Serge Legat aux amis du musée ouvre sa conférence avec la
photo peinte d’Arielle Dombasle dévêtue parmi les fraises de
Pierre et Gilles. Sous des couleurs
venues de Bollywood chatoyantes et sirupeuses, la lumière rayonne comme dans
l’iconographie religieuse.
Et c’est là, que tout au long de l’histoire, le nu se met en
scène avec Adam et Eve et les représentations de la crucifixion.
Au VI° siècle dans le manuscrit des
Évangiles de Rabula, le Christ était
revêtu de sa tunique entre les larrons ne portant qu’un linge de pudeur;
pourtant
lors de ce châtiment les
suppliciés étaient entièrement nus.
Sept siècles plus tard, le grand crucifix de Cimabue avec à ses extrémités Marie et
Saint Jean au chagrin manifeste rompt avec les codes byzantins, tout comme le périzonium,
le linge couvrant le sexe divin en sa moderne souplesse. La forme et la surface
de ce pagne de pureté permet les datations.
Plus tard, Giotto,
premier peintre moderne d’après Malraux, l’a rendu transparent.
La renaissance redécouvre les sculptures antiques, le corps
se réaffirme et notre passage terrestre devient digne d’intérêt. Après la
symbolique de la pureté, la nudité s’affiche héroïque. L’art illusionniste joue désormais à l’illusion de
la vérité.
Une gravure du quattrocento, par Pollaiolo représentant un combat d’hommes nus sous toutes leurs faces, est remarquable.
Bien plus célèbre, le David de Michel Ange, dont j’ai surtout perçu cette fois la concentration, n’est
pas un éphèbe contrairement à celui de Donatello, déhanché.
Notre étonnement et notre admiration de voir au plafond de la Sixtine, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/les-fresques-de-la-sixtine-de-lharmonie.html,
tous ces corps dont la vérité anatomique avait été nourrie par l’observation au cours de dissections de
cadavres sont ravivés par les polémiques récentes où l’église catholique se
montre bien plus frileuse que ne l’étaient les papes commanditaires autour des
années 1512. Et dire que Michel Ange qui préférait la sculpture ne voulait pas
travailler sur des fresques ! Merci Jules II d’avoir insisté. Ainsi l’étincelle de vie qui
passe de Dieu à Adam, idéal mâle, nous électrise encore.
Comme Cézanne plus tard,
ses représentations de femmes s’inspiraient de modèles masculins.
Léonard de Vinci, lui, n’avait pas l’homosexualité refoulée, et
son homme de Vitruve du nom d’un architecte de l’Antiquité aux proportions
parfaites est la mesure de toute chose, il est au centre de l’univers.
L’homme nu représentait la vertu, forcément céleste, alors que la femme avec
plus ou moins d’atours restait sur notre si jolie terre.
Si Florence a excellé pour
représenter les hommes, Venise privilégie la femme : Raphaël peint ses trois grâces
sous tous les angles comme le permet également un miroir au moment de la
toilette pour Bellini. Pourtant Botticelli et sa blonde Vénus naissante
est florentin. Celle ci est debout contrairement à bien d’autres couchées comme
celle du Titien qui nous regarde
dans les yeux, son petit chien fidèle endormi à ses pieds.
Avec Danaé sous une pluie d’or, du Tintoret à Klimt en
passant par Rembrandt, et tant d’autres
Vénus rondes de Rubens à Vélasquez, le nu masculin se
marginalise.
Les odalisques esclaves vierges, au dernier rang social,
servaient les concubines du harem, celles de Boucher à Picasso en
passant par Ingres, nous enchantent
de leur sensualité.
La maya desnuda de Goya
était recouverte de la vestida et Lacan avait commandé un paysage à André Masson pour couvrir une forêt non
épilée figurant sur l’"Origine du monde" de Courbet.
Par contre le tableau de l’école de Fontainebleau où
Gabrielle d'Estrées a le sein pincé par une autre femme torse nu symbolise sa
grossesse, il n’a rien de libidineux ; la maitresse à qui Henri IV avait
promis le mariage tient un anneau à la main. Les répliques contemporaines de ce
duo laissent entendre quelques lesbiennes relations pendant qu’un trio stylisé
en noir et blanc du photographe Robert
Mappelthorpe permet de résumer plaisamment la thématique de la soirée.