jeudi 3 décembre 2015

Première biennale d’art contemporain. Grenoble.

Le titre de cette rencontre d’une trentaine d’artistes à l’ancien musée de la place Verdun est quelque peu usurpé. Au moment où se tient à Lyon la 13° biennale d’art contemporain, cette initiative dans la capitale de la noix (verte) fait un peu copieur pâle. A l’image d’une politique culturelle aléatoire, voire pathétique quand on considère quelques prestations de l’adjointe à la culture.
L’exposition brève avait  pourtant de la tenue et ne comportait pas d’œuvre consternante comme peuvent en produire quelques artistes du ready made tout autant contemporains des contemporains de leur époque, mais participant à un courant  éclectique souvent électrisant. 
Hanna Chroboczek en était une organisatrice et ses personnages aux airs pas si sereins qu’au premier abord nous ont accrochés.
Un certain parfum de contes à la mode russe flottait d’ailleurs dans la galerie aux boiseries III° république avec Tatiana Samoïlova et Barbara Gebarzewski.
Nental et ses collages sous plexiglas,  nous a sauté aux yeux et tapé aux émotions.
Nous étions là à l’invitation d’un des régionaux de l’étape, Joël Bressand, dont nous aimons les compositions élémentaires avec des matériaux de récupération. Les yeux rouges de son loup en capsule de bière sont bien aussi éloquents que ceux qui ont exploité avec une emphase un peu convenue le thème de la douleur  autour du sujet imposé : le petit chaperon rouge.
Des émules de Basquiat, Rodko, des expressionnistes allemands, se  sont retrouvés pendant quatre jours avec de bons dessinateurs genre BD parmi quelques figurines en papier mâché qui donnaient des allures artisanales aux présentations. Des calligraphies m’ont séduit, ainsi que Jean Kiboi dont la diversité des matériaux et ses trouvailles l’inscrivent dans la lignée des artistes « singuliers ».
Cette appellation plus modeste aurait mieux convenu à mon avis à cette première sous des coupoles poétiques qu’il serait dommage de laisser se détériorer.
Le beau magazine « Beaux quartiers », dont le titre est  malheureusement déplorable, assurait un agréable livret d’accompagnement délivré de tout blabla suranné propre aux modernes contemporains.
Pas de quartier ! Vive les bas quartiers ! 

mercredi 2 décembre 2015

Radicondoli.

En venant en Toscane http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/toscane.html  pour deux semaines, nous n’avons pas épuisé toute la diversité des lieux, en particulier la bordure maritime avec Côte d’argent et Monte Argentario. Nous avons fait l’impasse sur Pise et ignoré l’Ombrie dernière destination à la mode.
Installés en face du charmant village de Radincondoli à proximité du hameau de Belforte, nous étions dans les monts métallifères où parmi les forêts denses nous apercevions les édifices des captages géothermiques.
Les belles fermes, les villages bien conservés de ce puzzle de pittoresques vallées tel le Valdimerse ne manquent pas.
Dans le genre qui stimule l’imagination, l’abbaye de San Galgano  a le charme des ruines où se devinent un cloitre, la salle du chapitre et quelques murs de l’église datant du XII° siècle.

mardi 1 décembre 2015

Un piano. Louis Joos.

Autobiographie en noir et blanc.
Les dessins d’une belle énergie tracés à l’encre de Chine vont bien à cette histoire du temps des transatlantiques et du jazz.
L’esthétique recolle des chapitres un peu décousus et ces histoires de loups, de steward, d’un père et de son fils, New York, les beaux arts…
« It was Fine. »

lundi 30 novembre 2015

Les cowboys. Thomas Bidegain.

Il ne suffit pas d’un titre pour percevoir le souffle chaud du western alors que ce premier film en chapeaux adéquats est mu par des décisions carrées qui sont souvent la loi du genre.
Pourtant un père, à la recherche de sa fille convertie à l’Islam ayant mis les voiles vers tous les Afghanistan et Pakistan réunis, avec rien qu’un bandana en souvenir, traite d’un sujet déjà brûlant il y a quelques mois lors de sa présentation  à Cannes.
Les maladresses de ce père, François Damiens, et celles du fils, Finnegan Oldfield, lui succédant ne mettent pas forcément le spectateur de leurs côtés.
Leur violence contre productive, leur agitation dépourvue de réflexion, s’ajoutent aux invraisemblances d’un scénario finalement convenu, tourné avant que le sujet ne soit un marronnier- et c’est son mérite - avec costumes factices sur fond de belles images.

dimanche 29 novembre 2015

L’avare. Ludovic Lagarde.

A Molière, on peut tout lui faire, il est éternellement drôle et juste, profond.
« Hé quoi, charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi ? Je vous vois soupirer, hélas, au milieu de ma joie ! Est-ce du regret, dites-moi, de m’avoir fait heureux ? Et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre ? »
L’adolescent, le casque sur les oreilles, qui était devant nous à la MC2 a été saisi dès la première scène où Valère et Elise sortent d’un placard le pantalon sur les chevilles. Au bout de deux heures trente, il a applaudi longuement comme tout le monde, alors que ce n’était pas gagné, un samedi soir avec les parents pour une pièce du patrimoine.
« Vous êtes la fable et la risée de tout le monde, et jamais on ne parle de vous, que sous les noms d’avare, de ladre, de vilain, et de fesse-mathieu. »
Je n’ai pas perçu avec autant d’évidence que certains critiques interprétant Molière comme un visionnaire critique du culte de l'argent « dieu futur du capitalisme ».
« Vos chevaux, Monsieur ? Ma foi, ils ne sont point du tout en état de marcher : je ne vous dirai point qu’ils sont sur la litière, les pauvres bêtes n’en ont point. »
Le vieil avare même rajeuni, n’est pas le seul commandé par l’argent.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » pour citer un autre Grand d’un siècle sous le soleil, La Fontaine et ses animaux malades de la peste.
Laurent Poitrenaux, le remarquable acteur incarnant Harpagon est bien trop dérangé, paranoïaque, psychopathe, effrayant, violent, ridicule, pathétique.
« ll se dépense jusqu’à la ruine ».
Toutes les propositions de mise en scène sont cohérentes, caméra de surveillance et entrepôt affairé. La litanie habituelle des prétendants au dépoussiérage des œuvres classiques n’est pas de mise : aucune poussière, ni gadget inutile.
« Vous, Brindavoine, et vous, La Merluche, je vous établis dans la charge de rincer les verres, et de donner à boire ; mais seulement lorsque l’on aura soif, et non pas selon la coutume de certains impertinents de laquais qui viennent provoquer les gens, et les faire aviser de boire, lorsqu’on n’y songe pas. Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois. »
La farce est toujours là et l’alacrité,
« Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. »
la noirceur aussi, la folie, la souffrance et l’amour, même si les femmes sont maquillées le plus souvent en cagoles.

samedi 28 novembre 2015

Football. Jean Philippe Toussaint.

Qui aujourd’hui peut s’étonner de voir un livre consacré au ballon rond édité aux éditions de Minuit ? Nous ne sommes plus au temps où les dandys s’approchaient des rings de boxe ; les intellectuels qui parlent foot ne peuvent passer pour snobs ou décalés.
Qui n’a pas parlé de 98 ? Lui, il sait de quoi il s’agit.
 « 1998 est une date démodée, une date qui a mal vieilli, une date comme « périmée de son vivant », pour reprendre une expression que j’ai utilisée dans un de mes romans, une date « que le temps ne tardera pas à recouvrir de sa patine et qui porte déjà en elle, comme un poison corrosif dissimulé en son sein, le germe de son propre estompement et de son effacement  définitif dans le cours plus vaste du temps »
Il est question du temps scandé par les coupes du monde tous les quatre ans, de l’enfance, d’une présence au monde parfois burlesque quand il essaye en streaming de suivre une demi-finale Argentine-Pays Bas alors qu’un orage a tout éteint.
 «… le football est une denrée périssable, sa date de péremption est immédiate. Il faut le consommer tout de suite, comme les huîtres, les bulots, les langoustines, les crevettes (je vous passe la composition exhaustive du plateau). Comme avec les fruits de mer, il en reste dans l’assiette plus à la fin qu’au début : les commentaires d’après-match font office de coquilles et de carapaces. On les jette à l’oubli. »
Avec de fins morceaux concernant l’écriture :
« Alors j’y retournais et je me remettais à écrire, et la déception du monde disparaissait pour me laisser de nouveau face au doute, au silence et à l’incertitude, à cette intranquillité foncière qui accompagne toujours l’écriture »
Le fil qui nous relie au monde, oublie que désormais les fonds de pension défont les équipes à chaque mercato quand l’obscénité des salaires a tué nos émotions primaires.
Les maillots sont devenus des produits dérivés : les « sang et or » sont descendus en ligue 2  et Valbuena n’a plus les bonnes grâces de la Bonne mère. Pourtant j'aime toujours les dribles de « Petit vélo », et l’élégance de l’écrivain belge, son humour, son empathie.

vendredi 27 novembre 2015

Daech bad COP.

Daech chauffe la planète, la COP 21 fond. Les enjeux colossaux de ce siècle nous emmènent bien loin d’années plus légères. Des fanatiques de la mort veulent hâter l’arrivée de l’apocalypse et nous nous étouffons de CO2.
Après la vague d’émotions parisiennes, nous passons à autre chose, hormis pour ceux qui sont directement touchés.
Sur ces coups là, un brevet d’innocence a été accordé aux attablés du Carillon mais les mégotteurs sur les morts de Charlie ne manquent pas, les mêmes ne veulent surtout pas bouger face aux crimes contre l’humanité.
Wolinski était coupable de quoi ? De liberté ! Et les lycéennes enlevées par Boko Haram ?
Ah oui ! Comme si c’était l’urgence, certains estiment sur les réseaux sociaux, qu’il faut changer les paroles de la Marseillaise, pourtant « ils viennent jusque dans nos bras égorger nos fils nos compagnes ». Quelques amoureux de la diversité ne supportent pas de se commettre avec le tout venant, ne serait ce que le temps d’un hymne à Wembley ou au Métropolitan.
Je me réjouissais d’un humour caractérisé « bien français » qui au cœur de la mitraille jouait avec Jawad le logeur. L’amusement s’éteint vite quand  on entre dans la complexité ; que reste-t-il pour polir le désespoir ?
J’approuve les perquisitions en dehors des heures de bureau mais me désole d’un monde aux regards méfiants. L’homme nouveau qui met son panache dans un verre de bière sera sous pseudo et recouvert d’armures.
Je suis inquiet pour ceux qui sont à l’âge des « Bisounours », devenu un terme péjoratif au rayon adulte. Mais nous les vieux , notre confiance en l’homme en a pris un coup de plus, quant à l’avenir de la planète... La sidération a été prouvée par le vide éditorial post attentat, pas mieux chez l’instit en retrait. J'ai perdu la main, où est ma gauche? Je copie et je colle quelques petits papiers parfois contradictoires :
dans « Libé », :
« On pourrait dire que c’est philosophiquement après la mort de Dieu qu’ont surgi les mascarades d’un Dieu plus méchant et plus impitoyable. Ces événements seraient même un effet de la mort de Dieu, les derniers tremblements d’un Dieu disparu. »
Mais on en tremble pour un moment encore.
« Le terrorisme de Daech n’est pas celui d’Al-Qaeda. Al-Qaeda recrutait par un processus lent, en partant de la théologie et d’une lecture littérale du Coran. Les jeunes recrutés aujourd’hui par Daech ne le lisent pas. La radicalisation et le néofondamentalisme supposent d’avoir au moins accès au texte. La difficulté, c’est qu’aujourd’hui, ces jeunes basculent directement dans le jihad, comme s’ils devenaient musulmans a posteriori. »
Pourquoi basculent-ils ? Pourquoi cette haine à l’égard d’une société bien plus bienveillante, en tous cas, que celle qui les envoie se faire tuer ! Ils ne lisent pas, mais ceux qui les manipulent ne sont pas des buses. « A la fois bourreau et martyr, victime absolue et terreur de ceux qui l’ont méprisé » comme le dit si bien De Villepin dans un article intéressant où il exerce son art de la formule : « répondre par les armes équivaut à éteindre un incendie au lance-flamme ».
La détermination de notre président concernant le domaine militaire se retrouvera-t-elle dans  la conférence sur le climat qui ne nécessite pas moins de réactions urgentes que les menaces guerrières ? 
Dès que les discours dépassent la mesure d’un tweet, les écrans regardent ailleurs.
Les dépités des manifs interdites auraient-ils été plus convaincants avec trompettes et crécelles sur le bitume ? Leurs cris excessifs évoquant la dictature ne prouve pas un grand sens du discernement. Ils font perdre de la crédibilité à des compagnons moins complaisants dans l’usage du mot fascisme.
Les loups sont entrés dans Paris. Et les banlieusards butent aux seuils de pollution.
Peut-on croire encore aux mots en revenant vers 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de Chirac et aller vers des réflexions sur le long terme et des actions ?
Le passé n’est pas passé.  Pourtant le Club De Rome des années 70 s’y était pris à l’avance dans l’alerte et en 2008, cité dans « Le Monde » : « un  représentant de l’Union Européenne estimait que le réchauffement agit comme un « multiplicateur de menaces » dans des zones déjà traversées par des tensions sociales, politiques, religieuses ou ethniques. « Les changements climatiques risquent d’avoir, à l’avenir, des incidences sur la stabilité sociale et  politique au Proche Orient et en Afrique du Nord », détaillait le rapport, qui pointait « les tensions liées à la gestion des ressources hydriques de la vallée du Jourdain et du bassin du Tigre et de l’Euphrate, qui se raréfient » et l’aggravation de ces tensions par l’augmentation des températures. »
Dans une semaine ça ira mieux. 

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Sous le titre un dessin de De Angelis paru dans La Repubblica (Rome) et ci-dessous un dessin de Dilem paru dans La Liberté (Alger) et dans Courrier International.