dimanche 20 septembre 2020

Béart(s).

Les paragraphes sont moins fournis dans l’encyclopédie de la chanson française à la lettre « B » où Brel, Brassens, Barbara, des « balaises », tenaient toute la place, que pour les mélodies de Guy Béart.
Celles-ci remises au goût du jour se redécouvrent opportunément, et bien des morceaux exhumés reviennent agréablement à nos mémoires.
L’amour d’un père à la naissance d’Emmanuelle avec « L’eau vive » charma notre enfance qui a appris depuis la fatalité des séparations.
« Entre vos doigts l’eau vive s’envolera » 
Les ruptures, les éloignements, les incompréhensions, ne manquent pas : 
« Allo tu m’entends» interprété par les Brigitte manque pourtant de force alors que l’original est pathétique : 
« Je ne t’ai presque rien dit encore » 
Carla Bruni, que j’avais répudiée, est touchante dans «  C’est après que ça se passe » 
et la reprise de « Plus jamais »  par l’actrice de Manon des sources va au-delà d’une désunion amoureuse :  
« Quelle est cette nuit dans le jour ? »  
La « Poste restante » comme les cabines téléphoniques a disparu pourtant :  
« Au rendez-vous des apprentis 
Au rendez-vous des sans logis 
que sont les amours débutantes »  
est bien charmante.
Et bien vachard «Frantz »  en duo avec Julien Clerc :  
« Encore un’ danse
Je rejoindrai mon vieux mari après »
Et je trouve bien entendu tout à fait à leur place
Vincent Delerm : « Bal chez Temporel »
Laurent Voulzy : « Il fait toujours beau quelque part », 
Maxime le Forestier : « De la lune qui se souvient ? »
Alain Souchon : « Seine, va »,
et Catherine Ringer « Les Souliers (… dans la neige) ».
Je découvre Clara Luciani dans l’émouvante « Chanson pour ma vieille »
Angélique Kidjo : « Les Couleurs du temps » 
et Ismaël Lô « Couleurs vous êtes des larmes »  
Avec Akhenaton 
« Qui suis-je
 Qui puis-je
 Dans ce monde en litige» 
 s’éloigne tellement de l’original.
Et si en duo Thomas Dutronc et la comédienne de fille substituent : 
« Qu’on est bien dans les bras d’une personne du sexe opposé » par ceux d’une personne « du sexe désiré » ou du genre « qui nous va » cette mise dans la conformité du jour pour être opportune, en est également opportuniste.
De toutes façons comme le chante Vianney :  
« Il n'y a plus d'après 
 A Saint-Germain-des-Prés 
 Plus d'après-demain 
Plus d'après-midi
 Il n'y a qu'aujourd'hui
 Quand je te reverrai 
A Saint-Germain-des-Prés 
Ce n'sera plus toi 
Ce n'sera plus moi 
Il n'y a plus d'autrefois »

samedi 19 septembre 2020

La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Joël Dicker.

Un best seller de 2012 avec d’un côté des lecteurs ravis et de l’autre des critiques critiques.
J’ai vécu dans le désordre ces deux états, trouvant sans intérêt le début où un écrivain à succès est confronté à sa page blanche et puis la tension montant, je suis devenu impatient d’arriver au bout des 670 pages pour savoir de quoi il retourne, après avoir été baladé par l’auteur qui se laisse quand même un peu trop aller à des ricochets succédant à des rebondissements.
Tous les dialogues n’ont pas la saveur de ceux d’une mère envahissante comme il se doit : 
« Markie chéri, écoute, je dois te demander : es-tu amoureux de ce Harry ? Fais-tu de l’homosexualité avec lui ? » 
Est-ce parce que ce livre policier traite aussi de la création littéraire considérée comme le noble art : la boxe, qu’il a été honoré à la fois par l’Académie Française et par le Goncourt des lycéens ?   
« Je veux divertir le public. Lui donner envie de lire des livres. Les gens achètent de moins en moins de livres, sauf lorsqu’on y trouve des histoires épouvantables qui les relient à leur propres infâmes pulsions. » 
La révision de thèmes déjà abordés par tant de romanciers: la passion amoureuse, la solitude, les stéréotypes… peut convenir aux oublieux et à tous ceux qui aiment les mises en abyme, les constructions habiles et une écriture limpide.
«  Il y eut des cris d’effroi dans la foule ; les mères de famille ramenèrent leurs enfants à la maison  et s’y barricadèrent, tandis que les pères ressortirent leurs vieux fusils et s’organisèrent en milices citoyennes pour surveiller les quartiers. » Nous sommes aux Etats-Unis.
Et même si les modes d’emploi sont parfois convenus, y a ben du vrai :
« Apprenez à aimer vos échecs, Marcus, car ce sont eux qui vous bâtiront. Ce sont vos échecs qui donneront toute leur saveur à vos victoires. »

vendredi 18 septembre 2020

L’heur.

Quand « Faire le malheur » ou « faire un malheur » sont aux antipodes, l’article est déterminant.
Ainsi vont bien des choses quand tout et son contraire ne cessent de se compléter.
Les effarouchés par le mot « ensauvagement » euphémisent et ne voient dans des crimes que des incivilités, alors qu’ils se sont délectés avec Despentes qui avait tant aimé les assassins de Charlie et lorsqu’elle récidive régulièrement dans la fureur à longueur de colonnes complaisantes.
Un croche-patte de flic indignera plus certains qu’une voiture fonçant sur un représentant de la loi.
La violence met en péril le « vivre ensemble » quand des potences ont été dressées à quelques carrefours et que des tombereaux d’injures sont déversés en travers des voix dès qu’une opinion s’aventure en dehors de sa chapelle.
« Il prêche l’amour avec haine » Gorki.
Le mot peur est sorti des bois où il se tenait depuis les contes à dents de loup : entre hypocondriaques et inconscients, les redoutants déroutés s’ils ne craignent souvent rien du Covid aiment suspecter toutes les intentions, se rassurant dans un climat anxiogène. Le principe de précaution mis à toutes les sauces appelle toutes les imprudences en miroir: les funambules au bord du vide ne portent pas le moindre casque qu’appelle la plus lente des trottinettes.
Les effarouchés perpétuels « pètent les boulons » et les adeptes de la lutte des races repeignent leurs chaînes, déboulonnent statues et statuts, englués dans un présent sans pardon qu’ils renoncent à penser en voulant purifier le passé.
Tous ces comptables indomptables passent toute leur énergie dans la contestation, sans projet, ils ne savent plus que « cocher les cases ». Et ce ne sont pas les médias anciens à la remorque des nouveaux, regrettant souvent la méfiance des français tout en l’alimentant, qui vont aller contre le vent. 
« C’était un homme vide, qui prônait la suprématie tactique du vide. » 
Antonio Scurati parle de Mussolini. 
« En cela il représente l’archétype du populiste jusqu’à nos jours. Il crée un nouveau type de leadership qui ne guide pas les masses en les précédant mais en les suivant, en les reniflant avec un instinct animal, guettant leurs angoisses, leurs peurs, leurs frustrations. » 
La fraternité est pour les lointains pendant que liberté et égalité se contrarient à nos portes. 
Jadis, les conflits se régulaient, me semble-t-il, dans le respect des interlocuteurs, ce n’est plus forcément le cas ; ressentiment et fuite en avant mettent en doute nos valeurs communes.
La « bête immonde » n’apparaitra pas par surprise sur les écrans à la prochaine présidentielle, elle métastase déjà parmi nous, en nous.
Ayant délégué à des robots le soin d’enlever la poussière de nos tapis, avec serviteurs assurant « drive » et soins aux enfants, nous accroissons les distances entre les citoyens d’un même espace, d’une même espèce.
Sans rouvrir les confessionnaux, comment faire s’évaporer nos restes de culpabilité ?
En tapant sur l’état et ses représentants, ceux-ci feront l’affaire comme boucs émissaires.
Nous avons de plus en plus les mains propres, et  bien du mal à « gérer » les contrariétés, les contraintes, les pleurs et les couches pleines, le travail et le temps. Quand pendant notre vie nous avons tant cliqué, la mort ne deviendrait-elle qu’un bug ?
Pour n’avoir pas grand-chose à dissimuler, je ne comprends pas toujours les paranoïaques braillant à la moindre innovation, bien qu’il soit tout à fait vrai que les territoires de l’intimité se sont réduits. L’ouverture permise par les réseaux sociaux a viré en son contraire lorsqu’ils se sont démultipliés aboutissant à la fermeture communautaire.
« Communautaire » qui va avec « repli » comme la rousseur à la servante anglaise, compte comme synonyme : collectif et fédérateur.  
« Le malheur n'entre jamais que par la porte qu'on lui a ouverte. » dit un proverbe chinois

 

jeudi 17 septembre 2020

Musée de la révolution. Vizille.

Bien que la peinture d’histoire fut pendant des siècles le plus prestigieux des genres, la rubrique « Beaux arts » de ce blog me semblait un peu étroite tant le passé imprègne les épaisses murailles.
Le parc attenant vaudrait à lui seul une page au chapitre « Voyage » quand « les cerfs altérés brament ».
Il n’y a pas d’exposition temporaire pour l’instant mais une révision des collections permanentes valait le détour. http://blog-de-guy.blogspot.com/2009/04/dessiner-la-revolution.html 
Les sculptures sont vigoureuses, les tableaux majestueux, les objets d’art décoratifs émouvants, les mises en valeur pédagogiques ni austères ni sommaires.
Des salles sont dans leur jus, telles la bibliothèque des Perier propriétaire des lieux au moment de la révolution ou une salle art déco destinée aux présidents de la République dont le château construit par Lesdiguières était la résidence d’été. Les transitions avec une muséographie plus contemporaine sont habilement dosées.
Les œuvres sont suffisamment explicites pour une lecture chronologique et les enjeux des commémorations qui ont suivi les riches heures de 89 sont tout aussi stimulants, lorsque par exemple Louis Philippe a passé commande de deux tableaux, l’un dénonçant le pouvoir absolu du roi et l’autre incitant à résister aux foules séditieuses.
« Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud »
Les propos sont équilibrés entre la geste révolutionnaire héroïque et ses symboles s’inspirant surtout de l’antique pour les peintres français, alors que les anglais qui avaient recueilli les  nobles immigrés  travailleront plutôt l’émotion avec des accents rappelant les représentations des martyrs chrétiens.
Si l’"escalier de la Liberté" mène de "la salle de l’été 89" à la "salle de la République" ne pas manquer le petit salon de musique pas anodin du tout. 

 

mercredi 16 septembre 2020

Promenades autour de Grenoble # 2

Le chemin de halage
emprunté le long de l’Isère depuis le parc Paul Mistral jusqu’à celui de l’île d’Amour à Meylan ne compte bien sûr aucun dénivelé. 
La promenade est agréable, en pleine nature sur fond de rumeur de la ville.
Nous côtoyons le fleuve puissant et c’est encore mieux quand la voie piétonne se distingue de la piste cyclable très fréquentée par les étudiants du campus voisin.
Pour le pique-nique dans le parc public qui n’est quand même pas « le Central Parc grenoblois » comme le disent certains, on peut prévoir des brochettes, c’est l’endroit où les barbecues sont aussi nombreux certains jours que les variétés d’arbres ou les possibilités d’activités (parcours de santé, baseball, bicross…)
En partant du centre aéré des Scilles du Néron, à Quaix-en-Charteuse en direction du col de Clémencière on parcourt sept kilomètres par des sentiers ombragés serpentant entre champs et forêt.
Depuis les vestiges d’un château envahis par les arbres on peut apercevoir le « Château de Vence » du XVII° siècle appartenant au CHU de Grenoble que Lesdiguières destinait à sa maîtresse Marie Vignon, et le « Château d’Herculais » ancienne maison forte flanquée de deux tours et quelques hameaux dispersés car l’alimentation en eau était un problème sur les flancs du massif surnommé pourtant « le pot de chambre du Dauphiné ».
La vue sur la vallée et le Nord de Grenoble est magnifique.
A 35 km, la station climatique de Villard de Lans qui peut mettre 20 000 lits à la disposition des touristes, offre de charmants parcours de promenade.
Celui du Pont de l’amour en bordure du bourg qui compte 4 000 habitants se boucle en une heure et demie. Parfaitement balisé, il a tous les atouts d’une promenade familiale se déroulant  comme en un  grand parc où alternent champs et forêt, par des sentiers confortables menant à des points de vue variés.
Après une balade plus longue sur le sentier qui mène de Villard à Corrençon, longeant un moment le golf,
les marcheurs apprécieront les viandes cuites au feu de bois de l’auberge du Clariant située à une demi heure du parking qui reçoit les adeptes de  « l'espace biathlon ski roue du Vercors ».
En revenant par « La fleur du roy », bornage qui marquait la limite entre Nord et Sud, entre la juridiction des comtes de Sassenage et celle de l’Evêque de Die qui s’affrontèrent lors d’une bataille en 1410, un panneau explicatif rappelle un épisode historique en des lieux riches de souvenirs.
J'avais déjà publié un article avec trois autres promenades autour de Grenoble 

 

mardi 15 septembre 2020

L’été diabolik. Smolderen & Clerisse.

A voir les premières images aux couleurs acidulées et la chronique qui s’annonce d’un été 67, il faut arriver au bout des 167 pages pour comprendre  la qualification de cet été et le regard inquiétant tenant la moitié de la couverture flottant au dessus de jeunes gens cigarette au bec et veste à l’épaule croisant une élégante demoiselle.
Dessins pop pour une histoire de flirt gentiment psychédélique sur fond de guerre froide qui de mystères dévoilés en rebondissements se conclut dans l’horreur quand les masques sont tombés.
Roman d'initiation et d’espionnage où se mélangent les genres sous un graphisme qui en met plein la vue au service d’un scénario surprenant. La politesse va aussi avec des manières expéditives, piscine et grenier, amour et colères : le temps a passé et Kennedy a été assassiné.


lundi 14 septembre 2020

Police. Anne Fontaine.

La profusion de films policiers et les débats animés qui s’en suivent disent bien la nervosité de la société quand sont montrées les situations des hommes et des femmes les plus exposés aux violences.
Je suis allé voir ce film car quelques néo censeurs avaient appelé à son boycott : Omar Sy en jouant un policier serait un « traitre » et ne pourrait incarner un représentant de la loi. 
Ce type d’anathème est insupportable. 
Alors que ce film révèle les souffrances de trois flics bien interprétés par Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois, comme pour « J’accuse » de Polanski, les avis sont brouillés par le contexte polémique. 
J’avais trouvé dans un premier temps le film intéressant, bien monté, bien éclairé, posant habilement les termes d’un dilemme aigu. Dans la Kangoo, la pression monte entre les trois qui doivent ramener à la frontière un réfugié promis à la mort lorsqu’il quittera notre sol. 
Et puis l’intervention pour une fois pertinente d’un spectateur du « Masque et la plume » nuance ma première vision puisque les procédures d’expulsion ne permettent pas semble-t-il cette issue fatale. Il y a bien des fois ou peu importe la vraisemblance pourvu qu’on réfléchisse ou qu’on vibre, mais à l’intérieur d’une description naturaliste, les distorsions avec la réalité font tache.