« Saint Jérôme pénitent dit
aussi Saint Jérôme à l'auréole » peint par De La Tour aurait pu
servir d’écran d’attente au conférencier, dans son exposé devant les amis du
musée.
Appartenant au musée de Grenoble,
il est actuellement à Madrid, échangé contre un Le Gréco.
Le maître des ombres et des lumières a été cité déjà dans ce
blog :
Au moment où Le Caravage meurt, Rome, religieuse et
diplomatique, est très influente ; pour ses relations avec l’Espagne,
Paris passe par la ville éternelle. La cité de 100 000
habitants est pourtant moins peuplée que Venise, Milan ou Naples. Mais la
contre réforme dans ces années 1620 y bat son plein, les architectes rendent
les façades des églises séduisantes et les peintres ont des commandes au-delà
des religieux.
Les visiteurs emportent des souvenirs, souvent des « bambochades » :
scènes de la vie quotidienne, des rues et des auberges, au format des sacoches
des chevaux.
Les artistes Caravagesques sont allés plus loin que leur
maître : après les dieux antiques détrônés et détournés, le naturalisme
s’impose, les sujets les plus humbles prennent la lumière, le spirituel doit
toucher les sensibilités. Les jésuites s’engagent à donner les clefs d’une rhétorique
propre à exciter les cœurs, alors que les jansénistes voient la spiritualité
dans l’ascèse.
Jacques Callot, fera le voyage à Rome comme de
nombreux collègues. Le graveur évoque ici avec vigueur les « Grandes misères de la
guerre » de 30 ans.
Lorrain comme lui, De La Tour, Le ténébriste français le plus
fameux, resté à Lunéville n’aura pu prendre connaissance des travaux du
Caravage que par des peintres flamands ou hollandais de passage.
« Les mangeurs
de pois », éclairés par
la gauche, cadrés à mi-corps, loin des bergers d’Arcadie, ne sont pas
idéalisés, l’une est méfiante, l’autre absorbé, leurs gestes dans la continuité,
essentiels.
Le « Vieillard » et la « Vieille Femme », endimanchés
dans leurs habits colorés, tranchent sur
un fond éclairé encore par le jour. Ils viennent
du musée De Young à San
Francisco, et si bien des musées français exposent De La Tour, sa renommée,
importante déjà de son vivant, a repris vigueur dans la deuxième partie du XX°
siècle. Sorti de l’ombre.
L’œil ne se perd plus dans le fond devenu noir. Autour du
« Tricheur à l'as de trèfle » éclairé violemment, les
regards et les mains jouent.
Il existe plusieurs versions de « Madeleine »
réfléchie, dont l’éclairage venu de l’intérieur, fait franchir les portes de la
nuit.
Celle-ci, « La Madeleine au miroir »,
est intitulée aussi
La Madeleine
pénitente ou
Madeleine Fabius. Le père de Laurent F. l'a
vendue à la
National Gallery of Art de
Washington.
Des enfants paraissent : « le souffleur à la
lampe » est éclairé par la lumière qu’il vient de faire naître.
Le
seul petit qui avait été représenté jusque là, Jésus, éclaire magnifiquement « Saint Joseph
charpentier », aux manches retroussées, le pied
sur une poutre pour qu’elle ne bouge pas ; est-ce la croix ?
« Le nouveau né » est le « Chef-d'œuvre d'entre les
chefs-d'œuvre » d’après le critique Thuillier.
La flamme cachée par la
main d'une femme découpe la scène en traits simples et aplats quasiment
cubistes. Les courbes enveloppant l’évènement célèbrent le mystère universel de
la venue au monde d’un bébé, encore dans son cocon.
Alors
qu’il aurait été possible de juxtaposer plusieurs
« David et Goliath », interprétés par des caravagesques français, je
choisirai plutôt quelque « Diseuse
de bonne aventure » de Valentin de Boulogne mort à Rome,
celle de Nicolas Régnier, appelé aussi Niccolò Renieri,
ou l’égyptienne de Simon Vouet qui fait les
poches, en faisant l’impasse sur celle de De La Tour,
mais pas sur « La
Femme à la puce » moderne de forme, massive de corps, dans un calme propice à la méditation : de l’intimité la plus
prosaïque à la profondeur de l’âme humaine.
« Loth et ses filles » évoquera le baroque
Claude Vignon,
l'un des peintres français les plus célèbres de l'époque de
Louis XIII,
contemporain de
Poussin qui lui refusa l’héritage du
Caravage.
Quant à Trophime Bigot, son « homme
criant » ouvrant sa bouche d’ombre, nous saisit.
« On peint ce qui est en nous, ce qui n’a
pas de bords, ce qui est noir à l’intérieur » Walter.