samedi 21 décembre 2019

Extérieur monde. Olivier Rolin.

Je suivais cet auteur de ma génération par les commentaires sur ses œuvres,  mais je ne l’avais jamais lu.
Il nous donne en 300 pages l’occasion de sillonner son univers, de Moscou à Port Soudan, de la Terre de Feu aux jardins du Luxembourg, lieux de nulle part à nuls autres pareils, un monde enrichi par la littérature. Il a lu « Les Misérables » au pôle Nord.
Comme l’art contemporain nous y invite, le lecteur a sa part dans la réception d’un livre. Pour aimer les digressions j’ai été servi, mais je me suis lassé, même si j’apprécie les cartes postales :
«  Sur la côte du Nordeste brésilien, dans l’Algoas, je suis avec une femme aux yeux verts. Nous marchons le long de l’estuaire, au crépuscule. Gonflés de lumière, les nuages ont des couleurs de berlingots »
La mélancolie qui transpire de ses voyages où il se retrouve souvent seul à table ou au bar font virer  « Extérieur monde » à  « Intérieur : moi ».
Les parenthèses, les précautions, l’ironie à son égard, alourdissent le tableau où malgré son œil sur des passantes, ou de belles énumérations de paysages non conventionnels, on le voit trop se regarder écrire. Souvent c’est bien dit :
«  Tenter de ressusciter ces grâces aperçues, ces émotions vite évanouies, trouver les quelques traits qui les feront émerger, vivantes de la nuit des mots, de la grande cave d’ombre du passé, est une gageure qui n’est pas indigne d’un écrivain. »
Les citations sont nombreuses, il a connu des gens considérables, ou d’autres plus rares, Svevo :
« Je ne comprends pas comment, dans ma sotte vie, il peut m’arriver une chose aussi sérieuse que la vieillesse ».
Il se défend d’écrire des mémoires, mais amorce des listes, des inventaires.
Quand il évoque par exemple celui qui continuait à aller à son bureau dévasté à Sarajevo «  pour ne pas se laisser faire », il nous rappelle quelques signes d’humanité, clignotant dans le récit d’un monde qui s’éloigne.

vendredi 20 décembre 2019

Tout et son contraire.

En ce moment bien des absurdités déboulent, façon de dire que je n'y vois goutte, qui additionnent de la perplexité et des doutes à mon désarroi.
L’an dernier autour du plat de cardons des fêtes, il valait mieux contourner le rond point gilets jaunes, cette année: molo sur les retraites.
Quand je lis que des enseignants envisagent de se « giletjauniser », c’est que c’est déjà fait.
Le respect des règles que ce soit pour manifester ou vivre en démocratie est remis en question, les débats deviennent difficiles. L’irrationnel persiste à culminer lorsqu’une demande de plus de service public s’accompagne d’une aversion envers l’impôt.
Ce militant qui estimait que dix ministres avaient la France entière contre eux, enivré par la foule des manifs, sent le Peuple incarné en sa personne, comme l’autre « La République, c’est moi ».
Je suis trop légitimiste envers nos élus pour ne pas croire au bienfondé des doutes d’opposants. J’ai plutôt confiance envers le législateur agissant dans l’intérêt commun, et à part égale, je ne mets pas en cause la bonne foi de certains manifestants s’estimant lésés.
Tout n’est pas calé : place aux compromis ! Désolé : un brin résiduel de naïveté.
L’individualisme règne, alors peut-on dire que ceux qui ne sont pas concernés par une réforme dans les tuyaux depuis des décennies et qui gueulent sont des exceptions altruistes ?
Quand le gouvernement avance la loi retraite pour éviter aux générations futures d’en subir tout le poids, ceux qui la combattent le font au nom de leurs enfants.
« Pain de vieillesse se pétrit pendant la jeunesse. » Proverbe auvergnat.
L’agressif se sent agressé, le sournois soupçonne le fallacieux, l'expert en surdité ne se fait pas entendre des experts et le simplificateur amplifie les raccourcis qui ne mènent à rien.
La prolifération des jeux de mots en pancartes fait perdre tout sens, même si « je veux des ronds pas des points » est plutôt marrant. Et entendre, à la sortie d’une réunion avec son ministre, une prof marquant sa désapprobation en disant qu’elle vient de subir un cours, laisse entrevoir le peu de conviction qu’elle met dans son propre enseignement.
Si « faire cours » devient péjoratif dans la bouche d’un enseignant, alors il faut s’attendre à des bouchers végétariens, des supporters de l’OM encourageant Neymar.
Donc il fait bon retourner à l’âge du papier pour aborder la complexité. Mais il convient avec son journal de surmonter quelques obstacles récents dressés pour notre confort de lecture. Sont mises en évidence au cas où on serait allé au-delà du titre et du chapeau, quelques phrases chocs dans le corps d’un texte qui pourtant pourrait s’avérer profitable à condition d’aller jusqu’aux petits caractères. 
Ainsi cette philosophe sous le titre «  Le macronisme est une politique de l’insensible » : « aucun pouvoir n’a assumé avec autant de clarté l’idée que la politique relevait avant tout d’une gestion calculante venant en lieu et place d’une réflexion à long terme »
Pauvre chouchou, que ne dirait-elle des affèteries communiquantes et des démagogies si peu calculantes ?
« La sincérité est un calcul comme un autre.» Jean Anouilh
En ironisant ainsi, est-ce que je rejoins ceux que je combats qui aiment tant dauber sur les intellos, se contentant d’une vision binaire du monde ? La politesse n’impose pas le silence, l’humour peut encore circuler bien qu’il se tue en se proclamant.
Mais il est nécessaire de continuer d’examiner et dénoncer des comportements violents qui reçoivent bien vite l’assentiment de ceux qui gardent leurs mains propres mais leur bouche lâche. Le fascisme ne met pas forcément de brassard comme dans les dessins de Plantu, il est bien là, quand démission appelle une rime facile et remet en cause le suffrage universel.

jeudi 19 décembre 2019

Picasso 1939-1945. Au cœur des ténèbres. Etienne Brunet.

« Je n'ai pas peint la guerre parce que je ne suis pas ce genre de peintre qui va, comme un photographe, en quête d'un sujet. » « Picasso à sa fenêtre » Brassaï
La phrase de Picasso inscrite dans la première des 17 salles qui lui sont consacrées  au musée de Grenoble jusqu’au 5 janvier 2020 se complète utilement de sa seconde partie :
« Mais il n'y a pas de doute que la guerre existe dans les tableaux que j'ai faits alors. »
Ainsi le parti pris de notre guide-prof privilégiant l’aspect artistique redonne une vigueur politique à la star sexagénaire dont l’engagement pendant la seconde guerre avait pu interroger. « Tête de mouton écorchée »
La connotation pédagogique de cette visite avec propositions interdisciplinaires à l’appui, nous permet de compléter nos premières vues et ouvre des perspectives séduisantes.
Ainsi le compagnonnage avec Robert Desnos le poète, resté auprès de sa femme, alors qu’il avait été prévenu par son journal qu’il allait être arrêté, permet de présenter le travail remarquable d’élèves de Champo à propos de l’engagement. https://lycee-champollion.fr/spip.php?article2973.
L’auteur de «  La fourmi de 18 m avec un chapeau sur la tête » est un vecteur pertinent de compréhension de l’exposition. Que voyons nous ? Que croyons nous ? Quels monstres a-t-on engendrés ? Dans la ville de  Fourmies étaient fabriqués des wagons de 18 m et les camps de la mort ont existé.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/04/ombre-parmi-les-ombres-ysabelle-lacamp.ht
« Le Buste de Dora Maar dans l’atelier des Grands-Augustins », en 1943, par Brassaï honorera la mémoire d’Apollinaire.
Après Fernande de l’époque cubiste, Olga qu’il a épousée et puis Marie Thérèse, Dora Maar sa volcanique compagne des années de guerre, est une artiste photographe, pas une potiche. Elle a travaillé avec les surréalistes, elle sera pour l’éternité la « Femme qui pleure », portant avec elle l’Espagne qui souffre depuis des années. « Tête de femme n° 1 » 
La première fois qu’il l’a vue elle jouait à planter un couteau entre ses doigts, ses mains la symbolisent autant que ses larmes. « Dora Maar » photographiée par Man Ray.
S’il peignait très vite, il multiplie les travaux préparatoires « Buste de femme avec les bras levés derrière la tête ».
« Le jeune homme à la langouste » hommage au « Mangeur de melon et de raisin » de Murillo, serait une réponse aux athlètes surtout pas « dégénérés » d’Arno Breker comme « L’homme au mouton » où Pablo se ressaisit de l’art classique. Les fenêtres sont occultées pour la défense passive sur l’affiche de l’exposition et au « Café des Bains » à Royan, ville anéantie par les bombardements de 45.
 Si nous sommes invités à voir quelques séquences de  films de Clouzot renseignant sur le travail de l’artiste majeur du XX° siècle, les vitrines sont aussi intéressantes : « Une anthologie de l’humour noir » de Breton est un spécimen rare, et quelques articles voire une lettre d’insultes sont éclairants.
« L’Enfant aux colombes » surnommé Churchill, fait le lien avec les pigeons que peignait son père et annonce celles de la paix.
C’est le même homme qui peignait un oppressant « Grand nu couché » aux tonalités connotées, brunes et vert-de-gris
et une « Femme nue contemplant un homme » aux effets de clairs obscurs charmants.
Il a toujours été jeune « Tête de jeune homme » (1945).  Et même si « C'est à cause de toi que cette époque n'est pas grise » comme disait Eluard, il avait averti dès 36 des horreurs à venir, il sera en désaccord avec le PC auquel il adhère en 46 : pour lui la guerre n’était pas finie.  « Le Faucheur »

mercredi 18 décembre 2019

Lacs italiens 2019. # 4. Eglises et cité ouvrière.

Après notre bonne surprise culinaire,
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/12/lacs-italiens-2019-3-dun-chateau-lautre.html
nous marchons  tranquillement 1, 5km à l’ombre d’une allée de marronniers malades sur l’une des voies de l’avenue Giovanni XXIII,  grandiose mais vide et ponctuée de quelques bancs.  
Cette voie papale conduit au monumental sanctuaire de la Madonna di Caravaggio. L’ensemble religieux est  caractérisé par de beaux espaces, une coupole  et un bâtiment colossal  dans un parc en forme de croix occupé au centre par une fontaine  toute en longueur et des bâtiments en arrondi avec galeries (comme la colonnade au Vatican).
L’intérieur en  marbre est imposant, investi par de nombreux ex voto rangés dans des sous verre sur des tissus de couleurs. Des paroissiennes nettoient ardemment avec aspirateurs et plumeaux, ça brille !
Nous retournons à pied jusqu’à la voiture par le même chemin qui nous sert de parcours de santé digestif .
Direction Treviglio que nous négligeons  pour atteindre directement  Brignano Gera d’Adda: nous voulons essayer d’apercevoir un château appartenant autrefois  à la famille Visconti, aujourd’hui moitié public (mairie, service sociaux) moitié privé. Beaucoup de travaux, de grues, de palissades et de murailles interdisent notre approche, nous regrettons de ne pouvoir découvrir davantage ce palazzo  de style baroque dont la partie rénovée laisse présager de sa splendeur. Nous tournons autour, pénétrons dans l’église peu éloignée, baroque elle aussi et dans l’église plus  petite  attenante  surmontée d’un clocher en brique à la pointe inhabituelle. A l’intérieur 2 dames reçoivent des dons et des lots pour une future vente afin de récolter des fonds pour entretenir le bâtiment religieux. Elles nous conseillent d’aller admirer  une Madone célèbre en marbre blanc mais nous préférons gagner notre dernière étape du circuit :
Crespi d’Adda situé dans la commune de Capriate. La route nous permet d’aborder  cette cité ouvrière devenue patrimoine mondial de l’UNESCO  par le haut : une passerelle a été aménagée avant d’amorcer la descente  pour se repérer et  prendre la mesure des différents lieux  de travail et de vie :
- le château patronal non visitable mais dont le côté inspiration moyen âge  / château fort sans en être se cache derrière la protection des murs et des arbres.
- L’usine de filature de coton  est un beau bâtiment  bas et clos par une magnifique grille en fer forgé complétée par  2 hautes cheminées en brique.
La fin de son activité remonte à 2004.
- Les maisons aujourd’hui rachetées par les descendants des ouvriers  cossues et identiques avec leur jardin s’organisent  dans un quadrillage impeccable, de 3 rues bien ordonnées. Difficile d’imaginer aujourd’hui qu’elles abritaient des familles très modestes au XIX°siècle.
Il existait aussi quelques maisons plus chics pour les cadres de l’entreprise
- Des lavoirs individuels mais regroupés étaient prévus,
-  ainsi qu’un centre médical qui, devenu trop petit fut transformé en hôpital,
- des bains et une petite piscine,
- une église carrée coiffée d’une coupole hexagonale,
- une école encore en fonction aujourd’hui,
- une statue du gentil patron remercié pour avoir donné du travail à ses ouvriers.
- Au bout de l’allée, dans le prolongement de l’usine, se trouve le cimetière ; un mausolée mussolinien le domine. De petites tombes sortent du sol, en forme de stèles de pierre sans dalle, toutes uniformes à l’image des cimetières militaires. Elles sont espacées régulièrement sur la pelouse avec des écritures et gravures parfois illisibles, recevant occasionnellement des photos des défunts. Ce sont les sépultures payées par le patron Crespi, libre aux ouvriers de s’en offrir une plus luxueuse ou différente s’ils le souhaitaient. Aujourd’hui des tombes  récentes et de facture courante s’intègrent sans déranger l’ordonnancement des anciennes.
Fin du circuit, le GPS nous ramène à la maison vers 19h15.
D. prépare des haricots, repas léger après un bitter allongé d’eau gazeuse.


mardi 17 décembre 2019

Bug. Enki Bilal.

Et si un jour tous les disques durs se vidaient, plus d’archives, plus de codes, plus de données informatiques, et plus de correcteurs orthographiques ?
Sur cette idée fructueuse, un des dessinateurs majeurs de la BD produit deux albums de fiction dystopique comptant plus de 80 pages chacun.
Les dessins toujours aussi beaux et froids
conviennent bien pour décrire une humanité, livrée aux califats, aux mafias, et autres sectes. On en trouverait notre présent bien doux.  
Le scénario qui reporte sur un cosmonaute toute la mémoire du monde m’a laissé de marbre, et ces espaces infinis dont le silence effrayait déjà Pascal bien qu’encombrés d’aéronefs ne sont guère riants. Les objets volants ne peuvent plus être conduits que par des vieux qui savent se passer du numérique, ainsi s’allègent d’une pincée d’humour ces années 2049 où des femmes garanties sans implants vont supplanter de vieux tyrans.
« On recherche des gens dont le potentiel intellectuel n'a pas été totalement impacté par l'avènement du tout numérique. Ils ont la mémoire et les... réflexes cérébraux adaptés à ce que nous vivons très mal aujourd'hui. Je veux parler de cette catastrophe qui nous ampute de notre nouvelle intelligence numérique. »
Les avantages des technologies qui sont devenues encore plus omniprésentes apparaissent de la même façon que les bienfaits de l’électricité étaient évidents lorsqu’une panne survenait. Mais la fatale deshumanisation du monde est criante aussi et le chemin pris pour les retrouvailles d’un père et de sa fille qui sert de fil conducteur à un voyage de désastres en désastres ne fait qu’aggraver le pessimisme du propos.   
Les préoccupations de ce flying movie s’ancrent dans notre présent, mais comme je l’ai lu par ailleurs, l’apport d’un scénariste aurait pu ménager plus de surprises, et un surcroit de profondeur aux personnages qui apparaissent désormais comme des archétypes bilaliens. 

lundi 16 décembre 2019

A couteaux tirés. Rian Johnson.

Ne pas perdre une occasion de s’instruire : en lisant des critiques, je viens d’apprendre que je sortais d’un « whodunit » contraction de « Who [has] done it? » (qui l’a fait ?) Un film à énigme quoi, genre Agatha Christie, bien ficelé.
Dans une maison victorienne, cadre familier pour ce genre d’exercice, le patriarche est mort le soir de son anniversaire alors que toute la famille est là. Cherchons le coupable… à moins que ce ne soit un suicide. Le grand-père était un auteur de romans policiers à succès.
Des acteurs excellents installent des caractères forts et des situations hautes en couleurs. J’assume ma situation de mâle en appréciant Ana de Armas en ingénue latinos de service et aggrave mon cas en la trouvant délicieuse, façon d’être dans le ton du film qui revisite bien des codes du genre en les dynamisant.
Un divertissement agréable qui ne complique pas inutilement une intrigue réservant des surprises, cultivant les ambigüités. Dans un décor XIX°, il met en jeu des comportements très contemporains voire des problématiques politiques dont l’évocation est parfois plus pertinente que quelques lourds rabâchages projetés en ce moment.

dimanche 15 décembre 2019

Campana. Cirque Trottola.

On va revoir des artistes parce qu’on les a appréciés
parfois avec un  brin d’appréhension quand on n’est pas sûr de la bonne dose de renouvellement.
Eh bien ce soir, pas l’ombre d’un doute, nous sommes en territoire familier et sous le charme dès les premières minutes, quand se retire le tissu qui recouvrait le cercle magique, comme une eau douce serait absorbée par le sol. C’est de là que vont surgir et disparaître les acrobates, les clowns, des cordes, brouette et échelle, un éléphant. Maintenant que les animaux deviennent indésirables sur la piste, le pachyderme gonflable a des légèretés sublimes.     
La troupe a le chic pour jouer de l’exigüité des lieux en des transitions originales, jouant avec les images fortes d’un trou au dessus des bas fonds jusqu’au faite du chapiteau où se laisse deviner que la trapéziste aurait pu aller encore plus haut. Il y a bien plus, à s’émouvoir, à penser, qu’en bien des représentations théâtrales aux références flatteuses.
Ce type de spectacle en insistant sur la lenteur met en évidence que nous ne sommes pas épargnés par les frénésies des écrans : au fait quel serait le contraire de spectacle vivant, de musique vivante ? Les deux musiciens sollicités aussi comme porteurs, nous entrainent avec leurs clochettes et leurs violons et une belle chanson italienne. Trottola c’est la toupie.
Tant d’énergie et d’inventivité déployées pour que sonne enfin une belle cloche tiennent le public enthousiaste en haleine. Tant de beauté, de poésie pour un son, font revenir des émotions primaires, et convoquent pour moi, l’Angelus de Millet pour sa ferveur archaïque.
Des silhouettes de clowns étaient gravées sur les flancs de la « Campana ». Ces clowns ont fait tellement rire un simple d’esprit parmi les spectateurs qu’on s’est dit que cette soirée était décidément une bonne soirée. Alors que le mot « simple » convient aux plantes et leur assure une certaine distinction, je ne sais plus s’il est correct de le dire pour un homme pour lequel aujourd’hui pullulent les qualificatifs, en tous cas j’ai ri également : « Voilà voilà voilà ». Il y a tant d’importants qui abusent de cette expression machinale qu’un clown en extrayant tout le ridicule, nous a amené  à l’essentiel avec ici une accolade, là une balourdise, une pirouette,  jouant de sa force pour propulser sa moitié vers les étoiles. Le beau barbu fait bien son travail, avec un violon dans ses grosses papattes et lorsqu’il houspille la foule  pour ne l’avoir pas empêché de  malmener sa partenaire, touche à l’absurde et va à l’essentiel de notre condition.