mercredi 13 septembre 2017

Venise en une semaine #1. Vers le ghetto.

Il fait frais ce matin lorsque l’on quitte la maison à 7h 30.
Un TER tout neuf avec une seule personne dans le wagon et deux cyclistes dans le suivant, démarre à l’heure à 8h 37 pour Chambéry et arrive à 9h 33.
Il ne faut pas traîner pour attraper le TGV Paris/Milan de 9h 44, bondé et moins rutilant que le TER. Des ados en route vers Rimini s’expriment assez fort mais respectent les baisses de volume exigées régulièrement par une adulte accompagnatrice, ce qui nous permet de lire jusqu’à Turin atteint vers 12h 24.
Là nous débarquons dans une gare moderne sous une grande voûte transparente qui diffuse une brume régulant agréablement la température. Par contre, pas une salle d’attente, pas un siège pour patienter. Nous nous installons sur des marches et pique-niquons loin des foules.
Nous nous offrons notre premier café, âpre, amer, un café italien quoi ! Guy tarde à le porter à notre table, occupé à aider trois compatriotes en difficulté dans leurs commandes mal comprises par l’employée.
Notre dernier train en direction de Trieste arrive à l’heure, à 14 h 15, nos places retenues sont en vis-à-vis et nous sommes au large. Entre lecture et sommes nous n’observons pas beaucoup le paysage par ailleurs souvent caché par des murs anti-bruit. Nous passons Brescia, Vérone, Vicence, Padoue, avec quelques arrêts appréciés par nos voisines fumeuses.
Ponctuellement, le train entre en gare à 17h 26 heure prévue à Venezia Mestre. La gare est immense, très fréquentée. Nous acquérons 2 billets à une machine  automatique pour la gare de Venezia San Lucia pour la modique somme de 1,25 €  par personne.
Toutes ces précisions concernant les horaires soulignent notre satisfaction de voir s’améliorer la ponctualité des trains italiens, en particulier, que nous avions connue plus aléatoire.
Enfin à 18h 11, nous voilà sur le quai de la « Sérénissime », au milieu du flot des touristes plongeant presque dans le Grand Canal à la sortie de la station.
Premières « palina » : poteau pour l’amarrage des gondoles.
On y est ! La lumière de fin d’après-midi participe à l’image de carte postale qui nous saute aux yeux.
Il ne nous faut pas longtemps grâce au cartoville pour rejoindre l’emplacement idéal de notre logeuse chez Béatrice Cavagnis, Ca Bernardino Calle Rielo n°420.
Après les présentations, elle nous conduit à notre studio situé le long du canal du Cannaregio au n°505. Il ressemble à l’extérieur à une échoppe ancienne avec ses deux fenêtres et sa porte surmontée d’une marquise.
Tout en longueur, bénéficiant de peu de lumière si l’on tient les rideaux fermés pour éviter les regards indiscrets des passants à proximité, il possède tout le nécessaire : du fer à repasser aux prises anti-moustiques. Béatrice nous donne les explications d’usage en italien, la langue qui nous enchante toujours. Nous ne devons pas boire ni manger dans la rue. Elle nous laisse en compagnie d’une petite bouteille de mousseux en signe de bienvenue.
Dans la lumière rougeoyante très cinématographique de la fin de journée, nous faisons nos premiers pas sans bagage le long du canal en direction du Ponte dei tre archi, puis bifurquons vers le ghetto juif qui abrite toujours une population de 300 personnes environ dont les hommes barbus, habillés de blanc et noir avec leurs papillotes sont reconnaissables où qu’ils se trouvent dans le monde.  
Nos pas nous mènent au « campo dei Mori » qui doit son nom à une famille de marchands originaire de Morée (région de Grèce) dont  la statue  à hauteur d’homme d’un des fils est affublée d’un nez en fer. Cette effigie d’Antonio Rioba a été considérée à l’instar d’autres personnages ayant accédé au rang de légende, comme un support de parole (porte-parole), critique de la République.
Très souvent sur les placettes, on voit de petits puits en pierre blanche.
Sur l’un d’eux, paresse un matou dédaigneux.
A la recherche d’un restaurant nous allons de quai en quai, de ruelles en ruelles, de photos en photos et quand tout paraît labyrinthique : nous constatons que « tous les chemins mènent à Rome ». Toutes les terrasses sont pleines, nous rentrons dans la nommée « Tintoret », le peintre avait habité dans les parages.
On dit ici: « Fondamenta » della misericordia, plutôt que quai. Nous partageons nos premières pâtes : spaghetti à l’encre de sèche et aux fruits de mer.
Nous flânons dans l’air doux chargé de quelques odeurs marines, il est temps de nous coucher.

mardi 12 septembre 2017

Gauguin, Monet, chez Glénat.

Dans la collection « Les grands peintres » voici deux albums relatant un épisode significatif de la vie des artistes, complété par un dossier clair reprenant leur biographie complète.
Je ne sais si seront traités tous les peintres célèbres de Van Eyck à Warhol présentés dans un graphique qui clôt les 56 pages, mais la diversité des approches peut mettre l’eau à la bouche. Patrick Weber & Nicoby traitent efficacement de la rencontre à Arles entre Gauguin et Van Gogh.
La vivacité du trait, la clarté du scénario permettent d’aborder sans s’appesantir, les  conceptions de la peinture de deux figures majeures de l’histoire de l’art, leurs caractères différents : le lent et l’explosif, et l’ambiguïté de leur amitié mêlée de rivalité. Par contre la couverture évoquant un rêve qui synthétiserait l’œuvre du pensionnaire de Pont Aven manque de poésie, alors que le choix de ce moment de la vie du pensionnaire de Pont Aven est original en n’insistant pas sur les clichés tahitiens du fauve, symboliste, issu des impressionnistes, mainte fois évoqué sur ce blog 
Franck Secka & Vincent Gravé ont choisi de narrer l’histoire d’amour de la protégée de Monet qui éloigne de l’intensité avec laquelle le père de l’impressionnisme recherchait la lumière. Si les couleurs sont en accord avec le sujet, le graphisme m’a paru vieillot. Pourtant sont abordés des aspects intéressant de la vie de celui qui fut aussi un jardinier à Giverny pas toujours compris de ses voisins mais reconnu par les galeristes et quelques personnalités éminentes de l’époque : Clemenceau qui le fournissait en lunettes, Guitry et même un certain Marcel Duchamp et ses « rédimèdes ».
Déjà vu ici, le choc subit par Kandinsky face à une meule de Monet avec un « n » alors que je l’ai orthographié souvent avec « nn »
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/12/la-couleur-dans-lart-contemporain.html

lundi 11 septembre 2017

Petit paysan. Hubert Charuel

Un bon témoignage par un réalisateur élevé au cul des vaches, concernant les paysans d’aujourd’hui qui passent beaucoup de temps devant l’ordinateur et vont au bowling mais dont la vie sentimentale est bien maigre sous la bonne volonté étouffante de la famille.
Pour un amateur de films de ce genre autour d’une toile cirée,
connaissant par ailleurs les barbelés, les veaux nourris au seau, les manœuvres au tracteur, le fumier et les cours encombrées, l’ambition dramatique m’a parue empruntée.
Les rêves avec les Holsteins envahissant la chambre du jeune agriculteur confronté à une crise sanitaire dans son troupeau sont forts et explicites, mais le versant thriller au son de la machine à traire, est moins convaincant.
Pourquoi avoir transfiguré la maladie de la vache folle? Le déni du jeune agriculteur, ses doutes destructeurs étaient des moteurs suffisamment puissants pour faire naître la tension. Le voyage en camion jusqu’en Belgique est bien inutile comme les cloques solidaires dans le dos du jeune homme ou le veau sur canapé.
Face à l’adversité, à la mort, qu’essayent d’amortir les principes de précaution, la sœur vétérinaire met  heureusement son véto aux délires du petit frère. Elle le sauve, lui, pathétique, malade de sa conscience professionnelle qui n’est plus une réponse à la complexité du monde, qu’on appelle parfois « folie du monde » quand on ne peut rien, alors que tant de jeunes là et ailleurs « partent en vrille », partent en ville.
Pour ce qui est de filmer des vaches, « Bovines » me semble indépassable :

dimanche 10 septembre 2017

Au bonheur des mômes 2017.

Grande première pour mon petit fils sur les traces de son aînée âgée de six ans en sa quatrième participation au « festival le plus tendre de l’été ».
« Le petit cirque des doudous » a permis de s’acclimater en douceur aux rites des spectacles avec des moyens modestes à l’image de ses sages ambitions artistiques.
La présence de deux comédiens quelque peu musiciens rend plus dynamique «  Ma mamie m’a dit », parodie pas vraiment nouvelle du Petit Chaperon Rouge aux yeux de père grand, mais offrant un aperçu des fantaisies possibles quand on franchit les portes d’un théâtre.
Au risque de la généralisation, la nature belge des acteurs en roi et reine du « Jour de la soupe » laissait prévoir la fantaisie et la simplicité de ce moment aux senteurs appétissantes. Les enfants en sortent avec l’envie de reproduire quelques recettes, réalisées d’une façon amusante.
" Intarsi" signifie « agencement » en catalan. Ce spectacle a atteint pour moi les sommets, pouvant intéresser les plus petits par les performances de ses acrobates et séduire jusqu’aux plus blasés des papous. Je suis passé de la gène en regardant distraitement un artiste en train de réaliser des prouesses dans l’indifférence d’une foule s’installant, à l’angoisse alors que les circassiens s’affrontent, pour finalement admirer chacun des quatre comparses avec sa personnalité propre, en route vers la réussite de performances époustouflantes, à plusieurs.
« Les petits papiers de Léopoldine » sont poétiques comme les éclairages de « Haut et Bas ». La première de ces représentations est explicite avec des livres géants qui ouvrent sur des découpages faits main par une conteuse concernée, l’autre invite aux rêves avec les doigts agiles d’une triplette féminine virevoltant dans un univers original.
« Elvire Cocotte en pique-nique » ne mâche pas ses mots. Son beau tempérament devrait moins se disperser et  l’harangueuse varier ses intonations pourtant appréciées des enfants.
Comme dans tout festival, tous les lieux sont occupés pour les représentations, alors prendre le téléphérique pour accéder à la salle où se joue « Le singe d’orchestre » fait partie de nos rites de fin août. Cependant dans ce site exceptionnel, l’exiguïté de la pièce surchauffée qui accueille le public ressort avec plus d’évidence. D’autant plus que le trio déjanté de Saint Jean de Bournay qui doit présenter une « presque histoire de la musique » sait chauffer une salle. Et si bien des références ne sont pas forcément accessibles à des enfants de six ans, leur belle énergie emporte le morceau parmi de multiples séquences certes disparates, mais goûteuses comme planches de « Rubrique à brac ».
Il est d’ailleurs bien vrai que le volume de crottin laissé par les chevaux des calèches attendant devant l’Opéra étant proportionnel au succès des représentations. Ceci explique l’origine de la marque de politesse en usage avant une épreuve : « merde ! ».
Le village de carte postale du Grand Bo est voué pendant une semaine aux « gônes » avec une mobilisation impressionnante des bénévoles dont des adolescents en situation de responsabilité. Cette attention aux jeunes n’a pas besoin d’être surlignée par les discours répétitifs empreints de démagogie du directeur du festival qui portant nous régale chaque année par la variété de ses propositions. Il se ridiculise, quand derrière son micro, il dit qu’il faut se méfier de ceux qui parlent dans un micro. 
Les enfants  sont sollicités à chaque pas par une parade, des manèges, des jeux musicaux ou d’adresse. Un tas de sable géant  attend les usagers qui seront équipés de casques de chantier, à côté d’une place du marché à l’échelle des tout petits servant à alimenter un restaurant avec des fraises en bois garanties « bio » par ma marchande.
Sous la tente du « Rétro studio photo » les malles sont pleines de beaux habits, d’ombrelles, de chaussures à talons, de chapeaux, de perruques pour réaliser à la sortie quelques images remarquables.
Pour la première fois nous avons assisté au Forum, amphithéâtre en plein air, à une présentation de « 1940 » par l‘association Oval, numéro de cirque réalisé par  des adolescents à l’issue de leur « colo » dirigée sûrement par d’excellents moniteurs car la restitution sur fond de thématique historique était de qualité. La lecture de la lettre ultime de Guy Moquet est toujours aussi étonnante et bouleversante.
Mais là nos « minettes » étaient déjà parties jouer dans le proche ruisseau qui se donne lui aussi en spectacle avec ses airs de torrent sur lequel construire des barrages et se tremper avec délice pour tempérer les excès d’un été tirant vers sa fin.

samedi 9 septembre 2017

La chair. Rosa Montero.

L’amour toujours, l’amour, fou et désespéré : une femme de soixante ans passe de l’exaltation des sens au désespoir lorsque le temps ne se rattrape guère.
Je reprends des expressions toutes faites pour souligner la banalité des situations décrites et mieux apprécier la virtuosité de l’auteur qui renouvelle le genre.
Pourtant à lire la quatrième de couverture où il est question d’une crise de la soixantaine résolue par l’engagement d’un gigolo, cela pouvait risquer d’être rigolo, mais la première phrase donne une profondeur qui ne contrarie pas un récit réservant des surprises.
«  La vie est un petit espace de lumière entre deux nostalgies : celle de ce que vous n’avez pas encore vécu et celle de ce que vous n’allez pas pouvoir vivre. »
Comme lors d’une scène où le personnage principal,Soledad, se croit coincée dans sa douche alors qu’un petit mouvement a pu lui permettre de reprendre le fil de son journée et passe du désastre de la solitude à l’insouciance.
Elle, dont le destin semble déterminé par son prénom qui signifie « solitude » a une sœur nommée Dolorès, son amant s’appelle Adam : "too much" ! Comme la vie et l’œuvre de ces écrivains maudits que la belle qui se débat doit présenter dans une exposition.
«  C’était tellement banal aussi qu’elle soit là à embellir son cas avec des références cultivées ; qu’elle essaie d’envelopper cette histoire du papier de soie des comparaisons littéraires, alors que la dure réalité était qu’elle, une femme âgée, elle était en train d’acheter des cadeaux à son gigolo. » 
Ironiques et graves, tendres et cruelles, ces 190 pages sont justes.
« Quelle foutue malchance qu’il continue de lui sembler si beau. »

vendredi 8 septembre 2017

Célébrations.

Pour respecter le principe de précaution qui tant nous guide : il vaut mieux ne pas prévoir qu'on ne s’abreuvera plus jamais à la fontaine des appréciations archaïques .
Ainsi je pense encore que tout est politique, depuis le temps où « les travellings étaient affaire de morale » comme disait Godard.  
Pourtant en ce qui concerne la politique en ses partis, la vision pour fronton de cathédrale de l’enfer et du paradis correspondant à « droite » et « gauche », très sérieusement érodée, pèse sur nos paupières.
Lors des dernières élections se sont rejouées, deux visions du monde sous les étiquettes explicites des « Frondeurs&Front Front » affrontant les « En marche », pessimistes  contre optimistes, comme dans la BD de Lucky Luke entre les O'Timmins et  les O'Hara.
En tant que pessimiste à peine repenti, doublé d’un tourmenté en proie à l’inquiétude, je me trouve dans la posture des anciens communistes qui finirent au Figaro ou comme les traîtres de droite qui deviennent les pires contempteurs de leurs anciens collègues.
Mais dans des épisodes de ravissement, j’en suis à rendre grâce à l’ami qui aime brûler des cierges dès qu’il entre dans une église pour remercier le jour et joindre une petite flamme à quelques cierges fuligineux que ce soit sous des voûtes grandioses ou des chapelles intimes.
Moi le mécréant, le nez dans la fourmilière ou les yeux perdus dans les trous noirs vus sur écrans, j’ai appris à apprécier le temps, ses rouages, ses nuages, et oser dire que la vie est un cadeau merveilleux de chaque minute.
Cette benoîte sagesse n’est pas qu’une attitude d’estivant, un panthéisme tardif, accentué d’un gâtisme frotté aux douleurs de proximité qui imposerait un crépusculaire : « Carpe Diem ».
Je ne veux plus perdre le temps de jouir de récriminations perpétuelles, d’oppositions systématiques, de grogne atavique, d’insoumission recuite…
Pourquoi les minoritaires auraient raison par nature quand les suffrages ont parlé, pourquoi le gouvernement aurait faux à tous coups, pourquoi l’insurrection saisonnière serait préférable au calme démocratique?
Le cocktail Molotov serait-il sempiternellement l’accoucheur d’un monde meilleur et l’invective un langage ordinaire pour de systématiques procès d’intention?
Nous ricanions quand Marcellin traquait "le chef d’orchestre clandestin" qui aurait guidé  les gauchistes, maintenant j’entends quelques premiers violons mal accordés évoquer de pervers médias et d’obscurs vicieux agissant dans l’ombre des pouvoirs.
Tant de représentations manichéennes jouées trop souvent en feraient oublier l’interminable lutte pour plus d’égalité. 
A l’abri de ces paysages tracés au lance-flammes, le grillon du foyer rassure.
Lorsqu’au cinéma, américain, une famille se mettait à prier avant de prendre un repas, je voyais  une aliénation manifeste, un archaïsme ; aujourd’hui, je me demande si nous célébrons assez souvent les cuistots, les responsables?
Blague:
En pleine brousse, un missionnaire se retrouve nez à nez avec un lion à l'air peu aimable.
- Seigneur, s'écrie-t-il, inspirez à cette bête des sentiments chrétiens !
Alors, le lion se couche aux pieds du missionnaire et dit :
- Seigneur, bénissez ce repas que je vais prendre.
Devant réfrigérateur et micro-ondes, depuis que quotidiennement Picard est dans la place et que le camion à pizzas y stationne aux quatre saisons : merci chef, cheffe ! Quand ils prennent le tablier.
En ce qui concerne les maîtres de l’heure : pas de prosternation, mais un peu de décence dans la descente des responsables qui prennent leurs responsabilités. Quelles sont les propositions alternatives crédibles ?
…………………
Ci-dessous un dessin du « Canard » et un du « Point ».

jeudi 7 septembre 2017

Nils Udo. Gilbert Croué.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble rêve d’attendre le lever du jour en compagnie de quelque nymphe depuis le « Nid rouge » construit par Nils Udo, l’artiste bavarois qui compte aujourd’hui 80 printemps. Partons au pays des constructions fragiles.
« Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition »  Marcel Proust
« Sans titre », île de la Réunion : les corolles légères des fleurs de liseron ponctuent  le miroir de l’eau en butant contre une baguette. L’équilibre peut se brouiller, se détruire.
Nils Udo a entrepris des études artistiques dans la ville de Nuremberg détruite, il rejoint Paris dont l’école de peinture est encore réputée dans les années 60, mais renonce pour longtemps à des artifices, au synthétique, au trompe l’œil, aux redites, en revenant au bord du lac de Chiemsee.
Dans son « Hommage à Gustave Malher » dont la Symphonie n° 3 en ré mineur s’intitule : « La voix de la nature en marche », cet autel éphémère sur un terrain remodelé n’emprunte qu’aux éléments prélevés sur place : peupliers, tiges de frênes, bannissant tout lien artificiel.
Il immortalise ses installations en les photographiant en série limitée, comme les graveurs.
« Je peins avec les nuages, dessine avec les fleurs»
« Le nid », lieu de naissance et de protection, tient une place importante dans ses nombreuses productions.
Des matériaux très divers peuvent être utilisés comme le font insectes et oiseaux pour des formes variées, ainsi « l’oiseau jardinier ».
Comme les présences humaines sont rares, elles sont saisissantes : « Waternest »
Il s’approche de l’eau, depuis la source jusqu’à la mer, échafaude un délicat « Nid d'eau », avec des roseaux en hiver et en été,
un  « Autel de rivière » antique rituel de l’homme accédant à un langage symbolique afin d’honorer les âmes,
une « maison d’eau » où une cage joue avec les marées.
Les couleurs depuis des jus de feuilles d’ail des ours, de baies d'obier, éclatent dans « Nid d'hiver » 
ou simplement avec des baies du sorbier dont le rouge électrise le vert, « Sans titre ».
Des pétales dites « Langues de feu » étaient toutes indiquées pour souligner une fissure dans une coulée de lave à la Réunion.
Plus subtilement, des feuilles de cerisier peuvent composer un nuancier avec osier, feuilles de marronnier à  Equevilley « Sans titre »
Des branches composent des cadres de tous formats qui sollicitent le regard  comme dans le « Petit lac vallery »
A Mexico, il dégage des « racines »,
à Aix la Chapelle il lui a fallu de la patience pour enfiler les baies de sorbier sur des tiges d’osier à insérer aux flancs de « genévriers ».
« Baie » affronte vitesse et stabilité.
Les « dessinateurs de jardin » (topiarius) depuis les temps antiques, taillent, « tyrannisent » la nature comme disait Pline l’ancien, c’est l'art topiaire comme à Marqueyssac. 
Et s’il est revenu récemment à la peinture « Sans titre »
Nils Udo se distingue de ses contemporains du land art
 « Ce qui m'intéresse, c'est le fait que les choses vivent, se développent et meurent. C'est toute la nature qui m'entoure. Je m'y intègre, je travaille au rythme des saisons »
A Chaumont sur Loire au festival des jardins sur le thème de « Grand et petit » sa « Forêt de Gulliver » allait de soi. 
Comme son « Temple végétal » à Hauterives en hommage au  facteur Cheval qui avait appelé son « Palais idéal » édifié pendant 33 ans «  Temple de la nature ».
Dans ces contrées où se préserve l’enfance, Bachelard s’invite :   
« Enfants, on nous montre tant de choses que nous perdons le sens profond de Voir. Voir et montrer sont phénoménologiquement en violente antithèse. Et comment les adultes nous montreraient-ils le monde qu'ils ont perdu ! »