mercredi 1 octobre 2008

Matériel (« Faire classe » # 4)

Service de table pour 24 convives :
- chaque écolier possède plusieurs porte-vues pour insérer des quatre pages (un A3 recto verso plié en deux) : un pour la lecture, un autre pour la géométrie, un pour le vocabulaire. Les feuillets baladeurs se raréfient. Ils séjournent provisoirement dans la pochette qui voyage dans le cartable, de l’école à la maison, afin de révisions.
Une mode pédagogique voulait à une époque qu’un livret d’orthographe par exemple suive l’apprenant tout au long d’un cycle pour assurer une cohérence, mais au bout d’un an il se sent parfois un peu chiffon. Je crois plus à l’impulsion d’un état de grâce qui se renouvelle chaque année avec le cahier aux pages vierges et les bonnes intentions à neuf.
- Un classeur classique reçoit les quatre pages en histoire, géo, sciences, éducation civique.
- Le bloc sténo pour les tâtonnements évite le gaspillage de belles feuilles.
- Correction quotidienne d’un cahier de maths, de français qui recueillent les exercices rédigés. Première page customisée par chaque élève qui s’approprie ainsi son outil de travail. Il n’y a plus de photocopies ici qui entreraient dans la composition d’un super Big Mac de papier.
Je mettais un point d’honneur à ce que les documents distribués par ailleurs aux élèves ne comportent pas cette marge noire qui trahit « l’occupationnel » de coin de table. Le soin apporté à la préparation engendrera le soin de ceux à qui sont destinés tous ces exercices les plus variés possibles qui puisent à des manuels hétéroclites, aux sites les plus divers pour éviter la modélisation, le formalisme, la routine, la réponse mécanique.
- Les livrets thématiques de facture soignée peuvent être complétés rapidement de quelques terminaisons, barbouillées au surligneur ou complétées de croix, de flèches et de liens afin d’aguerrir les apprentis en leurs exercices d’entraînement rapides.
Des recueils de poèmes, de contes complètent cette petite bibliothèque usinée par les années. Ces livrets d’entraînement construisent une face speed des apprentissages avant la lenteur des inscriptions appliquées.
Ils ne constituent pas une individualisation pure et dure du travail mais ménagent, ce qui fut un slogan de France Inter, les pleins et les déliés.
Lorsque j’ai pu mettre à la disposition des enfants suffisamment de matériel (livres, fichiers, magazines, objets renouvelés dans le musée de la classe, apports de la maison, jeux…) accessibles quand le travail obligatoire est fini, j’ai gagné en sérénité dans la gestion de la classe. Quoi de plus fort que ces moments où chacun est à son œuvre ! Les véloces ne sont plus vacants, les lents s’activent.
Les programmations pensées à l’avance peuvent accueillir l'imprévu, l’ordre rassurant des mécaniques bien huilées permet de goûter la liberté ; les limites du collectif laissent dire les timidités individuelles.
Les contraintes m’ont libéré, moi qui étais naguère plus soumis à l’improvisation au gré des intérêts, que je percevais, des enfants. Elles m’ont permis d’équilibrer les matières, de respecter ce qui est prévu pour vivre la variété, multiplier les entrées en réussite.
Dans une journée : un poème de Jacques Charpentreau passe, les fractions s’éclairent, le passé composé se met en ordre, la bibliothèque s’ouvre dans le bâtiment voisin, nous corrigeons un extrait de « la guerre des boutons », nous rangeons la salle de peinture. Beau métier.
Ces dispositifs décrivent le temps.
En ce qui concerne l’espace, des architectes nous ont gâtés. Même s’ils n’ont pas retenu toutes nos suggestions concernant un mûrier à planter pour les vers à soie, le rêve d’un atelier où l’on puisse faire du bruit, laisser des copeaux et de la poussière, ou nos remarques basiques pour des toilettes extérieures.
Nous avons échappé aux couloirs sans imagination pour bénéficier dans une école neuve de coursives lumineuses propices aux affichages renouvelés, de jolies salles bien insonorisées, avec vue sur l’étang, et la diminution des effectifs venant, de nombreuses salles à vocation spécifique : - ainsi un hall avant l’entrée en classe pour les portemanteaux, des affichages encore, un lavabo, des ordinateurs, la caisse des ballons et des jeux de cour ou d’intérieur, de grandes tables pour les travaux en devenir,
- une salle de peinture, travaux manuels,
- la salle de sciences, d’anglais, musique et pour les séances solennelles où des débats plus longs doivent se dérouler, tables disposées en U,
- petite salle audio-visuelle sans chaise ni table, à deux pas.
Tout se joue dans les détails pour parodier les tics du langage sportif et ajouter un sourire que font naître des mots trop amples décrivant une histoire de pantoufles. On quitte ses chaussures au seuil de la classe, elles sont rangées dans des casiers tout propres, comme l’ont suggéré les femmes de ménage. Ainsi fut fait et nous pouvions voir comme un rite qui imiterait la mosquée où se laissent au dehors les soucis qui vous collent aux semelles : carrément le sanctuaire laïque.

mardi 30 septembre 2008

La diversité culturelle et la world culture.

Dans l’auditorium réservé au débat de Libé, la diversité valait surtout pour la personnalité de ceux qui tenaient le micro : la jeune adjointe (P.S.) de la ville de Reims Sarah Ouaja Ok au prénom juif, et au père tunisien dont la famille n’a pu obtenir la permission d’assister au mariage de l’élue de la république avec son promis turc, et le lunaire Jean Paul Goude né pendant la guerre dont le fils américain est peu apte à la curiosité revendiquée par les deux discoureurs. La modératrice comme on ne devrait pas la nommer, pas plus qu’animatrice, n’a pas accompli son travail avec sérieux. L’approche poétique de l’organisateur du défilé du bicentenaire de la rév’ française était certes agréablement décalée mais parfois laconique. Le vaste sujet n’a pas été vraiment approfondi; la vacuité des mots apparaît crûment quand des artistes venant d’ailleurs sont arrêtés à nos frontières. La politique de l’immigration dicte sa loi et la patrie des droits de l’homme ne fait pas culturelle exception. Il faudra bien plus que de l’humour pour supporter ces contradictions, même s’il n’y pas que la vieille Europe qui ne sait plus se connaître ni s’ouvrir aux autres.

« Dirty week-end », Helen Zahavi

Spécialité anglaise, les dimanches désespérants ; dans les années 70, il y eut “ Sunday, bloody Sunday”, cette fois le roman est cru, cruel ponctué de cadavres. J’ai mis les doigts dans la prise ! Dans le cercle des lecteurs que je fréquente chaque mois, une des participantes avait habilement présenté le livre d’Helen Zahavi, qui se prête bien à la lecture à haute voix tant les dialogues sont vifs, tant la tension est communicative avec un monologue fascinant d’une jeune en route vers le néant. Je ne dénoncerai plus les jeux vidéo qui font perdre la notion du réel à nos jeunes; avec un tel livre, le pépère tranquille partage l’ennui absolu de la jeune femme au centre du roman, et l’accompagne dans sa rage. Le parlement anglais (années 90) voulait interdire l’ouvrage pour cause d’immoralisme : il avait raison ! Mais que c’est bien ficelé, redoutablement efficace, « méchamment bien » comme ne dit plus personne, même le diable qui eut quelque beauté paraît-il !

dimanche 28 septembre 2008

Parlez moi de la pluie

Bon titre, bons acteurs, bonne presse, bons dialogues, bons seconds rôles, fines observations. Mais pas de profondeur au sujet de la politique, malgré la publicité sur ce thème. La candidate parachutée parle, mais n’agit pas, son message est parasité par l’équipe de pieds nickelés qui la filme; il reste une caricature de la bourgeoise chez les ploucs qui ne mène pas au-delà du sourire pour la énième gnole que vous aurez à ingurgiter. Pas d’ennui, mais une impression de mollesse, pas de surprise, une promesse déçue malgré Jamel.

samedi 27 septembre 2008

Le sport un langage universel ?

Dans les colloques, tout le monde se délecte de belles paroles dénonçant le sport de compétition, mais depuis la coupe du monde de 98, qui n’a pas eu des coups de cœur, de sang ? Au cours du feuilleton hebdomadaire du championnat, la victoire de Grenoble, le petit, au Parc des Princes peut nous rassurer: tout n'est pas forcément joué d'avance. Au forum de Libé malgré la qualité de lutteur du président de sport sans frontière, il n’y a pas eu d’affrontement avec le directeur d’Human Rights Watch, à partir du moment où la distinction s’opère entre sport amateur et professionnel. Les petites gymnastes chinoises, cassées par un entraînement inhumain, ne peuvent pas traduire les mots : « valeurs du sport ». Mais celui-ci peut être un puissant outil du lien social, voire de réparateur après les catastrophes humanitaires ou naturelles. Des nuances sont à apporter pour éviter le mépris ou la béé attitude. Les médias qui dispensent volontiers des leçons d’éthique, tartinent en même temps sur le nombre de médailles, tout en chevrotant : « l’important : c’est de participer ».
Celui qui échoue au pied du podium sera ignoré et s’il n’est pas français… En même temps un match Turquie /Arménie fait plus avancer la cause de l’apaisement que bien des déclarations ; l’équipe d’Arsenal plaide plus pour l’Europe que bien des tribuns. La Chine qui s’est mise aux sports dans les années 80 ne l’a pas fait que pour la santé de sa jeunesse et les athlètes grenoblois qui avaient croqués des smarties ostensiblement pour dénoncer le dopage avec humour, avaient subi des pressions inqualifiables. C’est pas gagné !

Immigration et intégration sont elles incompatibles ?

Le Dauphiné Libéré dans le compte rendu du forum de Libé opposant Fadela Amara et Aminata Traoré a trouvé la bonne question : « Est-ce parce qu’à trop parler, on finit par ne pas se faire entendre, est ce parce que Fadela Amara n’a rien dit ou presque des actions qu’elle compte mettre en place en matière de politique de la ville […] ? Est ce parce qu’elle a une fâcheuse tendance à brandir son propre itinéraire […] C’est sans doute un peu tout cela qui a exaspéré le public… » J’en étais, et je ne suis pas très fier, après coup, d’avoir participé au petit chahut visant la secrétaire d’état. La jeune fille qui m’a fait remarquer qu’on ne devait pas tutoyer une représentante de la république avait raison. Je me suis senti un peu minable de me mettre au niveau du « casse toi pov’ con » ou des saillies de madame Amara, elle-même. Je reconnais volontiers chez l’ancienne responsable de « Ni Pute Ni Soumise » son courage concernant le voile et son énergie pour secouer ceux qui « tiennent les murs ». Je ne pense pas qu’elle soit devenue totalement soumise, mais elle doit assumer une position quelque peu bipolaire. Sa contradictrice Aminata Traoré a mis la salle de son côté avec une rhétorique juste mais trop générale : « l’immigration choisie ne fait qu’affirmer la domination économique ». « L’Afrique reste l’arrière cour où l’on va chercher les soldats, les ressources… ». « Nous n’attendons pas d’aide de cette Europe prédatrice, mais de la vérité et du respect ». Sera-elle comprise au-delà des fauteuils d’un auditorium ?

vendredi 26 septembre 2008

Quelles frontières pour l’Europe ?

Déjà que nous avons peu de prises dans nos petites entreprises, alors à l’échelle du continent où les frontières intérieures s’abolissent pendant que les frontières extérieures se surélèvent, que penser ?
Lors du forum « Libé », Sylvie Goulard et sa belle énergie de militante du Mouvement européen,ainsi que Ahmet Insel avec une profondeur plus tragique, ont pu nous intéresser vivement au sujet. Même si l’Europe est victime d’un déficit émotionnel, la question turque qui a occupé tout le temps du débat, suscite des discussions ardentes. L’Europe, qu’une étudiante écrivait € en prenant ses notes, n’est pas qu’une question de géographie ; c’est aussi de la politique. Au moment où l’Ossétie déboule devant notre plateau repas, il est urgent d’approfondir nos idées. Nous tombons dans la perplexité, quand l’OTAN vient interférer, lorsque « la démocratie, ennemie de la décision » vient perturber les calendriers. Pendant ce temps, comment accompagner la Turquie dans son rôle central au Moyen-Orient ? En politique, la gesticulation procure des satisfactions immédiates mais fugaces, l’abus du mot « Union » appliqué par exemple à la Méditerranée conduit aux confusions, aux blocages. Un débat de la qualité de celui là, qui sait affronter les inquiétudes de l’heure, peut faire durer les rêves des pionniers.