mercredi 21 septembre 2022

Christiane Colomb

Christiane Colomb vient de mourir. 
Elle était institutrice de maternelle à  l'école Rochepleine à Saint Egrève.
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Nos bavardages ont cessé.
Les circonstances imposent des mots plus grands que d’ordinaire ainsi « Amour » ; « l’amour » de ceux qui ont croisé ta route et qui sont venus dire « adieu ».
D’autres termes absolus touchant aux mystères de la vie, de la mort, de la douleur et de la joie peuvent être prononcés, comme ceux en usage sous les voutes des églises qui marquaient le centre de nos villages.
Familière de ces lieux dans lesquels plus grand monde ne connait la chanson, tes recherches spirituelles t’ont portée au dessus des saisons poussiéreuses ou raides de froid.
Elles jalonnent un lent et beau chemin, d’intégrité et d’exigence, pour devenir une femme « bien », et aider les petits à grandir.
Beaucoup d’aspects de notre époque où les machines dominent n’étaient pas les tiens, mais de tous temps la littérature a pu consoler. 
Des amis ont déposé des livres derrière ta porte:
« La couleur verte tremble entre les mains de l’automne
La mort maquille les feuilles pour leurs noces avec le givre
Un silence très ancien se loge dans la lumière qui se tait
et le Temps jette les heures insouciantes dans un feu sans mémoire.»
Kamal Zerdoumi
Tu as trouvé naturellement le syndicalisme qui te convenait à la CFDT et ses écolos de la première heure.
Nous ne savions pas que nous étions heureux depuis les morsures des hivers enfantins jusqu’ aux folies printanières.
Du Nord Isère à la Villeneuve de Grenoble, tu as travaillé avec l’Ecole Moderne, celle de Freinet, sans avoir besoin de t’en vanter, puisque tu as été reconnue par tes élèves et leurs parents, par tes collègues, comme une maîtresse bienfaisante.
Le mot respect allait de soi.
 

mardi 20 septembre 2022

Un cadavre dans la bibliothèque. Dominique Ziegler. Olivier Dauger. Agatha Christie.

Le style très classique des dessins s’accorde avec l’ambiance rétro de cette énigme policière heureusement bien découpée car le dévoilement de la vérité est tarabiscoté, comme il se doit. Nous ne sommes pas invités à connaître vraiment les victimes situées aux frontières d’un monde aristocratique et de ceux qui doivent les distraire de leur oisiveté.
Miss Marple qui enquête à proximité d’une paire de policiers conventionnels, trouve les mobiles et déficèle les alibis. 
On pourra se régaler de retrouver manoir, thé, whisky, jardinage, femme du pasteur, colonel et les Beatles ou s’en lasser.
Sorti il y a cinq ans, cet album de 64 pages aurait pu être trouvé dans une brocante, tant son charme tient essentiellement à ses archaïsmes. 
Il ne restera pas dans ma bibliothèque.     

lundi 19 septembre 2022

Les promesses d’Hasan. Semih Kaplanoğlu.

Avant d’aller en pèlerinage à la Mecque, un agriculteur turc est incité à payer ses dettes selon la coutume islamique. Et il a de quoi faire après tant de petits arrangements et de prédations plus lourdes. L’élégant Hasan se déplaçant tout en souplesse dans une société où la corruption est un système doit chercher en particulier le pardon de son frère.
La beauté des images, la longueur des plans participent à la langueur qui peut gagner le spectateur au bout de 2h1/2 durant lesquelles sont abordés sous le bruit du vent : les pesticides, l’électrification, la spéculation immobilière, le prix payé aux producteurs, les normes européennes, la place des femmes, les délices de l’enfance dont l’arbre sous lequel se retrouvait la famille va être tronçonné… 
Nous n’échapperons pas à un tour à la scierie.

dimanche 18 septembre 2022

Multitude. Stromae.

Je me souviens de mon enthousiasme modéré alors que l’apparition de Paul Van Haver , tellement fulgurante, fut saluée de toutes parts
Dans l’océan des propositions musicales qui mesurent mon obsolescence, je me  raccroche à quelques célébrités, surtout quand Booba nous appâte avec une déclaration choquante envers l'auteur interprète belge : 
« on s’en bat les couilles de ta vie, tu nous sers à quoi… »
Le triste devient attractif, même si quelques formules de « La solassitude » sonnent le creux :
« Le célibat me fait souffrir de solitude
La vie de couple me fait souffrir de lassitude »
ou que le « caca » mesure la qualité d’une « Bonne journée » 
 ou d’une « Mauvaise journée » 
« Une bonne journée de merde » 
et marque la condition de parents : « C’est que du bonheur »
 « Tu verras c’est d’la joie
Y a les couches et les odeurs
Y a les vomis les cacas et puis tout le reste » (bis)
Il attrape bien les mots de l’heure et se défend : « Invaincu » :  
« Tu crois que tu vas m’la mettre
Même pas en rêve p’tite putain »
et rend un bel hommage aux putes dans « Fils de joie » :
« Ils te déshumanisent
C’est plus facile
Les mêmes te courtisent ». 
Il respecte ceux qui n’ont pas de « Santé »:
« Célébrons ceux qui n’célèbrent pas ».
Mais quand il demande « Riez », la musique guillerette soulignerait plutôt la profondeur d’une tristesse qui ne croit pas à son rêve :
« … d’avoir la piscine et la villa quatre façades ». 
«  Pas vraiment » commence avec :
«  Qu’est ce qu’on est beau sur la photo »
et se termine :
« Oui toi et moi on devrait s’arrêter là » 
«  Mon amour » est teinté d’humour :
« Pourquoi tu t’en vas, c’était la dernière fois  
C’était juste un coup d’un soir »
Alors que de bonne volonté, il ne manque pas dans la «  Déclaration » :
« Mais il faudrait surtout pas que madame porte la culotte
Même si la charge mentale on sait bien qui la porte »
Son histoire personnelle a touché des milliers de solitaires qui veulent en finir, 
par ses mots élémentaires : « L’enfer »
« Est-ce qu’y a que moi qui ai la télé ?
Et la chaine culpabilité ?
Mais faut bien se changer les idées
Pas trop quand même » 

samedi 17 septembre 2022

Le pays des phrases courtes. Stine Pilgaard.

Chronique poétique et drôle de l’arrivée dans un village au Danemark de l’épouse d’un prof, elle n’arrive pas à obtenir son permis de conduire et épuise les moniteurs. 
Le sujet pourrait être ténu, il l’est, mais le regard décalé de la jeune femme qui doit être invivable au quotidien, est original. 
Ses réponses au courrier des lecteurs qu’elle tient dans une gazette locale sont empreintes d’un bon sens inattendu et rendent agréable la lecture des 285 pages. 
- «  Ne te demande pas avec qui tu veux te marier, mais plutôt de qui tu pourrais divorcer. »
- «  La vie n’est pas un évènement, mais un mouvement fugace et indifférent dans un espace sombre. Toutefois la beauté peut advenir avec spontanéité. Un beau poème, une peinture étrange, une vue qui vous coupe le souffle. »
- « Si tu es drôle, ne cherche pas quelqu’un qui est aussi drôle mais quelqu’un qui a envie de rire. Si tu es douée pour faire la cuisine, ne pourchasse pas un chef, mais trouve quelqu’un qui a faim. » 
Elle s’affronte parmi tant de personnes bienveillantes à l’incommutabilité avec ses semblables, plus à l’aise à l’écrit que dans les situations de tous les jours. 
« Tu vas y arriver, je me murmure à moi-même, tu es immobile et blanche comme une statue, tu es une peinture avec un cadre doré dans la salle à manger de ta grand-mère, tu es un cerf et des lacs forestiers, des nénuphars qui ondulent. Tu es IKEA, un zoom paniqué sur des pétales de fleurs, des gouttes de rosée au soleil. Des milliers de reproductions. Tu es si neutre que tu es accrochée partout dans les chambres d’hôtel du monde entier, tu es la dernière chose que les gens voient avant qu’ils sombrent dans la baignoire et se taillent les veines… »    
Visions alcoolisées, loufoques et mélancoliques: Art contemporain : 
« Il a enregistré le son de deux tranches de pain qui sautent d’un grille-pain et le mixe avec l’enregistrement de sacs-poubelles tombant dans un vide-ordures. »
 L’hiver approche : 
«  Quelqu’un repoussera l’aspirateur dans un placard, essuiera les miettes sur les tables, rangera les meubles du jardin dans la remise. Les volets claqueront, quelqu’un fera un dernier tour, fermera les portes de chaque pièce, verra un reste de toile d’araignée, mais n’aura pas la force de l’enlever. » 

vendredi 16 septembre 2022

Et alors ?

La réplique un tantinet fataliste vise à ne pas subir les circonvolutions d’une conversation telle qu’elle pouvait se déployer de vive voix du temps où le monde se refaisait au coin des canapés.
Les mots désormais vivent plutôt sur des pancartes et clignotent en punchlines, c’est qu’une roue arrière épatera plus le bourgeois qu’une proposition pour réorienter une politique éducative.
Quand une nouvelle méthode se met en place (CNR) pour essayer de sortir de la fatigue démocratique et du court terme, les trublions fauteurs n’en veulent pas et préfèrent servir d’écrin aux « black blocs ».
Les institutions sont malmenées par ceux qui en vivent, leurs clowns discréditent le travail parlementaire et regrettent qu’on ne leur donne pas plus la parole, alors qu’on ne voit qu’eux et on n’entend que leurs criailleries.
En dehors de « Macron-des-ronds » les réponses aux problèmes 
de l’emploi, 
de l’environnement, 
de l’école, 
demanderaient prospective et compromis.
Reste à nous amuser : Caramba ! Encore raté pour Jean Luc Tapioca. Ses affiches où il pose en premier ministre putatif pâlissent.
L’emploi s’améliore, les démissions se multiplient, les paradoxes prospèrent.
Je ferme mes tiroirs dans lesquels jaunissent les mots d’un autre siècle : « conscience professionnelle », « vocation » et j’avale la clef.
En ce qui concerne le travail, je me situe depuis une récente chicaya, du côté de « traverser la rue » plutôt que « tu veux être chirurgien, va en teuf !»
Les écologistes ont développé l’usage de la bicyclette, l’état a participé aux financements.
La société avance parfois sur deux roues, malgré la saugrenue Rousseau et autre inepte Piolle qui portent tort à une pédagogie de la sobriété partagée par tous les inquiets de l’état de la planète.
La configuration des concours d’accès aux métiers de l’école devrait être revue, mais la crise des recrutements touche d’autres nations où les rémunérations sont plus élevées que chez nous. On ne trouve plus assez de chauffeurs de cars scolaires non plus, c’est que les mômes ne sont pas si mignons mignons.
Pour évoquer « Le peuple » s’impose à moi l’image d’un ensemble dont chacun est une partie. Dans la marche de la société chaque membre a sa part à accomplir; les muscles aux actions antagonistes créent le mouvement. 
« Que fait l’état ? » est le mantra entendu inévitablement sur les plateaux quand un fou met le feu à la forêt ou un supporter du PSG vient faire le coup de poing à Nice avec les Ultras de Cologne. Les mêmes trouveront l’état trop interventionniste, le lendemain.
L’insignifiance de certains médias s’aggrave de conformisme quand est désigné le seul « Cher connard » comme le livre de la rentrée 2022.
Quelques journalistes ont découvert les classes populaires lorsqu’elles ont revêtu leur gilet de sécurité extrait du coffre de leur voiture et culpabilisent de les avoir méprisées : 
le beauf caricaturé  a impressionné le bobo caricaturable. 
Leurs demandes de plus de services et de moins d’impôts sont-elles suffisamment contradictoires pour dispenser de tout commentaire ?
La reine est morte, petits marquis et barons se portent bien, nos petits rois ont leur cour et ne veulent entendre que tout a un prix, que toute inspiration est suivie d’une expiration, oxygène et gaz carbonique, fumier et parfum des fleurs. La mort vient après la vie et vice versa. 
« L'opinion publique est reine : elle ne gouverne pas. » Joë Bousquet
Et alors?

jeudi 15 septembre 2022

Anne Bothuon. David Farren

Effet « Wahoo ! » à la galerie 66 à Périgueux 
face aux personnages d’Anne Bothuon ficelés dans la ouate.
Ce matériau léger comme un nuage, est utilisé d’une façon originale avec la tarlatane dont j’ai appris à l’occasion le nom de cette « étoffe de coton à tissage très lâche et très apprêté, contrairement à la mousseline, plus souple et légère ».
Le résultat est poignant : l’humanité des modelages représentant des femmes nues loin de la perfection du Bernin les rend tout aussi belles.
La légèreté des rêves effleure l’expressivité des rides.
Ces êtres de théâtre ont croisé nos vies affairées et leurs images persistent après avoir poussé la porte de la galerie où nous n’avions pourtant pas la prétention d’acquérir une de ces œuvres impressionnantes.
J’aurais par contre bien aimé acquérir une page des carnets de l’anglais David Farren
mais elles n’étaient pas en vente.
Ses aquarelles vives plus accessibles que les grandes toiles m’avaient frappé dans la profusion de deux sketchbook où chaque feuille recto-verso a saisi les vibrations de la lumière.
Les aquarelles sont devenues tellement communes 
qu’une découverte n’en a que plus de prix.
Dans leur familiarité, la virtuosité des esquisses m’a touché.
L’anglais a beaucoup valorisé le Périgord : classique et tellement charmant.