vendredi 5 juin 2020

Enfance, confiance.

J’ai eu davantage l’occasion de lire des réflexions concernant les vieux
que de partager des impressions à propos de ceux qui viennent de reprendre le chemin des écoliers.
L’ouverture des établissements scolaires paraissait insurmontable à bien des adultes, mais les petits sont entrés dans l’action, si bien que les soziaux des réseaux en sont restés cois.
Souvent sont exhibés des mômes porteurs de pancartes des grands, convoqués aussi bien pour la dette en €uros que pour celle en Oxygène. Lors de cette reprise de l’école à temps partiel et pour quelques uns, je n’ai pas repéré de paroles d’enfants, même sous un nom d’emprunt, ni d'avis de praticiens sauf pour exprimer leurs embarras par rapport aux consignes de sécurité sanitaire.
Au pays du "présentiel", peu d’investigations journalistiques sur l’absentéisme; telle institutrice ne rejoignant pas son école car le fils qu’elle avait à la maison ne pouvait être scolarisé. Bien peu de réflexions sur la méthodologie éducative, quand des fractions de classes ont avancé le programme alors que d’autres révisaient. Irréductible en matière de liberté pédagogique et ayant apprécié la délégation de responsabilités aux personnes sur le terrain, je pense qu’après avoir été draconien et exhaustif en matière de précautions, un peu de bon sens devrait amener à simplifier les protocoles hygiéniques avec par exemple le professeur distribuant le gel hydro alcoolique à l’entrée des salles, comme dans les magasins, plutôt que de faire poireauter les collégiens aux lavabos. « Plus d’école, moins de protocole » 
Les enfants ont repris leur rôle d’élève, loin de l’étreinte protectrice des parents, assimilant les consignes, pleinement « dans le match » et non dans le retrait ou la projection fantasmée.
En les confiant à l‘institution, papa et maman manifestaient une confiance bénéfique à tous.
Cette école invoquée jadis comme recours à tous les maux du monde tout en étant jugée à l’origine de toutes les inégalités, était accusée en sus de mettre à bas la confiance en soi des apprenants.
Cette chanson va peut-être passer de mode avec la reconnaissance de la spécificité du travail d’enseignant et sa difficulté, voire sa noblesse. Au moment où se redécouvrent tant d’évidences, ce sont bien les enfants, les élèves, qui sont les plus concernés pour croire en la vie, en l’avenir, en eux-mêmes.
La défiance, après avoir bousculé les politiques, a touché aussi les scientifiques, chacun ayant chopé son virologue, il ne reste plus qu’à attendre que s’apaise le brouhaha. Ces parangons de l’esprit critique qui vont jusqu’à revenir au temps de la terre aplatie pour les plus excessifs, trônent depuis la partie émergée d’une opinion versatile, déniante.
A la mesure de leur peur, ils déploient leurs pensées magiques, imperméables à l’humour de Churchill: «La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l’avenir.»
Quand l’état demande de se masquer cela convient bien aux anonymes sous pseudo suspectant par ailleurs des moyens efficaces de prévention de dévoiler une intimité qu’ils aiment tant exhiber par ailleurs.
La crise inédite qui nous submerge révèle des tendances à l’œuvre depuis longtemps avec la digitalisation du monde rejoignant une plus grande sobriété énergétique. Les télétravailleurs auront moins de temps de transports chronophage et polluant et accessoirement moins de contacts avec des individus pas toujours sociables. Se retrouver avec les autres après n’avoir été qu’avec les siens, n’a pas toujours l’évidence d’un été au bord du Canal Saint Martin.  
La mise en relief de l’éloignement encore plus grand entre ceux n’avaient pas accès à une connexion et les habiles de l’informatique, est crue. Pendant ce temps, derrière leurs écrans, des élèves qui pouvaient être perturbés par d’omniprésents trublions d’avant le confinement auront peut être envie de prolonger le moment où ils auront pu travailler plus tranquillement.
Je ne goûte guère la science fiction, mais peut-on se demander si on ne va bientôt plus rencontrer dans l’école publique que des accros du droit de retrait croisant quelques décrocheurs en mal d’inscription dans quelque groupe racisé ? Les autres privilégiés se la coulant douce in the school privée de chez privé.
................
Le dessin a été découpé dans "Marianne".

jeudi 4 juin 2020

Les peintres et la mer. Christian Loubet.

Le topos (lieu en grec) primordial, la mer, en ses flux qui nous dépassent, a attiré les adeptes de l’art majeur, surtout ceux venus du Nord, «  Man'o'war hollandais et autres bateaux par mer calme » Willem van de Welde, a précisé le conférencier niçois, devant les amis du musée de Grenoble. Le titre complet du topo précisait : « du naufrage au mirage, des sirènes aux baigneuses ». Les pittoresques « marines » qui évoquent des aventures lointaines depuis nos « finis terrae »  finissent par approcher de la quête métaphysique. 
« Watson et le Requin », dans le port de la Havane, tableau très célèbre de John Singleton Copley, met en scène la dynamique du courage.
« Le radeau de la Méduse » de Théodore Géricault « embarque toute notre société sur son radeau » Michelet. http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/06/gericault-f-giroud-g-mezzomo.html  Des hommes sont au désespoir, d’autres affrontent la puissance aveugle, au risque de se perdre comme « tant de marins et tant de capitaines » dans « Océano nox » d’Hugo. L’ « Argus » le bateau  qui apparaît à l’horizon récupérera 15 survivants à son deuxième passage.
Eugène Delacroix a repris le thème du frêle esquif affronté cette fois aux damnés.
« La barque de Dante » est guidée par Virgile impavide et déterminé face à nos obsessions.
Au musée d’Orsay, « Summer Night »  est l'une des rares toiles de Winslow Homer, très célèbre aux USA, lui qui avait vécu dans un phare et « convoquait l’océan dans notre salon ».
Avec Caspar David Friedrich, « Les trois âges de l’homme », les cinq bateaux répondent aux personnages, la contemplation est lyrique dans l’attente d’une révélation.
Turner intrépide et casanier, professeur de perspective, fait exploser les couleurs ou les dissout dans les nébulosités, il travaille dans les aspérités,
se fond dans l’espace matriciel, et se retrouve si bien à « Venise en approche ».
L’anglais est le peintre de la matière en fusion, Monet approche plus systématiquement de la mécanique des fluides, « la  vibration et les reflets à la surface des eaux disloquent les formes et les révèlent » « Argenteuil ».
La chorégraphie des « Baigneuses dans la forêt » accompagne l’orchestre des couleurs d’Auguste Renoir qui sur les plages multiplie les allégories sensuelles. « La sève chromatique irrigue les corps, les embrase, les module ».
« Les grandes baigneuses » sans chair, de Paul Cézanne, structurent un paysage. 
Paul Gauguin était parti à la recherche d’un paradis où les couleurs transcenderaient le réel. « Dans les vagues ».
Parmi les toiles de Pablo Picasso qui réamorçait chaque fois sa créativité avec une nouvelle relation, «  Famille au bord de la mer » relie ses personnages à une période heureuse.
Les symbolistes réinvestissent les anciens mythes, le poète de Gustave Moreau est accablé dans « Le Poète et la Sirène »
Et les surréalistes traquent le fantasme à la suite de la psychanalyse.
Magritte aimait changer les titres de ses tableaux : « l’invention collective ».
Dali passe au delà des apparences : « Dali à six ans soulevant avec précaution la peau de l'eau pour observer un chien dormir à l'ombre de la mer »
et fait jaillir le sang dans « La pêche au thon » en hommage à Meissonnier, ajoutant Op et Pop Art à ses savoir-faire pour la fondation Ricard.http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/11/dali.html
Le « Ciel d'orage sur Cannes » de Pierre Bonnard ne conduit pas à déclencher un état de vigilance rouge.
Nicolas de Staël revint ébloui de Sicile, « La Plage a Agrigente »
et s’installa à proximité du « Fort Carré » à Antibes peint comme un mirage de la forteresse que commandait son père à Saint Petersburg, http://blog-de-guy.blogspot.com/2008/12/nicolas-de-stal.html. Il a sauté par la fenêtre.
 
« Chemin de fer au bord de la mer, soleil couchant ».

mercredi 3 juin 2020

La Roumanie. André Paléologue.

Pendant une heure et demie le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a présenté la Roumanie grande comme la moitié de La France, au bout de l’arc Alpin prolongé jusqu’aux Carpates, où le Danube vient se déployer en son delta, le plus grand d’Europe.
Son histoire remonte à 20 000 ans avant Jésus Christ, sans rupture dans la continuité de l’expression artistique. « Les penseurs de Hamangia » datent du néolithique,
comme cette « Céramique de Cucuteni »
« Le Glycon », ancien oracle, venait d’Egypte. 
Aux limites, aux limes, de l’empire romain dont le droit s’impose et les routes se tracent, la Dacie recèle des mines d’or. Ce « casque » devait protéger le défunt des mauvais esprits.
« La colonne Trajane » en décrit la conquête qui pourvoit Rome en esclaves réputés.
Comme d’autres irréductibles celtes, ils adoptent la langue latine « redevable aussi au lexique gréco-slave des Balkans, ainsi qu’à celui de l’Orthodoxie byzantine », après deux siècles romains qui virent le poète « Ovide » relégué par Auguste à Constanța au bord de la Mer noire.
L’image de ce sobre « banquet » retrouvée récemment  dans un caveau de l’ancienne Scythie est-elle une représentation d’une cène paléochrétienne ?
L’histoire des religions constitue encore aujourd’hui un enjeu, bien que les orthodoxes soient devenus majoritaires, mais le carrefour des civilisations est encombré entre les Yougoslaves détachés des Slaves du nord, les Goths qui étaient plutôt tournés vers l’arianisme, séparés entre Ostrogoths partis vers l’Ouest alors que les Wisigoths restaient à l’Est, les Valaques entourés de slaves et de magyars auxquels s’ajoutent des populations allemandes en Transylvanie qui défrichent et exploitent les mines.
 « Château d’ Hunedoara (XV°) »
Les églises transmettent leurs messages déployés en fresques magnifiquement conservées depuis 5 siècles au «  Monastère de Moldovița ».
François 1° combat les Habsbourg et s’allie à Soliman le magnifique qui atteint Vienne en 1529, alors que le voïvode Vlad III Basarab, Drăculea (« fils du dragon »), méritera d’être surnommé « l’Empaleur » pour les fantassins ottomans qu’il avait torturés par milliers.
« Michel le brave », dont tant de places et de rues portent le nom, réunit brièvement Transylvanie, Moldavie et Valachie, à la fin du XVI° siècle.
L’influence de la « Sublime porte » ottomane décline au siècle suivant. Le prince Brancovan laisse son nom à un style architectural inspiré de la renaissance italienne et du baroque.  « Monastère de Hurezu ».
A la suite du « printemps des peuples » de 1848, Napoléon III va permettre la création de la Roumanie moderne. « Carol 1° » prince Hohenzollern proclamé roi en 1885 inaugure le règne d’une dynastie qui durera jusqu'à la proclamation de la république en 1947 par le gouvernement communiste. Il a hésité jusqu’en 1916 entre ses alliances pour finalement se retrouver dans le camp des vainqueurs.
De cette période subsiste  l’« Arc de triomphe »
et aussi le « Château de Peles ».
Après « Le pacte Staline-Ribbentrop », la grande Roumanie est amputée de la moitié de son territoire alors que « La garde de fer » met en place un gouvernement engagé du côté d’Hitler jusqu'à son renversement en 1944. Puis 500 000 combattants s'opposeront aux puissances de l’axe. Le pays devient un satellite de Moscou. En 1989, tombe le mur.
Le palais de Ceausescu au bout de l’ex-avenue de la Victoire-du-Socialisme, grand comme sept fois Versailles, est devenu « Palais du parlement »
En 2004, la Roumanie rejoint l’OTAN et en 2007, l’Union européenne.
Dans ce pays s’essayant à la démocratie, la lutte contre la corruption avait bien commencé, mais elle patine actuellement. Les richesses en pétrole, gaz, uranium sont des atouts, et la jonction de la mer du Nord à la mer noire par le Rhin, le Main et le Danube peut concrétiser la place centrale de l’ « Espace danubien ».
Les salaires ont augmenté dans un des pays les plus pauvres de l’Union, mais depuis trente ans, 4 millions de Roumains sont partis vivre à l’étranger, soit 20 % de la population.

mardi 2 juin 2020

La revue dessinée N° 27. Printemps 2020.

Toujours aussi efficace le trimestriel en bandes dessinées.
L’omniprésence des notations dans tous les domaines de la vie sociale va au-delà d’un simple regard anecdotique sur une méthode de management qui se développe alors que l’évaluation bienveillante à l’école est venue remplacer les 15/20 et autres « bulles ». Tiens à propos on ne parle plus guère des agences de notation qui jugeaient de l'état des finances des états.
Mon appréciation concernant les lobbies sera désormais moins désinvolte quand leur invocation par des interlocuteurs pas toujours imperméables aux discours complotistes me semblait une facilité, c’est que c’est tout un système extrêmement puissant qui est illustré pendant 40 pages. Les digues réglementaires posées témoignent de la nécessité de combattre ce phénomène, ainsi Jean Louis Nadal lorsqu’il passait le relais de la direction de  la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique à Didier Migaud : « C’est un défi majeur, une idée centrale pour restaurer le lien de confiance sérieusement altéré dans notre société. Les citoyens ont le droit de savoir comment se fabrique la loi et quelles interactions il y a entre les lobbyistes et les responsables publics, afin de savoir d’où viennent les décisions publiques et qui influence la loi.  [ …] Trois domaines particulièrement sensibles nécessitent un contrôle sans faille : L’agriculture, l’environnement et la finance».
Interpol n’est pas à l’abri de tous soupçons quand des régimes autoritaires abusent de ses fichiers.
L’histoire de l’homéopathie est intéressante alors que les pages consacrées à Bure retracent  essentiellement la lutte des opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires. Ils sont là, qu’en faire ?
En matière d’environnement justement, le titre de la séquence «  ça sent le sapin » dit tout à propos de l’état de la forêt en France. Et la rubrique habituelle «  la sémantique c’est élastique » est toujours aussi jubilatoire : je ne connaissais pas l’expression avoir un « physique de radio »  parmi tant d'autres, pour illustrer diverses figures de rhétorique où le pauvre euphémisme a du mal à se défendre face à litote et antiphrase. « Down by Law » est analysé dans le cadre d’un chapitre de la revue des cinés et le water polo testé par un dessinateur.

lundi 1 juin 2020

3 DVD.

L’armée des douze singes. Terry Gilliam( 1995)
Un prisonnier, Bruce Willis, est envoyé dans le passé pour découvrir l’origine d’un virus qui a décimé la planète. Après des erreurs de date d’envoi, être passé pour fou, dans le fatras d’une planète mal en point, les confusions ne manquent pas où les souvenirs percutent les anticipations.  
D’habitude je tiens d’avantage compte des réalisateurs que des acteurs, mais alors que l’auteur de l’inoubliable « Brazil » garde des décors forts, il complique trop l’histoire,  et c’est des acteurs que vient la lumière, avec un Brad Pitt remarquable.
Tourné en 1995 d’après « La jetée » (1962), film mythique de Kris Marker, le rapprochement avec nos préoccupations actuelles concernant les virus, les groupes activistes autour de la cause animale, voire le chaos écologique rendent facultatif le terme fiction dans la catégorie science-fiction où se range cette œuvre originale.
The Truman Show. Peter Weir (1998)
Au début du film je trouvais Jim Carrey insupportable et inintéressantes les situations : c’est qu’il s’agissait d’une téléréalité tournée à l’insu du personnage vivant dans un décor de télévision  depuis sa naissance. Et quand il commence à se douter de quelque chose avec ceux qui ont regardé le pitch distraitement, nous nous mettons à nous interroger face au réalisateur démiurge dont Truman est le jouet,  à propos de l’omniprésence des caméras, des impératifs du public, de la liberté … Une comédie dramatique, vraiment.
Mélinda et Mélinda. Woody Allen (2005)
L’exercice de style qui avait tout pour réussir au réalisateur newyorkais tourne au pathétique. Pourtant mener en parallèle une comédie et une tragédie autour d’une trame semblable constitue la quintessence d’une œuvre qui a pu tant nous émouvoir et nous faire sourire. Le temps esquinte.

samedi 30 mai 2020

L’effet papillon. Jussi Adler Olsen.

Je récidive dans le polar avec délices. Il était temps.
Celui là est Danois mais commence au Cameroun et met en action, un clan de gitans qui ne le sont pas vraiment, un trio de flics poussifs quoique pittoresques, des enfants soldats impitoyables, des habitués des paradis fiscaux… Et flambent bateau et maison.
 « Ce garçon était le battement d’aile du papillon en Amérique du sud qui pouvait provoquer une tornade au Japon. Il était celui qui renverse le premier domino et provoque la chute de tous les autres. »
730 pages avec ce qu’il faut d’allusion aux problèmes contemporains, une trame dramatique bien menée où quelques coupables sont connus d’avance, mais pas tous, et de l’humour :
« celui qui pique le cul d’un dromadaire doit accepter de prendre un coup de sabot dans les couilles. C’est la loi. » Les métaphores chamelières ne manquent pas.
Quelques séquences de traque sont vraiment angoissantes, car au départ ce fut un vrai carnage chez les personnages qui nous sont présentés, avant de devenir quelque peu répétitives.
« Quand Rose déboula au sous-sol, son visage était écrevisse. Avec son maquillage charbonneux, ses cheveux noirs hirsutes et son foulard jaune, la ressemblance avec un drapeau allemand en plein vent était saisissante. »
La virtuosité du narrateur l’entraine à prêter son regard décapant à chacun de ses personnages, ce qui leur enlève de leur singularité tout en permettant une lecture agréable qui va au-delà des coups de pelle, cet accessoire polyvalent se montrant très utile.
« La dernière descente de police avait fait un peu de ménage, mais comme chacun sait, les mauvaises herbes poussent deux fois mieux quand on vient de nettoyer les plates-bandes. »

vendredi 29 mai 2020

Mon vieux.

Depuis sa naissance, je dis « ma grande » à ma petite fille et chaque jour offre l’occasion de m’émerveiller de cette vie qui pousse. Dans la ronde des adjectifs, je m’amusais aussi lorsque je disais sans y penser «  ma vieille » à une copine et qu’elle s’en offusquait. Je croyais prolonger encore longtemps cette familière indifférence envers le temps qui passe, quand un virus couronné est venu plomber l’atmosphère en surlignant le fait que la vieillesse conduisait à la mort : quelle nouvelle !
Dans l’échéancier des risques, une place nous est assignée qu’aucune distanciation ne pourrait abolir. Mes jeunes voisins plus insouciants des barrières, moins nés confits, accusent mon âge.
J’ai beau rire à répéter cette scénette vécue devant une supérette, je crains d’avoir été dans le même panier que la vieille. Une espèce de Tatie Danielle qui n’arrivait pas à se dépêtrer de son Caddie, rembarra la dame venue obligeamment l’aider : «  je vous ai rien demandé ! » 
Et quand elle se mit à poursuivre ses rouspétances dans la file d’attente à l’extérieur, un monsieur amusé a recueilli quelques sourires complices, quoique sous cape, lorsqu’il remarquait : « madame vous pourriez au moins être polie, c’est pour les gens de votre âge que l’on prend toutes ces précautions ».
C’est vrai : je suis de ces personnes à risques et pas toujours commode de surcroit.  Essayant de me désengluer du sentimentalisme qui envahit les antennes, me prend l’envie de raccourcir : nous avons mis mémé loin de chez nous, nous prendrons la suite. Qui alimente les EHPAD sur lesquels on se lamente ?
Dans la période, des bébés aux pépés qui ne savent plus compter après septante, tout le monde a eu le temps de calculer, de s’ennuyer, voire de se reposer.     
Dans les catégories sportives on était sénior à 19 ans et depuis belle lurette  j’ai doublé le cap des vétérans qui fut à 35 ans. Les dénominations concernant l’âge m’indiffèrent et je mets dans le même sac à hystéries les palinodies à cet égard et les pétages de plomb lors d’un confinement qui se passa essentiellement sur canapé loin du Chemin des Dames. Si je fais le mariole à ce sujet c'est que  le cacochyme n'est pas complètement valétudinaire.
Pivot et Comte Sponville ont beau bougonner ou faire les beaux, refusant le terme «  vieux »  ou le valorisant, ils font du feston autour du napperon qui supporte la « vanité », comme on disait du crâne figurant sur des « natures mortes » (« still life » en anglais).
Rares sont aujourd’hui les ancêtres à vivre sous le même toit que leurs petits enfants. Au XIX° siècle, cachés dans l’âtre, ils aidaient la maîtresse de maison à équeuter les haricots. Les deux parents ne reviennent plus à midi, l’école garde les petits, et les EHPAD les impétrants de « l’âge d’or ». L’asile où l’on meurt n’est pas forcément indigne à l’écart des actifs ardents, des laborieux affairés, la vie dure. 
Pour l’heure : cédant à la facilité on peut dire que ça a fait Boum chez les boomers et les masques tombés ont laissé des marques. Les contraintes budgétaires se sont desserrées, des prisonniers ont été élargis, et même pas un merci. Chaque jour qui passe, des oubliés de l’open bar budgétaire se signalent : les restaurateurs corses après les restaurateurs, les écrivains et les professionnelles du foot, et dans les lucarnes : les porteurs sains et les faux négatifs, les asymptomatiques et les râleurs automatiques… Les inspecteurs des travaux finis, les faut qu’on, tous ceux qui ne risquaient pas leur peau ne mettent pas de gants pour taper sur ceux qui ont pris leurs responsabilités.   
Si l’on n’a pas vu tant que ça d’écoles en détresse, c’est que le passage du présentiel à la présence ne s’est pas mal passé, alors personne n’en parle. 500 milliards lâchés par l’Europe avaient fait 19 secondes au JT, depuis c’est 750, mais une amende abusive à Trifouilli a occupé des millions de gazouilleurs. Et toujours les jamais contents ont priorité au crachoir contre un système qui a payé 35 millions de français pendant deux mois. Nous sommes empêchés de voir les inégalités, les plus criantes, mais qui ne sont pas celles qui gueulent le plus : le cheminot n’est plus le chemineau.
« Comme le disait un vieux fakir de mes amis : place au jeûne. » Frédéric Dard 
...................
Le dessin d'un cubain est pris dans "Courrier international"
Le tableau à la fondation Calderara à Vacciago 
.................
Bonus: Le film d'animation de mes petits enfants réalisé avec leur papa pendant le confinement: https://youtu.be/gQO8ljNJYjE