A éprouver sans cesse le manque de recul dans lequel nous
entraine le flux médiatique, ces débats sont une aubaine, même si en même
temps, ils semblent en apesanteur par rapport aux fracas du monde.
Repli, rejet, radicalisation, raidissement, retour
au religieux sont dans l’air de la saison.
Le multiculturalisme est questionné,
vivement, quand par exemple, à la suite de Merkel, le leader de la CSU déclarait : « Nous, chrétiens-démocrates et chrétiens-sociaux, nous
défendons la culture dominante allemande et sommes contre le Multikulti. Le
Multikulti est mort »
Lors de cette rencontre, une fois de plus est vérifiée la
différence entre des universitaires et une politique pourtant historienne qui a
adopté les mauvaises manières de sa caste : écoute flottante, baratineuse,
bavardant avec sa voisine pendant qu’une autre personne s’exprime à la tribune.
Esther Benbassa, sénatrice verte, apporte cependant des éléments intéressants.
Lors d’un débat au palais du Luxembourg, la préconisation de
la création de carrés musulmans dans les cimetières et à la réorganisation de
l’enseignement laïc du fait religieux ont suscité les plus vives oppositions.
Elle en appelle par ailleurs à l’ « inclusion »,
terme préféré à intégration ou assimilation, « sans exiger à priori l'effacement pur et simple des différences
et spécificités ».
La description
par Karen Barkey, de l’évolution de l’empire
Ottoman est utile : la tolérance y fut pratiquée, s’épuisa puis fut
abandonnée au moment où l’empire des Habsbourg connaissait un mouvement
inverse. Les juifs et les chrétiens, peuples du Livre, y étaient plus protégés,
moyennant impôts, que les chiites et les soufis. L’histoire de la plus grande
démocratie du monde, l’Inde, par Sudipta
Kaviraj, nous déleste de nos Zémour.
Et revenir, avec Nadia Urbinati, à
l’époque du passage de la seule autorité du roi à celle du peuple souverain,
peut réassurer. Cette révolution là appelait forcément le pluralisme.
Les citoyens représentent une nation, mais il y a
tellement de façons d’être français.
En comptant les votes plutôt que les têtes coupées,
nous acceptons la diversité, notre finitude, nous reconnaissons nos erreurs.
Parmi les questions posées : « Qu’est-ce que la tolérance ? Désigne-t-elle
le respect de l’altérité, l’absence de persécution des minorités ou bien la
revendication des richesses qu’offre une société plurielle ? Est-ce aux
institutions politiques qu’il revient de l'organiser, ou bien cette question
relève-t-elle plutôt des pratiques individuelles ? »
En réponse, j’ai aperçu un
mot nouveau pour moi : « tolération » datant pourtant du XVI°
siècle, alors que j’avais cru à un anglicisme d’une des intervenantes. Ce terme
donne le droit d’essayer d’aller au-delà d’une attitude qui demande aux autres
de rester où ils sont, en cherchant à convaincre, sous le parapluie de la loi qui
permet de jouer.
Les questions de la salle apportent des
contrepoints utiles : les minorités ne sont pas toujours des victimes. L’intolérance
se développe quand la condescendance crée la distance. Au sein de certains
groupes, la pression exercée sur ses membres peut être forte, ainsi l’autoségrégation
peut advenir.
Alors le
meneur de jeu Marc Semo, de
Libé, rappelle la formule de Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le
riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui
opprime, et la loi qui affranchit ». Les fondamentaux.
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