vendredi 11 juin 2010

Seul le silence. RJ Ellory

Saisissant l’opportunité d’une déclaration admirative dans les travées de la librairie du Square, je m’emparais de ce livre pour le lire dans l’avion qui nous a emmenés à New York. Je n’avais pas remarqué la mention thriller sur la couverture et je me laissais séduire par le style : « C’était logique que les oreillers soient remplis de plumes d’anges. C’était de là que venaient les rêves. » La description de la vie d’un enfant en Géorgie dans l’Amérique des marais, me plaisait ; et puis je me suis lassé, peut être à partir du moment où Brooklyn figure dans le décor et j’ai fini plus tard les 600 pages par devoir. Les cadavres démembrés de 32 fillettes commençaient à peser et la culpabilité du narrateur écrivant des romans dans le roman devenait lourde. J’avais failli aimer un polar, et même si l’écriture est séduisante, je préfère que pour l’intensité les romans ne comportent pas forcément autant de fillettes découpées. Le lecteur érudit qui alimente le site « Autre monde » à portée de clic sur la droite de ce blog m’avait peut être influencé dans ce désenchantement, mais cela m’avait amusé que l’on tombe sur le même livre en même temps, et j’avais remarqué aussi après coup que ce que je prenais pour de l’efficacité des auteurs américains venait d’un anglais. Mais c’est bien bon d’être leurré parfois. « Lorsqu’il parlait, il s’exprimait sur un ton bourru ; il avait un penchant pour les mots à coucher dehors : inclination, intrinsèque, astreignant. Chaque phrase était mûrement réfléchie, soupesée et évaluée, comme s’il jouait au poker avec une mise à mille dollars »

jeudi 10 juin 2010

L’arte povera.

Une tribu plutôt qu’un mouvement, née dans les années 60: des plasticiens italiens utilisent des matériaux tels que toile de jute, terre, chiffons, des éléments naturels pour contester la société de consommation. Cependant l’usage de tubes de néon déroge à ce qui pouvait apparaître comme une caractérisation. Des citations de l’art classique ajoutent à la poésie exigeante de ces œuvres où les exégètes révèlent des références à la pensée franciscaine. De vrais chevaux dans une galerie amenés par Kounellis, les tas de vêtements avec statue de Vénus de Pistolletto, les spirales, les huttes de Merz sont caractéristiques de cette attitude dans l’art contemporain où Penone avec une éponge posée sur un rail confronte la nature à la culture et amène dans d’autres installations le temps comme élément de réflexion.

mercredi 9 juin 2010

Bi, dang so. (Sois fort). Phon Dang Di

Un spectateur de ce deuxième film Vietnamien présent à Cannes après « L’odeur de la papaye verte » parlait à la fois de la pudeur et de l’impudeur de cette production qui va fouiller sous les lits, avec des protagonistes qui s’enferment dans leurs secrets, leurs solitudes. Pourquoi le fils refuse de voir son père revenu vivre ses derniers jours dans la maison de la belle fille qui va se consacrer à lui ? La tante échappe au célibat mais les perspectives de vie heureuse ne sont pas évidentes. L’enfant, pourrait apporter un peu de fantaisie dans cet univers moite, mais le jeu du jeune acteur, un peu cabotin,amoindrit ce regard. Le sexe est triste ou violent, et le thème de la glace constitue un « truc » narratif qui appelle forcément la boutade : le spectateur reste de glace, même quand il est fait un usage inédit d’un glaçon. On ne s’ennuie pas mais aucune trace sympathique ne subsiste malgré la beauté des femmes; je m’en veux de ne pas sortir du préjugé de l’impassibilité des hommes de là bas.

mardi 8 juin 2010

Lovecraft

Cet écrivain américain est une référence pour les amateurs de littérature fantastique où l’horreur fait partie des sensations recherchées. Mon humour est vraiment limité sur ce terrain, puisque les effrois du réel me suffisent, je m’obstine à rester à l’écart des mystères des ténèbres. Et le politiquement correct, qui est trop souvent vu comme péjoratif alors qu’il est une barrière humaniste, me conduit ici à ne pas aller plus en avant avec quelqu’un qui fut un raciste halluciné.
« Les ongles fétides du cadavre lacérèrent les chairs jusqu’à ce que la douleur horrible de quelque blessure lui brûlait les mollets »( j’aurais plus volontiers écrit « lui brûle », en gothique).
Ils se sont mis à trois : Rodiounoff, Giffen et Breccia pour rendre compte de la vie de souffrances d’un Lovecraft dévoré par son œuvre qui ne connaît pas de répits, ne serait ce que l’espace d’une planche de bande dessinée.
Malgré mes réticences, j’ai trouvé le récit habile, le traitement des fantasmes intéressant, de même que l’ambigüité entre le réel et les visions effrayantes. Même si les chats maigres aux yeux exorbités, et les chèvres noires aux entrailles tentaculaires me séduisent bien peu, ces artistes nous laissent quelques cicatrices.

lundi 7 juin 2010

Les secrets. Raja Amiri

Trois femmes squattent une maison abandonnée quoique belle où le fils de l’ancienne propriétaire revenu dans ses murs avec une jeune fille moderne ne s’aperçoit pas de l’existence de ces oubliées. Indifférence et différences de classe, avec par-dessus le marché, un secret de famille bien lourd dont la révélation va tourner au massacre. La problématique de la recherche de la féminité est marquée par des chaussures à talons, du rouge à lèvres : schématique. La folie est la seule issue au bout d’une succession d’invraisemblances qui rend ce film pesant. L’affiche était bien jolie avec des airs de laitière de Vermeer en pays méditerranéen et le sujet des femmes au Maghreb est certes crucial, mais ce traitement sous forme de fable ne me semble pas faire avancer la cause des opprimées.

dimanche 6 juin 2010

Clarika

Je viens de découvrir grâce à la chanson épatante « Les garçons dans les vestiaires » une chanteuse que je croyais toute jeunette, avec sa voix de chippie, mais elle en est à son quatrième album et c’est un régal, tout en regrettant que sa notoriété ne soit pas à la hauteur de son originalité et de sa verve.
Ainsi ces paroles de « bien mérité » qui renouvelle le thème de
« né quelque part » :
« Et tant pis pour ta gueule si t'es né sous les bombes,
bah ouais, tu l'as bien mérité.
T'avais qu'à tomber du bon côté de la mappemonde,
bah ouais, tu l'as bien mérité.
Si la terre est aride y'a qu'à trouver d'la flotte,
bah ouais.
Un peu de nerf mon gars pour la remplir ta hotte,
bah ouais.
On prend pas un bateau si on sait pas nager,
bah non »

Elle chante en duo avec Lavilliers et ça lui donne un bon coup de jeune au Nanar:
« On se dévore des yeux
Sous la lune sanguine
Et on s'croit plus malin
Et on n'a peur de rien »

C’est vraiment bien, drôle, enlevé, sans concession. Léger et attachant.
La poésie du quotidien, mais c’est pas le tout, « il faut qu’on se quitte », la mère et l’enfant.
« Allez va, allez dégage, allez tire-toi, tire-toi et cours
Plus tu grandiras, plus tu prieras pour qu'à mon tour
Je te lâche enfin la main et tout le reste pour qu'un beau jour
C'est ta vie, va
Aller viens-là que je t'enlève ton blouson
C'était comment aujourd'hui et ta leçon?
La maîtresse m'a dit qu'elle t'a mis un A
Pour la peine ce soir open bar Nutella »

« Et rien de tel qu’une petite chanson » pour dire l’absurde sur une musique qui assure.
Elle voudrait « danser comme Shakira sur des textes de Barbara » et elle a des petites pas mal qui prennent la suite : Olivia Ruiz, Anaïs, Jeanne Cherhal…

samedi 5 juin 2010

Caméras ou vigiles ?

De réunions en réunions, quand nous avons fini de discuter sur l’engagement citoyen ou les difficultés des MJC, nous nous donnons des nouvelles. Et le décompte des voitures brulées a tendance à revenir régulièrement dans ces conversations, mais nous nous gardons de tenir des réunions sur la question.
Nous serions contraints à choisir entre caméras et vigiles et n’entendons plus ceux qui replacent ces problèmes de violence quand « la haine de soi se décharge sur les autres » dans une évolution néfaste de la société.
Jean Pierre Le Goff dans Marianne : « La précarité socio économique et l’effondrement de la cellule familiale produisent des effets puissants de destruction anthropologique qui rendent possibles ces actes de violence non maîtrisés. »
« Le travail… permet la confrontation avec les limites du possible et il est une condition essentielle de l’estime de soi par le fait de se sentir utile à la collectivité et de pouvoir être autonome en gagnant sa vie ». Famille et travail.
Cette approche qui désigne l’opposition entre répression et prévention comme un faux débat, souhaiterait la reconstruction problématique d’un éthos commun même si cela ne se décrète pas et en appelle à une réflexion de fond sur les causes de ces phénomènes de violence loin des excuses angélistes où tout était affaire de conditions économiques et sociales.
A regarder les évolutions de la MJC, nous ne sommes pas loin du sujet quand nous regrettons la séparation de l’animation enfance, de celle des jeunes, « les débordements de violence étaient maintes fois jugulés par la collectivité imprégnée d’une morale commune». On pourrait penser que lorsque tu as connu le « rouilleur » quand il venait à la poterie, il y aurait des chances qu’il ne manque pas du RESPECT à celui qui s’occupe aujourd’hui de son petit frère. Ce n’est pas gagné : des petits garçons élevés au Maurice Carème roulent aujourd’hui des pelles à des pitbulls.
« On a dressé la table ronde
Sous la fraicheur du cerisier
Le miel fait des tartines blondes
Un peu de ciel pleut dans le thé.
On oublie de chasser les guêpes
Tant on a le cœur généreux… »

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"Quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, c'est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité" Martine Aubry.
Le dessin est du canard Enchaîné: