jeudi 22 janvier 2009
« Eduquer, c’est mourir »
Soit le silence qui suit cette sentence est porteur de pensée, soit la consternation vous gagne et vous n’entendez plus le ronron qui se rattrape aux branches des paradoxes « parce qu’il faut vivre pour mourir ». « Cause toujours ma poule, j’tembrouille »
J’aime parfois les psychanalystes, ils vous bousculent grave, ils sont tellement joueurs de mots, bienvenus au club des poètes ! J’ai eu, récemment, l’occasion d’en écouter une, au milieu d’éducateurs, autour de la question d’éduquer, action qui m’a occupé jusque là pas mal d’heures. Depuis longtemps je n’avais pas brandi mon appartenance à l’éducation nationale, mais quand j’ai jugé que trop de torts étaient attribués aux travailleurs de l’école, j’ai eu un retour de refoulé corporatiste.
Puisqu’il semble qu’éduquer soit une façon de parler, bien que son institution soit construite sur le vide (la parole), les mots, gros, n’ont pas manqué : "béance", "impossibilité", voire "éduquer, c’est mourir". Mais je suis mithridatisé.
La forte connotation psy autorise les jeux de mots (expert=ex-père), les images symboliques (« l’éducation, c’est une façon de disposer les fleurs dans le vase narcissique ») et l’autodérision : « en psychanalyse si vous prenez un voyou, à la sortie vous obtiendrez un voyou psychanalysé ».
Mais sur ce constat, on ne peut plus vide, il semble qu’à l’impossible soient tenus les éducateurs, non pas pour réduire les symptômes, bien que la demande politique avec ses grilles évaluatives penche de ce côté, mais pour aider à affronter la douleur d’exister, sacrifier ses pulsions. Il s’agit de surmonter la jouissance qui vous laisse au lit tout le temps pour entrer dans le désir qui vous fait gagner le lit, de temps en temps. J’ai bien voulu être frappé par le nombre important de cas dont les souffrances sont liées aux troubles du sommeil. Cela rejoint une de mes perceptions concernant les décalages sociaux entre le monde de la nuit peuplé de solitaires engloutis par leurs machines informatiques et le temps ensoleillé où peuvent s’apercevoir les autres, en vrai. Au fait quel temps fait-il, aujourd’hui ?
En ces temps de souffrance économique, j’ai mis du temps à comprendre qu’ « inscrire les gens dans la dette » (devoir) pouvait être positif, pour que ceux-ci sortent de la demande qui empêche le désir. Renoncer à être un objet dévoré par les images, mais s’inscrire dans une histoire en évitant de s’en raconter, des histoires, se réordonner. Même si remettre ses affaires en place peut faire du bruit.
La tache des travailleurs sociaux est des plus difficiles, envahis par les comptages administratifs, les formations là aussi tendent à devenir technocratiques.
La question d’Hölderlin « Pourquoi des poètes, en ces temps de détresse ? » risque de rencontrer le silence, même si c’est bien dit.
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