mercredi 23 janvier 2019

Lacs italiens # 7. Maison de d'Annunzio

Journée prometteuse malgré quelques nuages. Nous partons pour SALO et GARDONE RIVIERA qui font face à Torri del Benaco.
Le GPS indique plus d’une heure de trajet en passant par l’autoroute où les camions circulent en grand nombre. Nous arrivons à Gardone vers midi ; nous souhaitons voir « Il vittoriale degli Italiani » mais comme la visite semble importante et demande du temps, nous préférons fureter un peu dans les environs et nous restaurer pour éviter ensuite les moments de faiblesse.
Nous tombons par hasard sur une bonne adresse du Routard 2018, la Pizzeria ai pines (piazza Garibaldi, 25083 Gardone Riviera) qui a l’avantage d’offrir une grande terrasse ombragée surplombant le lac scintillant de soleil. Nous nous y installons pour déguster notre 1ère pizza du séjour (à 6 ou 8 €), consistante.
Le ventre lesté, un café à grimper aux rideaux pour digérer, nous nous acheminons vers l’entrée de la « villa » de Gabriel d’Annunzio. Nous bénéficions de tarifs séniors à 13 €, moi compris grâce à la gentillesse ou la compassion de la caissière lorsque je demande timidement « e professore » ? 
Nous pouvons nous promener dans les jardins avant la visite guidée en français prévue à 14h 42.
A l’entrée, des bougainvilliers roses explosent en pleine santé avec des grappes parfaites de fleurs colorées. Trois femmes s’activent à nettoyer, cimenter ou peindre des parties architecturales intégrées à la nature.  
Nous ne sommes pas vraiment convaincus par les sculptures exhibées, que ce soit les aigles, une oreille rose posée sur la pelouse ou autre (comme l’adolescence) en matière gris sombre et sale qui donne un aspect morbide.
Nous déambulons dans la chaleur vers le théâtre, la roseraie, le cimetière des chiens où des petites statuettes à têtes canines surgissent de terre, à côté de la tombe de la fille du poète à l’ombre des cyprès.
En contrebas, on aperçoit « le lac des danses » tout petit au bout d’une ravine ponctuée de statues.
Nous nous rapprochons du « Prioria », nom de la villa, et attendons à l’ombre l’heure de la visite intérieure. Nous avons droit à une guide pour nous quatre, parlant parfaitement le français. Que retenir de cette maison ?
- Entrée assez étroite, très sombre avec en haut de quelques marches 2 accès différents :
à droite de la colonne centrale, étaient dirigés les créanciers et les politiques, soit les indésirables
à gauche, les intimes et les amis.
- A droite : salle d’attente. Une phrase du propriétaire écrite à propos du miroir sur lequel elle est inscrite invite celui qui patiente à réfléchir ; on peut voir aussi un joli lustre vénitien et un meuble à gramophone, une radio.
- Salon de musique avec 2 pianos à queue destinés à la dernière compagne de d’Annunzio qui vécut ici ses 17 dernières années. Il a voulu reproduire une tente du désert en disposant des tentures  aux murs et au plafond. Des citrouilles en verre coloré diffusent une belle lumière cependant parcimonieuse, car elle le faisait souffrir, il y  était photosensible  suite à la guerre où il  avait perdu un œil. Il appréciait la musique, et la maison dispose de plusieurs pianos ainsi que de 2 orgues.
- La villa avait le confort le plus  moderne de l’époque, équipée  de  WC, de salles de bain ; mais même ces endroits intimes sont submergés par la présence d’objets collectés souvent d’origine orientale.
- Beaucoup de livres, de bibliothèques tapissent la plupart des murs, dont une collection d’ouvrages en français dans le bureau du « manchot ».
Dépassé par le courrier des politiques ou les relances des créanciers, il évitait de répondre en se faisant passer pour manchot. Pratique. A côté, il inventait des mots dans un atelier.
Il y mentionne que  « Pour ne pas mourir », il fait don de cette villa au peuple italien. Ironie ?


mardi 22 janvier 2019

Le syndrome de Stendhal. Aurélie Herrou.

Un jeune homme hors du monde, il est duc, bien peu impliqué dans son mariage qui s’annonce, commence un nouvel emploi à Beaubourg comme gardien. Il  découvre l’art moderne.
Les BD, même en dehors des biographies d’artistes, affectionnent de traiter des enjeux, des plaisirs et des consolations que l’on trouve à fréquenter les œuvres d’art, d’autant plus que des musées sollicitent les auteurs pour fournir en produits dérivés les boutiques à la sortie des expos.
Le personnage principal est bien falot et ne s’anime que dans la danse avec claquettes, les propos concernant la création sont assez attrayants mais sans saveur excessive. Les dessins sont agréables et la reconnaissance de tableaux fameux toujours intéressante, quand ce n’est pas  vraiment désagréable de se sentir « happy few ». 120 pages qui se laissent lire.

lundi 21 janvier 2019

Monsieur. Rohena Gera.

Les différences de classe, de caste, ne se résolvent pas si facilement, même avec de la gentillesse et de l’intelligence. Le film révèle dans une Inde contrastée, l’énergie des femmes en particulier, avec des relations entre une servante et son maître sortant des schémas simplistes.
Elle écoute le mélancolique, il donne confiance à la belle et valeureuse Tillotama Shome. 
Au dessus de la ville grouillante dans leur bulle de silence, les acteurs sont émouvants.
Le dernier plan qui laisse croire que l’amour peut permettre d’échapper à tous les tabous séculaires relève-t-il d’un fatal happy end ?
L’utopie est nécessaire pour ne pas se faire une raison de tant de déraisonnables injustices dont la résistance a été finement décrite.
Ceux qui aiment le cinéma en couleurs, les romantiques et les curieux d’une civilisation complexe pourront s’y retrouver.

dimanche 20 janvier 2019

Comme un trio. Jean Claude Gallotta.

Pour les amis avec lesquels je partage des émotions au théâtre et en danse, j’ai joué pendant longtemps le rôle du fidèle au chorégraphe des Alpes, alors que eux s’étaient lassés ; eh bien cette fois, au-delà de l’esprit de contradiction que je chéris, ils ont mieux aimé ce spectacle que moi.
Bien que le format à trois dans la petite salle de la MC 2 et un plateau nu avaient pu se prêter parfaitement  à Camus, http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/09/letranger-jean-claude-gallotta.html je n’ai pas retrouvé la désinvolture, la légèreté de Sagan et encore moins la mécanique de «  Bonjour tristesse » prétexte à cette heure de danse en manque de fluidité, semblant se chercher malgré les caractères forts d’une brune et d’une blonde qui expriment davantage la douleur que l’insouciance ou les émois de la jeunesse.   

samedi 19 janvier 2019

Mes amis. Emmanuel Bove.

Sur les conseils d’une libraire, je suis allé voir du côté de chez celui dont Pierre Michon dit que « sa lecture est unique ».
Le format des éditions  de « L’arbuste véhément » est agréable, prêt à être fourré dans une poche quand on met un malin plaisir à se distinguer dans le tram avec un livre.
L’écriture est originale, sincère, claire et nette. Mais le pauvre narrateur vivant d’une pauvre pension après la première guerre, a la solitude pathétique. Elle l’entraine dans une recherche si maladroite d’amis que le malaise s’installe.
« Je songeai à ma vie triste, sans amis, sans argent. Je ne demandais qu’à aimer, qu’à être comme tout le monde. Ce n’était pourtant pas grand-chose.
Puis, subitement, j’éclatais en sanglots.
Bientôt, je m’aperçus que je me forçais à pleurer. »
Toutes ses rencontres sont des échecs et si nous sommes loin des amis abusifs des réseaux sociaux, sa quête est tout aussi artificielle à l’époque où un riche pouvait recevoir un pauvre :
«  Mon brave, je vous ai fait venir parce que je m’intéresse aux pauvres. »
Ces 200 pages écrites dans les années 20 sont d’une facture très actuelle et si certains y voient de l’humour, je ne suis pas parvenu à prendre de la distance avec tant de sombre accablement.
Sa lucidité plaintive ne rend pas sympathique cet homme désœuvré tellement obnubilé par lui même qu’on aurait du mal à devenir l’ami d’un personnage aussi puéril et vétilleux.
Il rencontre enfin une femme :
« Qu’aurait fait Blanche, si nous avions rencontré sa meilleure amie ? M’eut-elle quitté ? Ou bien si, tout à coup une douleur l’eût empêchée de marcher ? Ou bien encore si elle avait cassé une vitrine, ou déchiré sa jupe, ou bousculé un passant. »


vendredi 18 janvier 2019

« Dis moi qui tu hais, je te dirai qui tu es »

Parmi les gravats d’une société qui brûle ses vaisseaux et pas seulement ses bagnoles, je ramasse la formule où persiste quelque subtilité orthographique. Une formule de plus pour refuge numérique cerné par les algorithmes et les fausses nouvelles.
Mais à Nairobi ou à Gdansk pas de jeu de mots, et ici ce ne sont pas seulement les bourre-pif qui sont violents, les silences lâches m’inquiètent bien davantage.
Le président de la République encaisse tous les ressentiments quand le dispositif se mettant en place pour « Le grand débat » pourrait amortir tant d’agressivité.
Le consentement aux plus ensauvagés des propos, aux plus irascibles postures, à la plus outrancière des haines, devient banal. Ce mot « consentement », familier dans l’expression « consentement à l’impôt », est devenu incongru dans cet usage, la reconnaissance de l’intérêt, des biens communs, voire du sens commun, n’allant plus de soi.
Les mâles slogans (« Macron démifion ») vont de pair avec une disparition des pères.
Des femmes seules étaient bien visibles sur les ronds points, n’ayant peut être pas accepté les compromis de la maturité, comme les pères qui leur ont laissé leurs enfants sur les bras. Ils ne se privent pas de gueuler contre l’autre, le chef.
Les mouvements sociaux se parent bien sûr des couleurs des ancêtres, mais ne serait ce  qu’une guillotine revenue, celle-ci n’en finit pas d’éteindre les lumières : Badinter reviens, ils sont devenus fous.
En 68, nous souhaitions une société nouvelle, en 2019 pour les biberonnés au « vivre ensemble » c’est « pas de société », tout court, qu’ils clament, hystérisant ou fuyant les débats.
Nous avions l’impression au printemps de mettre à bas quelques cathédrales en jetant la culpabilité aux enfers, alors que c’est elle qui nous avait humanisés.
Etranger à soi même, comment ne pas l’être aux autres ?
Les conditions économiques déterminantes n’épuisent pas tant de causes venues de très loin qui ont à voir avec nos manières éducatives, à moins d’être persuadé qu’elles étaient inoffensives.
Quand advient le crépuscule, peut-on entrevoir, à défaut de Dieux, quelques hommes de paroles ? Une ligne dans un magazine où Sylvain Tesson rappelle le sens du mot colère = « hors de soi », fera l’affaire.
Il y aurait bien un million de personnes qui samedi après samedi impressionneraient les écrans que le label « peuple » ne pourrait leur être décerné. Les recalés du pouvoir leur courent après, s’enivrant du pouvoir de nuire au détriment de celui de construire.
«  Et un et deux et braséro ! » plutôt que l’élaboration patiente et courageuse de propositions.
Le journal « Alternatives économiques » qui ne peut être soupçonné de macronisme galopant, dans un numéro sur les campagnes avance quelques données incroyables :
« L’abandon par l’Etat ? Les territoires ruraux restent les mieux dotés en subventions publiques. L’exode ? Il s’est discrètement renversé il y a quarante ans, au point que si exode il y a aujourd’hui, il est plutôt ­urbain. Le déclin économique au profit des grandes villes ? Ce serait oublier que les territoires non métropolitains ont vu, depuis les années 1980, leur situation socio-économique s’améliorer plus vite que celle des métropoles. »
« Une voiture pleine est moins polluante qu’un bus mal rempli, lui-même moins ­polluant qu’un train quasi vide. »
Pour relever ceci, je me mets dans la peau d’une « hyène dactylographe », le mot était d’un dignitaire soviétique à l’égard de Sartre, pour rappeler que les excès ne datent quand même pas d’aujourd’hui, mais n’étaient pas mis à la portée de tous les écoliers pour qui « Macron démission » est devenu une comptine.   

jeudi 17 janvier 2019

« Servir les Dieux d’Egypte » au musée de Grenoble.

Nous abordons, à la suite de 100 000 visiteurs, l’exposition autour d’un monde complexe qui n’a pas encore livré tous ses secrets dans la période dite « intermédiaire » située de 1000 à 600 avant J.C.
La division entre au Nord, le delta du Nil ( Basse Egypte) où règnent, avec des hauts et des bas, les politiques et la Haute Egypte au Sud est atténuée par la présence des filles (vierges) des rois dans Thèbes,  la religieuse, « la puissante » , dont nous explorons la nécropole et le temple d’Amon,  reconstitués en partie place Lavalette.
Voir http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/01/trois-empires-le-long-dune-vallee.html
Grenoble la ville de Champollion qui a donné son nom au lycée où officie notre guide dédié, http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/09/paysages-au-musee-de-grenoble-etienne.html
doit aussi la richesse de son musée à Louis de Saint-Ferriol qui, parti avec des explosifs, est revenu avec quelques caisses chargées de trésors pour son cabinet de curiosités d’Uriage. Parmi les 270 objets exposés certains proviennent aussi de Londres, Berlin, Vienne, de Boulogne - sur- Mer ou du Louvre.
Les pillards avaient pris leur part mais aujourd’hui se retrouvent jusqu'au 27 janvier 2019 sarcophages en pierre et cercueils en bois. Les membres d’une même famille sont réunis. Cercueil de Pamy.
On parle de "trousseau funéraire" pour les nombreux objets qui accompagnent hommes et femmes dans l’au-delà. Ma petite fille qui a bénéficié d’un temps à l’atelier du musée en sait plus que moi sur les ouchebtis, statuettes destinées à suppléer le défunt pour les travaux, parfois au nombre de 365 comme autant de jours que les dieux font. 
Les vases canopes contenant les viscères étaient contenus dans des coffres.
Et pour les vivants des stèles indiquent une propriété ou établissent la liste de ceux qui sont bannis.
Un visiteur de l’exposition suggérait sur Facebook de s’inspirer de noms de l’époque pour baptiser d’une façon originale les bébés d’aujourd’hui : Djedmoutiouefânkh aurait du mal avec son étiquette dans les couloirs de la maternelle, mais le cartonnage de celui-ci (lin ou papyrus+ plâtre) recouvert d’une multitude de symboles bénéficie d’un miroir pour être vu sous toutes les coutures.
Des statues cubes témoignent de l’importance de l’écriture.
Nous pouvons admirer la finesse des papyrus, la sophistication des bijoux, Collier à pectoral du grand prêtre et roi Pinedjem
la virtuosité dans la confection de statues en bronze Statue de Meresamon, chanteuse de la Résidence d’Amon, en sachant que je ne saurais aller plus loin dans l’archéologie puisque les hiéroglyphes restent pour le novice une décoration,
 au pays où Sekhmet, la déesse à tête de lionne a pu se multiplier en 600 avatars. 
Statue du dieu Hamon dédiée par Houroujda.
Les prêtres outrepassaient leur rôle religieux pour occuper des fonctions politiques, économiques, administratives, avec par exemple un porteur de barque rituelle qui par ses oscillations donnait des indications décisives lors de séances divinatoires.
L’affiche de l’exposition est un détail du cercueil de Nehemsitou, porteur de la barque d’Amon.
Tout n’est pas découvert, mais le rôle des divines adoratrices, des chanteuses, des maîtresses de maison était important, le soin apporté à leur sépulture en atteste. Elles assuraient la renaissance du monde, elles continuent.
Isis allaitant Horus dédiée pour Chépénoupet II dans sa fragilité, ses cassures, est émouvante ; le dieu ne pouvait s’abreuver que debout, par contre toutes les œuvres funéraires, présentées pour être bien mises en évidence, étaient couchées.
 
Cherchant à retrouver une citation inscrite au dos d’un scribe :
«  Lisez ça ne prendra pas beaucoup de temps », genre « passant recueille toi »
je suis tombé sur ces mots d’Olivier Debré :
le peintre, lui, va du monde au signe. »
C’est tout indiqué pour annoncer la prochaine exposition « Souvenirs de voyage » d’Antoine de Galbert qui aura lieu du samedi 27 avril au dimanche 28 juillet au musée de Grenoble après un dernier tour à La Maison Rouge à Paris.