vendredi 27 février 2015

Vocabulaire.

Après avoir revisité récemment quelques grands mots Liberté, Eg… aux rimes en « té » dont la puissance renaissante pouvait consoler des désastres de janvier, la lassitude m’avance son fauteuil au moment où les incantations à la Fraternité semblent encore plus vaines alors que les balles claquent, les feux crépitent, les fuites s’accélèrent.
Boko Haram, Ukraine, Lybie, défis, cynisme, escalade dans l’ignoble.
Nos précautions sémantiques figurent sur la face dérisoire de nos lâchetés, quand justement la pauvreté des mots, la faillite du vocabulaire ont contribué à ensauvager certains de nos compatriotes.
Lorsque quelque sociologue Inrocks, plutôt que de repérer une addition des causes pour expliquer la contagion de la folie qui va de Lunel au Danemark, en arrive quasiment à nier quelque responsabilité aux assassins, le propos est nuisible, la posture qui cherche l’originalité retombe dans la dénonciation mécanique et obsolète : « c’est la faute à la société ».
De la même façon que j’avais été abusé par des beaux parleurs 68 qui prônaient la supériorité de l’oral sur l’écrit, j’avais pensé en début de carrière d’instituteur que le vocabulaire était uniquement une affaire d’imprégnation sans nécessité de systématiser, je m’étais trompé.
Ceux qui ont tellement flatté les tchatcheurs venaient de lieux où l’aplomb était constitutif de leur classe sociale supérieure et ce sont les mêmes vainqueurs qui ne veulent surtout pas de notes, pas de compétition, ils ont leurs réseaux.
Celui qui brille écrase le laborieux. L’écrit qui clignote sur l’écran devient fugace comme le dire, et a oublié souvent l’application pour former un mot, une pensée, comme il convenait  de rédiger dans des lettres attentives.
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Dans "Le Canard" de cette semaine:

jeudi 26 février 2015

A la table des peintres : le vin des dieux.

A Tain L’Hermitage, là où le Rhône, transporteur de moult barriques, se resserre, est édifiée une chapelle. Elle donna son nom à un Clos qui en 2007 vendit 12 bouteilles 18 000 €.
Ce nectar devait être divin puisqu’en dégustation à l’aveugle, les œnologues les plus éminents  n’ont pu le départager du Pétrus - qui est au ciel.
Là, était construit auparavant un temple dédié à Apollon, celui qui inspira Saint Christophe le porteur du Christ.
 C’est l’histoire éternelle de la mythologie recyclée par la chrétienté, narrée par Jean Serroy aux amis du musée. Illustrée ci-dessus par une œuvre de Jan van Bijlert, « Le Festin des Dieux ».
Ainsi en fut-il du vin qui éclaira les trognes autour de Bacchus et fut béni en Cène où ils étaient treize à table.
J’aime apprendre que la production de vin la plus ancienne se situerait dans les monts Zagros en Iran, il y a 7000 ans, l’introduction de la culture de la vigne en Gaule par les phocéens datant de 700 ans avant JC.
Après Osiris, Dieu des saisons autour du Nil et Dionysos dans les exhalaisons du retsina, les bacchanales dédiées à Bacchus, le dernier dieu des débordements et du théâtre, furent interdites pendant deux siècles à Rome.
Le « Bacchus buvant » de Guido Réni (XVII° siècle) est dans l’extase, son œil retourné, le jet de son robinet parallèle à celui du tonneau rondelet débondé. Le réalisme historique aurait commandé de faire figurer une de ces amphores qui servirent au transport et à la conservation du « jus d’Octobre » pendant l’antiquité.
Le jeune Bacchus du Caravage est athlétique, aguicheur et fardé, un autre est malade, au lendemain de la fête, humain, avec le teint jaune des foies fragiles.
Les satyres de Rubens ingurgitent, alors que le maître boit, ils amplifient la violence de la nature primitive alors que « Silène ivre » de Ribera n’en perd pas une goutte. Le père de Dionysos est souvent ridicule, par contre chez Boucher, Bacchus a disparu sous forme de grappe, on ne se refait pas, dans la main de la charmante Erigone.
Les fêtes bachiques ont inspiré  beaucoup de peintres, ainsi Le Titien, Poussin ou Bouguereau qui fait figurer danseurs et danseuses sans vêtements et sous toutes les coutures. Chez Van Everdingen, Bacchus qui a posé son habituelle peau de léopard, est bien entouré, les nymphes  sont avenantes, l’amour fournit le carburant.
Klimt pour le plafond du théâtre de Vienne mêle tous les styles dans son « Autel à Dionysos »,  où les femmes sont ivres de vin et d’amour.
Avec l’ancien testament, les sages ne se tiennent guère mieux. Noé fut choisi pour sauver l’humanité du déluge, mais revenu à terre, le premier vigneron se retrouve nu sous les yeux de ses fils après avoir trop bu.  Dans la Bible, le vin et la vigne sont cités 443 fois.
Et  le vieux Loth pour coucher avec ses filles, puisque sa femme est transformée en statue de sel après s’être retournée vers Sodome en flammes, s’enivre. Cézanne, dans sa période « couillarde », le peignit crument.
Balthasar de Rembrandt lors d’un festin gigantesque est proche de sa fin, une servante renverse du vin sur sa manche, au moment où une lumière divine surgit.
« L’enfant prodigue » de Gherardo Delle Note a beaucoup bu, pendant son éloignement et aussi à son retour chez Jacopo Bassano.
Des « Noces de Cana » chez Véronèse au dernier repas chez De Vinci, le vin est divin. Depuis le premier miracle quand Jésus changea l’eau en vin, jusqu'à la bénédiction ultime, l’eau lustrale des hébreux est transformée et s’annonce « le breuvage du banquet d’éternité ». La Palestine était une terre de vignes.
Dans « Le pressoir mystique » de Marco Pino « le Christ foule aux pieds du raisin, et des blessures que son corps a subies, lors de la Passion, coule son sang qui se mêle au vin jaillissant des grappes ».
Depuis le pape Jean XXII en Avignon,  le vignoble de Chateauneuf-du-Pape a pu se développer. La raison sacrée vécue dans l’eucharistie a rencontré des raisons économiques avec des monastères qui ont beaucoup planté et récolté. 
Et pour conclure avec les paroles de Sainte Thérèse d’Avila : « Le Seigneur marche au milieu des pots et des casseroles », quoi de mieux  que « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie » par Vélasquez ?

mercredi 25 février 2015

Iran 2014 # J 18. Hashte Par/Sareyn

Nous nous réveillons emmitouflés dans les grosses couvertures imposées par une climatisation vigoureuse et nous faisons l’opération inverse de la veille : transformer le dortoir en salle à manger. Nous rangeons la maison, lavons et plaçons la vaisselle. Dehors la chaleur nous tombe dessus. Plus de trace des entrailles des poissons mangés la veille par les poules voraces qui accourent  dès que la nappe est secouée. Nous chargeons tranquillement les bagages. Le minibus s’ébranle hors de la cour, des brins de plans de riz encore accrochés  au châssis rythment chaque tour de roue.
Avec  la mer en paysage, la route traverse des rizières dans lesquelles les paysans se courbent à angle droit pour couper la récolte à la main. Il y a aussi bon nombre de plantations de kiwis. L’habitat utilise des tuiles à la place des tôles grises ou rouges, moulées et placées côté creux face au ciel. Les petites villes où les marchands ambulants proposent noix et figues alternent avec la campagne.
Nous atteignons Astara dont une marque de caviar porte le nom. C’est un port à la frontière de l’Azerbaïdjan, réputé pour son bazar au bon approvisionnement en temps d’embargo et à ses prix intéressants. De port, nous n’en voyons pas, à peine un gros bateau au large. Par contre il y a une plage, aussi déprimante et triste que celle de Hashte malgré quelques cerfs-volants et une sorte de cirque en bois comme attraction http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/02/iran-2014-j-17-masouleh-mer-caspienne.html . Nous remontons dans la voiture et longeons  la frontière de l’Azerbaïdjan marquée par une limite en fil de fer barbelés, ponctuée de casernes. Tout à coup Halleh, notre guide, reçoit un coup de téléphone de la police qui vérifie, je n’ai pas trop compris quoi. La route s’élève en douceur dans un paysage verdoyant dont nous profitons depuis la terrasse du restau de midi face à un poisson grillé. Nous poursuivons notre voyage vers Ardabil en passant par une station de sports d’hiver avec quelques maisons cossues. Tout du long, au  bord de route, des étals de miel se succèdent avec parfois des bocaux aux couleurs surprenantes. Nous ne faisons que traverser Ardabil qui ne présente pas d’intérêt touristique hormis peut-être un mausolée datant de 5000  ans .
Et nous nous dirigeons vers Sareyn assez proche. Il s’agit d’une station thermale très fréquentée par les iraniens, célèbre pour ses eaux chaudes. Ali notre chauffeur, s’arrête devant un petit immeuble dans une rue calme à quelques pas du centre où nous attendent deux petits appartements qui manquent d’entretien.
C’est là qu’il nous fait ses adieux chaleureux, accolades et 3 bises à chacun. Il doit reprendre la route pour Téhéran puis Ispahan pour s’occuper d’un autre groupe ; nous nous quittons avec un petit pincement.
Halleh nous entraine à la découverte de la ville grouillante de  monde. Des tentes occupent des places de parking en bord d’avenues, logements bon marché pour touristes qui dorment là et mangent sans beaucoup d’intimité.    
Ici le farsi n’est pas la langue principale, le turc est majoritaire, pratiqué par les gens des montagnes dont le type physique s’écarte de celui des autres iraniens. Des sous vêtements en peau de chameau, caleçons longs, bonnets nous amusent par leur forme.
Côte à côte des boutiques vendent du miel liquide ou encore dans leurs alvéoles.
Les commerçants nous proposent de goûter leurs marchandises tous les trois pas, s’enquièrent de notre nationalité, nous sourient. Nous testons le miel, l’alwa à la carotte que l’on connaissait déjà en confiture. Nos hommes ont la possibilité de pénétrer dans une ancienne piscine d’eau chaude où barbote la gent masculine rhumatisante, mais nous nous contenterons de visionner la caméra de notre cinéaste exclusif.  
Dans les rues, l’affluence est digne de la Côte d’Azur, les restaus exposent des tripes ou des döner kebab, de grandes marmites chauffent sur des bruleurs conséquents remuées par d’énormes cuillères en bois.  Nous prenons notre repas au fond d’un restau sur un divan : abgoosht, ou … döner kebab, douceurs, puis nous commandons un narguilé pour 4.

 Notre guide se livre, elle nous parle de son élève de 11 ans tombée enceinte sans savoir les choses de la vie et renvoyée de l’école. Comment l’argent règle les problèmes avec la police ...
D'après les notes du carnet de voyage de Michèle Chassigneux .


mardi 24 février 2015

La faute au midi. J.Y Le Naour. A. Dan.

Une histoire vraie de la guerre de 14, tout au long de laquelle on se dit :
« c’est pas possible ! ».
Fusillés pour éviter la propagation des mutilations volontaires alors que les deux pauvres bougres passés devant le peloton d’exécution ont été blessés par les sharpnels ennemis, un marseillais et un corse sont victimes d’un système odieux. Un « Sentier de la gloire » (Kubrick) où le racisme à l’égard des méridionaux est un facteur déterminant dans l’engrenage d’une injustice dont la reconnaissance après coup ajoute à notre consternation.
Le haut commandement (Joffre) est aveugle, avec des officiers en marche vers un massacre  qui arrêtent pour espionnage des habitants ayant averti que l’artillerie allemande attend de l’autre côté de la colline : 10 000 sacrifiés.
La presse joue un rôle capital dans le déroulement de cette tragédie, sur fond éternel: 
«  croyez-vous que le temps soit venu d’affoler le pays avec vos révélations ? ».
L’absence d’instruction, la disparition de l’appel dans le processus judiciaire, des avocats improvisés, apparaissent comme des circonstances secondaires dans l’injustice militaire, tellement tout est organisé pour aller vers une issue incroyable, les faiblesses humaines alimentant un système implacable.
Cette bande dessinée commandée par les archives départementales des Bouches du Rhône  est un documentaire parmi des publications variées dont ce blog a pu déjà rendre compte, à rechercher en haut à droite de cette page en tapant « guerre de 14 » où en cliquant sur un de ces liens :

lundi 23 février 2015

Hard Day. Kim Seong-hun.

Divertissement policier rondement mené avec des ripoux comme il convient, dans un décor un peu exotique mais pas trop. Quelques plans magnifiques, une tension bien tenue avec un humour qui nous permet d’avaler toutes les invraisemblances et savourer les rebondissements où morsures, étranglements, immersion, poursuites, duel aux poings se succèdent … et un conteneur. 
Nous sommes du côté du mauvais fils, mauvais père, mauvais frère, mauvais flic, sur qui s’abattent  tous les malheurs : il vient de perdre sa mère, sa fille s’impatiente au téléphone, et la route peut s’avérer dangereuse, ce n’est qu’une fin de journée précédant d’autres calamiteuses, mais il ne sera pas toujours mauvais conducteur.

dimanche 8 février 2015

Consumation.

Au moment où le civisme est à nouveau invoqué à grands cris, Roland Dumas qui fut dans l’instance suprême (le conseil constitutionnel), avoue qu’il a validé les comptes de Balladur et Chirac alors qu’il savait qu’ils étaient faux. Et je retrouve un vieux  titre du Canard, décidément décourageant, sur la faveur fiscale  de Cazeneuve à la belle-mère de Larcher dont personne n’a parlé par ailleurs… Chaque jour… 
Est-ce que cette chronique habituelle des-copains- et-des-coquins nous fige dans le ressentiment, ou faut il faire malgré eux ?
Ils campent dans la tête pourrissante du poisson, ils sont le poison instillé dans nos croyances envers une démocratie équitable.
Et l‘on va demander aux atlantes (teneurs de murs grecs) des halls d’immeubles d’être prévenants et gentils !
Ressasser la médiocrité d’un personnel politique, dont les éléments de langage constituent une enveloppe qui ne cache guère leurs incompétences multipliées par les mandats, ne mènerait qu’au clash ou à la kalach ?
Nous avons cru au collège unique, en confondant inégalités et injustices pour employer des termes d’un autre siècle quand il conviendrait de dire diversité. Les mots sont  décidément trompeurs, car c’est justement  jadis que se dessinaient avec une égale dignité des carrières variées de paysans, d’instituteurs, de gareurs… Alors qu’aujourd’hui il n’y a plus de vocation pour devenir infirmière ni prof, les bacs plus tant rechignent aux postes de soudure et les potaches les plus verts ne ramassent guère leurs épluchures si on ne leur fournit pas des pincettes et des gants.
Dans une société vieille qui flatte l’adolescence, au collège l’élève s’efface devant l’ado ; là où jeunesse se fait, le lieu des apprentissages se défait.
Au cours d’un entretien à France Inter où François Dubet pertinent dans le constat manquait de propositions comme tous ceux qui causent de l’école, une institutrice de maternelle est venue exprimer son émotion parce qu’Hollande, la veille, avait dit  qu’il s’agissait de maîtriser le français, dès le plus jeune âge. Si l’énoncé de telles évidences fait pleurer les maîtresses on n’est pas sorti de l’auberge. C’est qu’à chaque fois les commentateurs et les politiques après  l’hommage mécanique aux profs, font comme si rien ne se fait, ne s’était fait, alors les nerfs sont à vifs et  il est bien difficile de passer aux solutions.
Pour aller au-delà de réactions de surface, je reprends un morceau d’un texte qui m’avait semblé riche d’Anne Frémaux http://iphilo.fr/2015/02/02/je-suis-la-crise-de-lecole-republicaine-anne-fremaux/ et qui fit réagir diversement quelques collègues à qui je l‘avais transmis, qui ne contestèrent point ce point :
« Assurer la continuité entre le passé et le présent, transmettre les éléments de la tradition qui résistent encore à l’esprit de « consumation » présent, mettre en dialogue tradition et modernité en gardant le meilleur de chacune, telles sont les missions fondamentales de l’école. »
En Irak, des hommes brûlent et des enfants, sont« vendus, crucifiés, utilisés comme "kamikazes" ou "boucliers humains", enterrés vivants, victimes d'actes de torture ».
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J’interromps mes publications pendant deux semaines. A lundi en quinze : cinéma.

samedi 7 février 2015

L’élevage des enfants. E. Prelle E.Vincenot.

Dans la production abondante des livres vite lus (130 pages) et rigolos à offrir à de futurs parents, celui là peut figurer pour quelques saisons tant que les tribus au lycée seront : « gothiques, bad boys, fashions, nerds, punks, mangas, hardeux, filles faciles, hipsters, sportifs, cassos, geeks, rastas, beau gosses, pantalons afghans, … »
J’avais été accroché par  un tableau qui expliquait comment décrypter les bulletins scolaires de son enfant :
«Théo est un élève perfectionniste» : signification réelle: «Il met deux heures à faire ce que font les autres en dix minutes».
« Bruce doit apprendre à canaliser son énergie » : j’ai peur qu’il me frappe.
 «Joy est une élève très populaire au sein du collège, et elle participe avec enthousiasme à toutes les activités extrascolaires»: Il faut qu'elle prenne la pilule le plus rapidement possible. 
L’entretien avec monsieur Couard, principal de collège qui pour éradiquer la violence distribue une brochure sur la violence à chaque début d’année, « suffisamment épaisse pour assommer un élève difficile » parlera à certains.
 A chaque étape de 0 à 3 ans l’âge adorable, à 16-18 ans l’âge insupportable, en passant par l’âge pénible, l’idiot et le bête il y a de quoi rire. Les ponctuations de Laurence Sestac étant parfaitement dans le ton joyeux et punchy  qui nous reposent des doctes et des culpabilisateurs « Vous élevez déjà un ou plusieurs enfants, et vous avez le sentiment d'être un mauvais parent ? Soyons honnêtes : c'est sans doute le cas. Vous n'avez pas encore d'enfant, vous souhaitez en avoir, mais vous craignez de ne pas posséder toutes les qualités requises pour l'éduquer ? C'est bien naturel. Après tout, devenir parent, c'est un peu comme acheter un billet de train non échangeable et non remboursable, pour une destination inconnue. Élever un enfant est d'ailleurs une tâche tellement compliquée que Dieu lui-même n'en a eu qu'un seul. »