J’ai cru un moment à un exercice de style autour du tsunami
de 2011 au Japon et puis j’ai été pris par la quinzaine d’histoires qui
s’enchainent pendant 410 pages.
Elles s’interrompent pour démarrer au milieu d’une phrase passant
de la Tanzanie à Rome, de Moscou à Paris, fondu-enchainés de nouvelles
inachevées, garnis des désarrois, de rêves inaboutis d’hommes et de femmes
souvent en voyage.
« Quand on part
si loin de chez soi, ce qu'on trouve parfois,
derrière le masque du
dépaysement,
c'est l'arrière-pays mental de nos terreurs. »
La littérature portée à ce degré d’acuité est un révélateur :
« Même lui, face
au spectacle d’un lever de soleil en pleine mer, est soudain moins banal. C’est comme si sa
médiocrité révélait l’essence de quelque chose dont il serait un exemplaire
parfait à défaut d’être unique - un homme gris, dans le matin gris, face à
l’immensité. »
Les personnages présentés souvent en recherche évoluent dans
des mondes qui exaltent le plus souvent la beauté de notre terrible planète :
« …alors elle se
laisse porter au pays des merveilles et des songes éveillés - oui quelques jours
d’un bleu léger et liquide comme la pureté de l’air, ce luxe facile et cette
beauté devant elle, le lion de pierre, l’immense rampe sculptée dans le grand
escalier et le détail de cette opulence, le silence moelleux d’une moquette
épaisse d’un rouge profond… »
Ce livre fort sans être accablant, grandiose et accessible,
agile et chargé de toutes les nuances, émouvant et efficace, donne envie de
tourner les pages au plus vite et de s’attarder.
Laurent Mauvignier doit être vieux maintenant, je me dis. Ce style que tu admires me semble relever d'une exercice de style de vieux, pour vieux, d'ailleurs.
RépondreSupprimerLes sentiments de tant d'entre nous qui prennent lentement conscience que nous sommes en train de passer. Je peux comprendre, sans forcément avoir besoin de pratiquer, disons.
Quand on vit ces sentiments tous les jours, parfois on a encore plus envie de se... dépayser de ces sentiments.
Trouvé entre hier et ce matin : alors que je me désole de perdre tant de choses (en apparence acquises) dans ce monde, alors que je me désole de les voir disparaître (la grâce, la politesse, par exemple), je ne voyais pas que pour être utile à mon âge, à la hauteur de mes capacités, il me reste d'incarner du mieux que je peux ces choses qui font cruellement défaut dans un monde trop pressé pour les cultiver.
Ce serait ça, vieillir ? Etre, incarner enfin ces choses auxquelles on croit, et qu'on voit disparaître autour de nous, au lieu de se désoler de leur absence à l'extérieur de nous ?
Un beau... projet ?