A la vue d’un film italien, mon esprit critique part en vacances (romaines), même si je comprends les avis sévères parfois portés sur le dernier film du réalisateur de « This Must Be The Place » avec Sean Penn en semelles compensées et du remarquable « Il divo » contant la vie d’ Andreotti.
Toni Servillo qui joue un mondain à la
paupière tombante débite des vacheries avec élégance.
Nous sommes avec lui à regretter le cynisme
de la période, à jouer les sucrés, mais à goûter aussi les bons mots acidulés. Toujours à
cheval sur cette frontière fragile entre drame et indifférence, sérieux
plombant ou humour destructeur.
Même si le début est déroutant, la beauté des
images tournées dans Rome désertée permet de passer agréablement les 2h20. Et le côté foutraque du film
est cohérent avec le propos où la vacuité et l’ennui constituent la trame.
Le snob futile se promène au milieu des
fêtes, sur des terrasses sublimes, blasé. Son pouvoir est dérisoire :
«
Je ne voulais pas seulement participer aux soirées, je voulais avoir le pouvoir
de les gâcher »
Quelques tableaux
savoureux sur une société décadente subsistent : un chirurgien vend à la
chaine des mots et du botox, une sainte en voie d’homologation gravit des
marches sur les genoux, les tentatives artistiques sont pathétiques.
Dans cet océan d’hypocrisie, lui qui a renoncé à la littérature, délivre quelques conseils
réparateurs :
« Tu as 53 ans et
une vie dévastée, comme nous tous. Alors, au lieu de nous faire la morale et de
nous regarder avec mépris, tu devrais le faire avec affection. Nous sommes tous
au bord du gouffre. Notre seul remède est de nous tenir compagnie et de rire un
peu de nous. Non ? »
Les musiques sacrées et électro de 2013 éloignent les
fantômes démodés de Fellini invoqués dès que des nichons se pointent. Les
mélancoliques ritournelles des matins de fête de Rota se sont évanouies et il
ne reste que de grinçants accords d’une civilisation au crépuscule où la
littérature est un truc parmi d’autres artifices comme la prestidigitation… et
le cinéma donc !