mardi 14 octobre 2008

Slam à la bib


Bastien Maupomé - on a du lui dire 768 fois- avec un patronyme pareil ; il était voué à nous aider à les retrouver, les mots.http://mots-paumes.blogspot.com/ Mission accomplie avec brio, dynamisme, générosité. Les bibliothécaires de Barnave n’avaient de cesse d’aller chercher de nouvelles chaises pour accueillir le public qui avait répondu à leur invitation pour une scène ouverte animée par le slameur sus nommé. Du Vincent Rocca pour la virtuosité des jeux de mots, le sourire de MC Solar et une énergie bien à lui. Ce frère bien élevé du rap possède une vertu qui manque parfois à ce type de déclamation : l’humour. Il est cocasse de constater que certains rappeurs ailleurs ont une emphase aussi plombante que des poètes ronflants du XIX° siècle. Des conteurs traditionnels, des lecteurs amateurs qui alternaient avec les séquences du Bastien, ont gagné en écoute par la conviction du meneur de soirée. Je prends trop souvent la posture du vieil instit 3°république pour ne pas être soupçonné de jeunisme. En ne boudant pas mon plaisir à apprécier du slam, je n’ai pas l’impression de rejoindre la cohorte de ceux qui se refusent à vieillir. Je trouve que par cette forme enjouée, avec un engagement politique qui éloigne de la futilité, la poésie est gagnante. La variété du public ne pourra que s’étendre tant le talent de B. Maupomé est prometteur.

lundi 13 octobre 2008

« Phèdre (à peu près) » chez soi.


Notre copine Madey nous avait invité avec une vingtaine de ses connaissances à une soirée théâtre chez elle. Dans le séjour débarrassé de ses meubles, les comédiens jouent dans des conditions à peine plus exiguës que dans certains lieux du off avignonnais. Si les variations autour de ce classique doivent beaucoup à l’autorité d’une prof de français comme on n’en fait plus trop, les deux potaches ne manquent pas de sel. Les deux acteurs,Benoit Olivier et Maurice Hebert, n’en sont pas à leur coup d’essai et ils se produisent aussi dans des salles. Vous pouvez faire appel à eux : mail : cyrano.roxane@orange.fr. Ce « Phèdre (à peu près) » n’est pas que burlesque et parodique : subsistent quelques morceaux de Racine à la langue si pure qu’elle passe dans ces conditions comme belles lettres à la poste. Ce genre de drame absolu paraîtrait outré dans une série télé d’aujourd’hui, cependant cette façon d'énoncer pose un voile sur des situations monstrueuses (inceste).

dimanche 12 octobre 2008

« La crise de l’état providence »


Si les magazines étaient audacieux, voilà un titre qui aurait été original dans la période. Personne n’entrevoit clairement les conséquences qui résulteront de l’écroulement actuel, mais pour rester dans le mode goguenard où nous baignons, le spectacle des libéraux qui nous « gouvernent » pourrait nous réjouir. Les milliards poussent comme girolles après Tchernobyl ; alors que certains pinaillaient encore autour un p’tit milliard pour le RSA.
Ce samedi matin, il faisait un temps à arpenter les sentiers de montagne plutôt que de s’asseoir dans une salle même pas enfumée. Et pourtant je me suis pris à apprécier la prestation de quelques hommes politiques à une tribune sans effets rhétoriques : Destot et Migaud (c’est pas zéro !) entre autres. Loin des caricatures de politiciens, il y a aussi des hommes dévoués à la cause publique. Ils venaient nous donner des nouvelles de la crise, de ce qui s’en suit pour les collectivités locales et de ce qui a précédé dans le désengagement de l’état. Les problèmes aigus des subprimes ont un an d’âge avec leur cohorte de châteaux des cartes (bleues) écroulés. L’état qui a renoncé aux réflexions à long terme, court.Aujourd’hui la Dotation Urbaine de Solidarité révisée pénalise les communes qui ont produit des efforts pour le logement social. Le budget du ministère du logement de C. Boutin est en régression.Le choc de croissance est là : les taxes issues des transactions immobilières chutent.
Finalement cette réunion d’élus de gauche m’a remotivé. Nous ne cessons de nous prendre des claques et pas seulement de la main invisible du marché. Alors, j’aurai bien aimé que mes amis renseignés par les gazettes de la moindre petite phrase - surtout si elle est vache - des soc’s entre eux, soient là, eux qui vouent aux poubelles de l’histoire le P.S., et la gauche en général aux encombrants à évacuer. Ce socialisme local, est déterminant : 75% des investissements publics viennent des collectivités locales. Un pare-feu pour conserver les services publics qui sont le patrimoine des gens modestes.
Tiens, le salon du livre jeunesse à Montreuil avait choisi cette année le thème de la peur ; des fois les littéraires anticipent mieux que les économistes.

samedi 11 octobre 2008

« Une semaine de vacances »


C’est ce que disent tous les clients à l’auteur du livre, J.M. Aubry, accompagnateur en montagne quand il emmène son groupe à la découverte de sommets dans le briançonnais. En nous racontant tous les petits incidents de cette randonnée, cette semaine s’avère ne pas être une promenade de santé. Ou plutôt si ! Comme le narrateur est un marrant, les faiblesses humaines se révèlent jubilatoires, et les situations banales, vivement croquées, un régal. Le rire guérit tout ! La galerie des portraits avec l’hypocondriaque, le grossier, une Marie Chantal et aussi la prof qui sait tout… nous offrent le plaisir de la caricature en 240 petites pages, sans prétention. L’humour naît souvent de la surprise, et comme c’est redoutable d’être étiqueté rigolo, genre tête de gondole pour « la semaine de l’humour », son mérite est d’autant plus grand.

vendredi 10 octobre 2008

Dernier maquis, Rabah Ameur-Zaïmeche


L’approche de la classe ouvrière au cinéma devient tellement rare que c’est avec d’infinies précautions que l’on se hasarde à poser quelques questions. L’esthétique peut-elle nuire au propos ou le sublimer ? Le ballet des chariots élévateurs déplaçant des palettes rouges m’a paru parfois un peu posé comme une installation d’art contemporain qui peut éloigner un public populaire d’un tel film soulevant pourtant de vrais problèmes et dont le tournage qui a réuni professionnels et amateurs a été une belle entreprise. Je suis toujours aussi sensible aux cadrages de RAZ et à son énergie, aux tensions qu’il sait nous communiquer. La religion une fois de plus est instrumentalisée pour gagner un peu de paix sociale, la fracture ethnique s’en nourrit, elle n’est pas là pour sa vocation première : relier. C’est bien dans le lexique où figure le terme « lutte des classes » qu’au chapitre religion on trouve : « opium du peuple ».

mercredi 8 octobre 2008

Arts plastiques (« Faire classe »#5)


A la façon d’un dictionnaire amoureux de l’école primaire, j’effeuille désormais la marguerite des matières à enseigner par ordre alphabétique, passionnément.
A, comme artistes que sont devenus souvent nos propres enfants à juger par l’échantillon restreint mais parlant de la descendance de mes amis pédagos. Nos dynasties se sont dirigées vers ces professions bohèmes, pour la beauté, la gratuité du geste permises par la sécurité de l’emploi des parents, sur fond de posters de Picasso accrochés très tôt dans les chambres des logements de fonction.
A comme art. Comment ne pas prendre la grosse tête dans ce boulot ?
Nous croyons dans ces domaines créatifs côtoyer l’essence de la vie. Ces lieux sont hantés par les génies, et nous finissons l’heure à l’éponge et au balai, à frotter les taches persistantes à l’essence de térébenthine. J’ai toujours goûté ces mélanges : le grossier et le sophistiqué, le pinceau en poil de martre et le balai de genêts dans les étables sombres. J’abuse des métaphores mais suis agacé des euphémismes qui hésitent devant l’appellation d’un chat. La culture se frotte à la nature et le trivial à l’idéal.
Dans ces contrées de carton bulle et de papier de soie, j’ai toujours l’impression de proférer une incongruité en nommant l’art en tant que discipline, pour le temps que nous avons à consacrer à la carte à gratter, au métal à repousser. Comme en pédagogie, se dupliquent dans le domaine esthétique où la main intervient pourtant, les excès de bavardages concernant en particulier l’art contemporain. Les images sont noyées sous les mots.
Entre parenthèses : quand l’acrylique est mise de côté, les lieux d’installations se couvrent de sang à défaut de sens. Ils squattent souvent d’anciens lieux d’industrie. Le « magasin », la « faïencerie », la « chaufferie », salles de spectacles ou d’expositions ont pris les noms des lieux où travaillait une classe : l’ouvrière. Maintenant les classes s’y pressent : les culturelles.
Cependant, sur un nuage mignon, dans nos écoles « Prévert » et « Pierre Perret » les secrets des muses seraient à portée de petites pattes et grands yeux. Quelle douce fraîcheur faut-il cultiver pour accrocher aux cimaises d’un jour les productions enfantines ?
Les enjeux pédagogiques se visualisent pendant cette heure : la liberté peut tétaniser et la contrainte anime, spectateur et acteur, admirateur et iconoclaste, créature ou créateur, une corde peut s’ajouter à chaque harpe. C’est seulement quand les instruments sont posés que l’ampleur des contradictions apparaît : est ce que l’individu est plus libre, plus créatif lorsqu’il ignore l’histoire, lorsqu’il s’émancipe de la culture ?
L’histoire se rejoue avec les enfants depuis le coup de fusain sur le rocher en papier kraft jusqu’au hasard de l’instant. La modernité commence quand ?
Renouveler les affichages, sinon le regard se lasse. Le dessin qui se décolore au soleil, l’adhésif qui se desquame disent trop l’abandon. Qui fera le recueil des panneaux d’affichage à l’extérieur des écoles qui ne savent souvent mettre en vitrine que les dates des vacances, ou la liste des parents élus ? Des progrès sont en cours, l’école apprend à se valoriser quand plus rien ne va de soi.
Le temps de préparation et de bouclage est des plus important dans cette matière. Sans compter des minutes de parcmètres pour fouiner dans les papeteries à la recherche d’astuces et de beaux papiers : les bonnes odeurs dispensent de décompter en heures supplémentaires.
Une organisation réfléchie de la salle de peinture autorise un gain de temps et d’argent avec des meubles adéquats pour ranger papiers divers et recueillir les chutes à recycler, les pinceaux à la durée de vie aléatoire, les colles, les encres, les craies, le peintures en tube, en pot, en rails. Du matériel de qualité préservé permet le soin et magnifie les productions. Le temps de rangement, nettoyage peut être qualifié de civique mais il y a encore à se gendarmer pour que le maladroit fainéassou ne laisse pas aux fillettes le soin de ranger ses œuvres et accessoires. Temps de stress, révélateur des ambiances de classe. Temps de plaisirs et de travail quand pour mettre en valeur il faut du temps.
Des classeurs avec pochettes en plastique protègent des reproductions d’œuvres diverses qui amorceront un travail de début d’année dans le but d’expérimenter les différentes techniques, prendre connaissance de productions de maîtres appartenant au patrimoine. L’angélus de Millet descendu de son calendrier sera reproduit aux crayons de couleurs, Miro choisi pour sa simplicité contentera celui qui se juge comme nul en dessin, alors que Dürer au stylo à bille rencontrera volontiers le minutieux ; Van Gogh en papier déchiré, De Staël à la craie, un égyptien de profil à l’encre, Matisse à la gouache. Cette réserve constituera comme dans d’autres domaines un pense-bête, un recours quand le travail proposé dans l’heure se termine ; ce stock attend dans le coin images où un magazine consacré à Di Rosa côtoie quelques beaux livres comme il s’en publie au moment des fêtes avec Magritte qui étonnera, et le catalogue des œuvres du musée où se réviseront les impressions premières. Des boîtes à fiches permettent des manipulations aisées et les éditeurs sont prolifiques. C’est de l’histoire active de l’art. « La liberté guidant le peuple » de Delacroix représente un moment de l’histoire des hommes et de la peinture. Comment dissocier l’art de l’histoire quand les cathédrales se profilent, où que l’on peut marcher dans le tableau d'un empereur après tant d’autres ?

« Entre les murs » : au-delà.


Quelques mots encore autour du film de Laurent Cantet qui a déjà apporté quelques pièces rares au paysage cinématographique français (« Ressources humaines »).
Le personnage du principal me plaît bien, avec sa façon de parler toujours maîtrisée. Le regard qu’il porte sur sa communauté éducative n’est dénué ni de lucidité ni d’humour. Quant à sa position vis-à-vis des élèves, s’il n’a pas les oripeaux de la branchitude, il a plus de respect à leur égard que bien des démagogues, cependant rares dans ces portraits. Je suis volontiers le professeur d’histoire géo qui se veut plus cadrant au départ pour éviter les débordements qui se fracassent au bout des renoncements. Il préfère prévenir que sévir trop tard.
Le film aurait pu titrer : « malentendus » tant les mots font barrage entre tous les partenaires de l’école. « Ma mère s’excuse en mon nom » traduit l’élève exclu. Médiateurs, traducteurs, les mots à qui sont-ils ?
Cette affaire de tchatche me taraude depuis nos revendications de lycéens en 68. Nous avions demandé un bac à l’oral le déguisant ainsi de vertus démocratiques alors que ceux qui avaient l’aisance du verbe, le devaient plus à leur assurance de classe sociale qu'à leur travail dans des classes surchargées. Plus tard, les mots des praticiens des mouvements pédagogiques, une fois récupérés par ceux qui allaient s’abstraire du brouhaha des classes, ont perdu bien du sens en route. Ce qui était le fruit de libres démarches a tourné au pathétique bureaucratique quand le conformisme s’en empara. Lorsque la norme « papa cool » s’est imposée auprès des pères arrivant du bled, ceux-ci privés de leur ceinturon en ont perdu leur dignité. Les mots - ces pétasses - n’échappent pas à leur contexte.