lundi 30 septembre 2019

Once upon a time in Hollywood. Quentin Tarentino.

Me voilà partagé entre le plaisir du cinéma, les délices de la nostalgie et l'envie d'apporter la contradiction à une unanimité critique - en dehors de l’Huma et du Masque - que je trouve disproportionnée.
Dans le genre hommage à Hollywood, Lala land était bien plus charmant et les acteurs tout aussi convaincants que Pitt et Di Caprio qui tiennent ce patchwork de citations pour cinéphiles pendant 2h 40.
Les néons, les voitures, les cigarettes, les minettes, les musiques: la fin des années soixante a été délicieuse. On sent poindre la fin de l’innocence, voire l’horreur, qu’une astuce de scénario et la réussite de l’outrance pour déjouer la violence vont amoindrir.
A voir, ne serait ce que pour aiguiser son esprit critique.

vendredi 13 septembre 2019

Notre histoire intellectuelle et politique (1968-2018). Pierre Rosanvallon.

« C’est toujours dans les promesses non tenues de la modernité que s’enracinent les perversions régressives et les illusions mortifères.»
Etant passé de Dumont à Macron, ce retour sur nos cinquante dernières années par un acteur du mouvement syndical qui a attentivement étudié les libéraux, m’a concerné.
Moi qui opposais ses écrits dans "CFDT aujourd’hui" aux maoïstes que je croisais dans le temps, j’en ai conservé une proximité qui a duré un demi-siècle bien que son érudition, sa tranquille rigueur intellectuelle m’impressionnent et me dépassent.
Commencées par les mots du poète Michaux, qui me sont plus accessibles que ceux des économistes, autour de « l’exorcisme » produisant « une exaltation telle, une si magnifique violence, unies au martellement des mots… » les 430 pages reviennent sans s’appesantir sur la fortune du mot « autogestion » puis sur sa disparition entre 68 et 81. Un rappel du « Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations » peut dans le même mouvement nous réjouir et nous donner un sacré coup de vieux :
« nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui. »
La deuxième gauche critique du social étatisme, déplorant les archaïsmes s’est évanouie mais il est des fondamentaux qui perdurent après 83 : 
« Il y avait pour moi dans le mutisme de la gauche une dénégation de ce qui constitue l’essence même de la démocratie : la reconnaissance de la capacité des citoyens à regarder les choses en face… »
L’analyse du fondateur de « La république des idées », se garde bien d’arrêter des positions définitives, car après avoir révisé les « enthousiasmes » de jadis et les « piétinements » qui s’en suivirent, il sait bien que les « tâches du présent » sont complexes, pour reprendre ses têtes de chapitre, où il donne à comprendre « un nouveau cours intellectuel et politique ».
Pour redéfinir l’émancipation :
« La partie ne pourra être gagnée que si elle s’inscrit dans un  projet positif et n’en reste pas à une seule politique de résistance ou à une simple perspective de restauration. »
Il donne à réfléchir autour des formules pourtant rebattues mais fécondes : «faire société », «  le long remords du pouvoir », «  entrepreneur de soi même » ou « le peuple est le pluriel de minorités »…
« Les inégalités résultent en effet dorénavant autant de situations (donc individuelles) qui se diversifient, que des conditions (donc sociales) qui se reproduisent. »
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Mon voisin Hubert entre deux mandalas, travaille aussi le béton cellulaire. Cette fois il s'est inspiré des statues de l'île de Pâques.
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  1. Je fais une nouvelle pause dans les publications de mon blog pour cause de voyage en Italie qui alimentera des articles à venir. Je reprends l'écriture de mes articles début octobre.    

jeudi 12 septembre 2019

Rencontres photographiques d’Arles 2019.

« Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
La formule de Guitry s’applique à Avignon pour les rues qui paraissent plus que jamais comme des scènes à la sortie des salles de spectacles, à Cannes où le cinéma peut durer au-delà des projections.
A Arles, où c’était la féria, dans la ville minérale, chaque brin d’herbe prend la pose, 
bien que les 50 expositions pour les 50 ans des rencontres ne se soucient plus guère de joliesse comme il convient désormais à toute manifestation artistique contemporaine.
 
Même si en deux jours, nous n’avons pas tout vu, nous nous sommes  étourdis d’images, baladant sans vergogne un appareil  photographique qui dans cette cité ne parait pas encore totalement incongru.
 
Avec « Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer », nous avons eu le temps de partager le monde d’Evangelia Kranioti, du Liban à Rio. Quand les humains font commerce, ils sont beaux, forts, pathétiques, amoureux.
Moins poseuse que Pixi Liao qui  se met en scène pour décrire les relations amoureuses « modernes ».
Moins triste qu’une tchèque ou une allemande de l’Est qui s’étourdissaient de nuit et d’alcool quand il y avait encore le rideau de fer.
Plus contemporaine qu’Helen Levitt prestigieuse photographe des rues de New-York dans les années 30 dont l’humour attendrit la rudesse de conditions sociales qui n’en sont plus à leur dévoilement.
Une autre exposition « Unretouched women » va chercher dans les strip-teases forains et les stéréotypes du quotidien, de quoi documenter le féminisme dans les années 70, quand même Marilyn n’apparaissait pas à son avantage.
Moins cérébrale que Valérie Belin dont on se demande traditionnellement s’il s’agit de photographies peintes ou de peintures photographiées comme Laure Tibergen qui refait du Rothko.
Ouka Leele qui rendait bien compte de la fantaisie de la Movida était plus éclatante.
Les productions de l’art brut s’édifient souvent en volume, quand elles forment des collages, des collections, les tirages qui entrent dans la catégorie photo/brut, touchent aussi à l’estomac.
La traversée d’un demi-siècle de l’institution arlésienne appelait les souvenirs du père Lucien Clergue qui avait dès le début déjà traité bien des sujets avec enfants, corps nus et oiseaux morts. Les photos en noir et blanc nous reposent, elles « font plus photo » bien que les images du passé ont dans cette édition submergé celles d’un présent qui a du mal à se dire.
La rétrospective de «  Variété » revue belge, qui fut d’avant-garde, pâtit de ses formats se prêtant plus à être feuilletés qu’à une mise en vitrine. Il en est de même pour les  clichés de Germaine Krull  sur le bateau qui emmenait Breton, Levi-Strauss, de Marseille à Rio, en 1941. 
Masques à gaz et machines à laver répertoriés autrefois par le CNRS nous paraissent poétiques à présent.
L’évocation de « La zone » qui s’était établie sur les fortifications à la fin du XIX° siècle autour de Paris s’acclimate parfaitement dans des pièces délabrées du site La Croisière,
 
comme à la Maison des peintres, les intérieurs des maisons britanniques de toutes classes sociales, « Home sweet home ».
A côté de la gare, de jeunes artistes étaient en compétition, mais je retiens le travail de Kurt Tong qui était exposé à côté. Alors que tout artiste se pose la question de son efficacité sociale, la mise à jour de la vie singulière de celle qui l’a élevé, littéralement hors champ pratiquement toute sa vie, prend tout l’espace. Elle était passée par le « rituel du peigne » marquant son indépendance vis-à-vis de sa famille et des hommes en se coiffant d’une longue natte et revêtant un costume clair, jeune fille à vie.
En plein air, parmi une végétation sauvage, Mario Del Curto est lui aussi parfaitement à sa place pour présenter les relations de l’homme à la nature depuis les premiers pommiers qu’il situe au Kazakhstan jusqu’aux cimetières et autres jardins urbains qui persistent.
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Supplément: Vue aérienne d'un élevage au Texas

mercredi 11 septembre 2019

Sète # 2, suite


Pour 9,50 € nous mangeons chez Oscar des sardines et des crevettes à la plancha bien accompagnées, en laissant trainer l’oreille à des conversations de bar où un dénommé Toutankhamon accuse un certain âge.
La promenade est agréable qui nous conduit au musée Paul Valéry où Marquet est exposé.
Il est passé « d’une rive à l’autre de la Méditerranée » avec une rigueur constante où l’horizon est fermé par une montagne ou une langue de terre sous des lumières différentes à Naples, Marseille ou Alger.
Les collections permanentes sont intéressantes depuis des baudriers de joutes anciens jusqu’à Combas.
Dans le vaste cimetière voisin nous croisons des visiteurs à la recherche de la tombe de Brassens et quand nous évoquons Jean Villard c’est la sépulture d’Hervé qui est envisagée. http://blog-de-guy.blogspot.com/2008/08/cimetires-marins.html
Des épitaphes poétiques, des cailloux disposés en forme de cœur, des couronnes en pierre ou en faïence participent au caractère exceptionnel de ce paysage de tombes blanches dominant la mer.
Nous nous installons au RBNB chez Brigitte avant de revenir manger au bord du canal, huitres ou tielle, calamar à la rouille avec un goéland à proximité en chanteur désaccordé.
 
 

mardi 10 septembre 2019

Le retour à la terre. Jean Yves Ferri & Manu Larcenet.

Plaisir de retrouver Larssinet dessiné par Larcenet, un familier dans un 6° volume intitulé : les métamorphoses
Le temps a passé et la charmante Mariette sa femme, attend un deuxième enfant, elle en est à son septième mois de grossesse, mais son tendre mari débordé par son travail, n’en avait rien vu.
L’environnement a changé, la terrifique voisine Madame Mortemont, à qui le couple confie quand même leur petite, n’arrête pas de parler à son portable.
Les chats sont de plus en plus nombreux, les oiseaux inspirants, l’épicier voyant, le milieu rural est envoutant pour l’éditeur- adjoint, et toujours source de surprises pour le créateur de BD lorsqu’il sort la tête de ses cartons propices eux aussi à l’imagination.
Des allusions à l’actualité, ZAD et réfugiés, sont furtives. Les questions concernant la modernité sont toujours là, mais une bonne dose d’autodérision allège la chronique dont nous espérerons ne pas attendre 10 ans le prochain chapitre.      

lundi 9 septembre 2019

Diego Maradona. Asif Kapadia.

Quand ma femme dit autour d’elle qu’elle est allée voir ce film, bien des interrogations naissent sur son degré de soumission à mes propositions, d’autant plus qu’elle ne s’est pas ennuyée.
Illustration une fois de plus du football comme révélateur social, autour d’une dramaturgie qui voit l’enfant des bidonvilles accéder à la sainteté alors qu’à Rome « la roche Tarpéienne » d'où les condamnés à mort étaient jetés dans le vide est toujours aussi « près du Capitole ».
L’Argentin a fait le bonheur de Naples pendant 7 ans, il sera banni.
Comment un joueur peut sublimer une équipe, comment Naples a gagné bien plus qu’un scudetto (l’écusson pour le vainqueur du championnat).
Le match Argentine-Angleterre qui a racheté l’humiliation de la guerre des Malouines, fait succéder le mal et le bien : un but de tricheur marqué de « la main de Dieu », suivi d’une chevauchée mythique pour ceux qui savent apprécier la grâce.
Je prétendais connaître « El Pibe de Oro », « Le gamin en or », mais bien des images sont inédites et le montage met parfaitement en évidence la puissance de la foule qui peut galvaniser ou étouffer. Quand les joueurs chantent : « les journalistes sont des girouettes », ils ont bien raison, même s’ils ne sont pas seuls à jouer de la déplorable succession : « je lèche, je lâche, je lynche ».

dimanche 8 septembre 2019

Mes Maillots jaunes. Eric Fottorino.

Le tour de France se prête bien à la littérature - héroïque de préférence - surtout quand l’écrivain-journaliste
ponctue ses souvenirs de citations de Blondin en précisant toujours ses sources
Eddy Merckx: « Il était arrivé premier dans un état second ».
Il n’est pas en reste dans l’allusion lettrée, à propos d’Ocaña qui venait de tomber : 
« Je fus le beau Luis, le ténébreux, le veuf et l’inconsolé de la petite reine, le prince d’Aquitaine au tour aboli. »
Il est resté cet enfant qui jouait avec ses coureurs miniatures sur les carreaux d’une maison landaise lorsque suiveur devenu il est étonné que Bernard Hinault l’appelle par son prénom.
Sa réussite au concours de sciences po ne valait pas autant que de parcourir le même contre- la-montre qu’Anquetil. C’est Poulidor qui raconte :
« Là, mon directeur sportif, Antonin Magne me klaxonne : « Garez-vous Raymond, admirez la caravelle qui passe ». Je l’ai regardé : il glissait sur la route. »
C’était avant les casques et les oreillettes.
Citant l’inévitable Pastoureau roi des couleurs
avec le jaune signe de beauté, de prospérité mais aussi de tromperie, de trahison, il ne se contente pas d’évoquer en 200 pages, Coppi Fausto comme Fottorino, Bobet, Robic, Fignon…  il revient sur les années Amstrong :
« Sommes nous les cocus de cette histoire ou avons-nous accepté d’être trompés ? »
« Tout Eddy » comme disait Blondin, «  La fête et les jambes ».
Mais y a-t-il encore des correcteurs qui ne soient pas automatiques, quand dans le même ouvrage figure à deux reprises la liste des coureurs morts pendant la guerre de 14 avec des commentaires proches ? Le même jour France Culture rediffusait la même émission de cuisine japonaise que la veille !