vendredi 21 septembre 2012

« Ça mange du bon Dieu, ça chie le diable » (bis)



Décidément semaine après semaine, ce titre s’impose : voir une semaine en arrière sur ce blog quand il était question des évadés fiscaux.
Cette fois  ce sera sur le mode tragique et au premier degré tant les  pieux démons se sont déchainés récemment.  
Et ce n’est pas de la rigolade; l’humour n’est pas la qualité première des provocateurs de tous bords, des preneurs au pied de la lettre, des frustrés déchainés.
 « Qui veut faire l’ange fait la bête », sous les arcades sublimes que de conneries !
Certes les fondamentalistes religieux n’ont pas le monopole de la haine démonstrative, des individus agrégés appartenant à d‘autres sages civilisations peuvent perdre tout discernement et remettre en cause le caractère sacré d’une ambassade, d’une école, d’une vie.
Tant de foyers de haine sont attisés par les dévots que nous les laïcards sommes pressés de ressortir les couverts qui accompagnèrent nos festins de bouffeurs de soutane, nous qui aimons tant les chevelures  offertes au vent, la liberté.  
Aujourd’hui cette impatience  je la modère car la  réponse de Charlie hebdo à l’emprise des excités crispe nos sourires, les réactions délirantes dépasseront encore le prévisible.
La provoc ajoutée à la provoc ne conduit pas les excités à la modération, à la compréhension.
Est ce que la sagesse s’approche parfois de la lâcheté ?
Si la foi a porté l’homme au dessus de lui-même, depuis des millénaires les routes du paradis dégoulinent de sang.
La religion musulmane serait celle des mâles, la catholique celle de vieilles femmes, mais l’une comme l’autre, si elles capitonnent nos cercueils, gâchent bien des vies ici et de plus en plus.
Qu’elles nous foutent la paix !  
Que les imans admettent que d’autres puissent apprécier le saucisson, et les curés qu’ils laissent tranquilles les homos, les derniers à vouloir se marier avec les curés défroqués. 



jeudi 20 septembre 2012

Trainspotting. Danny Boyle.



Je ne me souvenais que de la scène des chiottes les plus infâmes d’Ecosse et de l’écho lointain du succès qu’il connut à sa sortie en 1996. Je pensais que ce film aux allures d’ « Orange mécanique » un brin plus déglingué encore aurait vieilli… eh bien non !
C’est que l’époque a fini par ressembler à cette tragi comédie ambiguë, rythmée où la drogue est présentée comme un orgasme multiplié par mille, une alternative à une vie conformiste où tout de même les bébés abandonnés peuvent en tourmenter certains. 
La bande son séduisante ajoute au charme vénéneux où de surcroit l’humour vient au secours de personnages qui se comportent comme des caricatures depuis la pensionnaire délurée sous son uniforme d’une public scholl jusqu’au psychopathe dangereux dont la dénomination est désormais banale dans les cours de récréation.
Le sordide avec une bonne musique devient pittoresque.
Ne sommes nous pas devenus, comme ceux qu’évoquent le terme « trainspotting », des maniaques des chemins de fer, semblables à ceux qui se focalisent sur des collections insignifiantes pour éviter d’être engloutis par les tourments, l'absurdité du monde ?

mercredi 19 septembre 2012

JR 28mm



JR : c’est un jeune photographe qui colle ses photographies très agrandies dans les rues.
28mm : c’est le calibre du grand angle avec lequel il prend des portraits de très près ce qui occasionne une déformation accentuée souvent par les grimaces des personnages mis en scène.
Dans un recueil  de 250 pages, trois séries de travaux sont présentées et nous pouvons approfondir les démarches, nous régaler des mises en situation et mesurer l’ampleur prise par des installations sur toute la façade d’un immeuble, sur le toit de trains. 
Le surgissement de portraits en noir et blanc au milieu des tôles ondulées est saisissant.
Les projets mis en lumière ont une haute teneur politique.
« Women are héroes »  est la  production la plus récente où depuis les favelas jusqu’aux toits kenyans, la dignité des femmes est magnifiée. 
Le récit de leur souffrance rend « Portraits d’une génération » images des banlieusards français plus fades bien que l’énergie de leur regard nous transperce souvent.
Les affiches  du projet « Face2face » ont été collées essentiellement sur le mur qui sépare Israël de la Palestine, deux visages accolés de deux personnes qui exercent le même métier : bien malin qui saurait qui est l’israélien, qui est le Palestinien ? Imparable.
Un prof à Haïfa :
« Nous on ne connaît pas les arabes ? En ce moment en Israël, le ministre de la culture et le président sont des arabes. Ce n’est pas en France que ça arriverait ça… »

mardi 18 septembre 2012

Titeuf, la loi du préau. Zep.



Cet album d’un phénomène éditorial majeur dans la BD de ces dernières années est le neuvième d’une série qui en est à son treizième numéro. 
La naïveté  du personnage  principal favorise sourires et petites leçons.  
Même si la représentation de la maîtresse n’est pas flatteuse bien des enseignants apprécient la fraicheur du garçon à la mèche rebelle qui peut encourager les élèves les plus éloignés des livres à suivre un récit.
 - Là tu vas être mal. J’ai eu le chevalier à trois têtes ! Fais tes prières !
- Héé non ! Je te le prends ! Car j’ai le grand sorcier Pixelius qui lui fait fusionner ses têtes dans le grand brasier noir.
Cet album paru en 2002, cultive les clichés habituels: la soupe n’est pas bonne, ni les épinards et la fréquentation d’un parc d’attractions à Megafunland facilite les redites vomitoires au sein de la bande de  joyeux copains.
La violence sous la forme d’un racketteur  avachi est présente mais ne remet pas en cause l’atmosphère bon enfant qui est la marque de fabrique du dessinateur suisse.
Bien sûr, éducateur incorrigible, j’ai apprécié la planche concernant une petite fille atteinte de leucémie où Zep est au mieux de sa délicatesse et de son humour.
Les effets comiques sont  certes garantis en prêtant des mots d’adultes aux enfants, même si c’est  parfois facile.
Alors que le plus souvent les traits sont justes : dans les rêves de l’écolier, ses enthousiasmes, ses indignations, ses changements d’humeur, son regard sur les adultes.
Le père se voit privé de ses bouteilles de Bordeaux après avoir conseillé à son fils de construire son Action man avec des bouchons et les grands parents sont bienveillants jusqu’à l’aveuglement et ça c’est pas exagéré.

lundi 17 septembre 2012

The we and the I. Michel Gondry.



Le cinéaste inventif abandonne sa légèreté dans cette immersion à l’intérieur d’un groupe de lycéens du Bronx, le temps d’un trajet en autobus.
Film violent, désespérant ; la vigueur des dialogues ne rachète pas de la régression des rapports sociaux où la loi du plus fort est la loi.
Il y a bien quelques séquences de fantasmes bricolées qui permettent de respirer un peu mais l’ambiance est tellement électrique, insupportable tout au long du trajet que la conclusion qui recèlerait un éclair de tendresse parait peu crédible.

dimanche 16 septembre 2012

Albin de la Simone.



 J’ai suivi un de ses concerts à la MC2 où il avait carte blanche ; par ailleurs il devait jouer un autre soir avec des amis, proposer des films à inventer ou une sieste musicale. Cette série de chansons venait après une vingtaine d’autres de son cru qu’il avait présentées la veille au moment du débat pour les présidentielles qualifié par le jeune homme, injustement, « de concours de pets ».
Le public du petit théâtre complice de cette soirée sympathique était conquis.
Le doux chanteur  chanson française à la voix cajoleuse réserve des surprises.
Son charme ouvre parfois sur de noires visions, un pommier porte un pendu, au cœur d’un moment de solitude romantique il tombe sur « un film de boules » et   il se retrouve sur le palier quand sa porte vient de claquer. Situation ridicule qui peut virer à la catastrophe, mais reste jouable sous les sautillantes musiques synthétiques.
 « Il est vingt heures j'ai froid aux pieds
En pyjama sur le palier
Un courant d'air et tout bascule
Claquer sans clé je suis bien nul
Grosjean debout devant la porte
De mon appartement fermé
Alors qu'au feu brûle le fond
De mon dîner dans un poêlon
Aïe Aïe Aïe
Catastrophe »
Les poètes chanteurs d’à présent font preuve de plus d’humour que leurs plombants prédécesseurs, pourtant quand il rend hommage à Pierre Vassiliu, c’est dans un répertoire loin d'être frivole qu'il nous ramène :
« Mais elle a eu un seul amant
Et ne se souvient plus du tout
Du goût du baiser dans le cou
Elle me demande de l’embrasser
Je n’sais plus si c’est déplacé
Et je suis bien embarrassé
Même juste comme ça un baiser
Amour amitié
Je ne sais pas si par dépit ou par pitié
Je franchirai cet océan
Qui va de l’ami à l’amant »
Pour conclure : « etc… » conviendrait car souvent il laisse en suspend une histoire amorcée, nous laisse libre de compléter le tableau.
Suave et déséquilibrant, sucré et piquant, talentueux.

samedi 15 septembre 2012

Mammifères. Pierre Mérot.



Les titres des trois chapitres donnent le ton des 250 pages:
Gastrite érosive,
Dépôt de bilan,
Linge sale.
Tout un programme où s’illustre le lieu commun :
« on ne fait pas de  bonne littérature avec de bons sentiments ».
C’est vache à souhait : le premier  des mammifères est la mère du narrateur, celui-ci recherche dans une consommation excessive d’alcool, le liquide amniotique.
C’est imbibé de la poésie de nuits désespérées.
Les expériences amoureuses sont sans amour.
 « Vous vous mariâtes en septembre. La fête eut lieu chez vos parents naïfs comme l’art du même nom. Elle ressembla à un goûter d’enfants amélioré. Votre épouse désenchantée se tint un peu à l’écart. »
Les métiers qu’il exerce, en dilettante, dans l’édition ou l’éducation nationale, sont seulement des occasions pour des portraits sévères et drôles de nos contemporains.
Comme beaucoup d’écrivains sans illusions ( Muray, Cioran, Houellebeck…) il manie la formule définitive, à profusion :
« Une famille sans raté n’est pas vraiment une famille, car il lui manque un principe qui la conteste et lui donne sa légitimité. » 
« Le travail est l’une des causes essentielles du malheur de l’humanité, l’autre étant l’amour. »
« L’ennui est l’une des libertés majeures que Dieu a concédé aux hommes »
L’écriture tonique rend agréable la lecture de ce roman dépressif.
Ecrit en 2003, il nous venge des sirops New Age, des diapos de toutous enrubannés ou des sourires crispés des marchands de bons sentiments. Jubilatoire et expéditif.