jeudi 28 mai 2015

Yves Klein et Jean Tinguely.

Dans le mouvement du « Nouveau réalisme » auquel le Niçois et le Suisse ont appartenu un temps, ils ont occupé le territoire de l’immatériel.
Ce groupe d’une « singularité collective » pour « une approche perceptive du réel » eut une durée de vie qui occupa les années 60.
« Yves le monochrome » et « Jean le cinétique » comme ils furent nommés, tels des empereurs byzantins, comme l’a précisé le conférencier Thierry Dufrêne devant les amis du musée, vont utiliser d’autres moyens que la peinture pour peindre.
Yves Klein, fils de deux artistes, fut ingénieur de la navale et étudia les langues orientales. 
Il présenta un projet de peinture avant de s’atteler à la tâche, avec une préface de son livre constituée uniquement de traits.
Il assure le renouvellement de la peinture monochrome, avec dans sa tête Kandinsky, Malevitch, Rodchenko.
Loin des jeux d’esprit d’Alphonse Allais qui dans  « L'Album primo-avrilesque » intitule une toile bleue :
« Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, o Méditerranée! »
Lui, ce serait plutôt la couleur d’un tatami  évoquée dans la toile bleue intitulée « Tokyo », il était un très bon judoka.
Au « Salon des Réalités Nouvelles », il est refusé alors que Tinguely est accepté avec «  Relief méta mécanique » où les formes géométriques sont mises en mouvement depuis le châssis.
Lessing, écrivain allemand, dans son traité d’esthétique « Laocoon », estime que le poète a du temps, alors que l’artiste, homme de l’espace, doit être tangible dans l’instant.
Tinguely en déléguant le métier d’artiste à la machine, bouscule les codes, et Klein en utilisant le corps de femmes enduit de couleur comme « pinceau vivant » qu’il se garde de toucher tout en les dirigeant, aurait- il à faire présentement avec les chiennes de garde ?
Mais le passage sur la toile du rouleau trempé dans le bleu IKB « International Klein Blue », déposé à l'Institut national de la propriété industrielle n’est pas une mono manie. Il gorge de bleu des éponges qui offrent « une qualité de respiration », elles sont le portrait de ses spectateurs qui « absorbent ».
Il lit Bachelard, le philosophe des éléments primordiaux : feu, air, eau, terre, mais leur rencontre se passe mal. Il crame ses toiles, aux endroits que les corps enduits d’eau ont laissés à la flamme. Les silhouettes d’Hiroshima flashées sur le béton par la bombe vont le hanter.
Une de ses expositions s’intitule : «  le vide », les salles  de la galerie sont vides. 
Il met en scène, une autre fois, un « saut dans le vide », un photomontage où il prétend léviter pour mieux peindre l’espace, qu’il commente dans un journal d’un jour.
Pour  un exvoto destiné à Sainte-Rita de Cascia, patronne des causes désespérées, il ajoute au bleu, celui qui sort des ténèbres, couleur du fils sensible, le rose du Saint Esprit et l’or du père immortel.
Il vend ainsi des « zones de sensibilité picturale immatérielle » contre des feuilles d’or, Dino Buzzati participe à la transaction, une zone désignée par un geste donne droit à un certificat… à détruire. Le rosicrucien est l’un des pères du happening et des performances accompagnés de musique concrètes. Son projet d’Obélisque éclairée en bleu sera réalisé après sa mort à 34 ans. 
Tinguely était aussi performant  avec son  « Hommage à New York », sa machine s’autodétruit dans la cour intérieure du MOMA. Dans le désert à côté de Las Vegas,  il met en scène une fin du monde et sur le parvis de la cathédrale de Milan un phallus géant s’enflamme pour fêter les 10 ans du NR, nouveau réalisme.
La collaboration particulière que Tinguely entretint avec Yves Klein fut une « super collaboration » d’après l’appréciation du sculpteur qui mit la peinture en mouvement, alors que des sculptures apparurent de la part de celui qui déposa quelques roses sur la dalle funéraire intitulée  « Ci-git l'Espace ». Ils réalisent ensemble « Excavatrice de l’Espace » et « Vitesse pure et Stabilité monochrome », des machines bleues.
 « Le cyclope » géant de Milly la forêt où ont travaillé Arman, Raynaud, César, Nicky de Saint Phalle … sur son  toit couvert d’eau, reflète le ciel, un ciel bleu Klein.

1 commentaire:

  1. Juste un petit pinaillement...
    Le poète... S'IL EST POETE, n'a pas plus de temps qu'un artiste qui se coltine l'espace matériel, ou le musicien.
    Parce que le poète est orfèvre des mots. Il les sculpte, DANS LEUR MATERIALITE SONORE.
    Bon, c'est peut-être ma définition.. restrictive de la poésie, mais je ne vois pas... l'intérêt d'une poésie de l'IMAGE écrite...divorcée de l'image sonore qui, pour moi, doit primer.
    Ça doit être mon côté juif...

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