinés aux églises, et aux riches croyants en voyage, avec en prime, en leur avènement, des portraits saisissants.
Charles le Téméraire qui apparaît dans le « Retable de Sainte Colombe » de Van der Weyden, meurt en 1477 sans héritier mâle, sa fille Marie épouse Maximilien de Habsbourg, empereur germanique qui laissera à son petit fils Charles Quint la moitié de l’Europe.
Les possessions Bourguignonnes sont morcelées. Les canaux s’ensablent, les villes d’Ypres, Bruges et Gand déclinent, alors qu’Anvers devient un centre économique important où travaillent les orfèvres. La brillante cour ducale de Bruxelles attire peintres, sculpteurs, enlumineurs, tapissiers.
Van Eyck, s’il n’est pas l’inventeur de la peinture à l’huile, a bien utilisé ce produit nouveau pour  sa fluidité, son brillant, peignant une foule de détails somptueux. L’utilisation de la toile qui remplace petit à petit le bois permet également des œuvres monumentales. Jan, frère d’Hubert Van Eyck, a réalisé des missions diplomatiques pour Philippe le Bon pour lequel il était plus qu’un valet de chambre.
Son retable de « LAdoration de l'Agneau mystique » composé de 24 panneaux a été volé treize fois en six siècles. Pour situer sa place centrale dans notre civilisation, le traité de Versailles en 1918 a contraint l’Allemagne à restituer les panneaux volés et même ceux qui furent achetés.Adam et Eve y sont en majesté, tellement humains.
L’engouement pour les peintres flamands, qu’il ne convient plus m’a-t-il semblé de traiter de « primitifs », est toujours fort du côté de Berlin, de Madrid ou dans l’aire  de la ligue hanséatique qui avait transporté des centaines de retables dans ses bateaux.
« Le portrait des époux Arnolfini »  dont chaque détail peut être examiné avec soin et admiration, est une prouesse technique : rien que sur le miroir entouré de scènes de l’ancien et du nouveau testament figure un autoportrait du peintre.
 « La Vierge du chancelier Rolin » où le donateur « est à la hauteur » ne comporterait pas moins de 130 références au Cantique des cantiques : jardin clos, rose sans épine, carrelage avec des étoiles à huit branches : l’étoile du matin...

Les « Portraits du cardinal Niccolò Albergati» permettent de voir le passage du dessin à la peinture et la virtuosité des deux manières.
Si l’influence de Van Eyck  par ses prototypes stylistiques aux rendus méticuleux venait du Nord, celle du « maître de Flémalle » Robert Campin, est plus au sud.
Réaliste et symbolique, sacré et profane le « Triptyque de Mérode », représente l'Annonciation dans toute la richesse des étoffes et des couleurs.
Parmi la vingtaine d’œuvres qui lui sont attribuées, « La Trinité affligée » en grisaille est d’une présence étonnante.
L’individu s’annonce dans « Portrait d'une femme », son visage de trois quarts  a dépassé les profils italiens, ses mains sont là, magnifiques.
Le « portrait d’une jeune fille », habillée à la française, de Petrus Christus est charmant, la « Joconde des musées berlinois » figurait dans la collection des Médicis.
« Saint Eloi à l’étude », le patron des orfèvres s’apprête à recevoir d’autres clients qui se reflètent dans le miroir alors qu’un couple achète une bague de fiançailles.
La vierge s’évanouissant au moment de « La Descente de Croix » porte toute la douleur du monde. Rogier van der Weyden dans des compositions majestueuses anime intensément ses personnages à la psychologie affinée.
Hugo van der Goes participe aussi au passage des temps médiévaux vers la Renaissance, sa « Mort de la Vierge » est intensément dramatique.
Allez ! Un dernier pour la route : « Le jugement dernier » de Hans Memling.
De ces temps de guerre et de famine, nous est parvenue, sous les loupes, une poésie puissante née de la spiritualité. Et l’art du portrait annonce un humanisme qui nous paraît d’autant plus chaleureux qu’à mesure où notre planète se réchauffe, se glacent nos rapports sociaux, s’hystérisent nos débats.

mercredi 14 décembre 2016

Equateur J 7. Lumières sur le Cotopaxi.

La nuit a été fraîche, il a fallu superposer les couches. Les poêles démarrent en douceur dans la salle à manger, mais l’eau de la douche reste irrémédiablement froide. Le soleil  chauffe à travers les vitres. Le petit déj’ est copieux : pain beurre et miel d’eucalyptus, « on croirait manger l’arbre », oeufs frits ou omelette, café, chocolat, jus de fruits ou… Smecta.
Quand on quitte l’hôtel en minibus, le soleil brille mais lorsqu’on s’avance le temps s’assombrit. Lors d’un arrêt à une station d’essence JJ et M. achètent une peinture naïve sur peau.
Nous roulons sur la Panaméricaine et bifurquons vers le parc de Cotopaxi.
A l’entrée, les gardes vérifient les autorisations et font même ouvrir les valises du chauffeur et de notre guide.
Seuls certains coins du parc sont accessibles, suite à une alerte éruption du Cotopaxi, il y a quelques mois. Nous nous engageons à petite vitesse sur une route confortable bordée de pins de Monterrey. Ceux ci ont peu a peu détruit la végétation d’origine, mais à leur tour se trouvent infestés de champignons que l’on repère à leur couleur rouge qui teinte les troncs. Nous nous arrêtons, au petit musée explicatif, tout neuf, où une maquette permet de visualiser les lieux.

Nous repartons et descendons observer une végétation rase composée de petites fleurs rouges ou bleues, de sortes de crocus, de lichens et de mousses.
Les nuages jouent à cache-cache avec l’imposant volcan Cotopaxi coiffé de neiges éternelles. Son nom provient d’une langue indienne et signifie « le cou de la lune ». Grandiose, rouge sous les neiges ou couleur pierre, il est photographié sous toutes les variantes lumineuses et nuageuses.
On aperçoit les chevaux sauvages, échappés autrefois des haciendas et vivant depuis en liberté dans cette nature protégée.
Nous tournons vers la lagune de Limpiopungo (la porte propre), ses eaux peu profondes sont très claires. Un petit circuit pédestre contourne la lagune, avec des miradors et des petits ponts, sans s’éloigner du sentier balisé afin de protéger l’écosystème.

A part un lézard, et des oiseaux, les quelques chevaux au loin, nous n’apercevons pas beaucoup d’animaux. Mais la balade est agréable et la vue superbe, sous un vent infatigable.
Le repas au restau n’est pas terrible, et à 20 € le menu cela ne nous a pas paru « abordable » comme prévu, même si la vue est magnifique et changeante par les baies vitrées derrière lesquelles des colibris tètent de l’eau sucrée, mise à leur disposition par le personnel.
Nous prenons la direction  de Chugchilan par une route splendide, qui nécessite de fréquents arrêts photographiques. Les champs, tels des patchworks, cultivés sur ces versants pentus sont  impressionnants dans leur verticalité. Les vaches évoquent nos « dahus » dauphinois et leurs passages tracent des lignes horizontales dans la pente.
Devant tant de beauté, soulignée par les lumières du jour finissant, nous suivons volontiers la réflexion de notre maître des cérémonies qui dit qu’ « on ne peut pas penser que quelqu’un ne l’ait pas voulu ».
Des gorges profondes, des ravines, des nuages coincés dans les vallées ou projetant des ombres sur les montagnes aux formes découpées originales, des contrastes avec le soleil.
On monte, on descend et peu à peu on arrive au canton de Sigchos. Là nous voyons le premier panneau indicateur pour Chugchilan, mais le chauffeur a un moment d’hésitation devant la piste qui remplace l’asphalte. Il se lance tout de même, les paysages sont toujours aussi beaux, la route en construction se fraie un passage entre les pans de la montagne, la pierre, de couleur claire, rabotée, raclée à coup de machines griffues contraste avec la végétation. A force de stopper, la nuit tombe et nous terminons la piste chaotique à la lueur des phares. Arrivée à Chugchillan vers 19h 10 : l’hôtel  Cloud Forest est un immense chalet avec galeries extérieures et des escaliers pentus proches des échelles de meunier qu’il nous faut gravir avec les bagages. Les chambres sont confortables et agréablement chauffées. Repas avec surtout du riz près des cuisines étant donné que la salle du haut est remplie de voyageurs. Nuit douillette.

mardi 13 décembre 2016

Peut-on rire (encore) de tout ? Cabu.

Un militaire, un rappeur, un policier, un juge, un psy, un cuisinier, un travailleur du nucléaire,  et bien sûr tous les ministres des cultes ouvrent leur sinistre bouche pour dire en couverture : 
« NON ! »
Et Cabu dans cet album de 150 pages au Cherche Midi disait 150 fois oui.
Depuis, il ne dit plus rien, et toutes ces gueules hurlant le silence et la mort ont gagné avec celui dont on voit pointer deux petites oreilles diaboliques qui le rendaient presque plus attendrissant que l’original : Sarko et tout ceux dont il fut le nom.
On serait déçu s’il n’y avait pas quelques classiques parmi les personnages caricaturés dans ce recueil : Johnny, Madame de Fontenay, Berlusconi… mais on mesure les dégâts du temps à pressentir ce que tant de non lecteurs répondraient à la question : peut-on rire de la burqa, des tapeurs, de la laïcité, de Dieu, du droit des femmes en Iran, du made in France, de la banlieue ?
Les cortèges  d’un jour derrière Charlie sont oubliés, celui des indifférents, des violents ont pris de l’ampleur avec ceux qui considèrent que c’est… la laïcité le problème.
Quand les méthodes de la mafia  sont appliquées au débat d’idées avec Mehdi et Badrou, en vedettes dans les colonnes du Monde, auraient souhaité en un tweet qu’on « casse les jambes » de Finkielkrault, là le rire s’arrête.

lundi 12 décembre 2016

Baccalauréat. Christian Mungiu.

A lire le pitch qui indique :
« la vie de Roméo bascule. Il oublie tous les principes qu’il a inculqués à sa fille »,
on peut croire à un passage brutal de la lumière à l’ombre.
Pourtant les mensonges sont installés depuis longtemps dans la vie du médecin,  qui loin de vivre une vie somptuaire, projette maladroitement sur son héritiaire tous ses espoirs inaboutis.
Cette ambition contrariée l’amène à entrer progressivement, amicalement, dans l’engrenage de la corruption, des compromis, des lâchetés, des manipulations, des trahisons.
Film désabusé, comme je les aime, autour d’un homme dont l’absence de qualité évidente ou de caractéristique particulièrement désagréable le rendent proche, sans constituer à mes yeux la corrosive description annoncée des dérives de la société roumaine.

dimanche 11 décembre 2016

Ben Mazué.

Un spectacle original à La Vence scène avec en première partie Amalia Casado.
« Disparais ou reviens.
Je veux ton va et viens.
Contredis ou maudis.
Jette moi de ce lit.
Si tu touches un peu trop, mon envers du décor,
De ma bouche cisaillée, je t'aimerai un peu plus fort. »
La belle au piano renouvelle sans tapage le thème éternel de l’amour et ses contradictions, quand « disparais » signifie « reviens »,
bien que « Face aux toujours
 Je passe mon tour » dit-elle.
La tendresse peut se dire comme  un « venin », à l’image des parfums étiquetés Poison ou Opium.
En vedette, passé lui aussi aux Francofolies avant quelques dates à Paris, Ben Mazué présente ses chansons mises en cohérence par un récit type stand up sur fond d’écran comme aux premiers temps du cinéma où la musique se faisait en « live », pour accompagner un film intitulé «  La princesse et le dictateur ».
L’humour et le professionnalisme empêchent la sincérité de trop dégouliner de sentimentalisme. Très contemporain : la distance est de mise pour mieux sertir les émotions dans des évocations très quotidiennes où la fragilité est assumée et ravive les thèmes éternels :
le temps qui passe, les amours, l’amitié.
Un couple de trentenaire descend vers le sud où avant de vendre la maison des parents, une fête est organisée et lorsqu’il porte un toast à sa compagne avec un beau texte, celle-ci sort de table.
Passions intermittentes, hommes et femmes vulnérables, vie précaire, mots délicats, tempos énergiques et mélodies légères.
« L’homme modeste » en rappel :
«  Ohohoh "Assez parlé de moi" il dirait les yeux penchés vers le sol, s'il m'entendait mais
Il est pas si sain que ça, il aime bien parfois qu'on le cajole mais il est pas contre être l'idole, oh non. »
Rap et parfois paroles en anglais, mélodies bien arrangées avec le claviériste Robin Notte:
« J'attends, j'étire
J'étale, j'étends
J'ai le temps, j'ai le temps de briller
J'entends des tirs mais ça vient de devant
J'ai encore le temps d'essayer »