dimanche 24 janvier 2021

Travaux sur la N89. Murat.

J’avais appris à aimer l’Auvergnat 
et ce titre datant de 2017 appelait à des retrouvailles du côté de Clermont-Ferrand où passe la N89,  mais il s’agit plutôt de travaux musicaux expérimentaux.
Sous une pochette aux couleurs rappelant les maillots des cyclistes de « La vie Claire », les musiques évoquent les travaux de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM) jadis à la pointe de la modernité, donc présentement démodées.
Si « Feignasse, radasse connasse pétasse » de « Dis le le » accroche l’oreille,
parmi les quatorze chansons présentées en un fil continu qui peut séduire ou agacer, 
nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas été avertis dès le début : 
« Cette fois «  Les pensées de Pascal » je m’en fous. » 
Les clips n’éclairent pas davantage la nuit électro et dans le morceau qui donne le titre de l’album, il confirme :  
« J’aime pas le travail ». 
Dans « Alco » :  
« Je crois bien que cette fois ce sera le (bip) de l’angevine. » Quelle audace !
Je préfère en conclusion dans la « Chanson de Sade » : 
« Le temps emporte nos souvenirs super sapés »
 Quand « La vie me va » : 
« En balade viens partons en balade partons viens partons en balade 
En balade là-haut sur la montagne » C’est là qu’il me va. 
« Quel est le problème Moïse ? »: 
« T’aime plus la musique Vercingectéro. »  
C’est donc ça ?
Alors quelques métaphores feront l’affaire dans « Coltrane » pour la touche jazz : 
« Pris dans le givre du temps essuie-glace. » 
Et des réitérations dans « Garçon »:  
« Aime moi ceci aime moi cela » 
ou dans « Le chat » :
« N’ouvre pas n’ouvre pas ».

 

samedi 23 janvier 2021

Yoga. Emmanuel Carrère.

J’allais écrire : « je viens de faire avec cet auteur un voyage beau et tranquille » 
et c’est vrai, alors qu’il est question de dépression sévère avec électrochocs, une « autobiographie psychiatrique », de migrants à Léros, de la mort de Bernard Maris dans les locaux de Charlie hebdo. 
Au départ il devait s’agir d’un « essai subtil et souriant sur le yoga ».
« Le yoga dit que nous sommes autre chose que notre petit moi confus, fragmenté, apeuré, et qu’à cette autre chose, nous pouvons accéder. »
Les chapitres sont courts et montent en puissance, le maître écrivain sait y faire. 
Nous sommes concernés comme Sacha, un de ses personnages, chef de la police dans un village russe, qui visionne la cassette mettant en scène son histoire tragique montée en parallèle avec un douloureux épisode personnel du célèbre auteur français : 
«  C’est bien. Tu n’es pas seulement venu prendre notre malheur : tu as apporté le tien. » 
Nous pouvons éprouver le plaisir de la lenteur qu’il nous laisse entrevoir dans ses moments d’exploration intérieure, que nous partageons intimement grâce à sa sincérité, son humour. 
«  Ce que je devrais faire, moi, c’est traquer les phrases qui commencent par « je ». Difficile ? Hors de portée ? Gros dossier. » « Je » nous concerne.
Ivresse, amour fou, sagesse, vie littéraire parisienne et solitude, scrupuleux compte rendus et rapports psychiatriques : un magnifique roman, fort et limpide. 
« Au cœur de cette passion, je ne voulais pas voir qu’elles étaient déjà là, en embuscade, la dépression et la folie. Je ne voulais pas entendre ce proverbe si cruellement vrai : 
« Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison. » 
Il est question de courage et d’honnêteté: 
«   … si c’est du courage, c’est le courage du général Massu quand il s’applique à lui-même la gégène. Comme lui j’arrête quand je veux, je dis et tais ce que je veux… »

 

vendredi 22 janvier 2021

Grincements .

En essayant de me tenir au courant de l’actualité, j’ai l’impression d’être dans une séquence qui avait servi de générique à l’émission « Cinéma/cinémas » avec un personnage d’« Alphaville » de Godard, ouvrant les portes d'un hôtel les unes après les autres pour les refermer aussitôt. Que cherchait-il ? Que voyait-il ?
En 2021, on peut imaginer une chambre : « crise sociale », une « crise sanitaire », une autre « crise morale » ou « culturelle », « financière », « écologique »…
Ce n’est qu’en se détournant de ces putains d’écrans pour apercevoir le regard plein de confiance d’un enfant, que celui-ci pourrait nous obliger à ne pas nous enfouir dans les lointains, et à le regarder dans les yeux. Les masques devant la bouche conduisent à scruter le haut des visages.
Les réseaux sociaux, que je compulse trop, m’accablent et accusent nos contradictions.
Plus personne ne prétend donner de leçons - surtout pas les profs - mais chacun délivre ses prescriptions sans filtre de « laissons mourir les vieux ! » à « obligeons tout le monde à se vacciner ! » et surtout « j'fais ce que j'veux! »
Et bien sûr toujours « no no l’état » pour certains alors qu'ils attendent tout de « nounou l’état ».
Le journal « Le Monde » jadis référence de papier, se garde désormais d’apparaître comme tel aujourd’hui. Ses critiques à l’égard des GAFAM trop indulgents face à des contenus discutables ne pèsent pas dans la mesure où aucun modérateur ne semble intervenir pour écarter les commentaires hors sujet qui abondent autour de ses propres publications « putaclics » sur Facebook. Le courage n’est plus une vertu tendance, alors il est demandé aux autres d’agir afin de les critiquer ensuite, mais hors de question d’intervenir dans son aire de responsabilité. Twitter et consorts se sont gavés avec Trump, ils sont plus qu’inconvenants lorsqu'ils s'érigent en moralisateurs de la dernière heure au moment où le fou est out.
Il est commun de constater que la COVID a accentué des traits esquissés avant la pandémie : égoïsme, étroitesse d’esprit, arrogance, grossièreté tiennent le crachoir. Au pays où les corvidés parlent aux bovidés, les covidés broient du noir et éclaboussent  les alentours de leur encre sombre. 
Les médias montreurs de lune en prennent plein les dents quand ils se mettent l’index dans l’œil en surévaluant par exemple le nombre de français hostiles à la vaccination. Des prophéties auto réalisatrices pour avant hier sont pourtant déversées sur les plateaux où les nuances et la complexité n’ont pas bonne presse.
Me voilà à geindre sur l’époque tout en regrettant que mes semblables exagèrent à se poser sans cesse en victimes. La séquence « pauvre teuffeur » est en voie d’être supplantée par les remontés en neige de la mécanique.
Les contrariétés du quotidien en temps de pandémie ne disparaissent pas lorsqu’on en cause. Nos mots reproduisant « ad nauseam » la fameuse tendance caractéristique de la gauche en particulier; sûre dans ses analyses mais pusillanime dans ses actions.
Alors quand l'atrabilaire devient trop visible, Victor Hugo donne des alibis:
« Quand les vieillards croient gémir sur leur temps, ils se trompent ; ils ne gémissent que sur leur âge. » 
Cependant je penserais garder un peu de dignité en n’acquiesçant pas à toutes les facilités juvéniles qu’absolvent d’abord les démagogues à l’âge du barbon.  
« La vieillesse ne devient médiocre que lorsqu’elle prend des airs de jeunesse »  
Hermann Hesse.
………..
Ci-dessus le dessin provient de « Courrier international » 
et ci dessous le dernier dessin de Xavier Gorce pour « Le Monde » qui n'a pas défendu son collaborateur. 

 

jeudi 21 janvier 2021

6 mois. N°20. Automne 20/Hiver 21.

Toujours aussi passionnant 
le recueil de photographies sur 300 pages est un des phares de l’information avec sa périodicité permettant d’aller à l’essentiel, où la virtuosité des artistes photographes est au service de nobles causes.
Je croyais tout savoir de la situation des noirs en Amérique et je ne recherchais  pas d’informations supplémentaires après la vague « Black Lives Mater » qui s’était polarisée sur les violences policières et pourtant il y a de quoi apprendre avec trois reportages sous le titre «  Goodbye América » nous rappelant :
- la misère dans 46 états,
- la peur et le combat de femmes noires dans le sud 
« Une femme noire sur cinq est une survivante de viol »,
- l’histoire d’une mexicaine devant franchir à nouveau la frontière.
22 photographes se réinventent lors du premier confinement : la diversité de leurs propositions prouve que la créativité peut être stimulée par la contrainte.
Cette fois c’est le photographe Reza, qui est mis en évidence : de Sarajevo à l’Afghanistan, au cours d’une vie où il a connu la torture et la prison, l’exil, l'Iranien propose des images essentielles.
Les « kumaris »  petites déesses  au Népal ne sont plus vénérées lorsqu’elles ont leurs premières règles : symbole exacerbé de la condition féminine où les menstruations sont un tabou honteux.
Les établissements de l’ancienne URSS dits « sanatoriums » où les travailleurs profitaient des bords de la mer noire ont du charme.
Par contre les portraits d’athlètes aux visages cachés ayant subi des violences sexuelles sont d’une efficacité qui amène à s’interroger sur la similitude des scénarios où le moniteur devenu ami de la famille : « Balance ton sport ».
Y a-t-il pires conditions que celle de ces africains coincés en Libye ?
Aung San Suu Kyi est descendue de son piédestal 
et l’existence d’une jeune femme trisomique en Allemagne est joliment mise en lumière,
dans la favella de Bello Horizonte apparaissent plutôt les moments festifs que la misère et le crime.
Le décor de l’album d’une famille en Ecosse est plus lisse mais la dignité ne masque pas complètement la précarité.  

 

mercredi 20 janvier 2021

Le Forez.

Une fois la voiture chargée, nous prenons le temps d’un brin de causette sympa avec la jeune logeuse dont nous avions rencontré la mère hier lors de la passation des clés.
Puis le GPS programmé sans péage ni autoroute nous conduit en direction de Roanne/ Le Creusot à travers les Monts du Forez et de jolis paysages de collines, paysages qui se transforment et deviennent moins vallonnés.
Nous bifurquons vers MONTBRISON sous préfecture du département de la Loire (23 000 habitants). Garés place Grenette, sans parcmètre à payer  et en plein centre, avec pour seule contrainte le disque bleu valable 1h 30, nous obtenons à l’Office du tourisme, une brochure contenant un circuit pédestre et des explications sur les principaux sites historiques. Nous nous offrons un petit café  sur la place avant de nous lancer dans les rues, plan en main.
Nous commençons par la rue du marché, intéressante pour l’ancienne maison Jean Papon puis nous marchons vers la Salle Héraldique ouverte malheureusement uniquement l’après-midi, nous nous contenterons d’en admirer la façade gothique de dimensions modestes.
Le parcours passe ensuite par la Collégiale Notre Dame d’Espérance, construite sous Guy IV comte du Forez (XIII°). Une fresque montre Sainte Catherine d’Alexandrie terrassant le dragon.
Les caractéristiques du gothique pas encore flamboyant se révèlent dans les vitraux, les voûtes en ogives, les colonnes et colonnettes sur les piliers surmontés de chapiteaux floraux. L’église est dotée d’un orgue fabriqué par le réputé facteur alsacien Callinet.
Nous revenons sur nos pas, à la découverte de la rue Martin Bernard bordée par des demeures des notables du XV au XVIII°.
Sont signalées plus particulièrement  par des panneaux  d’informations historiques  la maison Robertet et la maison aux lions en vis-à-vis. Une dame s’attarde devant les explications récemment installées et nous explique que, petite, on lui a raconté que les lions tiraient  la langue à la maison Robertet, suite à un différend qui opposait les 2 familles. Mais les lions… n’ont pas de langue !
Nous regagnons la voiture et cheminons vers Le Creusot  par des petites routes désertes au milieu de terres agricoles, de troupeaux de Charolais, 
contraints à quelques déviations pour cause de travaux.
Pour déjeuner, nous faisons halte à POMMIERS EN FOREZ au restaurant le Salvigny. Nous commandons une salade César ou un filet mignon au thym inscrit au menu et des tartelettes au citron que nous  consommons sous les platanes de l’autre côté de la rue, ce qui complique le travail de la serveuse. 
Nous sommes au pied  d’un curieux bâtiment fortifié qui nous intrigue et nous attire :
Il s’agit d’un Château Prieuré moyenâgeux  entouré d’anciennes dépendances, reconverties aujourd’hui en habitations.
L’ensemble forme un vrai petit bourg protégé derrière l’enceinte du lieu religieux, incluant  une église romane dédiée à Saint Julien et de libre accès.
Pour visiter le prieuré clunisien, il faut passer par une visite guidée.
Rehaussé au fil des siècles, bien rénové, l’édifice a connu plusieurs strates. Le monument  offre une façade originale flanquée de trois tours. Elles furent  rajoutées après la guerre de cent ans contre le réfectoire, tant dans un but  défensif que dans un but de consolidation. François 1er désigne des prieurs laïcs pour surveiller les prieurs, et ils en profitent pour grignoter à leur profit les possessions religieuses.
Au XVIII° siècle, la bâtisse est aménagée en s’inspirant de la façon de vivre des Laïcs : pièces plus confortables, plus lumineuses, avec des sols en « tapis » (tommettes carrées en pourtour et quadrilobes au centre), et surtout, des cheminées.
Après la seconde guerre mondiale, une riche et dévote bourgeoise l’achète puis la lègue aux vieux religieux comme maison de retraite. 
L’étage est divisé en cellules individuelles proches d’une chapelle cramoisie de plein pied qui leur était destinée. Aujourd’hui, l’ancien prieuré appartient à la région.
La visite donne droit à la montée dans les combles par un escalier du XVIII°, d’abord en pierre puis en bois. La charpente est magnifique ;  parfois en chevrons (XV° siècle), elle est aussi à « enrayure » : cela   permet de percer des fenêtres dans le toit  afin d’optimiser l’espace pour d’autres cellules. Il y a aussi une partie des combles datant du  XVIII° (combles « brisées »).
Dans ce grenier subsiste un adorable pigeonnier  volontairement privé de ses locataires responsables des dégradations ; il arrive qu’un ou deux parviennent malgré tout à s’introduire pour nicher dans les anfractuosités des murs.

mardi 19 janvier 2021

Bonjour tristesse. Frédéric Rébéna. Françoise Sagan.

Ces 100 pages de BD de 2018 invitent à aller voir du côté du livre  de l’écrivaine précoce,
publié en 1954
« Après dîner, je regardais le ciel éclaboussé d'étoiles, espérant leur chute. Mais nous n'étions qu'en juillet, elles ne bougeaient pas »
et même vers le film d’Otto Preminger avec Jeanne Seberg s’il est à portée de vue,
malgré un rappel de la déception de Frédéric Beigbeder, tout indiqué pour préfacer l’album de 104 pages qui fait référence à « On ne badine pas avec l’amour » et aux « Liaisons dangereuses ». 
« Les adaptateurs sont électriques : le trait obsédé de Frédéric Rébéna (qui évoque Guido Crépax) ajoute à une œuvre ancienne un surcroit d’énergie. » 
Trois femmes : la fille narratrice de l’âge de Sagan, 17 ans, qui par le pouvoir d’un roman qu’elle est en train d’écrire, plutôt que de réviser son bac, va modifier le cours des amours de son cher papa hésitant entre sa sensuelle maîtresse et une ancienne amie de sa femme décédée.
Crépuscule au soleil de la Côte d’azur, bien rendu en de froides couleurs et des traits élégants aux dialogues tendus où l’ennui a de l’espace pour s’occuper. 
« Elle se glisse entre nous comme un beau serpent. Elle m’empêche de m’aimer moi-même, moi si naturellement faite pour l’insouciance… »

lundi 18 janvier 2021

Il était une fois la révolution. Sergio Léone.

Sur une musique entêtante d’Ennio Morricone, comme il se doit,  le film de 167 minutes a des lenteurs toujours séduisantes cinquante ans après la première projection.
Le titre anglais en disait bien plus que l’intitulé en français qui ne laisse pas deviner l’ambigüité des rêves d’alors parfumés à la dynamite : 
« Duck, You Sucker », « Planque-toi, connard ! »
Dans le Mexique de 1913, Rod Steiger, un pilleur de diligences rondouillard, habile du pistolet, rencontre l’affuté irlandais, James Coburn, spécialiste en explosifs.
Les anti-héros devenus héros malgré eux, vont mener leurs affaires d’un festival pyrotechnique l’autre, avec ce qu’il convient de mines impassibles aux regards expressifs.
Des images fortes de massacres de civils vont succéder à des séquences pleines d’humour et le propos parodique devient politique sans livrer de leçons didactiques, les faiblesses humaines côtoyant la générosité et le courage.