vendredi 29 avril 2016

Petits bobos.

Il fut un temps où au sortir de la guerre, certains vieux osaient, pour relativiser des récriminations d’enfants gâtés:
« Ce qui leur faudrait c’est une bonne guerre ! »
Cette archaïque réplique m’est revenue en mémoire quand je commençais à énumérer quelques informations décourageantes qui finissent par peser sur tout habitant de nos zones riches.
Cette mémoire s’esquinte pour moi en ce moment autour de tombes s’ouvrant à proximité, alors que je me surveille pour ne pas exprimer à tout bout de champ que « c’était mieux avant ».
Au cours d’une journée, en beau bobo qui a abusé de bien des jeux avec les mots, choisir ses maux :
se réveiller après un sommeil trop court comme tant de mes concitoyens, se doucher en pensant que la pénurie d’eau devient un problème majeur dans le monde.
Enchainer avec un trop plein de sucre sur tartine saturée de gluten en écoutant la radio :
« Yémen, Rohingyas, Chrétiens au Pakistan, Balkany, Cahuzac, Thévenou, sur fond de ricanements en cascade… Et le sang à Bruxelles, Bamako, Grand-Bassam, Homs, Bagdad … Boko Haram, Shebab, Al-Qaïda et E.I. … »
Sur Facebook, la laïcité perd des plumes, et dans les pages de mon journal papier qui a sacrifié quelques arbres se détaillent d’autres horreurs, d’autres lâchetés, d’autres reniements, d’autres faits divers qui ne divertissent plus guère.
A activer mon blog, je participe à
« la consommation énergétique liée au web qui atteindrait, en 2030, l'équivalent de la consommation énergétique mondiale de 2008, tous secteurs confondus ! » Croissance chaude.
Faut-il redonner des graines aux mésanges qui deviendraient dépendantes ?
Les cigognes auraient tendance à ne plus migrer alors que les migrants se cognent à nos barbelés.
Des mots se perdent entre les murs des écoles : travail, respect.
Plus personne n’a envie d’enseigner, de soigner, ni de conduire des trains.
Nos légumes sont riches en intrants, les canards sont pris en grippe, le vin part en vrille, cochon qui s’en dédit et le lait de vache est toxique dit-on.
Nos déchets deviennent envahissants.
Ma voiture lâche ses particules et j’écoute des musiques de fantômes.
Ce soir ne sera pas un moment d’innocence devant des joueurs surpayés, des athlètes dopés, des matchs truqués, à la lumière de stades qui pourraient éclairer combien de chambres de ces étudiants qui viennent lire sous les réverbères de pays où l’école est encore désirable.
Dans les contrées où tremble la terre, pas besoin de calmer d’hypocondriaques recensions,  alors que j’aime pourtant remarquer que mes compatriotes, pessimistes incorrigibles, exagèrent.
Lorsque je regarde mes petits enfants et leur appétit, leur confiance, leur potentiel de mémoire, de finesse, renaît un sourire qui aurait tendance à s’affaisser.
Alors la poésie :  
« Ne dites pas : la vie est un joyeux festin ;
Ou c'est d'un esprit sot ou c'est d'une âme basse.
Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
C'est d'un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.
Riez comme au printemps s'agitent les rameaux,
Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,
Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;
Et dites : c'est beaucoup et c'est l'ombre d'un rêve. »
Jean Moréas.
Et l’humour: une histoire racontée par Orsten Groom http://www.carnetdart.com/orsten-groom
« Celle du juif qui fuit les pogroms, les guerres et les occupations depuis les confins de la Sibérie pour la Pologne, l’Allemagne et enfin la France. Là il se rue dans une agence de voyage et réclame un billet.
« Pour où ? », lui demande la femme de l’agence.
« N’importe où, loin et vite ».
«  Je ne peux pas décider pour vous. Prenez ce globe terrestre, faites votre choix ».
Le type le tourne, le tourne, et finalement demande:
« Vous n’en auriez pas un autre ? ».
……
La photographie en tête de l’article est de Kristoffer Eliassen parue dans Courrier international ainsi que le dessin ci dessous du Journal Belge « Le Soir ».

2 commentaires:

  1. De toute façon, Guy, on va retrousser les manches, se mettre au travail, et continuer, en essayant de ne pas trop chouiner parce qu'on est déçu de la faillite de nos idéaux, hein ?
    C'est ça, la vie.
    Et le printemps est beau, n'est-ce pas ?
    Les journées s'allongent, les mésanges viennent picorer les graines de tournesols pour nourrir leurs couvées.
    Il ne faut pas trop écouter les gens qui s'obstinent à... gâcher notre plaisir du matin au soir.
    Mais... je tiens à mon pessimisme structural. Pessimisme pour l'Homme comme animal. Mais... quand le bateau coulera, je vais sombrer avec, en chantant...
    C'est ça, la vraie noblesse.
    Bon courage à toi. Seneque aussi est passé par là. Tu es en bonne compagnie.

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  2. Le soupçon s'étend aux coureurs cyclistes: ils cacheraient des petits moteurs électriques dans le cadre de leurs vélos... il n'y a décidément plus rien qui tienne, et même... "Nuit debout" rime avec "on s'en fout"...

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