mercredi 4 juin 2025

Soissons, Evry

Ce matin le temps s’annonce bien gris.
Nous nous apprêtons à continuer notre périple mais avant de quitter Soissons une saisissante silhouette accroche notre attention : elle se détache sur une petite colline, au-dessus d’une impasse : c’est l’abbaye Saint Jean-des-vignes, fondée en 1070 pour des chanoines réguliers soumis à la règle de Saint Augustin.

Nous nous rapprochons de l’entrée en voiture jusqu’au portail.
Outre la grille, il ne reste qu’une haute façade rythmée par 3 portes décorées, percée étonnamment par les encadrements intacts des vitraux et de la rosace disparus qui sertissent des morceaux de ciel.
Il subsiste des gargouilles et des sculptures dont celle d’un Christ en croix sur la flèche gauche (rare parait-il) ; quelques motifs stylisés sur des plaques décorent des parties plus basses. Le bâtiment se prolonge sur la droite, avec l’apparence d’une nef.
Faisant face à l’église, la maison de l’abbé, ou d’un gradé religieux supérieur, comporte une tour curieuse, il ne serait pas surprenant qu’elle renferme un escalier. Des travaux de réhabilitation financés surtout par une association et du mécénat s’appliquent  à tout l’ensemble architectural, mais que de travail encore en vue !

Loin du tourisme, inattendue dans notre programme, nous apprécions cette découverte d’un site historique en voie de renaissance après les dégradations du temps et des hommes. Nous remontons en voiture direction Sermaise. 
Nous obliquons en cours de route vers EVRY à la recherche d’une librairie. Nous  déposons la voiture au parking souterrain de la mairie et de la cathédrale, sous la place caractérisée par une architecture moderne en briquettes rouges.

La cathédrale de la Résurrection Saint Corbinien de l’architecte Mario Botta ne ressemble en rien à une église et la croix qui l’identifie se fait très discrète. Elle date de 1995.
De forme ronde, elle rappelle les 1ères habitations humaines. Les briques de Toulouse choisies symbolisent les quatre éléments car elles sont confectionnées avec de la terre, de l’eau, séchées à l’air et cuites au feu. Le sommet du cylindre s’incline, découpé  en biseau et porte une chevelure faite de 24 tilleuls verts opposée au rouge des briques. Le campanile extérieur, sorte d’excroissance  soutient les 5 cloches. A proximité, une simple porte, donne accès au sanctuaire. Cette ouverture discrète ne s’intègre pas dans une façade arborant un portail avec les symboles et les attributs de l’église, aucune statue, aucune peinture, n’apparait, place à la  sobriété.
Passés le seuil, au niveau de la tribune de l’orgue, nous dominons l’intérieur  et profitons d’une vue d’ensemble en léger surplomb.  2 rampes latérales en marches décalées conduisent  en bas à la « nef » circulaire.  Du granit noir du Brésil recouvre le sol, il valorise les murs de briques et la couleur miel  des bancs  en bois de chêne de bourgogne, bien alignés, privés d’agenouilloirs, mais plutôt inconfortables.
Je n’apprécie pas tellement les vitraux abstraits, par contre je reconnais l’originalité du chemin de croix à base de photos où figurent de vraies personnes. 
La lumière pénètre par un toit ou un plafond des plus modernes bien étudié pour accentuer une impression d’espace de grandeur et de clarté. Avant de sortir, nous visitons la  petite « chapelle du jour » de forme octogonale  placée sous l’entrée. Malgré l’horaire ne correspondant à aucun office, malgré le jour de la semaine, des fidèles  fréquentent le lieu (pas des touristes), en majorité des gens de couleur, dont  la ferveur nous émeut : il y a cet homme à genou qui prie à haute voix et les yeux fermés du fond de l’église et puis ce groupe de femmes unies dans une récitation et des chants responsoriaux pratiqués en cercle dans l’intimité de la chapelle : 
Nous découvrons une église moderne mais une  église vivante. Nous nous éclipsons de cet endroit de recueillement sur la pointe des pieds pour rejoindre un monde moins spirituel, à la recherche d’un "Guide du routard".
Derrière la gare est implanté un grand centre commercial du type La Part Dieu. Là aussi nous croisons une population majoritairement noire, à croire que tous les blancs ont émigré pour les vacances. Nous déambulons de galeries en galeries, du rez-de chaussée aux étages, sans dénicher un magasin susceptible de vendre des livres. Pourtant Evry est une ville universitaire et cependant elle ne possède pas de librairie ainsi que nous le confirme  une élue de la mairie questionnée par hasard devant le rayon livres de Carrefour. Par contre, le centre commercial possède un cabinet médical.
Vu l’heure, nous nous installons au restaurant asiatique « Katori » devant un bobun servi avec diligence et retournons à la voiture où une surprise nous attend au moment de payer : nous n’avions pas lu les tarifs en entier ; 4 € l’heure, 8 € les 2 heures, ce qui est déjà cher, 
mais 50 € au-delà, ce qui correspond à notre cas…..

En voiture nous faisons un tour dans le quartier des Pyramides classé comme l’un des  plus chauds et  rendu célèbre par ses jeunes, prompts à la baston avec ceux des Tarterêt de Corbeil-Essonne.

En bordure s’élève une superbe mosquée neuve en béton, construite de 1984 à 1994, contemporaine de la cathédrale de la Résurrection. Elle  répond aux canons du style marocain dont elle reprend les porches, les arrondis lobés des portes et les tuiles vernissées vertes  protégeant les avancées. Un des minarets supporte un bulbe aux couleurs de la France.

Gédéon, ainsi nous avons baptisé notre voiture, nous signale un problème de pneus dégonflés et nous comptons sur les services du GPS pour nous orienter vers un garage Renault mais l’approche du 15 août complique les choses. Nous y parvenons finalement, fausse alerte.

Ainsi tranquillisés, nous nous  acheminons vers notre Airbnb dans un manoir à SERMAISE. Il fait partie d’un ensemble protégé derrière un lourd portail ancien en bois, comprenant une maison de maitre faisant face à  une dépendance actuellement utilisée pour l’entretien de vélos de randonnées  et d’un ancien colombier charmant  transformé en gîte. Les espaces extérieurs bien que propres, manquent cependant d’entretien au niveau de la  « pelouse »  et d’une piscine hors d’usage.

Les proprio attachent plus d’importance à la présence d’animaux parqués dans une partie de la petite propriété. Nous prenons possession de notre pigeonnier après avoir grimpé l’escalier externe jusqu’à une vieille porte. L’intérieur  présente une curieuse entrée où il faut monter puis redescendre 5 marches pour passer dans la pièce à vivre avec kitchenette. La chambre minuscule se trouve à l’étage supérieur comme les sanitaires et ressemble à un petit nid idéal pour roucouler. Il manque juste de prises électriques pour recharger les téléphones.

Il nous faut songer au ravitaillement pour ce soir, et tant qu’à faire,

nous tirons jusqu’à DOURDAN à 6km de distance seulement promettant plus de possibilités qu’à Sermaise. Nous découvrons une petite cité touristique peu fréquentée.
Elle peut s’enorgueillir d’un château fort du XIII° siècle, son église Saint Germain l’Auxerrois ne manque pas d’intérêt  et s’avère à l’intérieur impressionnante de hauteur, hauteur accentuée par un manque de largeur. Elle dispose d’un hôtel Dieu (fermé) et de vieilles halles toujours en activité les jours de marché.
Beaucoup de commerçants ont baissé rideau pour profiter de congés, mais un U bien achalandé près de l’hôtel Dieu nous contente amplement,  alors nous retournons  à notre manoir pour une soirée paisible.

mardi 3 juin 2025

Xana.

Lors de la victoire du PSG, un tifo des supporters a rendu hommage à Xana, la fille de l’entraineur, décédée en 2019. 
Le football, amuseur en chef, dont les banderoles font parfois polémiques, a inscrit cette blessure intime au cœur de la fête. 
L'image rappelant la douleur suprême était brandie parmi tant de fugaces feux de Bengale.
Cette épreuve, Luis Henrique, le coach, l’avait évoquée d’une façon remarquable : 
« Xana est venue vivre avec nous pendant neuf merveilleuses années.» 
Ce malheur sublimé, bouleversant la hiérarchie des évènements, lui a permis, entre autres, de révéler de jeunes joueurs, allégés de « la pression ».
Tel acteur de théâtre peut envisager une carrière, même éphémère, du moment qu'il est rassuré sur son être, sur le sens de sa vie. Un sportif s’épanouira s'il comprend que ce n’est que du foot. 
Ce qui n’empêche pas la passion - au contraire - ni de saisir l’occasion de partager des moments de réjouissances. 
« Le récit de la fête est la moitié de la fête. » Proverbe tadjik 
Lors de cette victoire en finale de la Ligue des champions, les adjectifs hyperboliques, par exemple : « historique », peuvent être lus aussi au second degré. C'est tellement bon d’exagérer, d'oublier d’être raisonnable de temps en temps. Le recul, l’humour, donnent de l’air à la sagesse, rendent le discernement plus aimable.
Avouer avoir apprécié la prestation du PSG, bien que l’OM soit mon équipe préférée, pourrait presque passer pour une audace, tellement la négativité devient plus naturelle qu’un "Perrier tranche".  
« Paris vaut bien une liesse » titrait Libération. 
Mais désormais, ces moments d’effervescence populaire profitent aux casseurs, casseurs d'ambiance, interdisant la rue aux enfants.
Les avis généraux prospèrent en fourrant dans le même sac, les malfaisants, tous les amateurs de football et un conducteur irresponsable de BMW .
Des insultes à l’égard de ces barbares urbains signeraient leur victoire. 
Mais l’incompréhension me submerge incluant aussi ceux qui les excusent.
Il ne fait pas bon devenir de plus en plus bête. 

lundi 2 juin 2025

Marco, l’énigme d’une vie. Aitor Arregi Jon Garaño.

Après 20 ans de travail, les réalisateurs espagnols restituent une histoire vraie:
le président de l’’Association des victimes de l’holocauste était un affabulateur.
Cette imposture révélée par un historien, peu enclin à la médiatisation, avait créé un traumatisme familial et surtout un choc politique qui a pu réjouir les négationnistes.
Même après la découverte de la mystification, le beau parleur avait essayé de partager sa culpabilité avec son public en demande de témoignages bien racontés.
Un camp de concentration:
« Vous entrez par la porte, vous ressortez par la cheminée. » 
A une autre échelle nous sommes renvoyés à nos propres arrangements avec notre passé, comme lui inventant des souvenirs héroïques pour se racheter de ses mauvais choix d’antan.
Eduard Fernández incarne un excellent menteur, quel acteur!

dimanche 1 juin 2025

Villers Cotterêt.

Notre séjour en baie de Somme se termine, 
200 km environ nous séparent de notre prochaine étape à VILLERS COTTERÊT.   
Les paysages de départ vus de l’autoroute aux environs d’Amiens sont plats et sans intérêt. Durant le trajet à travers la forêt de Compiègne, nous dépassons le panneau indiquant la clairière où fut signée l’armistice en 1918.

Et plus nous nous rapprochons de notre destination, plus la circulation s’intensifie sur des petites routes au milieu des bois.

Nous atteignons le Musée de la Francophonie (cité internationale de la langue française).
Il est symboliquement installé dans le château créé par François 1er dans le lieu même où ce dernier promulgua l’ordonnance  imposant le français comme langue officielle et administrative du Royaume en 1539.

La salamandre, emblème du Roi, des plafonds sculptés, le style renaissance ressortent rajeunis  dans la blancheur et la propreté des pierres du bâtiment récemment rénové.

Au cours des siècles et de son histoire, le château connut de multiples usages : 
Palais Royal, il fut le lieu de fêtes somptueuses : 
château « Mon plaisir », 
ensuite il devint un lieu destiné à la culture et accueillit des représentations de pièces de théâtre tel le Tartuffe ou l’hypocrite de Molière. 
A la révolution,  décrété bien public, il sert de caserne à l’armée républicaine, les pièces fastueuses sont utilisées comme dortoirs, ou  infirmerie. 
Puis les autorités le transforment en asile pour les indigents, en hôpital recevant les blessés du front tout proche lors de la 1ère guerre mondiale et enfin en maison de retraite.

Sa reconversion en cité de la Francophonie  en lien avec l’ordonnance du Roi François 1er date de 2023 sous l’impulsion d’Emmanuel Macron.

Lorsque nous franchissons le porche d’entrée et après la fouille vigi-pirate, nous traversons une 1ère cour puis une 2ème coiffée d’une surprenante verrière qui supporte plusieurs rangées de mots d’expressions régionales, d’argot, pour exprimer la diversité de la langue française.
A droite de cette cour, un bar/restaurant ne cuisine que des tartines soit au saumon soit courgettes jambon, choix assez restreint mais résultat plutôt savoureux. (aucun plat sans fromage..) A gauche voisinent billetterie et musée.

L’exposition temporaire porte le titre « Une chanson qui nous ressemble ». A l’achat des tickets, l’employée nous remet des casques audio afin que nous percevions in situ les succès mondiaux de la musique populaire francophone mis en scène . Elle se décline en plusieurs thèmes :

Le cabaret : cette partie  repose sur élégance et haute couture représentées par J.Gréco  F.Hardy et Aya Nakamura (à mon avis plus discutable dans ce classement..)
La rue  et la liberté, les combats, la résistance... La « Marseillaise » inspire, adoptée par les clubs de foot étrangers ou par des pays étrangers, « l’Internationale » connait, bien entendu, une version chinoise. « Tiens voilà du boudin » de la légion figure dans cette thématique (le boudin désigne la tente du soldat). Quant au « Déserteur » de Boris Vian, son adaptation russe en 2023 clame le refus de jeunes russes d’aller  combattre les Ukrainiens.

Le music- hall : les ambassadrices de la chanson française dans le monde passent par Damia, Edith Piaf, Mireille Matthieu et Maurice Chevalier (un ambassadeur donc !)

Plus récemment  Céline Dion, Patricia Kaas, Zaz continuent à promouvoir  la « french touch  » au delà des frontières. 
Françoise Hardy, Stromaeles négresses vertes, illustrent  La musique pop .

Le dancing  revisite différentes influences, certaines exotiques avec
« l’orientale » d’E. Macias, le Zouk de Kassav mais aussi avec « Tombe la neige » d’Adamo, qu’une hôtesse de l’air prenait pour une chanson traditionnelle japonaise,

Gainsbourg et Birkin avec « Je t’aime moi non plus » …Parmi les chanteurs dignes d’apparaitre dans l’expo, Aznavour, Moustaki ne furent pas oubliés, au contraire de Brel, Brassens, Ferré, Barbara… pourtant largement diffusés et connus à l’étranger, et contribuant très largement à enrichir la langue.

L’exposition permanente s’intitule « L’aventure du français ». Elle propose un voyage à travers le temps et l’espace, donne à voir et à entendre la langue française dans la diversité de ses accents et de ses expressions.

Tout au long du parcours, elle  appréhende le français dans ses dimensions culturelle, historique et sociale comme dans ses relations qu’il entretient avec les autres langues.
De nombreux dispositifs interactifs et pédagogiques donnent une approche ludique : citons parmi eux  la bibliothèque magique et virtuelle, des jeux de palindromes, d’anagrammes, des jeux sur le sens des expressions (ex : avaler par le trou du dimanche = avaler de travers, parler à travers son chapeau = parler à tort et à travers..), une installation traite des divers langages allant de l’argot au verlan en passant par le langage jeun’s.
Une autre s’emploie à révéler les mots étrangers inclus dans le français à l’aide d’un dispositif très sympa : une coupole au-dessus de nous  affiche un mot avec son origine et sa diffusion sur la planète (ex de mots : totem, alcool, violon...
)

Sur le plan historique,  dans les siècles passés, Casanova ou Catherine II de Russie ont  prouvé par leurs écrits le rayonnement et l’importance de notre langue jugée d’une belle richesse.

L’exposition aborde aussi le français comme devenant l’expression de la négritude à l’aide d’un petit film. Et puis nous apprenons que  Villers Cotterêt est la patrie d’Alexandre Dumas, pas loin de celle de  Racine.

En résumé, ce musée valorisant les mots s’éloigne du placardage de nombreux panneaux trop longs à lire, les moyens modernes favorisent la portée du propos.
Après 2 h 30 d’amusement dans les lieux, nous sortons par la chapelle nue et rénovée.

N’ayant rien d’autre de prévu à Villers Cotterêt, 
nous partons directement pour SOISSONS où nous nous installerons pour la nuit.

Le Airbnb se situe place de la République dans un immeuble bourgeois au-dessus d’une banque, sous les toits au 3ème étage accessible par un escalier en bois aux paliers espacés, avec une demande écrite « essuyez-vous les pieds » : on rêve d’un ascenseur ! 
Mais il ne manque rien dans l’appart bien conçu, sobre et de bon goût.

Nous sortons pour un petit viron dans le centre-ville, Soissons est une petite ville à peine plus grande que Voiron, endormie dans la chaleur d’Août, et dépeuplée en cette saison.
Après un passage devant la cathédrale Saint Gervais cachée par les échafaudages et l’Office du tourisme, fermé depuis 17 h, nous entrons dans un mini carrefour pour quelques coursettes. La caissière fort jolie se réjouit du retour de vacances d’une connaissance, un policier auquel elle dit avoir volé un vélo et qui ayant fait volte-face montrait l’inscription Police sur son vêtement. 
Nous nous baladons encore un peu jusqu’à la mairie et le château protégé par une belle grille. Nous n’en verrons pas plus, nous rentrons pour ne plus sortir même pour le son et lumières. Nous cédons à l’apéro avec bière et pistaches, nous nous nourrissons de pâtes déshydratées, suivons les infos à la TV, "Un si grand soleil" et hop ! Au lit.