lundi 4 juin 2012

Moonrise Kingdom. Royaume au clair de lune. Wes Anderson.


Quel enfant des années 60 n’a imaginé vivre sur une île, être un trappeur intrépide fuyant le monde avec une petite amie ? Etre orphelin.
Le réalisateur de Fantastic Mr. Fox nous offre une parenthèse enchantée aux couleurs de miel avec tout le sérieux qui sied à l’enfance, alors que les adultes sont fragiles et démunis.
Un petit garçon ingénieux élevé chez les scouts, fait coïncider la nature avec la carte de ses rêves, au temps où les livres étaient encore des boîtes à trésors et l’aquarelle une manière de saisir les lumières.
Le rythme est enlevé, la poésie facétieuse, l’humour dans tous les coins. Des scarabées au bout d’un hameçon font de belles boucles d’oreilles et même pas mal, la foudre ne laisse qu’un peu de noir sur les joues. De nouvelles inventions pour un couteau à lames multiples. Spectacle familial par excellence.
La musique de Benjamin Britten accompagne tout le film qui se conclut par Françoise Hardy :
« C’est le temps des copains, le temps de l’amour, et de l’aventure. Quand le temps va et vient, on ne pense à rien, malgré ses blessures…».

dimanche 3 juin 2012

Duke Ellington. Antoine Hervé.

Antoine Hervé est revenu à la MC2 et c’est comme si tout l’orchestre du « Duke » était là autour de son piano bavard où il fait swinguer saxos, trompettes, trombones et contrebasses imaginaires.
Les manières aristocratiques du « king », du « boss », joueur de base ball en son enfance à Washington, lui ont valu le surnom de « Duke » qu’il portera d’un siècle à l’autre (1899-1974) dans un milieu qui compta aussi un « Count » (Basie).
 Il a embauché sans compter des musiciens pour son big band, et ne s’est pas trompé sur leurs talents, qu’il a su valoriser, ainsi Juan Tizol avec « Caravan ».
 Il fut apprécié comme interprète, compositeur, chef d’orchestre mais également comme graphiste : 170 titres enregistrés, pour 14 labels différents, sous 18 pseudonymes...
C’est l’époque où la maffia sponsorise les clubs, où New York donne le « la », la radio valorise la musique : le « Cotton Club » sera connu de tout le pays.
Son style « jungle » un des marqueurs du jazz se souvient de racines africaines et en joue. Il traverse des moments palpitants de l’histoire de la musique, il devient post romantique tout en proclamant qu’il n’y a que deux musiques : « la bonne et la mauvaise ».
Savons nous que les grands du « classique » improvisaient ?
 La leçon que je retiens de ces cycles de concerts commentés par Hervé, divertissant et instructif, c’est l’imbrication des genres : le morceau de jazz que le brillant pédagogue a joué en rappel faisait penser à Debussy.

samedi 2 juin 2012

Bachelard. Hexagone de Meylan.

La société alpine de philosophie organisait, à l’Hexagone de Meylan, un séminaire concernant Gaston Bachelard dont les travaux ont porté sur les pensées scientifiques et poétiques.
C’était vraiment le bon endroit. La salle de spectacle située au bord d’une fameuse technopole porte avec constance dans ses programmes l’ambition de marier science et culture.
Je n’aurai pas le temps de me plonger dans les ouvrages de l’épistémologue( qui étudie la théorie de la connaissance), j’essaye avec cet article de gratter quelques mots pour aller plus loin qu’un nom sur un stade Grenoblois.
Le barbu de Bar sur Aube exerce une influence qui va au-delà d’un cercle de spécialistes, riche d’une œuvre à la « pluralité cohérente ».
Comme le jour et la nuit, les démarches scientifiques et poétiques se différencient, s’entrecroisent, se complètent. L’esprit tourné vers le passé peut envisager la nouveauté, la créativité, surpasser les résistances.
Les intervenants : un scientifique accessible, un poète du Québec autour d’un philosophe pédagogue ont été plus convaincants lorsqu’ils ont dialogué avec un public averti, se montrant par ailleurs, à mon avis, paresseux lorsqu’inévitablement il fut question de l’école.
Je pense que la suppression des chaises dans les salles de classe n’est pas vécue comme une métaphore par certains casseurs.
Mais il est bien vrai que l’enseignement en sciences des seuls résultats, qui ferait l’impasse sur les erreurs en cours de cheminement, perd le temps qu’il croyait gagner.
Etre patient, le courage de l’acte génère la déstabilisation.
L’alchimiste des temps anciens exerçait dans une maison solitaire, le nouvel esprit scientifique doit se réconcilier avec le groupe. La spécialisation n’est pas un problème puisqu’elle abandonne le survol, en allant vers la profondeur, elle ne s’enferme pas fatalement.
 Les mathématiques permettent de s’éloigner de soi et la démarche scientifique peut prendre ses distances vis-à-vis du réel avec lequel la rêverie sympathise.
L’homme appartient aux générations précédentes et les catégories d’Aristote : l’eau, le feu, la terre, l’air, peuvent être fécondes.
Nous ne pouvons écrire dans le tumulte.
A résumer rapidement une pensée, elle parait aller de soi, alors qu’il suffit d’un échantillon pour ouvrir de stimulantes perspectives :
« Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet, Elle doit d'abord tout critiquer : la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante, l'étymologie enfin, car le verbe, qui est fait pour chanter et séduire, rencontre rarement la pensée. Loin de s'émerveiller, la pensée objective doit ironiser. Sans cette vigilance malveillante, nous ne prendrons jamais une attitude vraiment objective. S'il s'agit d'examiner des hommes, des égaux, des frères, la sympathie est le fond de la méthode. Mais devant ce monde inerte qui ne vit pas de notre vie, qui ne souffre d'aucune de nos peines et que n'exalte aucune de nos joies, nous devons arrêter toutes les expansions, nous devons brimer notre personne. Les axes de la science et de la poésie sont d'abord inverses. Tout ce que peut espérer la philosophie, c'est de rendre la science et la poésie complémentaires, de les unir comme deux contraires bien faits. Il faut donc opposer à l'esprit poétique expansif, l'esprit scientifique taciturne pour lequel l'antipathie préalable est une saine précaution ».

vendredi 1 juin 2012

Y a-t-il une gauche moderne ?

De jeunes spectatrices à ce forum de Libération à Grenoble étaient déçues que l’octogénaire Rocard ne soit pas de la partie.
Mais la table était bien garnie autour d’un Demorand décidément moins déférent que Joffrin :
« La salle voudrait que vous clarifiez votre rapport à l’ultra libéralisme. »
avec Michel Destot, «nous sommes beaucoup trop dans une culture de réparation sociale».
Cécile Pavageau avocate, «rocardienne des inrockuptibles», Guillaume Hannezo des Gracques et Bernard Spitz.
«Une société qui ne fait pas confiance à sa jeunesse est une société en décadence». 
La question initiale pourrait appartenir à une autre époque depuis que la deuxième gauche a disparu des écrans. Alors que les problèmes de dettes et de déficit occupent toute la place, ceux qui reconnaissent que c’est l’entreprise qui créée les richesses peuvent avoir voix au chapitre.
Quant à la perspective de gagner deux élections générales de suite comme Lula et Clinton certes enviable… déjà gagner la présidentielle, une fois !
 Il s’agit pour ces intellectuels de produire une expertise, en sortant de l’entre soi ; ils appartiennent à une élite certes mais responsable qui participe à un destin commun, en tenant un discours authentique. Avec comme boussole la justice, imaginer un avenir qui passe par une ouverture au monde, à ses cultures et une prise en compte des changements : le vieillissement démographique, l’urbanisation passée en 100 ans de 30% à 60%, le réchauffement de la planète… Les problèmes sont mondiaux : migrations, écologie.
 « L’inflation est un impôt sur les vieux et les pauvres, la dette un impôt sur les jeunes » 
Et ce n’est pas qu’un jeu de mots dans ce débat sur la modernité quand revient pour sortir de la désespérance le titre « Les jours heureux ». Ces mots nommaient le programme du conseil national de la résistance alors que l’état tenait le rôle central.
Les réponses à l’égard des plus faibles sont à porter sur le logement et le transport. Ce sont souvent des familles mono parentales a en milieu rural.
Des innovations peuvent bousculer : 80 000 emplois créés à Londres avec « la petite remise » ( des taxis occasionnels).
Les services publics doivent s’adapter, le travail social doit se situer le plus en amont possible et à l’heure où le médecin généraliste devient un dieu laïque, un bouclier sanitaire est nécessaire pour que l’universalité soit proclamée avec une part qui resterait à charge selon les revenus.
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Dessin dans Libération de fin mai 2012.

jeudi 31 mai 2012

Musée d’art et d’industrie de Saint Etienne.

La rénovation de Jean Michel Wilmotte en 2001 en apportant confort et élégance n’a rien enlevé à la majesté du bâtiment qui offre une approche du passé industriel de la ville avec ses cycles, ses rubans et ses armes.
La déambulation est agréable, la tendance actuelle de soigner l’esthétique des présentations mettant en valeur la précision du travail des ouvriers, place ce bref compte rendu de visite dans la rubrique « beaux arts » de ce blog.
La virtuosité des créateurs de rubans rejoint celle des graveurs de fusils. Un étage est consacré aux fins tissages qui s’offraient à une jeune fille alors qu’au troisième étage au bout du canon, fut-il damasquiné, c’était la mort, la promise.
Sous les voûtes du musée, sans nous enfermer dans un peloton trop fourni de vélos, nous pouvons voir les évolutions depuis la draisienne jusqu’aux prototypes les plus audacieux. Les lignes pures d’un monocycle du XVIII° siècle sont magnifiques, mais l’efficacité ne sera pas toujours au rendez vous de toutes les inventions, telle une machine à courir qui sollicitait aussi le mouvement des bras. Les bicyclettes qui ont succédé au vélocipède s’appelaient « Hirondelle ».
Au niveau 1 : nous pouvons tirer de grands tiroirs pour découvrir la variété des rubans, et admirer des maquettes qui nous font comprendre l’ingéniosité dans la conception des mécaniques produisant de délicats motifs, aux couleurs subtiles.
Le savoir faire des artisans est manifeste également dans les armes blanches ou à feu qui sont présentées à l’ultime étage. L’apport d’artistes contemporains qui amènent de l’ ironie est bienvenu au cœur des expositions de rapières, dagues, épées, pistolets, canons et carabines...

mercredi 30 mai 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 10

Nous nous engouffrons dans le métro en direction de la Laure Alexandre Nevski 
(Laure = monastère important). 
Nous voulons surtout visiter le cimetière célèbre pour ses illustres locataires. 
Nous commençons par celui de droite après avoir acquitté les droits d’entrée. 
La neige qui tombe accentue le côté romantique de la promenade, et absorbe le bruit de Nevski Prospekt qui passe pourtant tout près. 
Le gardien repère vite nos appareils photo, et nous réclame 30 R pour le droit de photographier, comme dans beaucoup d’endroits. 
Le noir des tombes ressort dans la blancheur ambiante, les plus jolies sont en bois sculpté. 
Il n’y a  là que du beau monde, artistes, peintres musiciens (Tchaïkovski, Borodine, Moussorgski, Rimski-
Korsakov, Glinka, Dargominski reposent dans le même quartier), écrivains surtout Dostoïevski. 
Dans l’autre cimetière à gauche sont accueillis plutôt les architectes de la ville, avec des espaces plus réduits entre les tombes.
Nous poursuivons notre chemin jusqu’à la Laure, payons les droits d’entrée à un pope abrité dans une guitoune de bois et nous avançons dans une enceinte carrée de bâtiments roses du 18e siècle incluant la cathédrale et un petit cimetière central. Nous rentrons nous reposer un moment dans la cathédrale ; elle ressemble plus à une église catholique qu’à un lieu de culte orthodoxe, à cause de la présence dominante de tableaux. Mais nous ne pouvons juger de l’ensemble car un magnifique échafaudage de bois encombre toute la nef.
Les « monks » (et non pas monkey !) vendent petits cierges et icônes, les croyants s’affairent à noter sur papier les noms qu’ils vont confier au pope intercesseur ; ils embrassent les tableaux, se signent à l’envers par rapport aux catholiques ; ici, ce n’est pas un musée, mais un lieu de culte en activité.
Nous rentrons tranquillement à pied jusqu’à l’hôtel, pas très loin, pour voir cette autre section de la Nevski Prospekt, chic et clean. Nous entrons en passant dans la gare de Moscou, dont l’intérieur une fois de plus n’est pas banal ! (Salle d’attente luxueuse). Nous consacrons la fin d’après midi à quelques achats, peu nombreux, l’artisanat offre moins d’intérêt qu’à Novgorod ; et sous une neige brillante et drue, magique, nous nous dirigeons vers la maison des blinis (Blini Domik) recommandée par Irina et le routard. L’endroit est agréable, chaleureux dans un décor en bois. Un bon pianiste improvise dans son coin, sur des standards connus, pour des étudiants et des familles qui se restaurent. C’est plein ; nous mangeons des blinis salés et sucrés accompagnés d’un verre de vin géorgien au goût de jus de raisin sucré. Dehors, tombent inlassablement les flocons qui brillent comme des cristaux, un autochtone dérape sur une plaque de gel comme un touriste inexpérimenté.
T° aperçue aujourd’hui sur un panneau lumineux : -8°

mardi 29 mai 2012

La campagne présidentielle. Mathieu Sapin.

Le regard candide de l’auteur de bd « embedded » qui travaille pour Libération convient bien pour se souvenir de ce bon moment : la victoire de Fanfan qui parait inéluctable à la relecture mais qui nous valut quelques angoisses, tant les défaites répétées depuis des années nous avaient rendus craintifs.
Dans sa situation d’amateur maladroit, le jeune chroniqueur à la calvitie naissante nous rend accessible Monsieur le Président de la République, malgré tout le staff dont la vie est intéressante pour qui aime la politique.
Pas de scoop, pas de malveillance, le récit de 200 jours où le candidat de la gauche fait preuve d’une santé impressionnante réhabilite l’engagement public en l’abordant depuis les coulisses qui ne sont pas parsemées seulement de pétales de roses.