A Tain L’Hermitage, là où le Rhône, transporteur de moult
barriques, se resserre, est édifiée une chapelle. Elle donna son nom à un Clos
qui en 2007 vendit 12 bouteilles 18 000 €.
Ce nectar devait être divin puisqu’en dégustation à
l’aveugle, les œnologues les plus éminents
n’ont pu le départager du Pétrus - qui est au ciel.
Là, était construit auparavant un temple dédié à Apollon,
celui qui inspira Saint Christophe le porteur du Christ.
C’est l’histoire éternelle
de la mythologie recyclée par la chrétienté, narrée par Jean Serroy aux amis du
musée. Illustrée ci-dessus par une œuvre de Jan van Bijlert, « Le Festin
des Dieux ».
Ainsi en fut-il du vin qui éclaira les trognes autour de
Bacchus et fut béni en Cène où ils étaient treize à table.
J’aime apprendre que la production de vin la plus ancienne
se situerait dans les monts Zagros en Iran, il y a 7000 ans, l’introduction de
la culture de la vigne en Gaule par les phocéens datant de 700 ans avant JC.
Après Osiris, Dieu des saisons autour du Nil et Dionysos
dans les exhalaisons du retsina,
les bacchanales dédiées à Bacchus, le dernier dieu des débordements et du
théâtre, furent interdites pendant deux siècles à Rome.
Le « Bacchus buvant » de Guido
Réni (XVII° siècle) est dans l’extase, son œil retourné, le jet de son
robinet parallèle à celui du tonneau rondelet débondé. Le réalisme historique
aurait commandé de faire figurer une de ces amphores qui servirent au transport
et à la conservation du « jus d’Octobre » pendant l’antiquité.
Le jeune Bacchus du
Caravage est athlétique, aguicheur et fardé, un autre est malade, au
lendemain de la fête, humain, avec le teint jaune des foies fragiles.
Les satyres de Rubens ingurgitent, alors que le maître boit,
ils amplifient la violence de la nature primitive alors que « Silène
ivre » de Ribera n’en perd pas une goutte. Le père de Dionysos est
souvent ridicule, par contre chez Boucher, Bacchus a disparu sous forme de
grappe, on ne se refait pas, dans la main de la charmante Erigone.
Les fêtes bachiques ont inspiré beaucoup de peintres, ainsi Le Titien,
Poussin ou Bouguereau qui fait figurer danseurs et danseuses sans vêtements et
sous toutes les coutures. Chez Van
Everdingen, Bacchus qui a posé son habituelle peau de léopard, est bien
entouré, les nymphes sont avenantes,
l’amour fournit le carburant.
Klimt pour le plafond du théâtre de Vienne mêle tous les
styles dans son « Autel à
Dionysos », où les femmes sont
ivres de vin et d’amour.
Avec l’ancien testament, les sages ne se tiennent guère
mieux. Noé fut choisi pour sauver l’humanité du déluge, mais revenu à terre, le
premier vigneron se retrouve nu sous les yeux de ses fils après avoir trop
bu. Dans la Bible,
le vin et la vigne sont cités
443 fois.
Et le vieux Loth pour coucher avec ses filles,
puisque sa femme est transformée en statue de sel après s’être retournée vers
Sodome en flammes, s’enivre. Cézanne,
dans sa période « couillarde », le peignit crument.
Balthasar de Rembrandt lors d’un festin gigantesque est
proche de sa fin, une servante renverse du vin sur sa manche, au moment où une
lumière divine surgit.
« L’enfant prodigue » de Gherardo Delle Note a
beaucoup bu, pendant son éloignement et aussi à son retour chez Jacopo Bassano.
Des « Noces de Cana » chez Véronèse
au dernier repas chez De Vinci,
le vin est divin. Depuis le premier miracle quand Jésus changea l’eau en vin, jusqu'à la bénédiction ultime,
l’eau lustrale des hébreux est transformée et s’annonce « le
breuvage du banquet d’éternité ». La Palestine était une terre de vignes.
Dans « Le pressoir mystique » de
Marco Pino « le
Christ foule aux pieds du raisin, et des blessures que son corps a subies, lors
de la Passion,
coule son sang qui se mêle au vin jaillissant des grappes ».
Depuis le pape Jean XXII en Avignon, le vignoble de Chateauneuf-du-Pape a pu se
développer. La raison sacrée vécue dans l’eucharistie a rencontré des raisons
économiques avec des monastères qui ont beaucoup planté et récolté.
Et pour conclure avec les paroles de Sainte Thérèse
d’Avila : « Le Seigneur marche
au milieu des pots et des casseroles », quoi de mieux que « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie » par Vélasquez ?