dimanche 29 avril 2012

« Sale guerre pour Marcel ». Abdou Elaïdi.

La compagnie « Antidote » joue également à domicile. Madey, une des actrices nous avait invités à Voiron avec une bonne trentaine de personnes dans une maison en présence du metteur en scène.
Celui-ci en décrivant la genèse de ce projet a ajouté de la valeur à la soirée.
Marcel est « un bras cassé » inoffensif envers les sangliers familiers des campagnes d’Auvergne, biberonnant du rouge à longueur de journées.
C’est qu’il a perdu sa jeunesse dans les Aurès en allant occuper un pays plus pauvre encore que celui où il est né.
En ces terres taiseuses, à la faveur d’un soir d’orage, des paroles longtemps enfouies vont resurgir.
 Le sujet de la guerre en Algérie, que plus personne ne nomme « évènements », a pu toucher des spectateurs qui ont vécu dans un camp ou l’autre.
Le thème est toujours sensible, si bien qu’un titre nouveau « Ce qu'il était beau ton pays Djamila » peut convenir aux propos de l’auteur des « Champs de couscous ne donnent plus de blé » lorsqu’il essaye de dépasser les passions partisanes, les haines recuites pour comprendre et apporter sa part à la cicatrisation des plaies.
Le dosage entre réalisme et nécessité de faire évoluer les personnages est une affaire subtile; les acteurs amateurs très impliqués méritent les applaudissements.
Vous trouverez de plus amples informations sur le site de la compagnie : http://lesantidotes.free.fr

samedi 28 avril 2012

XXI. Printemps 2012.

Des plumes prestigieuses et des sujets majeurs pour le trimestriel en vente en  librairies:  
Emmanuel Carrère en reportage au forum de Davos où le patron de Total impressionne,
et Jonathan Littell chroniqueur à Ciudad Juarez ville frontière au Mexique, un enfer pas seulement pour le nombre de cadavres mais là bas toute humanité est chassée.
Alors bien sûr un portrait de Drucker parait bien anodin après tant de douleur, de violence.
Les châteaux en Espagne de nos cousins d’une ville nouvelle de la banlieue de Madrid où la spéculation a produit bien des dégâts constituent un versant européen désespérant
alors que les entrepreneurs du Bade Wurtemberg en cultivent la face positive.
Petites victoires au quotidien pour les femmes au Yémen en BD,
terres agricoles vendue aux spéculateurs en Ethiopie,
une île en Sibérie où face à un ours il faut lui montrer que vous n’êtes pas un phoque en l’effrayant par un bruit artificiel, un sifflet, mais ne pas crier ni courir,
l’histoire de deux adolescents suivis pendant un an depuis leur lycée dans le Jura nous repose avec leurs émotions qui rosissent leurs joues, leur joie de vivre, leur assiduité au travail qui nous sortent des clichés à propos de la jeunesse.
L’interview de Jean Christophe Victor le fils de Paul Emile et d’Eliane révèle une personnalité impressionnante d’érudition et de liberté ; c’est celui qui présente « Le dessous des cartes » sur Arte. Désormais appelée « La voie noire » qui mène d’Afghanistan en Angleterre, c'était la route des hippies occidentaux dans les années soixante, empruntée en sens inverse depuis les terres pachtounes, le périple dure des mois, et la violence tout au long est inouïe.

vendredi 27 avril 2012

Comment décider face à la diversité des convictions ?

Dans ce débat organisé par l’association « Le pacte civique » au forum de Libé de janvier 2012, ce vaste sujet avait pu accrocher le badaud incertain que je suis.
C’est de laïcité dont il a été essentiellement question ; moteur tout à fait essentiel de la cohésion nationale, sujet devenu à la fois incontournable et pris avec des pincettes par la gauche alors que c’était un de ses marqueurs .
« Pas besoin d’être de la même religion que le roi pour être sujet du roi ». 
La laïcité dépasse une vision bipolaire qui opposerait la modernité à l’Islam et ouvre les perspectives d’objectifs communs à atteindre. La violence du décalage entre grands mots et pratique génère un surinvestissement religieux. Islamistes et islamophobes se nourrissent mutuellement.
Dounia Bouzard, anthropologue, insiste sur « la transpiration humaine » façon renouvelée de revitaliser l’expression « le vivre ensemble » et sur le recours à la loi pour dépasser les divergences et les états d’âme. Elle rappelle la séparation de l’état et des cultes, sauf dans le cas des prisonniers et des soldats qui peuvent s’adresser à des aumôniers fonctionnaires.
Combien nous avons du mal à ne pas penser à la place des autres, alors que c’est déjà bien difficile de penser pour soi !
Des portes sont plus larges depuis que les architectes ont intégré la présence des handicapés dans leurs projets.
La construction d’un nouveau « Nous » peut aller vers une évolution du terme Fraternité.
Cela est préférable à des évolutions générées par les rapports de force où syndicats et management sont des complices taiseux.
La réciprocité, la neutralité permettent d’élargir les normes, les portes.
Edwin Hatton, chef de projet des luttes contre les discriminations pour la municipalité de Grenoble nous fait part de son expérience de groupes ressources qui apportent des clarifications aux professionnels confrontés aux exigences de menus hallal, de prêts de salle à des associations religieuses...
Et si la tendance de la religion à déterminer les individus s’inversait ?
Quand un individu redéfinit sa relation à la religion alors « les dieux sont désarmés » suivant l’expression du pacifiste Jean Marie Muller.
............
Dessin de Cabu :

jeudi 26 avril 2012

Barcelone d'hier et d'aujourd'hui. # 4. Picasso, Miro

Dans Barcelone au passage du XIX° au XX°, les questions identitaires se posent alors que la crise sociale révèle de grandes disparités économiques.
Les grands bourgeois financent Gaudi pendant que la misère engendre la violence.
Des attentats anarchistes se déroulent en 1893 au théâtre et l’été1909 connaît une semaine tragique.
Les artistes sont concernés et deux clans s’affrontent.
Le noucentisme, renouveau catalan, mouvement éthique et esthétique dans le domaine de la peinture allie « le classicisme, le méditerranéisme cézannien, le baroquisme autochtone et le popularisme ironique ». L’Avenc en est la revue principale. Une grande effervescence intellectuelle règne, les cercles de peinture sont des lieux de partage. Les réunions se multiplient, les tavernes exposent.  
Picasso accroche ses toiles en 99 aux « 4 Gats ». A Paris le natif de Malaga participe à des revues artistiques et littéraires comme « La Revue Blanche ». Ses toiles ont les mêmes sujets d'inspiration qu'un Renoir ou un Manet. Les artistes catalans de Paris sont aidés par Pétrus Manach, pendant l'exposition universelle de 1900 par exemple. Entre période bleue et période rose, Picasso réussit, il est très bien intégré au marché parisien jusqu'en 1906. Après avoir vu l'expo, il change complètement (ex : les demoiselles d'Avignon) : son style se renouvelle, devient hétérogène ; il provoque : la révolution fauve l'a transformé. Miro a lui aussi un ancrage catalan et participe à des revues artistiques et littéraires à Paris (Nord Sud de Reverdy). Proche du dadaïsme et du surréalisme, il est très peu compris à l'époque. Son tableau, « La ferme », aimé par Desnos est acheté par Hemingway. Miro bascule vers le surréalisme par chocs visuels. La matière picturale, comme chez Tapies prend toute son importance. Le pavillon de l'Espagne, à l'expo de 1937 montre un programme changé, politique : Guernica, photos, témoignages …
D’après les notes de Dany à la conférence de Gilles Legat pour les amis du musée de Grenoble.

mercredi 25 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 8

La vue à la sortie des murailles est bien jolie vers le Volkhov et le pont menant au marché, mais nous rebroussons chemin vers le Mercedes et nous prenons la direction du monastère St Georges (Yourev). Nous n’en verrons pas grand chose, sinon l’extérieur. Nous n’entrons même pas dans l’église centrale toute blanche, comme l’ensemble des bâtiments, mais nous visitons la « cathédrale » moderne de l’Exaltation de la croix sans grand intérêt à part le fait d’être coiffée de cinq bulbes bleus à étoiles. La température n’est pas clémente ; pourtant une dame au visage doux n’hésite pas à tremper ses mains dans une bassine d’eau pour procéder au nettoyage du lieu saint. Nous quittons l’enceinte carrée du monastère tous assez peu passionnés par les commentaires et la visite de Tatiana. Le chemin du retour passe à proximité d’autres édifices religieux, certains en bois au milieu des arbres, et à proximité du lac Illmen gelé, car peu profond (seulement 4 m pour ce lac artificiel destiné à la pêche à la carpe).
Tatiana nous abandonne dans un restaurant où elle a passé commande : 1er plat : salade russe avec petits bouts de porc, 2ème plat : gratiné avec petits bouts de porc et champignons ; 3ème plat : soupe bien chaude légumes et petits bouts de porc ; 4ème plat : plat de résistance : côte de porc au goût de jambon et purée en forme de nems Dessert : croissant fourré Ouf ! Très bon et nourrissant ! Dehors, les flocons de neige s’épaississent et se déversent généreusement pour céder la place au moment du dessert à un ciel bleu et un soleil éclatants. Nous n’attendons pas la fin des agapes, nous avons repéré une adorable ruelle bordée d’isbas très photogéniques que nous voulons imprimer dans nos appareils photos. Les conditions sont idéales. Tatiana nous propose ensuite une promenade au marché. Du marché endommagé par la guerre, il ne reste qu’une arcade blanche au bord du fleuve. Mais dans les parages s’élèvent sept églises blanches (sauf une) à bulbes, toutes différentes mais toutes dévastées à l’intérieur. Quelle beauté ! Sous l’habillage de la neige, nous devinons les espaces verts, les lilas. Ces églises furent édifiées par les guildes commerçantes du moyen âge, par corps de métiers et régions d’origine, comme lieux de protection.
Pendant notre promenade, une sirène de police insistante devance l’apparition d’une procession de véhicules, celui de la police puis de quatre chasse-neige dotés d’un récipient sur leur remorque, sans doute le sable (couleur brune) et des produits chimiques (en bonbonnes). Nous découvrons l’artisanat local tout à côté, joli magasin assez original sans une trace de poussière puis nous quittons Tatiana et prenons avec Igor le chemin du retour. Les éclairages sont extraordinaires avec le soleil couchant et le temps changeant. Nous rencontrons des problèmes de circulation dès Moskovski Prospekt, St Pet’ s’ouvrant au capitalisme devra apporter une solution assez vite pour y remédier ! Deux d’entre nous se dévouent pour aller faire quelques courses de victuailles à l’épicerie et nous nous réunissons au 429 afin de déterminer le programme des 2 jours restants avec vodka et amuse-gosier.

mardi 24 avril 2012

Notre mère la guerre. Maël &Kris.

Pendant que les hommes se tuent allègrement en 14, des femmes sont trouvées mortes dans les tranchées. Un officier de gendarmerie enquête. Nous le suivons depuis l’arrière où nous nous trouvons jusqu’en première ligne.
Le procédé est éprouvé pour nous faire partager l’absurdité de cette guerre : il est question de lettres envoyées depuis le front, passage obligé, comme les mots de Péguy et Hugo qui viennent poétiser une rude réalité noyée de pluie.
L’aquarelle qui a pris des teintes dans la craie de Champagne convient bien au récit bien mené mais ne tranchant pas avec les productions habituelles retraçant un épisode ouvrant le XX° siècle.
« Ah çui-là, j’te jure !...On en fera un soldat le jour où les généraux auront un cerveau…L‘a rien à faire ici ! Il serait une souris qu’il serait capable d’aller pioncer dans la gamelle d’un chat !"
 J’ai compris avec retard l’étonnement d’un de mes amis devant le titre que j’avais reproduit à l’intension de mes élèves : « la grande guerre ».
Elle n’avait bien sûr rien de grandiose cette boucherie colossale : 10 millions de morts.

lundi 23 avril 2012

38 témoins. Lucas Belvaux.

Ce film interpelle sur la fragilité de nos témoignages, le poids de nos lâchetés, la culpabilité, la tranquillité, les silences.
Il est question aussi de la défausse banale : « je ne veux pas juger » qui ouvre la porte à tous les renoncements et fertilise un monde où n’existe plus ni bien ni mal.
Même si certaines scènes peuvent paraître artificielles, et si parfois moins d’exaltation aurait mieux convenu à l’atmosphère du film, des sujets essentiels sont abordés à la fois personnels et politiques.
Je n’ai pas boudé non plus mon plaisir esthétique où l’océan, le port du Havre, la rue sont davantage qu’un décor.
Quand on entend Apathie, symbole de ces médias donneurs de leçons et ordonnateurs des émotions collectives, nous sommes au cœur de nos quotidiens.
La recherche du coupable du crime est reléguée au second plan, c’est notre position de « voyeur » permanent qui est interrogée alors que les témoins qui n’ont rien entendu sont sous les feux.
Les films que nous consommons à la pelle, ne sont-ils pas des variantes des reconstitutions policières ?
Si j’ai compris après coup les agacements que peuvent susciter le personnage féminin, proclamant son amour mais ne parvenant pas à aider son fiancé, cela n’avait pas perturbé mon intérêt.
La « non assistance » va bien au-delà de celle qui s’est fait poignarder.
J’ai pu approfondir « le syndrome de Kitty Genovese » apparu lors du fait divers qui avait inspiré le livre de Didier Decoin et le film :
plus il y a de témoins, plus la responsabilité se dissout, et moins chaque individu prend ses responsabilités.