mardi 25 novembre 2008

Paysans.


Quand je m’enthousiasme pour le dernier film de Depardon, et sur ses photos de toujours, j’adhère à sa subjectivité, à son trop plein d’égo, à ses points de vues forcément partiels, même si lors de son film « l’Afrique, comment ça va avec la douleur ? » il nous embarquait dans des panoramiques à 360°. Et puis quand on blogue, on sait bien faire clignoter l’expression « se prendre pour sa photo ». Lorsque je cadre avec un appareil photo, je choisis, j’oublie, et plus encore lorsque je pioche, comme on dit d’un cheval qui piétine fébrilement, pour écrire. Je me laisse volontiers bercer par la sonorité des mots qui veulent bien se nommer parfois : poésie. Les amertumes de la vie y corsent leur goût, les lumières d’un instant se prolongent, les plaisirs se donnent à voir.
Novembre, et mes années me portent à me laisser envahir avec délices par d’ultimes images des années soixante. Comment ne pas vouloir fixer un dernier souffle de ces gens là, des hauts plateaux d’Ardèche, au cul des vaches. Je crois savoir mesurer l’indécence à admirer la frugalité de ces vies depuis mon canapé moelleux. Et qui suis-je pour mettre à distance ces pairs ? Mon immense respect d’aujourd’hui est venu après des incompréhensions réciproques. Que mon père fut encore considéré comme étranger au village après des années parce qu’il n’allait pas à la messe, reste une fierté après avoir été une blessure. Ils étaient droits et bien souvent de droite, ces hommes que je connaissais, mais en d’autres lieux parpaillots, les familles sont de toujours à gauche et droits. Cabochards comme mules, muets comme pierres, tirant de ces cailloux le lait de la vie.
Je n’échappe pas à ces nostalgies coupables quand je reprends la recension de mes pratiques pédagogiques, mais je me défends de toute complaisance rétroactive lorsque je m’essaye à la politique.
Porter témoignage sur les paysans ne compromet pas le travail d’un cinéaste qui écouterait avec empathie de jeunes agriculteurs. Lorsque je me laisse aller à contempler les soldats de terre cuite de Xian, je ne m’interdis pas un reportage sur les années Mao. « Et tenant l’autre et l’une, moi je tenais le monde »

lundi 24 novembre 2008

The Duchess


Des robes XVIII °,des paysages, pour se dépayser dans ce film avec Keira Knightley (« Orgueil et préjugés »). S’étonner de la correspondance entre ce destin d’une ancêtre de Lady Di et celui de la populaire princesse. S’amuser aussi des images d’une belle qui apparaît sur les tréteaux d’un parti dont je voulais m’abstraire des difficultés de l’heure. Ce n’est pas Barry Lindon dont le destin m’avais ému ; là je me suis distrait, intéressé par certains sujets : la situation des femmes à l’époque, ce que recèle la volonté de plaire à tous prix… Les parcs des châteaux se prêtent bien au grand écran.

dimanche 23 novembre 2008

Le banquet flamand.


Conférence des amis du musée. Bien sûr qu’ils sont roboratifs les tableaux et conformes à nos fantasmes de victuailles, de ripailles. Ce sont des images de rêves d’abondance à une époque qui venait d’être dévastée par les guerres de religion. Au marché, le vendeur de gibier lutine la marchande des quatre saisons en tournant le dos à des scènes bibliques. Cette vitalité renaissance fait plaisir à voir. Les plumes se déploient, les poils sont soyeux, les lumières sculptent fruits et légumes et il y a toujours un chien dans les parages pour chaparder un morceau de barbaque. Depuis Bosch et le péché de gourmandise jusqu’au patron de l’atelier de Rubens, en passant par Bruegel et d’autres peintres du côté d’Anvers, des banquets, des kermesses, des trognes, les plaisirs de la vie.

vendredi 21 novembre 2008

Moscow Belgium


Film bon qui apporte un plaisir sans mélange ; la langue flamande est savoureuse, les acteurs subtils, transfigurés, passant de l’accablement de vies compliquées à la grâce de l’amour. Le réalisateur Christophe Van Rompaey aime ses personnages et nous aussi. Barbara Sarafian incarne magnifiquement l’héroïne parfois défaite, d’autres fois rayonnante. Familles recomposées, en HLM, sans misérabilisme, sans soleil artificiel, avec un beau courage au quotidien d’une femme qui a bien mérité son petit moment de bonheur, même si elle "s'obstine à tout tartiner de moutarde pour ne goûter à rien", comme lui dira son camionneur.

Soir de vote à la section P.S.


77% pour Ségolène dans notre ville. Au niveau local ce ne sont pas les consignes de Delanoë qui ont eu beaucoup de poids. La présence de Fabius au côté de Martine a fait l’effet de repoussoir parmi un groupe où les militants pour l’Europe sont influents. Nous au village aussi, l’on a eu nos tractations et le secrétaire de la section a changé ; le sortant avait débouché le beaujolais nouveau : une belle preuve de son fair-play. La nouveauté n’était pas seulement dans les gobelets : le beau score de Royal est un gage de dynamisme, de cohérence parmi nous, de volonté de renouvellement des pratiques à confirmer puisqu’il nous faut retourner aux urnes ce soir.

jeudi 20 novembre 2008

Art concret


A Mouans Sartoux, petite ville à proximité de Cannes, le château à trois faces accueille un musée dédié à l’art concret autre nom de l’abstraction géométrique. Il y a des toiles de Morellet que nous avons pu voir au musée de Grenoble. Et une exposition temporaire sur le rythme ne pouvait ignorer Sonia Delaunay. Ces productions conviennent bien aux architectures dépouillées où la lumière est éclatante. Cette esthétique qui se veut proche de l’art appliqué, de la musique s’oppose à tout sentimentalisme ; pourtant les plaques piquées d’allumettes de Bernard Aubertin qui ont laissé une trace de leur éphémère embrasement éveillent une émotion qui n’est pas qu’une construction purement intellectualisée. Il en va pour moi comme la mémoire d’une fulgurance. Le regard fait une pause après avoir balayé bien des surfaces trop lisses, des agencements tellement minimalistes qu’il n’en reste rien.

mercredi 19 novembre 2008

Corps.« Faire classe » #9


« Le meilleur que je sais sur la morale et sur les obligations de l’homme, c’est au football que je le dois » A. Camus. J’ai abusé de la citation envers ceux qui méprisaient le sport. Je ne les convaincs pas quand je compare mes plaisirs d’exégète des délires Ribéryens à leurs pointilleux échanges entre mélomanes. Affaire de classes sociales peut être, de filiation, de glèbe. Quand les souvenirs de rectangles tracés à la sciure au milieu des champs des dimanches après-midi, d’hier, m’émeuvent plus que les toutouyoutous périodiques qui vendent leur peau à la pub, aujourd’hui ; le sport a bien un lien avec la jeunesse. Bref !
J’ai eu des plaisirs jamais éventés et la chance d’exercer dans une commune dotée de gymnases nombreux, de stades soignés. Nous avons travaillé avec des moniteurs compétents, dans le confort, sans avoir le sentiment d’être l’enseignant spectateur / consommateur.
Un luxe qui nous dispensait d’installer les agrès, les plots, les haies, les poinçonneuses dans les buissons d’un parcours d’orientation, d’avoir à préparer des séquences toujours innovantes et efficaces. L’équilibre existait dans notre part prise pour animer un groupe, en arbitrer un autre, parer les débutants, apporter son éclairage, observer mes apprentis, moment rare, sans être obnubilé par mon propre discours.
Dans une programmation cohérente avec toutes les classes de la ville, sur une année, nous foulions les parquets, les sous-bois et le goudron, les tatamis, le tartan, la neige, le sable, la faïence, pour des cycles hand-ball, endurance, sports d’opposition, athlétisme, ski de piste, beach-volley, piscine. Certaines années en catamaran et kayak de mer, nous sommes sortis de l’estuaire pour aller vers l’océan.
- Dis Yacine, tu étais bien, alors, le roi du monde ?
Et Dounia du haut du télésiège redoutant la pente : « jamais je ne descendrai ça ! »
« Si, tu l’as fait : victoire ! » et pour nous le miel parce que ce n’est pas tous les jours que nous pouvons mesurer les acquis d’une façon aussi éclatante, en plein soleil, au-dessus des nuages.
Les rencontres de sports collectifs, des journées d’athlétisme, de course longue, permettaient des retrouvailles avec d’autres groupes scolaires.
Les horaires d’E.P.S. structuraient notre année. Quelques photographies, posters renouvelés au fil des cycles sur un panneau aux alentours de la classe pour faire joli, pour entourer emploi du temps et résultats, affirmer- il n’en était pas besoin - le lien entre tous les aspects de la formation. Les évaluations variées que nous avons essayé de mettre au point en concertation participaient aussi de cette légitimation du travail mené tous terrains.
Du soin était apporté pour anticiper les rendez-vous, être muni des équipements nécessaires : avoir survêt’ et des chaussures de sport pour le sport : s’appliquer. « Etre à ce que l’on fait », simplement, sans singer les égarements médiatiques concernant la concentration des athlètes gonflés à l’image, où l’impudeur les poursuit jusque sous les douches. La classe médiatique pipeautante s’est moqué longtemps de J.P. Papin de modeste origine, ce sont les mêmes qui auront des paroles bienveillantes pour les assignés faibles de l’heure : le même mépris.
Les clameurs du troisième pouvoir retentissent beaucoup dans ce champ, dictature consentie aux labels marchands. Vive les chasubles masquant les griffes des marques pour que l’équipe existe dans sa nouveauté, sa mobilité, sa diversité : les gaîtés de l’uniforme.
Les aristocrates ont des héritiers admirateurs de l’amateurisme et méprisant un peu les pue-la-sueur monnayant leurs inlassables cannes kenyanes. Cette distinction se décalque dans le monde intellectuel où les biens pourvus peuvent dédaigner l’argent, l’effort. Le vocabulaire agressif, dépréciateur, « chambreur », est celui des vestiaires, alors que dehors sur les panneaux lumineux s’affichent des idéaux. Double langue.
La métaphore sportive se vend bien, car pas mal d’évidences se révèlent en ces lieux. Il faut reprendre sans cesse les mots, les éponger, redonner du sens à « équipe », à « agressivité ». Vérité du corps, vocabulaire des postures : « adresser une passe ».
La fortune du mot « passeur » désignant le moindre sous - titreur signerait- elle l’épuisement prochain de sa réalité ?

mardi 18 novembre 2008

Le Bernin


Il faut bien du professionnalisme aux conférenciers qui officient pour les amis du Musée de Grenoble, car leurs diapositives désuètes ne sont pas à la hauteur des chefs d’œuvre qu’ils doivent nous faire découvrir. Pourtant les extravagances, les contorsions des statues du Bernin se prêteraient bien à un exposé expressif. Nous avons revu des Fiat 500 garées au bord de la Barcaccia sur la place d’Espagne à Rome… mais pas seulement. L’exposé clair mettait en lumière le passage de la sagesse aux incertitudes après le concile de Trente qui dura 18 ans : l’homme a quitté le centre de l’Univers et ses vérités intangibles. L’architecte adoptera l’ellipse et l’ovale. Les sculptures sont moins sages, moins statiques, les visages plus expressifs. La vérité de la représentation est dans le mouvement. C’est le baroque et sa théâtralité, ses volutes, sa sensualité. L’exemple développé de la statue de Saint Thérèse D’avilla visitée par un ange sardonique laisse place à des interprétations pas forcément mystiques. Son superbe David s’apprêtant à un coup décisif n’a plus la sérénité de la renaissance, mais son énergie est séduisante. Au service de sept papes, on doit à Bernini le baldaquin tortillé et le dessin de la colonnade de la place Saint-Pierre.
Père de onze enfants, il s’essaya au théâtre et fut un peintre aux autoportraits remarquables.

lundi 17 novembre 2008

Stella


Film autobiographique de Sylvie Verheyde. L’école finalement peut avoir du bon : je ne peux que souscrire à cette morale édifiante. La reconstitution des années 70 connaît quelques anachronismes particulièrement dans le langage. Le juke-box fonctionne beaucoup dans un café plein de vie, mais ce procédé qui abuse des musiques populaires est un peu facile. La voix off de l’enfant qui s’efface heureusement en cours de route, n’est pas authentique à mes oreilles. C’est toujours ce travers irritant de vouloir faire porter à l’enfant un regard distancié sur la société adulte avec une parole qui dirait la vérité alors que cette petite fille est fragile et bien peu extravertie. Le merchandising du RC Lens n’avait pas atteint les cours de récréation de l’époque, mais les épisodes en terre Chti sont émouvants, comme beaucoup de scènes entre enfants ; leur amitié, les premiers baisers maladroits sont finement saisis. Les adultes bien interprétés sont tous tragiques. Il est heureux que le législateur ait tenu éloigné les débits de boisson des lieux d’enseignement.

dimanche 16 novembre 2008

La terre des paysans


Pourquoi ces banalités recopiées dans le livre de photos accompagnées de textes de Depardon me touchent au plus profond ?
« - Vous vous êtes mariés à quel âge ?
Marcel Chalaye : - Oh ! M’en rappelle plus !!
Germaine Chalaye : - Il s’en rappelle plus !
Marcel Chalaye : - M’en rappelle pas…
Germaine Chalaye :- Il s’en rappelle plus… »

J’en ris, et je m’arrête, ce pauvre dialogue dans un livre de plus du bourlingueur bourguignon, résonne dans ma mémoire plus que de raison. Quand je lis ces autres mots précieux, car je sais aussi leur rareté : « rien me faisait un souci ; il fallait faire les foins, bon… pourvu qu’il pleuve pas, pourvu que si, pourvu que ça, et ça ronge », je sens que mes racines paysannes ne sont pas qu’une métaphore. Ces fibres me tiennent et vibrent. J’en ai eu honte comme Depardon et je suis tranquille aujourd’hui. Les photos des paysages des collines de hauts plateaux rendent tangibles la rudesse des conditions, cinq hommes s’abritent de la neige dans une bétaillère ; ces portraits toujours beaux et pas seulement graphiques, la chaleur du poêle, la folie du chien à sa chaîne, les biscuits sur la toile cirée, les solitudes et des solidités de rocs. Et comme dans son film « la vie moderne » le chant désespéré, sublime, de la fin d’un monde. Une vie se résume : « j’ai fait un peu de tout et un peu beaucoup de choses ».

samedi 15 novembre 2008

Masocialiste.


Florilège de quelques avis d’intellectuels recueillis dans un seul article du « Monde ».
"Le PS est en panne d'idées parce qu'il est en panne d'une compréhension du monde", estime Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France et animateur de La République des idées. "Ce n'est pas la société qui est indifférente, au contraire. En revanche le lien s'est rompu entre le monde des idées et la gauche. A droite, Nicolas Sarkozy a su redonner un langage et une culture politique à son camp, il a métabolisé vingt ans de réflexions sur le nouveau capitalisme et ses effets sur la société. La gauche n'a pas fait la traduction progressiste de cette évolution."
Marcel Gauchet, historien, philosophe et rédacteur en chef de la revue Le Débat : "Nous sommes dans un moment de creux historique très grave. Le gauche conserve des positions très fortes sur le plan des valeurs de notre société, mais elle a perdu la main sur la perspective de l'avenir ; elle est devenue un parti complètement défensif contre les méfaits d'un monde dont elle a perdu le secret. Elle est donc le parti des perdants"
Yann Moullier-Boutang, économiste et directeur de la revue de gauche critique et culturelle Multitudes: "Il n'y a pas de politique intellectuelle au PS, pas de débat créatif. Le contenu même du mot socialisme est d'un flou total. La conséquence est évidente : faute d'un affrontement sur les idées, on assiste à un affrontement hystérique sur les personnes."
Gilles Finchelstein, un proche de Dominique Strauss-Kahn, est directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, dont la mission est d'être le lieu de la rénovation de la pensée socialiste. "Traditionnellement, quand le PS perdait une élection, il en tirait la conclusion qu'il n'avait pas été assez à gauche. Après la défaite de 2007, il a lui-même considéré qu'il avait perdu parce qu'il s'était éloigné du réel. Et parce sa vision du monde, ses mots et ses concepts parlaient davantage aux socialistes qu'au pays."
Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques et rédacteur en chef de la Revue socialiste à la fin des années 1990, estime pour sa part que le PS "a perdu ce qui faisait sa force dans les années 1970 : une efficacité électorale construite sur une compréhension de la société française. Il ne s'en sortira pas sans un réinvestissement du champ doctrinal".
A la recherche d’un sigle tel que CARESSES (Convergence des Alternatives et Résistances Ecologistes et Socialistes pour des Sociétés Equitables et Solidaires) celui-ci est préempté par les partisans de Besancenot (Le Nouvel Observateur)

vendredi 14 novembre 2008

Yvonne Besset


Elle apparaîtra sous ce nom gravé sur une pierre tombale.
Pour nous, elle reste « Mamiche » parce que sa fille l’a mêlée à son cercle d’amis. Son mari instituteur-secrétaire de mairie était un de ces « hussards noirs de la République ». Elle qui aimait tellement les mots et en jouait avec tant de précision, elle aurait pu me suggérer une féminisation de l’expression, aujourd’hui désuète et pourtant… Je viens de retrouver dans un de ses cahiers à l’écriture si bien formée,les paroles d’une chanson qu’elle fit sûrement chanter à ses garçons de la laïque - les filles étaient promises aux religieuses de l’école privée :
« Noël vient de passer
Que vous a- t-il laissé ?
Un beau pantin agitant ses sonnettes
Et un Pierrot chantant pour sa Pierrette
La la la…
Juste une auto que l’on roulait en rêve
Une auto vraie avec des pneus qui crèvent.
Rro Rro Rro »

Pour dire les années de bonheur où ces instituteurs trouvaient le soleil après des mois de« Burle » dans les faubourgs de Cannes. Tous ceux qui ont profité de leur balcon donnant sur la Côte d’Azur doivent aux parents de Dany et grands-parents de Laurence, une part de lumière et de sourire.

jeudi 13 novembre 2008

Moineau dans le brouillard


« Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison.
Plus de fleurs au jardin,
Plus d'arbres dans l'allée ;
La serre du voisin
Semble s'être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s'être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier. »

Maurice Carème
Et dire que le moineau lui-même a quasiment disparu en Angleterre et en Belgique,
sa population en France est en déclin, faute d’insectes semble-t-il. A Paris il boude les quartiers chics car il y a moins de trous pour nicher, et moins de déchets pour se nourrir.

mercredi 12 novembre 2008

Education civique - Faire classe # 8


Education civique - nous évite de dire éducation tout court - avec ses airs de chez madame De Rothschild. Au carrefour affectif de l’éducatif et de l’instructif, la civique recueille bien des demandes de la société. Pourtant, notre école victime en ce moment d’attaques sans précédent est bien mollement défendue. Le service public est déconstruit mais l’appel mécanique à la résolution de trop de problèmes est quand même dirigé vers lui. Les enfants, nos clients comme disait Illitch : entre trente sept sollicitations médiatiques ils forment un auditoire au bord de la cellule psychologique où se côtoient les abandonnés de 16h 30 à une extrémité avec les autres branchés sur GPS en mode couveuse ; de cette diversité il faut bien essayer de soigner les uns par les autres. Bien sûr, nombreux sont les enfants qui montent dans des trains à l’heure et qui sont élevés avec justesse mais ils sont ignorés. Ceux qui ne se font pas oublier se débattent parfois sous un amour maladroit et collant ou sont victimes des démissions d’adultes jamais devenus tels ; ils sont à convaincre, comme ceux qui sont corsetés dans des rigidités d’un autre age.
Nous sommes dans le cataplasme transversal, dans le credo bavard du « vivre ensemble ». Jadis l’air d’un temps excluait toute réprimande, et se montrait tellement compassionnel, que nous pouvions imaginer ce type d’appréciation à vous faire tomber les bras : « utilise le cutter exclusivement pour couper du carton, a su dire « merci » et « bonjour » : sera admis au brevet ». Maintenant on rase les RASED ; les cutters, jeunots, servent pour abréger le temps des pénitenciers.
Au temps où j’exerçais, sous la rubrique civique, j’ai accueilli l’infirmière autour de la maltraitance et j’ai pu vérifier le syndrome du livre de médecine qui donne toutes les maladies à ses lecteurs. A la suite de son intervention, des enfants avaient dénoncé des parents indignes qui n’autorisaient pas leur fille de 9 ans à aller toute seule à Carrefour !
Et la nouvelle psychologue qui venait faire la pub pour son bureau des complaisances du lundi se dispensait du suivi des cas nécessiteux.
Difficultés d’animer une matière austère qui a tout à gagner avec des voix diverses : une avocate, monsieur le maire... Jusqu’aux C.R.S. de la prévention routière qui étaient les bienvenus avec leur circuit avec petits vélos. Sinon au gré des échéances électorales : la fonction présidentielle, les régionales voire les cantonales apportaient de l’air du dehors à un enseignement qui abordait le racisme, les droits de l’homme et de l’enfant, à quoi sert l’argent ? Et la « Sécu » ? Bruno Heitz et ses planches humoristiques peuvent servir d’appui pour maintes leçons. C’était un temps où l’inspecteur nous accordait sa confiance et pensait que nos petites entreprises valaient mieux que de grands discours.
Dans la plage horaire dévolue à cette matière je casais les rendez-vous avec les élèves du C.M. 2 qui venaient d’entrer en sixième : discussions riches, joviales où les anciens primaires venaient montrer qu’ils avaient grandi. L’occasion jamais déçue de mesurer aussi leur attachement à l’école ; le suivi, la liaison C.M.2/ sixième à hauteur d’enfants. Des moments de convivialité qui dispensaient de dispositifs lourds et disproportionnés afin de dédramatiser le collège. Les chercheurs n’auront pas à gloser sur la nécessité des rites de passage. Un peu de stress mobilise.
Pendant ce temps il faut préparer les conseils d’élèves de l’école et du conseil municipal d’enfants pour aborder la notion de mandat et du retour vers les mandants. La démocratie quoi !
« Il a été décidé qu'on reparlerait, dès les petites classes, d'éducation civique, d'honnêteté, de courage, de refus du racisme et d'amour de la République. Il est dommage que l'école ne soit fréquentée que par les enfants. » A. Frossard

mardi 11 novembre 2008

L'imprévisible 2009


C’est le titre d’un agenda dont le prix 20,09 € pour cette année, donne le ton.
Une augmentation est à craindre pour l’an prochain, mais on ne pleurera pas son argent cette année, tant l’humour léger est présent à chaque page. Le premier mai est ainsi décrété « journée de la gratuité des temps d’attente ».Chaque jour est consacré à une cause allant de « la journée de la France qui se lève tôt » assez attendue à celle de « l’airbag » et autre « journée des variables d’ajustement ». Des anniversaires bien réels sont aussi mentionnés. Par exemple est cité toujours pour le premier mai :
« en 1899, pour la première fois, une automobile électrique, la Jamais Contente, dépasse les 100km/h ».
A chercher sur Internet, sur le site « le jeu de la règle ». C’est une maison d'édition de Caen qui a confectionné artisanalement ces 2009 mignons petits cadeaux.

lundi 10 novembre 2008

Picasso et De Staël à Antibes


Le musée Picasso à Antibes a de nouveau ouvert ses portes. L’artiste qui a séjourné là pendant quelques mois de 1946 utilisait en ses périodes de pénurie des matériaux inhabituels : fibro ciment, Ripolin, contreplaqué. Tout ce qu’il touche devient or ; deux traits et c’est le mur qui sourit. Le moindre pigeon sur une assiette est un décor de roi, celui de la fantaisie, de la vitalité. Période de faunes, de centaures, d’oursins, de flûtes. Nicolas de Staël est aussi accroché en majesté dans les salles rénovées. Quand pour un bref instant la Côte d’Azur se met en Toussaint, les coups de pattes de l’exilé font entrer la lumière. De se souvenir que son suicide a eu lieu à Antibes nous fait approcher la violence de son dilemme entre figuration et abstraction.

dimanche 9 novembre 2008

Congrès fédéral

Après Oui Oui vote à la section, je ne vais pas souffler dans les trompettes indiscrètes d’un Saint Jean Bouche d’Or en congrès fédéral. Pas plus que je ne goûte les caméras dans les vestiaires, je n’aime pas quand on éloigne les micros qui essayaient de se faufiler dans les groupes en discussion lors de notre congrès départemental. Même si je fulmine à longueur de journée contre les raccourcis journalistiques, aurions nous des choses à cacher ? C’est aussi la curiosité qui m’a poussé à partager ma voiture avec deux délégués de la motion E (Ségo) pour aller à Gières où se tenait l’assemblée des militants PS afin de désigner les délégués au congrès de Reims. A ce niveau les innocences fussent-elles surjouées sont mises à l’épreuve. Pour essayer de comprendre par exemple la multiplication des candidatures, un plateau de soixante quatre cases est nécessaire:il vaut mieux se faire manger un pion pour aller vers la dame. Je n’étais pas mécontent que Mermaz me prenne par le bras pour me raconter des anecdotes Morvandelles avec Mitterrand, quand je venais de lui poser la question des échéances horaires en protestant de l’inorganisation. Mon expérience pédagogique m’avait amené à penser que des cadres précis et solides sont la condition de l’expression la plus démocratique. Mais en regard de mon passé CFDT où nous passions pour des babas cools inefficaces, j’ai trouvé des maîtres au P.S. Quand en section je regrette les ordres du jour élastiques, lorsque 400 personnes doivent s’exprimer le manque d’ordonnancement est coupable. Mermaz qu’il m’est venu de tutoyer, alors que je vouvoie des beaucoup plus familiers, a beau dire que nous ne sommes pas dans un congrès de notaires, et rappeler les assemblées soixante huitardes, je pense que ce type de « bazard » est délibéré pour noyer le poizon. Sous des airs de démocratie, d’écoute la plus bienveillante, la grogne militante que j’ai perçue, mettait en lumière que le renouvellement des pratiques politiques passe par des informations claires, anticipées et on ne se refait pas… pédagogiques

samedi 8 novembre 2008

L’empire de la honte. Jean Ziegler


Heureusement qu’il y a l’inlassable énergie de l’auteur de ce livre accablant pour ne pas nous enfuir au rappel de toutes les souffrances de notre monde si injuste ; pour continuer à nous informer, voire agir. Intellectuellement il est facile d’adhérer à la formule d’Hugo : « Vous voulez les pauvres secourus- je veux la misère abolie » ; mais au bout ce sera une petite pièce pour une association, notre façon d’agir. Le côté terrible du constat du socialiste suisse est que la situation des damnés de la terre s’aggrave.
Entre 1972 et 2002 le nombre des africains sous alimentés a augmenté de 81 millions à 203 millions.
Le système féodal a été aboli dans la nuit du 4 août 1789, aujourd’hui les nouveaux féodaux capitalistes ont plus de pouvoirs que les rois ! Monsanto, Nestlé, Union Carbride, Novartis…
340 pages en livre de poche, de statistiques où l’on nous rappelle que les dépenses militaires mondiales en un an s’élevaient à 780 milliards de dollars, alors que 19 milliards auraient suffi pour éliminer la faim.
Des évocations donnent le frisson. Dans cet hôpital éthiopien sont soignées des fistules : « du fait de l’étroitesse du vagin chez une jeune fille de 12 ou 14 ans, l’accouchement provoque la déchirure dans la chair entre le rectum et le vagin. Ni l’expulsion des excréments ni celle de l’urine ne sont alors contrôlables ».
Je n’étais pas persuadé de la justesse de l’annulation de la dette qui étrangle des pays qui doivent consacrer bien plus d’argent au service des banques que pour leurs services sociaux, et je tempère mon scepticisme envers les pourfendeurs d’OGM en prenant connaissance de toute une organisation très puissante qui conduit, en Inde, un nombre effrayant d’agriculteurs au suicide en ne permettant plus de ressemer une part de ce qu’ils ont récolté. Le titres des chapitres indiquent bien sûr le sens de l’ouvrage et l’ampleur du désastre : la rareté organisée, le fantôme de la liberté, l’agonie du droit…Il y a une foule de portraits depuis les enfants d’Oulan Bator qui vivent dans les sous terrains jusqu’à Lula sur son camion dont les partisans répercutent les paroles aux 80 000 personnes qui sont au meeting : le pouvoir avait détérioré la sono. La honte est le sentiment de ceux qui ont faim ; dans les jardins genevois, le monsieur du FMI avec son arrogance, en rabattra peut être après la crise financière que nous vivons.
Au pays du café, en Ethiopie, le cultivateur a vu le prix de ses grains s’effondrer des deux tiers en moins de cinq ans. Le Savonarole helvète comme le qualifie « Le Monde » vient d’écrire un nouveau livre : « la haine de l’occident »

jeudi 6 novembre 2008

Jour de vote à la section P.S.


A la ludothèque de Fiancey à Saint Egrève il n’y avait plus de cidre pour les retardataires qui avaient de 17h à 22h pour voter ce jeudi,D Day pour les socialistes. Chez nous, c’est la motion Delanoë qui arrive en tête d’une voix devant la motion Collomb-Royal : 4 délégués pour chaque équipe sont mandatés pour le congrès fédéral qui a lieu samedi à Gières;la motion Aubry pourra envoyer un délégué, mais les autres motions n’ont pas obtenu assez de voix. Nous avons encore parlé tram, du collège et d’Obama, et plaisanté sur nos choix nationaux avec certains. Je n’ai d’ailleurs pas perçu depuis que je suis entré dans la maison rose, d’ostracisme à l’égard d’untel parce qu’il avait affiché sa préférence pour une liste. A livrer ce sentiment, qui contredit le discours dominant où sont décrits essentiellement les querelles, les coups tordus, j’ai l’impression de mettre une indéfectible naïveté sur la place, et pourtant c’est bien cette camaraderie qui nous fait aussi nous coucher tard et lever tôt et même pas payés pour les heures sup’.

Home.


« Alexandre le bienheureux » en version familiale pour la fantaisie, l’anticonformisme, mais la comédie vire à l’étouffement. L’idée d’une maison en bord d’autoroute était sympathique mais elle tourne court, malgré l’humanité de Gourmet et le grain de folie d’Huppert. D’excellents acteurs enfants pour ce film pour enfants. Le film d'Ursula Meier manque d’aire.

mardi 4 novembre 2008

Appaloosa


Film de Ed Harris. J’ai suivi les conseils de mon commentateur le plus assidu en allant voir un western, genre pour lequel ma culture est aussi maigre que les flancs d’un coyote. Pourtant, j’ai aimé retrouver tous les codes du genre. La lenteur est ponctuée de déchaînements où la vitesse est vitale, les rivières se passent à gué et le café la nuit au bivouac doit être bien âpre ; l’amitié, les calibres. Nous sommes cependant dans un film de 2008 où les politiques sont pourris, la femme n’a pas qu’un rôle secondaire, les sentiments sont peu romantiques et le justicier vieillissant tombe sous le charme d’une dame parce qu’elle se lave régulièrement : crédible dans cet univers où le cheval est la plus belle conquête. Il n’y a rien de parodique à mes yeux et s’il nous arrive de sourire par exemple avec une critique littéraire en milieu carcéral, l’ambiance est fidèle aux images que nous formons aujourd’hui de ces années 1885. Il fait bon de se faire raconter une histoire où les serviteurs de la loi mouillent la chemise. Il y a des méchants et des gentils mais le shérif cherche ses mots, chacun a ses failles et qui n’aurait pas quelques faiblesses pour le méchant s’il est joué par Jérémie Irons ?
Et même des fois le gentil triomphe, et c'est dans la réalité!

lundi 3 novembre 2008

Un jour nous partirons


Livre de Georges Bonnet composé d'une douzaine de séquences limpides, sans tapage, où sont évoquées des vies modestes avec le temps qui fait son œuvre. Des destins simples, émouvants : les tendresses et les ferveurs de l’enfance, les arrangements de la vieillesse, les occasions manquées. Une poésie du quotidien loin des fracas de la mode. Ce ne sont pas des nouvelles qui offriraient un dénouement inattendu ou spectaculaire mais une lecture apaisante de lignes claires.

La vie moderne. R. Depardon


En bout de chemin. Depardon fait partie avec Sempé de mon Panthéon. Ma connivence est totale avec le photographe fils de paysan qui s’affiche à la première personne dans ses films jusqu’à l’insistance. Je fais partie du public aimant retrouver ses racines paysannes dans ce cinéma qui sait garder de si belles traces d’existences d’hommes et de femmes dans leur vérité : si rare ! Ces portraits, cette fois, valent surtout par les routes, les silences. Bien sûr ces figures peuvent paraître savoureuses, et la proximité palpable avec les personnes filmées est très émouvante, mais c’est de mort dont il s’agit, celle d’un monde. Il n’y aura pas de transmission, ces hommes têtus ne l’ont pas envisagée et là haut sur les plateaux dont la beauté vous ravit dans un plan de cinéma, qui voudrait vivre ? Les cinémas sont loin. Le lait est tiré dans les étables obscures, on ne sait plus par qui.

dimanche 2 novembre 2008

Vicky Christina Barcelona


Film dont Woody Allen serait le réalisateur : aucune trace d’humour, de légèreté. Un scénario sans intérêt, truffé de clichés sans recul, personnages vacants, les belles actrices semblent des marionnettes. Les rendez-vous avec le new yorkais faisaient partie des rites attendus par les amateurs de mélancolie bavarde et drôle:là, il n’y a personne au rendez-vous.

mardi 28 octobre 2008

Les vrais gens


L’économie réelle se rappelle au bon souvenir de la virtuelle qui ne se la pète plus : elle a claqué, la financière ! C’est le récit de ces jours : les milliards, des milliers de milliards sortent des bouches… et des usines de jouets ferment en Chine. Vieille dispute entre réel et virtuel : les ados s’accrochent à leurs jeux fictifs et puisque la télé dit montrer les « vrais gens » ce doit être vrai, comme un discours du baptisé du Fouquet’s dans un hall d’usine. La littérature est aussi le lieu des vapeurs étourdissantes, même si des romans ont mieux rendu compte du réel que bien des documentaires. Derrière nos Windows, en blog, en bandes, en blagues nous nous défendons pour ne pas nous « embotter ». « Mais c’est pas vrai ! »est notre cri de désarroi ultime. Dans le fracas ouaté des fortunes qui se défont et des infortunes qui redoublent, les yeux dans les yeux, le réel n’a-t-il, dans les champs de la Toussaint, que la couleur noire d’une pierre tombale, l’incertitude d’un trait charbonneux sur une page blanche qui n’arrive pas à choper cette lumière fuyante, d’une heure d'hiver à la ramasse ? Mon môme au génome me suggère quelque mot flouté pour une rime ; en ce qui concerne mes vérités de l’heure je ne sais que picorer dans les pages des journaux.
Dans Libé de ce lundi un morceau d’un article de Thomas Clerc, ex-professeur du secondaire à propos du film « Entre les murs » : « Privé de toute réelle possibilité de transmission, le corps enseignant se réfugie dans le bavardage légal, occupation dont cette corporation a le secret : les conseils de classe, les conseils de discipline, les réunions de crise sont les dérisoires issues d’une parole qui, dépourvue de performativité (celle de l’autorité compétente), n’a plus que la procédure démocratique pour exutoire tardif . »

dimanche 26 octobre 2008

Loin de quoi ? Laurent Sagalovitsh


Ce livre de chez Actes Sud est un régal. Depuis Vancouver où l’ennui ne s’enfuit ni à coups de Temesta ni de whisky, un jeune se cherche,loin de sa famille encore tellement présente. L’humour-on ne peut plus juif- vient mêler dans le shaker une passion pour l’AS Saint Etienne, une mère abusive, une colocataire fumante, des mouettes, un Mont d’or enterré dans le jardin, n’importe quoi ; tout ça secoué avec une mauvaise foi communicative où dans l'absurde tout peut être dit. La couverture évoquait pour moi « Le cri » de Munch, j’avais évité jusque là cette lecture et puis j’ai souri tout du long : « Cruyff …Overmars devaient avoir tout de même un peu de sang juif au bout des crampons sinon comment expliquer cette nonchalance, cette capacité à encaisser les défaites les plus cruelles…et pourtant continuer à clamer à la face du monde qu’ils étaient les meilleurs… » Comme ceux qui parlent aux arbres ne sont pas des poètes à plein temps, les hypocondriaques dans la vraie vie ne sont pas vraiment drôles mais celui là nous réjouit vraiment avec son mal de vivre.

Le jour où Nina Simone a cessé de chanter.


Enfin nous avons pu obtenir des places à « La Faïencerie » à la Tronche pour le spectacle de Darina Al Joundi que nous n’avions pu voir à Avignon tant elle avait connu les faveurs du public dans le festival off. Il faut dire que c’est du vigoureux ! La superbe femme qui joue sa propre vie nous attend dès notre entrée dans la salle. « Je ne vous attendais plus ». Elle attaque d’emblée par la mort de son père et le scandale qu’elle déchaîna à interrompre les litanies du Coran pour être fidèle à l’amour de sa vie qui ne voulait surtout pas de ça à son enterrement. Il ne sera pas enterré en Syrie la tête tournée vers les étoiles mais vers La Mecque : vaincu. Dans sa robe rouge, la rebelle crie sa colère, et son courage ne peut susciter que notre admiration. La liberté de ce père de critiquer les religions, s’est payée de séjours dans bien des prisons du Moyen-Orient ; c’est d’un autre ordre que nos petites audaces désinvoltes. L’interprétation vise à un certain détachement, les moments d’émotion se situant pour moi au moment où le noir se fait sur scène entre deux tableaux et qu’elle accompagne la superbe voix de Nina Simone. Une âpreté parfois drôle, une crudité encore plus extravagante quand on l’imagine là bas au Liban.
La guerre avec les kalachnikovs s’entend moins en ce moment, mais les guerres intérieures font toujours saigner. Au-delà d’une performance scénique, un processus de reconstruction d’une personnalité remarquable.

vendredi 24 octobre 2008

Chili con carne


Et non « chili Concarneau » comme disait une jeune bretonne. Philippe Djian m’avait mis l’eau à la bouche dans un de ses premiers roman : plat décontracté et goûteux, facile. Une super sauce bolognaise aux haricots rouges. Dans une cocotte faire revenir pas mal d’oignons dans de l’huile d’olive. J’ai adopté l’oignon surgelé : je me prive d’une raison de pleurer. Ajouter 500g de viande de bœuf hachée avec un bouillon Kub, de l’ail, du cumin, du piment de Cayenne, sel, poivre. Attendre un peu pour ajouter des tomates auxquelles peut s’adjoindre du concentré, quelques rondelles de carottes. Ajouter une bonne boite de haricots rouges, égouttés, rincés, leur jus étant en général assez gluant. Laisser bloublouter une heure. Le cumin dominera les fumets, le piment pour se souvenir et à défaut de cacao, un morceau de chocolat ajoutera à l’exotisme. Succès garanti en particulier auprès des ados.

Mes hommes de lettres


Bande dessinée de Catherine Meurisse. Premier dessin : Lors d’une séance de dédicace Victor Hugo attend en vain le client à côté de l’auteur de « Et si c’était vrai ? » devant lequel s’étire une longue file d’admirateurs. Renart est le narrateur du moyen âge de ce Lagarde et Michard en images, il poursuit jusqu ‘au XVI° où il ricane : « Quand je pense que j’ai zappé Villon ! » Comme Hugo qui du fond de son cercueil se plaint : « déjà mes funérailles à la 8°case ? Eh bien c’est vite torché » Se lit en vitesse avec des petits rappels ; « je suis le ténébreux, le veuf,l’inconsolé, le prince d'Aquitaine à la tour abolie… », des clins d’œil, de la légèreté, comme on feuillette un album de photos où il fait bon revoir des visages un peu perdus de vue.

mercredi 22 octobre 2008

Séraphine de Martin Provost.


Le sujet du film est assez banal, finalement mais ne manque pas d’intérêt : l’originalité artistique naît souvent en dehors de la raison et du conformisme, la révélation au public tient du hasard. Yolande Moreau apporte toute sa singularité, sa poésie, elle incarne avec une force extraordinaire cette femme de ménage inspirée par son ange gardien, qui se vouera à son art, corps et âme. Elle parle aux arbres, et à notre capacité d’empathie ; la reconstitution du début du XX° siècle est légère, les sentiments pudiques. L’apparition de la relation marchande va-t-elle précipiter la folie de la naïve artiste ?

mardi 21 octobre 2008

Citoyenneté. Faire classe # 7


A tant prononcer son nom, elle se cache, la citoyenneté. Encore un coup de « l’effet pervers » : les adultes ont besoin de se préserver des souffrances du Soudan et de la Palestine distillées dès potron-minet; alors chez les petits plus encore, l’indifférence croît.
La générosité enfantine est si facile à manipuler. J’ai porté mes héritiers sur mon dos dans les défilés, mais je désapprouve aujourd’hui les pancartes dont on affuble les gamins comme le bébé roumain tendant la sébile de sa mère. Connaissant tous ces abus, ces écueils, nous devons être modestes et sages. Nous ne devons pas renoncer à lutter contre l’individualisme ambiant, ni abandonner le désabusé qui peut s’asseoir déjà sur les bancs de la communale. Les prises de conscience s’opèrent très tôt et des actions peuvent se réaliser. Les « pièces jaunes » relevaient plus de la charité que de la justice, mais j’ai laissé la tirelire se remplir et les bouchons en plastique de Bigard s’accumuler… Mes stylos pour l’Afrique que j’avais quémandés n’étaient pas d’un ordre différent. La correspondance avec des classes d’où proviennent les noyés des barcasses des Canaries a été plus éphémère tant la différence des univers est incommensurable. Même si quelques années plus tard une jeune infirmière de mes élèves anciennes est partie au Mali prendre des nouvelles de sa correspondante de C.M. Engage toi, trompe-toi, vis !
- Débattre de l’actualité, pour souvent en gérer les angoisses qui l’accompagnent, mais ne pas être soumis aux dictats de la mode du jour.
Cela réclame du doigté pour un équilibre qui sait cultiver une connivence avec le supporter de l’O.M. dont l’équipe vient de subir une défaite, et lutter contre l’invasion de conformismes « trop puissants », « trop classe », pas assez « en classe », les « casser » ! Bien connaître le quartier, pour éviter les impairs et inviter les pères qui se font trop volontiers la paire.
- Réserver un temps où s’expriment les problèmes concernant la vie de classe.
Cela peut éviter que les problèmes relationnels débordent ailleurs. Le respect de l’emploi du temps rassure, il est le garde-fou contre les bavardages sans fin. Je connaissais plus d’une instit’ avec le minuteur sur le bureau. Une boîte à dépouiller collectivement où se disent les contrariétés, les conflits à mettre au jour, laisse la possibilité aux timides de « vider leur sac ».
A utiliser cependant avec parcimonie si elle devient le déversoir des délations. Autrement plus sérieuse de toutes façons que « le bureau des pleurs » que j’ouvrais à la fin de chaque correction après un contrôle pour les contestations de notes qui s’en trouvaient ainsi dédramatisées.
Les difficultés à aborder, à traiter les désagréments du quotidien deviennent de plus en plus évidentes. La psychologue est souvent dans l’escalier comme on disait du temps « des concierges - jamais - là- quand - on - en - a – besoin ». Avec un nombre grandissant d’enfants à prendre en charge, elle ne fait que passer. Les blocages sont mis sous le tapis, ils seraient restés anodins s’ils avaient été pris en compte très tôt. Les impuissances à surmonter les conflits intimes ressortent d’autant plus que des simulacres à gérer la planète sont proposés trop tôt. Je participe à un manifeste contre le racisme, mais le pauvre , hors mode, se verra traité de Tchétchène.
- Donner accès aux enfants aux institutions concrètes qui gèrent la cité. Les extraire du chauvinisme de quartier mais les préserver des communicateurs friands de singes savants.
Parlement des enfants et conseils en tous genres s’affichent dans tous les supports de com’ et les silences s’enkystent pour des solitaires qui n’osent parler derrière tous ces tapages.
Comment former des individus responsables, si les adultes renvoient sans cesse les explications à des causes lointaines qui s’agglutinent aujourd’hui autour du mot «mondialisation»? C’est une réalité souvent féroce mais le mot, cache nos impuissances.
La proclamation de valeurs ne peut s’accorder avec des excuses en introduction. Le goût de la complexité n’abolit pas la nécessité de la clarté. Comment croire à son métier, s’il n’y a pas l’espoir d’un impact ?
La sainte république a été tellement invoquée qu’il ne suffit pas de lui adjoindre le terme laïque tout autant usé pour être audible. La tolérance n’est pas l’ignorance. Qu’il faille s’arrêter à chacun de ces mots signe bien nos faiblesses.
J’appréciai l’assiette de gâteaux de l’Aïd et à l’étonnement de certains de mes camarades je ne perdais pas une occasion de livrer des références concernant les fêtes religieuses ou profanes qui justifiaient nos congés. Pâques et le premier mai. Il n’est de laïcité éclairée que dans la connaissance des autres. Et bien ridicules ceux qui s’abstiennent de chanter Noël.
Les superstitions s’étendent, les privilèges se creusent, les lumières du XVIII ième qui devaient rayonner du cœur de chaque individu sont à réactiver. « Tout se vaut !» : Non ! Dans l’indifférenciation tragique des valeurs comment situer la loi, comment la croire, quand il est nécessaire d’avoir recours à des radars robotisés pour venir à bout des passe -droit. Vive le radar neutre et l'impôt!
La triade républicaine s’amollit sur les en-têtes des papiers administratifs, elle dicte cependant notre ligne de conduite.
Liberté : le baptême soixante-huitard a garanti pendant mes années repentantes de beaux restes pour accepter des trajectoires pas forcément conformes à mes goûts.
Egalité: le sens méticuleux de la justice de mes petits clients m’a tenu en éveil pour ne pas privilégier un individu plus qu’un autre. Je pointais la liste des prénoms de la classe que je citais dans mes exercices de grammaire. Le dynamisme d’un groupe passe par un quadrillage maniaque qui réserve un temps de parole à chacun. Personne ne s’endort.
Fraternité : la présence de l’adulte préserve des tensions destructrices entre pairs. Mais dans ce domaine les acquis sont fragiles, les effusions collectives fugaces. Et vains les cours de morale qui ne s’appuient pas sur une pratique.
Ces mots Lib' ég' frat' ont-ils perdu de leur éclat lorsque le mur de Berlin, par son écroulement, a fêté le bicentenaire de la chute de la Bastille ? And the Wall of the street était de sable itou. Est ce que l’ordre ancien sous de nouveaux oripeaux ne nous incite pas à faire le deuil de nos espérances, à renoncer ? L’éternelle recherche qui distingue la raison et la croyance, qui secoue les situations établies, se trouve dans le temps de la jeunesse, dans les cartons de l’enseignant, dans des logiciels pour une société plus juste, dans les travées d’une gauche qui ferait université au delà d’un été .

lundi 20 octobre 2008

« Imaginez Royal à la tête de l’état en ce moment ? »


Je réponds à la suggestion sargrossiste de l’heure en réservant mon imagination pour d’autres terrains : la réalité suffit déjà à mon accablement. Bien sûr les bataillons médiatiques se seraient déchaînés, par exemple si la non extradition de Marina Pétrella avait été décidée par la gauche. Cette fois, la droite se tait ... la gauche aussi. Fécondité des paradoxes : certaines décisions peuvent être prises surtout si elles sont en contradiction avec les traditions de son camp. Il a fallu que se soit sous la gauche que le cœur d’acier de la Lorraine cesse de battre, et il fallait une Simone Veil pour faire passer la pilule de l’avortement à la droite. Comme Jospin avait pu privatiser à tour de bras, est ce que seul l’ami des banquiers peut réformer le système financier ? Il y eut des votes dits révolutionnaires où les consignes pour les initiés visaient à se reporter sur l’adversaire pour mieux faire avancer ses idées. La promotion d’un Besancenot fait plus l’affaire de la droite, comme celle de Le Pen fit celles de la gauche et pas seulement en termes électoraux mais aussi en fournissant un ciment idéologique qui aime se faire peur avec des idées simples.
Pour les élections internes au P.S., j’ai essayé de m’appliquer à la lecture des motions mais celles-ci me sont tombées des mains dans ce contexte où tout est chamboulé. Les intentions me semblent bien dérisoires et hors du temps même si un congrès ne peut se soumettre au marché du jour, il est justement le moment pour faire le point comme on dit en photographie. Alors il reste les impressions générales, les réassurances instinctives. Hamon dans sa tonalité anticapitaliste est le plus en phase avec l’épiderme actuel, mais comme j’ai pu le lire il est entouré de « pousse-au-crime notoires ». Ségolène a construit son originalité en grande partie contre le parti, il semble difficile qu’elle le dirige aujourd’hui bien qu’elle soit entourée de personnalités qui renouvelleraient avec bonheur une façade immuable que représente Aubry et même Delanoë. A partir de mon expérience de terrain, le renouvellement des pratiques me semble indispensable, si nous voulons porter un espoir pour ceux qui persistent à gauche. Je pencherais pour une motion Royal, sans Ségolène qui réussit à capter les applaudissements de beaucoup de ceux qui se sont éloignés des partis traditionnels, mais sa candidature est trop clivante et ses improvisations parfois séduisantes nous mettent, ses supporters, trop souvent dans l’appréhension. Un score trop faible de la présidente qui réussit en région conforterait trop les jospiniens qui n’ont pas besoin de cela pour être trop sûrs d’être les meilleurs. L’ancien premier ministre avait fait du bon boulot à son poste, il en a fourni un détestable depuis son départ. Mon entraînement petit bras au billard à trois bandes quand il se dévoile essaye de préserver une authenticité qui fonde les camaraderies véritables, tout en s’éloignant d’un premier degré bien stérile.

dimanche 19 octobre 2008

Chop shop Ramin Bharami


La Jamaïque qui se lève tôt et qui se couche tard. La caméra plantée au cœur d’une rue du Queen’s à New York où se désossent, se rafistolent des voitures avec une histoire bien rythmée d’un frère et d’une sœur à l’énergie revigorante. Où sommes nous ? Dans le tiers monde ? Non, au fond un stade gigantesque où brille la devise : « vivez vos rêves » : mais c’est réservé aux spectateurs des matchs de base ball.

samedi 18 octobre 2008

La nage de l’enclume


Papagalli en Auguste et Arbona en clown blanc, bien sûr, quoi que… Présentée dans son jus, à la MC2 avec clins d’œil aux vieux abonnés, la 49 ième pièce de l’amuseur dauphinois joue avec finesse de cette connivence dans sa rencontre avec Gilles Arbona acteur représentatif d’un théâtre exigeant. Dans cette « tragédie burlesque », le duo fonctionne à merveille, en reprenant les rites du spectacle clownesque, sans la jouer trop mélo au démaquillage, en évoquant l’ambition pathétique des théâtreux de changer le monde, sans raillerie. Nous rions : « tu tarabiscotes trop. On comprend que des miettes ». Là tout est clair, rigolo, une petite touche de tendresse, une évocation de Godot, Fellini, le temps qui passe , les rêves, les rivalités, les identités, le théâtre renouvelé et familier, les mots. Tout juste.

vendredi 17 octobre 2008

Premières neiges


Film de Begie Aïda . Femmes fortes. Dans un hameau au cœur de l’Europe verte, les confitures familiales pourraient constituer la sauvegarde d’une communauté de femmes bosniaques qui se tiennent entre elles pour rester debout malgré leurs deuils. Six femmes et un vieil homme, un enfant. Chronique de cette survie si fragile. Les spectateurs sont dans la place, mais pouvons-nous tout comprendre des fantômes qui se tiennent pas loin de ces vies dévastées qui s’arrangent ? “La neige ne tombe pas pour couvrir la colline, mais pour que chaque animal laisse une trace de son passage.”

La Marsifflaise.


Je me suis débrouillé pour ne pas assister au début du match Tunisie - France redoutant la présentation des équipes qui sonne souvent faux. Mais le bruit des sifflets de ce soir là est allé bien au delà des gradins. La Marseillaise m’émeut souvent quand elle est jouée au violon dans les champs de blé de Wajda qui la ré ancre dans son origine de chant pour la liberté des peuples ; je l’étudiais dans mes classes avec le Chant des partisans, Bella ciao, l’Internationale. Et je ne suis pas d’accord avec ceux qui voudraient lui substituer une symphonie new âge. Si le match avait eu lieu en Tunisie, il est probable que les sifflets aient été plus rares : ce sont bien des français qui ont sifflé. Les mêmes qui pourraient reprendre une version détournée qui connaît son succès : « Aux armes ! Aux armes ! Nous sommes les Marseillais et nous allons gagner… » Il en va d’une identité complexe qui apprécie Ribéry un soir et le « chambre » une autre fois. Ce sont des jeux pour impressionner l’adversaire parfois lourdingues mais significatifs d’une époque railleuse. Je suis allé cette saison pour la première fois au Parc des Princes, plus connu désormais pour sa sinistre tribune Boulogne que pour le souvenir des coups de pattes Platiniens. Et pendant une bonne partie du match ce fut un concert de sifflets dès que Bordeaux, en particulier Goufrand, prenait la balle, plutôt que d’encourager leur équipe. Gourcuff éclairait pourtant la partie de toute sa classe, et d’autres amateurs pouvaient regretter que les réactions se portent plus sur le dénigrement de l’adversaire que sur une adhésion positive. Valable en tous domaines, ne l’observe-t-on pas avec Ségolène ? Les commentaires ont tendance à sur interpréter ce qui n’est qu’un amusement qui a le mérite d’exciter les Laporte et Bachelot : retour du « banlieusard » au milieu du concert de louanges de la Sarkosie. J’ai aimé le but de Titi, sa rage, mais je ne serai pas gêné si les îles Féroé inquiétaient nos millionnaires, et ce ne sera pas moi forcément le plus traite à la patrie.
Dans Libé : « La marseillaise, ça se chante ou ça se siffle ? »:
Des internautes
« Ça se chante bien sûr et si les supporters français la chantaient plus fort, ça ferait peut être taire les sifflets ! »
« Allons au fond de la partie, le joueur de foire est arrivé »

Un enfant prodige


Quatre-vingts pages fulgurantes d’une auteure que je me promets de mieux connaître : Hélène Némirovsky. Une langue dont la poésie naît de la clarté dans le récit d’un destin tragique qui peut toucher chaque lecteur : des promesses de l’enfance, de sa grâce, de son génie, aux maladresses de l’adolescence et au silence. Superbe. Un enfant juif, d’un milieu misérable, se fait remarquer dans une taverne par un riche qui vient s’y encanailler ; il offre le petit chanteur à son amoureuse fantasque. Lavé, nourri, blanchi, chez la belle, il aura accès aux livres et perdra son innocence, sa fraîcheur, son inspiration. De retour chez son père, qui avait monnayé son départ, il se pendra.

mercredi 15 octobre 2008

Premier art - « Faire classe » #6


Nous étions sceptiques, nous les instit de la primaire, quand les dames de service en maternelle arrangeaient les réalisations enfantines, recadrées harmonieusement ; attention à ne pas tromper trop!
C’est gratifiant de mettre sous cadre quelques traits : charmant premier art. Mais ne pas faire passer quelques taches pour l’œuvre de Pollock.
L’art s’échappe, se cache, il est bien chez lui dans le territoire de l’enfance avant que celui-ci ne fasse l’impasse sur cette forme d’expression en adoptant les icônes des ordinateurs. Qui dans la société dessine encore pour maman ? Qui soigne la page blanche en face de la chanson ou d’un poème ?
Les grands ont oublié ces fariboles, ils les retrouveront au troisième temps de la valse au club aquarelle. Mes dessins partaient tous les jours en poussière sous le tap-tap de la brosse à tableau dans la cour. J’ai beaucoup appliqué : « un croquis vaut mieux qu’un long discours » et fais le malin avec des esquisses vite tracées pour accompagner une difficulté orthographique, un obstacle dans un problème. J’ai également sollicité souvent les élèves dont j’affichais en ribambelles les créations pour illustrer des sigles imaginaires, par exemple, ou jouer avec les expressions au sens figuré.
Le pinceau redresse les fous, les normaux le laissent dessécher.
Le lieu commun regrettant la créativité de l’âge maternel qui disparaîtrait à l’étape de l’objectivité a moins cours aujourd’hui. Il ne faut pas renoncer à donner des indications concernant la perspective, donner du relief avec les ombres.
Ci dessous quelques étapes dans un calendrier où les variations saisonnières s’invitent et s’articulent autour des préoccupations d’autres domaines d’apprentissage :
- Calligrammes et calligraphie (pour donner des idées pour de belles premières pages de cahiers) lettres personnifiées.
- Dessins en réserve : à la bougie recouverte d’encre, au drawing-gum, craies foncées recouvrant craies claires, à gratter.
- Portraits de monstres avec cadres adéquats.
- Portrait réciproque de profil avec son voisin.
- Planètes imaginaires à monter en mobiles.
- Vitraux en papier cristal avec armature en Canson noir évidé : Noël et cartes de Jour de l’An.
- Maquettes qui réinvestissent les solides géométriques, une occasion de réalisation concertée en équipe, petites maisons et quartiers.
- Les boîtes en carton d’un magasin de chaussures constituaient une manne pour ranger trésors miniatures, petites cochonneries à réinvestir dans des créations d’univers pour poupées à modeler. Ces territoires intimes s’empilent avec les autres pour réaliser une belle tour.
- Poèmes inventés à écrire en très grand pour s’afficher dans la rue le jour où les portes de l’école s’ouvrent. Bannières.
- Bandes dessinées envisagées comme une autre manière de raconter : une planche chacun, un album à tous, édition spéciale du journal de classe.
- A partir de l’œuvre de Keith Haring : le mouvement et le rythme, grande fresque collective avec des papiers affiche.
- Arbres, maisons, animaux, personnages permettent des assemblages spectaculaires. Une œuvre individuelle, posée avec les autres, va grandir.
- Effet facile garanti avec les découpages et assemblages à partir de magazines à déchirer en gros confettis pour fournir des tableaux impressionnistes inédits.
- Idées prises dans les inventifs albums pour enfants : jouer avec les habillages en décalant les pages composées d’un cow-boy pour le haut et d’un cosmonaute pour le bas.
- En préalable à des films d’animation ou plus ponctuellement : dessins avec mouvement pendulaire Une feuille pliée en deux : sur une partie l’araignée est en haut de la page, sur l’autre elle est descendue, en enroulant le premier dessin autour d’un crayon et en frottant l’araignée monte et descend ; persistance rétinienne.
- Affiches pour annoncer la prochaine représentation théâtrale.
Multiplier les supports : papiers de verre, galets, sculptures de véhicules avec matériaux de récupération comme là bas en Afrique. Changer de lieux : chacun porte sa tablette en bois dans le parc comme les peintres de Barbizon, les chauds après-midi de juin.
Les suggestions ne manquent pas sur les sites Internet, reste la disponibilité pour exécuter qui se préserve en refusant de prolonger le temps de math au détriment de celui d’éducation artistique : tout le monde y gagne.

Les grandes personnes. Novion Anna


Daroussin en papa plein de bonne volonté, même trop, conduit sa fille dans l’exotique Suède. Obnubilé par sa recherche d’un trésor Viking, et trop pris par sa démarche didactique, il ne voit pas vraiment celle dont il a provisoirement la charge,et à laquelle il porte un amour maladroit. Heureusement l’adolescente incertaine s’en tirera peut être parmi ces adultes paumés : ce n’est pas gagné ! Film gentil.

mardi 14 octobre 2008

Slam à la bib


Bastien Maupomé - on a du lui dire 768 fois- avec un patronyme pareil ; il était voué à nous aider à les retrouver, les mots.http://mots-paumes.blogspot.com/ Mission accomplie avec brio, dynamisme, générosité. Les bibliothécaires de Barnave n’avaient de cesse d’aller chercher de nouvelles chaises pour accueillir le public qui avait répondu à leur invitation pour une scène ouverte animée par le slameur sus nommé. Du Vincent Rocca pour la virtuosité des jeux de mots, le sourire de MC Solar et une énergie bien à lui. Ce frère bien élevé du rap possède une vertu qui manque parfois à ce type de déclamation : l’humour. Il est cocasse de constater que certains rappeurs ailleurs ont une emphase aussi plombante que des poètes ronflants du XIX° siècle. Des conteurs traditionnels, des lecteurs amateurs qui alternaient avec les séquences du Bastien, ont gagné en écoute par la conviction du meneur de soirée. Je prends trop souvent la posture du vieil instit 3°république pour ne pas être soupçonné de jeunisme. En ne boudant pas mon plaisir à apprécier du slam, je n’ai pas l’impression de rejoindre la cohorte de ceux qui se refusent à vieillir. Je trouve que par cette forme enjouée, avec un engagement politique qui éloigne de la futilité, la poésie est gagnante. La variété du public ne pourra que s’étendre tant le talent de B. Maupomé est prometteur.

lundi 13 octobre 2008

« Phèdre (à peu près) » chez soi.


Notre copine Madey nous avait invité avec une vingtaine de ses connaissances à une soirée théâtre chez elle. Dans le séjour débarrassé de ses meubles, les comédiens jouent dans des conditions à peine plus exiguës que dans certains lieux du off avignonnais. Si les variations autour de ce classique doivent beaucoup à l’autorité d’une prof de français comme on n’en fait plus trop, les deux potaches ne manquent pas de sel. Les deux acteurs,Benoit Olivier et Maurice Hebert, n’en sont pas à leur coup d’essai et ils se produisent aussi dans des salles. Vous pouvez faire appel à eux : mail : cyrano.roxane@orange.fr. Ce « Phèdre (à peu près) » n’est pas que burlesque et parodique : subsistent quelques morceaux de Racine à la langue si pure qu’elle passe dans ces conditions comme belles lettres à la poste. Ce genre de drame absolu paraîtrait outré dans une série télé d’aujourd’hui, cependant cette façon d'énoncer pose un voile sur des situations monstrueuses (inceste).

dimanche 12 octobre 2008

« La crise de l’état providence »


Si les magazines étaient audacieux, voilà un titre qui aurait été original dans la période. Personne n’entrevoit clairement les conséquences qui résulteront de l’écroulement actuel, mais pour rester dans le mode goguenard où nous baignons, le spectacle des libéraux qui nous « gouvernent » pourrait nous réjouir. Les milliards poussent comme girolles après Tchernobyl ; alors que certains pinaillaient encore autour un p’tit milliard pour le RSA.
Ce samedi matin, il faisait un temps à arpenter les sentiers de montagne plutôt que de s’asseoir dans une salle même pas enfumée. Et pourtant je me suis pris à apprécier la prestation de quelques hommes politiques à une tribune sans effets rhétoriques : Destot et Migaud (c’est pas zéro !) entre autres. Loin des caricatures de politiciens, il y a aussi des hommes dévoués à la cause publique. Ils venaient nous donner des nouvelles de la crise, de ce qui s’en suit pour les collectivités locales et de ce qui a précédé dans le désengagement de l’état. Les problèmes aigus des subprimes ont un an d’âge avec leur cohorte de châteaux des cartes (bleues) écroulés. L’état qui a renoncé aux réflexions à long terme, court.Aujourd’hui la Dotation Urbaine de Solidarité révisée pénalise les communes qui ont produit des efforts pour le logement social. Le budget du ministère du logement de C. Boutin est en régression.Le choc de croissance est là : les taxes issues des transactions immobilières chutent.
Finalement cette réunion d’élus de gauche m’a remotivé. Nous ne cessons de nous prendre des claques et pas seulement de la main invisible du marché. Alors, j’aurai bien aimé que mes amis renseignés par les gazettes de la moindre petite phrase - surtout si elle est vache - des soc’s entre eux, soient là, eux qui vouent aux poubelles de l’histoire le P.S., et la gauche en général aux encombrants à évacuer. Ce socialisme local, est déterminant : 75% des investissements publics viennent des collectivités locales. Un pare-feu pour conserver les services publics qui sont le patrimoine des gens modestes.
Tiens, le salon du livre jeunesse à Montreuil avait choisi cette année le thème de la peur ; des fois les littéraires anticipent mieux que les économistes.

samedi 11 octobre 2008

« Une semaine de vacances »


C’est ce que disent tous les clients à l’auteur du livre, J.M. Aubry, accompagnateur en montagne quand il emmène son groupe à la découverte de sommets dans le briançonnais. En nous racontant tous les petits incidents de cette randonnée, cette semaine s’avère ne pas être une promenade de santé. Ou plutôt si ! Comme le narrateur est un marrant, les faiblesses humaines se révèlent jubilatoires, et les situations banales, vivement croquées, un régal. Le rire guérit tout ! La galerie des portraits avec l’hypocondriaque, le grossier, une Marie Chantal et aussi la prof qui sait tout… nous offrent le plaisir de la caricature en 240 petites pages, sans prétention. L’humour naît souvent de la surprise, et comme c’est redoutable d’être étiqueté rigolo, genre tête de gondole pour « la semaine de l’humour », son mérite est d’autant plus grand.

vendredi 10 octobre 2008

Dernier maquis, Rabah Ameur-Zaïmeche


L’approche de la classe ouvrière au cinéma devient tellement rare que c’est avec d’infinies précautions que l’on se hasarde à poser quelques questions. L’esthétique peut-elle nuire au propos ou le sublimer ? Le ballet des chariots élévateurs déplaçant des palettes rouges m’a paru parfois un peu posé comme une installation d’art contemporain qui peut éloigner un public populaire d’un tel film soulevant pourtant de vrais problèmes et dont le tournage qui a réuni professionnels et amateurs a été une belle entreprise. Je suis toujours aussi sensible aux cadrages de RAZ et à son énergie, aux tensions qu’il sait nous communiquer. La religion une fois de plus est instrumentalisée pour gagner un peu de paix sociale, la fracture ethnique s’en nourrit, elle n’est pas là pour sa vocation première : relier. C’est bien dans le lexique où figure le terme « lutte des classes » qu’au chapitre religion on trouve : « opium du peuple ».

mercredi 8 octobre 2008

Arts plastiques (« Faire classe »#5)


A la façon d’un dictionnaire amoureux de l’école primaire, j’effeuille désormais la marguerite des matières à enseigner par ordre alphabétique, passionnément.
A, comme artistes que sont devenus souvent nos propres enfants à juger par l’échantillon restreint mais parlant de la descendance de mes amis pédagos. Nos dynasties se sont dirigées vers ces professions bohèmes, pour la beauté, la gratuité du geste permises par la sécurité de l’emploi des parents, sur fond de posters de Picasso accrochés très tôt dans les chambres des logements de fonction.
A comme art. Comment ne pas prendre la grosse tête dans ce boulot ?
Nous croyons dans ces domaines créatifs côtoyer l’essence de la vie. Ces lieux sont hantés par les génies, et nous finissons l’heure à l’éponge et au balai, à frotter les taches persistantes à l’essence de térébenthine. J’ai toujours goûté ces mélanges : le grossier et le sophistiqué, le pinceau en poil de martre et le balai de genêts dans les étables sombres. J’abuse des métaphores mais suis agacé des euphémismes qui hésitent devant l’appellation d’un chat. La culture se frotte à la nature et le trivial à l’idéal.
Dans ces contrées de carton bulle et de papier de soie, j’ai toujours l’impression de proférer une incongruité en nommant l’art en tant que discipline, pour le temps que nous avons à consacrer à la carte à gratter, au métal à repousser. Comme en pédagogie, se dupliquent dans le domaine esthétique où la main intervient pourtant, les excès de bavardages concernant en particulier l’art contemporain. Les images sont noyées sous les mots.
Entre parenthèses : quand l’acrylique est mise de côté, les lieux d’installations se couvrent de sang à défaut de sens. Ils squattent souvent d’anciens lieux d’industrie. Le « magasin », la « faïencerie », la « chaufferie », salles de spectacles ou d’expositions ont pris les noms des lieux où travaillait une classe : l’ouvrière. Maintenant les classes s’y pressent : les culturelles.
Cependant, sur un nuage mignon, dans nos écoles « Prévert » et « Pierre Perret » les secrets des muses seraient à portée de petites pattes et grands yeux. Quelle douce fraîcheur faut-il cultiver pour accrocher aux cimaises d’un jour les productions enfantines ?
Les enjeux pédagogiques se visualisent pendant cette heure : la liberté peut tétaniser et la contrainte anime, spectateur et acteur, admirateur et iconoclaste, créature ou créateur, une corde peut s’ajouter à chaque harpe. C’est seulement quand les instruments sont posés que l’ampleur des contradictions apparaît : est ce que l’individu est plus libre, plus créatif lorsqu’il ignore l’histoire, lorsqu’il s’émancipe de la culture ?
L’histoire se rejoue avec les enfants depuis le coup de fusain sur le rocher en papier kraft jusqu’au hasard de l’instant. La modernité commence quand ?
Renouveler les affichages, sinon le regard se lasse. Le dessin qui se décolore au soleil, l’adhésif qui se desquame disent trop l’abandon. Qui fera le recueil des panneaux d’affichage à l’extérieur des écoles qui ne savent souvent mettre en vitrine que les dates des vacances, ou la liste des parents élus ? Des progrès sont en cours, l’école apprend à se valoriser quand plus rien ne va de soi.
Le temps de préparation et de bouclage est des plus important dans cette matière. Sans compter des minutes de parcmètres pour fouiner dans les papeteries à la recherche d’astuces et de beaux papiers : les bonnes odeurs dispensent de décompter en heures supplémentaires.
Une organisation réfléchie de la salle de peinture autorise un gain de temps et d’argent avec des meubles adéquats pour ranger papiers divers et recueillir les chutes à recycler, les pinceaux à la durée de vie aléatoire, les colles, les encres, les craies, le peintures en tube, en pot, en rails. Du matériel de qualité préservé permet le soin et magnifie les productions. Le temps de rangement, nettoyage peut être qualifié de civique mais il y a encore à se gendarmer pour que le maladroit fainéassou ne laisse pas aux fillettes le soin de ranger ses œuvres et accessoires. Temps de stress, révélateur des ambiances de classe. Temps de plaisirs et de travail quand pour mettre en valeur il faut du temps.
Des classeurs avec pochettes en plastique protègent des reproductions d’œuvres diverses qui amorceront un travail de début d’année dans le but d’expérimenter les différentes techniques, prendre connaissance de productions de maîtres appartenant au patrimoine. L’angélus de Millet descendu de son calendrier sera reproduit aux crayons de couleurs, Miro choisi pour sa simplicité contentera celui qui se juge comme nul en dessin, alors que Dürer au stylo à bille rencontrera volontiers le minutieux ; Van Gogh en papier déchiré, De Staël à la craie, un égyptien de profil à l’encre, Matisse à la gouache. Cette réserve constituera comme dans d’autres domaines un pense-bête, un recours quand le travail proposé dans l’heure se termine ; ce stock attend dans le coin images où un magazine consacré à Di Rosa côtoie quelques beaux livres comme il s’en publie au moment des fêtes avec Magritte qui étonnera, et le catalogue des œuvres du musée où se réviseront les impressions premières. Des boîtes à fiches permettent des manipulations aisées et les éditeurs sont prolifiques. C’est de l’histoire active de l’art. « La liberté guidant le peuple » de Delacroix représente un moment de l’histoire des hommes et de la peinture. Comment dissocier l’art de l’histoire quand les cathédrales se profilent, où que l’on peut marcher dans le tableau d'un empereur après tant d’autres ?