dimanche 29 septembre 2013

Le Forestier. Le cadeau.



Sur l’enveloppe de son dernier CD, "Le Fox", comme disait Renaud, figure attablé solitaire à la fin d’un repas de fête.
A l’intérieur avec les 10 chansons,  j’ai l’impression que les lumières viennent  aussi de s’éteindre.
Il joue avec les mots : « je ne suis pas un cadeau » ou avec « les coups » :
« tous les coups sont dans la nature »
mais si les musiques sont plaisantes, je ne vois guère de flamme.
« Le papillon ne vole plus. »
Oui « Le p’tit air »  passe bien avec la musique de Julien Clerc :
« Il suffit que quelqu’un murmure
 Le p’tit air que j’avais fait pour toi
Si c’est un peu de nous qui dure
C’est déjà ça »
Que reste-t-il après notre dernier souffle ?
Un enfant était monté dans le compartiment du train d’atterrissage d’un avion :
« La petite hirondelle
 On l’a ramassée
 Sans papiers et sans ailes ».
Dans le registre qui l’avait amené à nous guider dans nos années indignées, son ami Souchon est plus vif et Cabrel plus explicite.
Ben oui : les traders et autres 
« les parachutes dorés ils voudront les garder. »
Son parachutiste emblématique a passé les 40 ans
«Mais, malheureusement pour toi,
Bientôt se finira ta guerre :
Plus de tueries, plus de combats.
Que vas-tu faire?
C´est fini le travail d´artiste,
Parachutiste. »
Je l’ai trouvé plus fort dans « Le caillou » qui cause de notre terre :
« Sur un caillou à peine poli
Qui s’ gratte entre les pôles
Qui s’mouche à coups de tsunamis »
ou lorsqu’il s’en prend à notre boulimie d’informations :
« Donne lui du scoop
Du sel pour sa soupe
Donne lui du gras
Tu sais qu’il adore ça »
Alors comme il le dit en duo avec Camille, ce serait donc ça :
« La folie c’est de voir
La vie telle qu’elle est »

samedi 28 septembre 2013

Le sermon sur la chute de Rome. Jérôme Ferrari.



«  Rome est tombée mais n’est- ce pas, en vérité, comme s’il ne s’était rien passé ? La course des astres n’est pas troublée, la nuit succède au jour qui succède à la nuit, à chaque instant, le présent surgit du néant, et retourne au néant, vous êtes là devant moi, et le monde marche encore vers sa fin mais il ne l’a pas encore atteinte, et nous ne savons pas quand il l’atteindra, car Dieu ne nous révèle pas tout »
Il est question de Saint Augustin, d’un retour au pays pour faire vivre un bar en Corse,  et de la fin de l’empire colonial français.
 « Le temps s’est allégé de l’espoir et il file imperceptible et vide, au rythme toujours plus rapide des enterrements qui rappellent Marcel au village… »
L’écriture riche varie ses rythmes et l’avancée dans les 200 pages se mérite.
Les paroles qui ont traversé les siècles s’accordent au temps de la mort ; des personnages grotesques s’agitent autour d’un comptoir dans des chapitres parallèles.
Cette juxtaposition est déstabilisante mais l’apocalypse finale fait se rejoindre le sacré et le profane.
 « Les fouilles étaient terminées, ils avaient regagné lentement leur monde respectifs et ils tendaient les mains l’un vers l’autre au dessus d’un abîme que rien ne pouvait combler. »
Les mots choisis de l’écrivain né en 68 ne peuvent nous consoler, ses récits sont  tous tragiques et on aime ça.

vendredi 27 septembre 2013

Les mystères de la gauche. Jean Claude Michéa.



L’ouvrage exigeant du prof de philo languedocien porte au-delà des critiques banales à propos des frilosités de « la gauche ».
Il propose d’ailleurs d’abandonner la dénomination « Gauche » qui a  tant nourri nos espoirs, 
car « la mitterrandienne » a négligé le peuple non seulement sur le plan économique mais aussi culturellement.
Face au libéralisme amoral, inégalitaire et aliénant, il verrait bien une société « décente » dont le qualificatif vient d’Orwell, sa référence.
Cependant je crains que les pressés solitaires d’aujourd’hui ne se bousculent guère sous les belles charpentes théoriques où sont gravés les noms de Fourier ou de Marx.
Le corps principal du texte est exigeant, les scolies (des notes) qui occupent la moitié des 130 pages sont plus nerveuses et m’ont été plus accessibles, bien qu’elles versent quelques gouttes citronnées sur mon épiderme mis à vif par Cahuzac et autres sénateurs.
J’ai appris que Zola avait fait l’éloge de Thiers. Et quand il rappelle que sa ville de Montpellier se vendait « unlimited », sa critique de la publicité n’est pas anecdotique, pas plus que sa proposition d’appeler « principe de Bosman » « la loi qui pousse toute gauche moderne à vouloir accomplir les basses œuvres du capitalisme à sa place ». L’arrêt Bosman ayant permis aux émirs et mafieux divers de faire main basse sur le football, et « d’en corrompre l’essence ludique et populaire ».
L’expression « Le cœur à gauche et le portefeuille à droite » nous est familière et s’il est incontestable que le libéralisme est dans une logique déshumanisante et « écologiquement prédatrice », le cynisme s’est répandu sur toute chose, l’individualisme vaut pour tous.
Les autres ne comptent plus.
Le spectacle réunit le séparé, mais « il les réunit en tant que séparé »(Debord)
Bien que nourri de grands journaux (Canal +, Libé…), je m’autorise à penser que parfois « les choses allaient mieux avant ».
Mon conscrit remet en cause la notion de croissance, et adresse des avertissements contre le droit libéral qui vise à préparer « un monde mimétique et indifférencié […] dans lequel toute possibilité d’existence personnelle et authentique, de responsabilité morale effective, de bon sens élémentaire, ou de générosité véritable […] devrait être sacrifiée sur l’autel de la Forme et de l’Abstraction. »
Bien que dans ses dernières lignes il pense que « les classes populaires sauront elles mêmes inventer, le temps venu, les symboles fédérateurs les plus appropriés à leurs luttes », ses écrits n’ont pas figuré dans les ouvrages recommandés pour la plage, mais ils peuvent  apporter une cohérence à ceux qui ne se sont pas fait à l’idée d’une montée fatale de l’extrême droite en milieu populaire. 
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 26 septembre 2013

Pons, Swarte, et Gabrielle Hébert au musée Hébert.



Il fait bon  faire un tour à La Tronche comme le faisait Ernest Hébert en route vers la villa Médicis et l’Italie; sa maison et son jardin sont apaisants.
Des photographies de sa femme sont exposées, sous le titre « Italiens pittoresques » traduisant quelque condescendance : les prises de vue  effectuées aux alentours de 1890 ont un certain intérêt documentaire.
Le duc d’Aumale propriétaire terrien en Sicile reçoit les hommages d’une paysanne, des buffles traversent une rivière, des maisons ressemblent à des cases africaines.
Les textes des cartels sont très explicites : « Paysannes remplissant leur conques à une fontaine dans laquelle s’abreuve une vache sur la droite. »
L’art contemporain en particulier est parfois plus laconique : « sans titre »
Surprise de trouver Joost Swarte dont les travaux préparatoires à un dépliant pédagogique concernant les jardins sont présentés. Sa ligne claire convient bien dans ce lieu où la peinture académique ne nous accable pas de ses pectoraux qui savent cependant se tenir dans l’exposition permanente. Le tableau de la mal’aria orthographié ainsi nous fait comprendre l’étymologie du mal auquel est confrontée la moitié de la population mondiale.
De l’autre côté de la rue, Louis Pons intitulé « braconnier de l’art » réussit à nous émouvoir davantage par ses  sombres dessins qui émergent de traits fins que dans ses collages de racines et de bâtonnets déjà vus ailleurs.

mercredi 25 septembre 2013

Ethiopie J3. Les oiseaux du lac de Zwaye.



La nuit est longue grâce aux vertus énergisantes du café de 15h et puis vers 3h du matin les chiens ne paraissent plus aussi discrets qu’en plein jour.
Au petit déjeuner nous est proposé un thé au clou de girofle.
Patientant devant une banque, nous faisons le désespoir de petits cireurs de chaussures consternés par nos chaussures crottées.
Au dessus des arbres, deux vautours surveillent la rue.
L’embarcadère où nous devons prendre le bateau  est le royaume des oiseaux: sur la rive, marabouts, ibis et pélicans sont à portée de mains. Nous nous émerveillons devant leur vol, l’élégance des ibis, la laideur des marabouts, la blancheur des pélicans. Les ailes et les becs claquent pour se disputer un poisson.
Notre destination est  l’île de Tulu Goudo « grande montagne »  qui aurait abrité elle aussi l’arche d’alliance, à une heure trente de bateau à moteur.
Notre ascension  dure également une heure trente, elle débute parmi des cultures en terrasse labourées par les jeunes paysans et leurs bœufs. L’air est parfumé par les œillets d’Inde sauvages. Puis nous marchons dans une forêt d’euphorbes grosses comme des arbres, avec des aloès, des opuntias en fruits. Du jamais vu.
Vers le sommet le guide local nous montre une « pierre de punition » naturellement percée dans laquelle le condamné avait une jambe coincée et selon la peine prononcée restait dans cette position inconfortable un jour ou deux.
En 1973, le village qui dominait l’île fut abandonné comme trois autres et rebâti au bord de l’eau, les anciens avaient préféré le sommet pour éviter les moustiques.
Après avoir profité du  magnifique panorama nous redescendons vers un restaurant qui vient de s’installer pour déjeuner d’un poisson grillé, du tilapia, délicieux. Le plus audacieux d’entre nous prend l’habitude de faire « gorcha » (prendre la becquée) avec l’équipe éthiopienne. Nous apprenons que les chrétiens d’ici jeûnent 200 jours par an, tous les mercredis et vendredis.
Près de là des singes sautent dans un arbre, tout à côté de l’église, mais ne se laissent pas approcher. Certains ont sans doute cherché à chaparder nos bananes car ils ont laissé quelques traces dans le bateau qui vient nous chercher. Au retour, nous avons droit à un détour près d’une île occupée par des oiseaux.
Nous admirons sans nous lasser des colonies de pélicans alignés sur un rocher ou nageant à la queue leu leu, des marabouts dans leurs arbres des ibis et des cormorans. Nous suivons leurs vols en escadron, haut dans les airs ou en rase motte. Même descendus de la barque, nous continuons à les canarder de nos appareils photos, à les observer.
Nous avons aperçu  aussi des serres gigantesques destinées à la culture des roses qui prennent le relais de celle du Kenya, le propriétaire est Indien. Le site est déjà pollué et les poissons se raréfient.
Nous rentrons à pied, en flânant dans les lumières du soleil couchant. Nous croisons de nombreuses charrettes tirées par des petits chevaux transportant hommes et femmes.
Goulasch de poissons pour ce soir.

mardi 24 septembre 2013

La planète des sages. Jul Charles Pépin.


Le sous titre donne le ton : « encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies » : « mazette rien que ça » et second degré en 120 pages : 60 de BD, 60 de textes nerveux.
De Platon à Dérida, un prof de philo rigolo dialogue avec le père de « silex in the city » et nous fait comprendre pourquoi Descartes a des problèmes avec le montage de son armoire Ikéa et chez Freud, pourquoi un joueur de foot se débat avec ses transferts.
Sartre est en panne d’essence ; dans la caverne de Platon, les épicuriens sont à l’animation et un stoïcien (black) à la sécurité, Pythagore en VIP.
Bourdieu est à la photocopieuse pour la reproduction, et Machiavel ne fait pas l’affaire quand il se présente à la rédaction de Gala bien qu’il soit un spécialiste des têtes couronnées.
More en Casimir a de quoi éveiller les curiosités comme Simone Veil et Spinoza qui ont eu le courage de mettre leur vie en accord avec leur pensée.
« Vouloir ne pas vouloir, est ce encore vouloir ? » quelques formules mettent en appétit, avec un Maïmonide venu du fond des âges, un Confucius ou des écoles comme le collège de France et Thérèse d’Avila pour varier les approches.
Les sceptiques, philosophes par excellence, doutent qu’un avion ait mis à bas le Parthénon.
Jankélévitch avait toute sa place entre le lamaïsme et Hume, lui qui a écrit «  Le je-ne-sais quoi et le presque- rien », qui a intitulé son plus important recueil d’entretiens «  quelque part dans l’inachevé ».
Comme l’a mis en évidence Erasme, « l’insensé a le pouvoir de produire du sens » alors « accroche toi au pinceau, j’enlève l’échelle » peut nous emmener loin et nous nous mettons à la queue leu leu sur les conseils de Hobbes pour jouir de la vie.
Cet ouvrage participe à ce plaisir.

lundi 23 septembre 2013

Elle s’en va. Emmanuelle Bercot.



Catherine Deneuve. Bien que la scène du paysan qui roule sa cigarette ait été trop racontée, c’est un morceau de choix, comme les retrouvailles pudiques et maladroites de Deneuve avec sa fille jouée par la chanteuse Camille avec qui ce n’était pas gagné de se reconquérir.
Des personnages intéressants, mais leurs transformations sont parfois trop expéditives et la barque des péripéties biographiques est parfois chargée alors que cette virée commencée par hasard, par usure, nous laisse au début découvrir progressivement des petites routes, des fausses pistes. 
La conclusion bucolique est heureuse, tout le monde se retrouve au bout de l’autoroute : le petit fils inconnu devient  son complice en rien de temps, sa fille véhémente fond, Garouste est bien séduisant, l’arrière grand mère se remet à fumer.
L’addiction à la nicotine parait dans cette plaisante balade comme un vecteur de liberté.
Le road mamie va plaire et Catherine Deneuve est une grande actrice.