mercredi 30 octobre 2013

Ethiopie J 8. Turmi. Omorate.

Depuis la tente, la nuit retentit de chants d’insectes, d’oiseaux nocturnes, des colobes (singes) et d’autres animaux inidentifiables. La couverture a été inutile. A 7 heures une douche fraîche nous revigore avant le petit déjeuner.
Départ pour Omorate en 4X4.  Girmay notre guide raconte l’histoire de sangliers dans le Royan dont un agriculteur croyait s’être protégé en clôturant son champ alors que ceux-ci ont pénétré dans les maïs, mais par contre n’ont  plus pu en ressortir.
La piste traverse la brousse presque désertique d‘où s’aperçoivent quelques singes, pintades ou dick dick, la plus petite des antilopes.
Après la vérification des passeports à un check point nous nous nous approchons de la rive du fleuve Omo à Omorate où nous attendent 3 pirogues taillées dans des troncs d’arbre assez courbés. Un pont a été emporté avant d’entrer en service, le nouveau n’est pas encore fini.
Nous embarquons, accompagnés de jeunes nageurs qui nous aident à nous extirper des bateaux quand nous accédons au bord glissant et pentu.
De la partie ombragée au bord du fleuve nous allons vers le village Dassanech, encadrés par des enfants de différents âges, nous franchissons l’enceinte du village en branchages et épines. 
Quelle est charmante cette fillette portant un chevreau dans ses bras, mais plus loin six enfants portant des chevreaux dans leur bras nous attendent avec un comité d’accueil où certains arborent des coiffes fabriquées avec des capsules de bouteilles :
« Photo ! Photo ! »
Les cases recouvertes de tôle et de matières hétéroclites retenues par des cordes donnent une impression de misère. Pas un arbre, pas une herbe, du sable et un soleil accablant.
La palabre commence pour s’entendre sur le prix à payer pour les photos. On se met d’accord pour 100 birrs (4€).
Les femmes posent en ligne, certaines avec des calebasses sur la tête contenant une drôle de cuillère, d’autres avec des poteries, les vieilles à part, beaucoup semblent souffrir de maladie des yeux. Peu à peu elles se dispersent, les gamins découvrent leurs visages sur les écrans des appareils photo. A côté un feu brûle en permanence pour éloigner les mouches et en particulier la fameuse mouche Tsé tsé.
« Cela fait plus de six ans que la mouche tsé-tsé a disparu de Zanzibar. En conséquence, la production de lait a triplé et la production locale de bœuf a doublé. D'après l'Organisation mondiale de la santé, environ 60 millions de personnes sont menacées par la "maladie du sommeil" qui est au Congo, la principale cause de décès, devant le SIDA »
D’un coup une tornade balaye la poussière et fait fuir dans son sillage les femmes assises  qui façonnent des bijoux en perles ou des jeunes qui rasent une peau de chèvre. Le soi disant chef du village et un homme avec une kalachnikov, seuls hommes présents ici, sollicitent la photo et réclament quelques birrs.
Nous reprenons le chemin du retour, et déjeunons à l‘Hôtel du Tourisme de Tourmi de poulet frit, et  de french fries. Nous choisissons de rentrer à pied jusqu’au camping distant de 3 km. Le ciel menaçant se dégage. Bien sûr quelques birrs changent encore de main pour des photos.
Puis nous nous reposons au camping, où nous rejoint un strasbourgeois fier de voyager en « free » : le baroudeur est quelque peu fanfaron. Nous mangeons tôt car une soirée nous attend dans un village Hamar. Pendant le dîner nous nous précipitons vers le lit asséché de la rivière qui longe le camping car l’eau des pluies des montagnes arrive, progressant tel le Mascaret ou une coulée de lave.
A la nuit, nous prenons un jeune guide à l’hôtel du tourisme qui doit nous conduire au village des danseurs, pas facile à repérer dans la nuit noire. Cette danse de jeunes commence dans l’obscurité et nous la verrons mieux à la lumière des phares du 4X4 et d’un feu d’eucalyptus. Les hommes chantent en rythmant la voix par des claquements de mains. Filles et garçons se rapprochent en sautant, pubis en avant et leurs intentions sont sans équivoque. Avant le mariage, les filles excisées dès l’âge de 8 ans profitent d’une certaine liberté sexuelle qu’elles perdent avec le mariage. Lorsque deux éthiopiens se saluent, ils se serrent la main puis se cognent épaule droite contre épaule droite. Au retour nous profitons du groupe électrogène et écrivons sous l’ampoule. J’ai perdu mes lunettes.

mardi 29 octobre 2013

Bébé blues. Rick Kirkman, Jerry Scott.



J’ai emprunté à la bibliothèque le tome 6 d’une série qui en compte 19 dans l’édition française aux titres significatifs :
« Si je suis une mère au foyer, pourquoi suis-je toujours dans la voiture ? »
« Chut, Papa dort ! »…
celui là s’intitule : « Nous traversons une zone de turbulence parentale »
Bien que d’origine américaine et d’une date de parution remontant à 15 ans, la permanence des  émotions crées par les petits enfants autour d’eux est réjouissante surtout quand le sujet est traité avec tendresse et humour. 
Les jeunes parents débordés n’auront pas forcément le loisir de le lire mais les grands parents pourront se régaler, surtout qu’un léger parfum rétro persiste après la lecture.
Le dessin mis en tête de l’article m’a trop rappelé ma petite fille mettant ses pieds dans mes vastes chaussures et disant : 
« je suis vieux ! »
Tout est juste : le bain, l’inquiétude chez le pédiatre : « elle est trop tranquille », l’omniprésence de grands parents abusifs, les progrès scrutés chez les autres bébés, les assiettes renversées, l’impossibilité de  parler d’autre chose que des enfants, les nuits perturbées, les poussettes récalcitrantes, la voiture chargée…
-  C’est bien ma grande fille !
- On devrait utiliser des mots qui la mettront en confiance sans être condescendants.
- Comme quoi ?
- Eh bien, par exemple : « je suis heureux de tes efforts mais en aucune manière ne te pousserai à continuer si tu ne l’estimes pas nécessaire.
- Tu as encore parlé à ton ami avocat n’est ce pas ?
- Peut être.
- Ouiinn ! »

lundi 28 octobre 2013

Sur le chemin de l’école. Pascal Plisson.



Je m’attendais à revivre la même émotion qu’avec «  Bébés », film documentaire de Thomas Balmès produit par Alain Chabat, consacré à la première année de quatre bébés en Namibie,  au Japon, en Mongolie et aux Etats-Unis. La formule est un peu éventée.
Ici, nous suivons dans des paysages magnifiques, des écoliers en route vers l’école au Kenya, en Inde, au Chili et au Maroc.
Leurs conditions sont très difficiles : jusqu’à 4 heures de route pour aller en pension pour les filles dans les caillasses du Haut Atlas et des heures et des heures chaque jour pour les autres, avec un fauteuil hors d’usage pour un handicapé poussé, tiré par ses deux petits frères, dans le sable.
Ils surmontent les obstacles avec un courage remarquable et un sourire constant : de beaux gamins, de belles personnes.  
Le message est incontestable : aller à l’école c’est important.
Et constater qu’il y a des enfants qui ont envie d’aller apprendre, peut réchauffer le cœur de bien des pédagogues affrontés à certains élèves repus ou exténués du canapé.
J’ai vu malheureusement ce film avec un doublage en français et bien que je ne fasse pas de fétichisme de la VO,  le ton trop appliqué fait apparaitre comme artificielles certaines situations. Cette version convient bien sûr aux enfants nombreux dans la salle, mais un peu plus de spontanéité n’aurait pas nui à l’efficacité de ce documentaire.

dimanche 27 octobre 2013

Golgota. Bartabas.



La marque de fabrique des spectacles de Bartabas est de mêler théâtre équestre, danse, musique vivante avec cette année, encore plus en majesté : la peinture, sous des éclairages toujours aussi soignés quand les animaux splendides émergent de la nuit.
C’est bien la moindre des choses quand les chevaux s’appellent : Le Tintoret, Soutine, Zurbaran et l’âne Lautrec. Et si dans cette livraison très espagnole au théâtre des haras d’Annecy, on peut convoquer les images de Goya, Velasquez, Le Gréco et de Zurbaran qui fut marqué par Le Caravage, il ne s’agit pas de copie mais de re-création de l’âge d’or dans les noirs et blancs.
De la même façon, Andrès Martin  réinvente le flamenco en commençant à danser dans le sable noir qui étouffe les bruits, avant de faire crépiter la danse andalouse, il porte toute notre attention sur des rythmes corporels plus discrets mais pas moins intenses.
Je ne me dispense pas de reprendre les termes du programme qui souligne les questions de « l’humanité, de l’animalité, du divin » en « humain, bourrin, divin » mais la rime distrayante ne rendrait pas hommage à la richesse de tout ce qui est convoqué pendant une heure et demie.
L’image des supplices qui peuple nos musées réitérée sur scène pose la question de la beauté qui ne s’épanouit pas seulement dans des champs fleuris au printemps, mais éclate aussi dans un corps cambré éclaboussé de sueur.
Les chants religieux du contre ténor soutenus par théorbes et cornets sont magnifiques, le tempo qui suscite la sérénité ne parodie pas une quelconque mystique en se permettant quelques touches d’humour au sein d’un rituel maitrisé. Dans nos contrées Dieu a du mal à faire ses preuves, ne subsistent que de  beaux accessoires du temps où il avait semaine sainte et processions sans touristes.
Comme avec d’autres artistes dont on apprécie de retrouver les accents tout en partageant les hardiesses nouvelles, je savoure toujours le moment où à la fin le cheval sans cavalier va retrouver l’homme, assis cette fois au pied de la croix.
Le dressage est encore plus fort sous les apparences de la liberté.
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La photographie qui illustre cet article provient d'Arles, 
l'auteur de l'original s'appelle Vanden Eeckhoudt

samedi 26 octobre 2013

Ceux d’en haut. Hervé Hamon.



Je ne me suis pas fié au titre banalement accrocheur, ni au bandeau « une saison chez les décideurs »  qui est déjà mieux, mais à l’auteur que je lis depuis « Politique hebdo », en passant par ses enquêtes chez les profs ou ses écrits maritimes.
Comment a-t-il vieilli lui aussi ?
Il a la plume bienveillante et alerte, ses 270 pages se lisent agréablement en portant un regard sur des personnalités passionnantes même s’ils appartiennent à la classe dominante
Il ne surjoue pas le candide mais laisse les patrons s’exprimer en donnant quelques indications sur les circonstances de ses rendez-vous et secoue quelques certitudes, renseigne quelques ignorances.
Ces dirigeants ont suffisamment d’argent pour ne pas en faire le moteur de leur action et certains dénoncent avec force la financiarisation de l’économie, ils ont tous le goût de changer l’ordre des choses et bien peu usent de la langue de bois.
C’est le mérite d’Hervé Hamon qui a shunté les services de presse de Danone, de la Banque Postale, d’Europ assistance et a écouté Riboud, Schweitzer, Gallois, Notat … et d’autres moins connus apportant une diversité enrichissante pour sortir des généralités.
Complétés par des politiques : Rocard, pas triste bien sûr, Juppé et Destot, Delanoë.  
Le banquier Pigasse :
« J’ai pratiqué Merkel sur la question grecque, j’en suis ressorti effondré. Elle ne comprend pas, elle ne comprend rien […] Depuis vingt ou trente ans, les élites ont  totalement fui la fonction  politique et la fonction publique, il se produit une professionnalisation de la  vie politique, mais une professionnalisation au mauvais sens du terme : des petits mecs occupent des grands postes. Aucun leader européen n’a le niveau ni la hauteur de vues. Et les médias sont tels que la capacité à analyser, à recouper, à vérifier s’érode constamment-ce qui s’est encore aggravé par internet, par ce déluge d’opinion sur l’opinion. »
J’en suis.
Dans cet ouvrage consacré au pouvoir, Charles Claden, responsable d’un remorqueur de sauvetage, apporte son bon sens :
« Un commandant qui n'est pas vulnérable est un médiocre commandant. L'autoritarisme, n'est pas l'expression du pouvoir, c'en est tout l'inverse. Il ne s'agit pas de prendre le pouvoir, d'avoir le pouvoir sur l'équipage, il faut que la partie soit jouée tous ensemble »

vendredi 25 octobre 2013

Terra incognita.net. Daniel Schneidermann.

J’attends chaque matin le billet de la tête de pont d’ « Arrêt sur image », l’ancien du « Monde » et de France 5, et présentement de « Libé », le lundi : c’est toujours juste.
Son  intransigeance dans son émission expulsée de la télé me lassait parfois mais dans le désert critique d’à présent, il est une ressource revigorante.
Son petit livre part d’un lac de montagne au bord duquel il se met à nu, s’appliquant à lui-même l’exigence dont il fait preuve sans faillir tout au long de ces années qui ont amoché pas mal de ses confrères.
Il nous montre sa blessure non refermée causée par son départ du quotidien qui fut de référence et justifie sa recherche dans les nouveaux médias. 
Il est si peu péremptoire qu’il a créé deux personnages qui dialoguent pour exposer ses dilemmes :
 « S’il s’agit de démolir la construction européenne, de menacer la paix des peuples, pour la simple  satisfaction égoïste de penser contre le vent, ce sera sans moi. Je crois aux certitudes. Je crois aux acquis. Je crois aux socles, sur lesquels on construit la paix, le progrès et les statues qui les célèbrent. »
Ses analyses sont amoindries par l’usage de paraboles un peu laborieuses où des dragons mange-preuves (les révisionnistes), les dragons insulteurs s’ébattent au dessus de la vallée des anciennes cathédrales.
Les réflexions doivent sans cesse se renouveler à propos de cet univers sans carte que constitue le web et la randonnée est plaisante.
Une réflexion plus explicite, plus ordonnée, plus académique, aurait-elle attiré mon regard ?
…………
Dans le canard de cette semaine qui titre : « pour Hollande, c’est la déroute du rom. »
Espionnage. Hollande à Obama : «  C’est pas bien mais toi au moins … tu m’écoutes. »


jeudi 24 octobre 2013

Modigliani, entre légende et histoire de l’art.



« Modi, le maudit » : alcool, drogue et tuberculose. Peintre maudit comme Van Gogh.
Amedeo dit « Dédo » lorsqu’il était enfant, est né en 1884 sur un lit encombré d’objets de valeur appartenant à ses parents, car les huissiers ne pouvaient  pas les saisir autour d’une femme en train d’accoucher.
En 1920, au lendemain de sa mort, Jeanne Hébuterne, sa compagne âgée de 21 ans, se  jette par la fenêtre, laissant leur fille orpheline.
Avec leurs yeux en amande, leurs traits marqués comme des sculptures aux rythmes élégants, ses portraits vivement exécutés sont reconnaissables entre tous.
Ses femmes « à poil », pourtant stylisées et délicates, firent scandale.
Gilles Genty, le conférencier aux amis du Musée, a mis en évidence les influences qui ont mené le juif italien à la notoriété.
A travers les portraits de personnalités qui peuplaient le Paris d’alors et ceux de quelques collectionneurs, des parentés avec des statues africaines sont évidentes.
Ses cous allongés peuvent venir des peintres italiens de la renaissance, alors que ses corps comme des colonnes médiévales sonnent gothique.
La simplification des formes n’est pas étrangère au cubisme et ses teintes au fauvisme, lui qui est étiqueté : primitiviste.
A Montparnasse, la Ruche regroupe des ateliers d’artistes, il y rencontre Brancusi mais devra abandonner la sculpture à cause de ses poumons malades.
Parmi les  couleurs aux dominantes abricot, j’ai retenu « Une petite fille en bleu » qui lui avait rapporté une bouteille de limonade à la place d’une bouteille de vin, saisie dans sa tendre timidité.
Sur ses toiles où « il cherche une vérité par la répétition » figurent Diego Rivera, Cocteau, Radiguet, Reverdy, Soutine, Max Jacob, un œil pour l’extérieur un pour l’intérieur …
Et les marchands de tableaux : Paul Alexandre le premier à s'intéresser à  son œuvre, Paul Guillaume promoteur de la sculpture africaine, le modeste Roger Dutilleul qui fut son ami ainsi que Léopold Zborowski qui a rassemblé ses tableaux après sa mort.